Dossier d’œuvre objet IM83003548 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, patrimoine religieux de Provence Verte Verdon
Ensemble des tableaux de l'hôtel-Dieu Saint-Jacques (56 donatifs, 3 portraits) et d'une plaque commémorative, Ecole de filles et salle d'asile, actuellement maison de la solidarité
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
  • (c) Provence Verte Verdon

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Rians
  • Commune Rians
  • Adresse 6 rue Jules Ferry
  • Cadastre 2017 AV 363
  • Emplacement dans l'édifice Maison de la Solidarité

Introduction et définition

Le donatif est un tableau commémorant un don fait à une institution charitable (hôpital, mont-de-piété ou charité) [référence du dossier : IM84002596]. Selon Madeleine Ferrières, il n’est pas commandé par le donateur, mais par l’établissement, le plus souvent à titre posthume, ce qui le distingue de l’ex-voto. Cet usage se serait répandu dès le début du 17e siècle, comme l’indique l’exemple du Comtat Venaissin (Vaucluse). L’appellation de donatif est propre au sud-est de la France. Cependant, l’usage n’est pas restreint à cette aire géographique. Ailleurs, on trouve le terme de « portraits de bienfaiteurs » pour qualifier ces toiles (par exemple en Bourgogne, à Toulouse). Il faut noter que le donatif ne se présente pas toujours sous la forme d’un portrait, comme en atteste la collection de l’hôtel-Dieu de l’Isle-sur-la-Sorgue ; ni sous la forme d’un tableau peint sur toile, bois ou carton, comme le prouve la présence d’une plaque commémorative en marbre parmi les donatifs riansais.

À Rians, il confère le statut de bienfaiteur au personnage cité ou représenté. Cette qualité apparaît comme une sorte de titre honorifique accordé par les recteurs de l’hôpital aux donateurs. Ainsi en 1764, les recteurs expriment « les sentimens de la plus vive reconnaissance dont [ils sont] penetres pour monsieur Verlaque bienfaiteur », ce qui les inspire « d’exposer au bureau qu’il seroit tres convenable de faire tracer son portrait pour etre placé ensuite a ce bureau et perpetuer le souvenir de ses bienfaits sur quoi ils demandent de deliberer. Le bureau a chargé les sieurs recteurs semaniers de faire tracer le tableau representatif dud sr verlaque pour etre ensuite placé parmi les portraits des bienfaiteurs de l’hotel. » En 1778, il est question de faire exécuter le portrait de Maurice Cabrol, recteur, « qui a si bien mérité des pauvres. » Le 3 décembre 1780, les recteurs exposent enfin « qu’il est de règle dans cette maison de placer dans le salon d’assemblée le portrait de tous les bienfaiteurs, et qu’il est ainsi convenable d’y placer celui de Mre Heraud recteur de notre dame l’annonciade nouveau bienfaiteur de l’hopital. »

Dans la majorité des cas, les recteurs ou administrateurs sont informés du legs après le décès du bienfaiteur. Les toiles sont donc commandées par l’hôpital, et réalisées à titre posthume. La plupart des toiles présentent de fait les dates de décès des donateurs. Cependant, il existe quelques cas exceptionnels de portraits peints du vivant du bienfaiteur.

Cas des toiles peintes "d'après nature"

La collection riansaise présente, pour le 18e siècle, deux cas de toiles réalisées « d’après nature », soit du vivant du donateur. La première représente Maurice Cabrol [référence du dossier : IM83003505], bourgeois de Rians et recteur de l'hôpital, qui institue l’établissement de son vivant comme héritier universel (testament nuncupatif du 11 novembre 1765). Les recteurs décident de faire peindre son portrait par le peintre "Rougiès", parmi 6 autres, lors de la séance du 17 février 1778. Le tableau retient toute l'attention des recteurs, voulant faire peindre "surtout celuy de Mre Maurice Cabrol pour avoir si bien mérité des pauvres par ses soins généreux et ses importants services." Le peintre est payé par mandat du 12 mai 1778, soit 10 ans avant le décès de Maurice Cabrol, le 11 avril 1788, ainsi que l'indique la date peinte sur la toile, ajoutée a posteriori, et le registre des délibérations (décès le 11 avril 1788, enterrement le 12 avril 1788).

La seconde toile, payée au peintre Joseph Amalbert par mandat du 7 octobre 1781, représente le chevrier Joseph Aillaud [référence du dossier : IM83003501]. Le portrait est peint à Rians « d’après nature » et il en coûte pour cela 24 livres (peinture du cadre comprise), soit 6 livres de plus que les deux autres portraits de la commande (18 livres chacun). Cette modalité pourrait s’expliquer par la nature du don, constitué d’un capital de 300 livres moyennant une pension viagère versée au donateur par l’hôpital : il prend effet du vivant du donateur. En effet, le registre des délibérations de l'hôpital mentionne régulièrement, les années suivantes (1785, 1787, 1789), le paiement d’une pension viagère annuelle de 15 livres à Joseph Aillaud. De fait, une partie du financement de l'hôpital provenait de capitaux aliénés par les donateurs en échange d'une rente viagère, que l'établissement leur versait de leur vivant. Ce sera également le cas du prêtre et administrateur Joseph Tranquille Gourin, qui laisse à l’hospice 3000 francs (acte du 21 juillet 1838) en échange d’une rente viagère annuelle de 100 francs, avant d’instituer un nouveau legs à sa mort (testament du 13 novembre 1846, évoqué durant la séance du 22 janvier 1850 alors que Gourin est défunt). Une inscription posthume ajoutée sur le tableau de Joseph Aillaud, indiquant la date du décès, vient confirmer la réalisation du portrait « d’après nature » : « JOSEPH AILLAUD BERGER obiit 29[ ?]â mart[…] »

Portrait de Joseph Aillaud.Portrait de Joseph Aillaud.

Certains portraits dont l’inscription ne présente pas de date de décès posent question. Est-on en présence d’une toile réalisée du vivant du donateur, où on aurait omis d’inscrire la date du trépas, ou est-ce que la date de décès était inconnue des recteurs ou administrateurs de l’établissement ? Ainsi le portrait de Louis Valentin Coquilhat [référence du dossier : IM83003507] ne présente-t-il qu’une date de naissance : « m.r coquilhat Louis Valentin, propriétaire, / né à Rians le 14. février 1769. » Celui du chanoine Thomassin [référence du dossier : IM83003476] indique : « Mes.re de Thomassin, / chanoine de St. Saveur. / prebandé a rians / decede en », sans plus de détails.

À ces toiles réalisées sous l'Ancien Régime, il faut ajouter le cas hybride du portrait de Bache Feraud réalisé en 1874, autre exemple de réalisation d'un donatif du vivant du bienfaiteur [référence du dossier : IM83003479]. L'œuvre témoigne du legs de la somme de 600 francs à l'hospice, par testament du 3 janvier 1880 (montant de deux créances dues au testataire). Elle est peinte en 1874 par l’artiste H. Lamberty, soit huit années avant le décès du donateur, survenu le 9 décembre 1881. Elle comporte une inscription formulée à la première personne remerciant l'hôpital de Rians. Cette reconnaissance était due aux soins que l’hôpital avait prodigué, durant de nombreuses années, au père du donateur. Par le fait qu'il exprime la reconnaissance du donateur, le portrait pourrait s'apparenter à un ex-voto, ce don émis à la suite d’un vœu exaucé, effectué par le donateur lui-même. Il présente également tous les traits d'un donatif : typologie et iconographie similaire aux autres portraits de la collection produits durant le dernier quart du 19e siècle, existence d'un legs et statut de donateur/bienfaiteur du personnage représenté, et surtout inscription posthume indiquant la date de décès. Ce cas illustre ainsi la parenté entre le donatif et l'ex-voto.

Portrait de Bache Feraud.Portrait de Bache Feraud.

Le portrait comme condition du don

La réalisation d'un portrait apparaît sous l'Ancien Régime comme une contrepartie implicite mise en œuvre sur décision de l'hôpital, visant à conférer au bienfaiteur un statut honorifique pour susciter la générosité d'autres potentiels donateurs. À partir de la seconde moitié du 19e siècle, la réalisation d'un portrait peut être explicitée par le donateur même, de son vivant, et peut même devenir une condition sine qua non du don. En effet, si c'est bien in fine l'établissement qui fait exécuter le portrait, la collection des donatifs riansais présente des cas de bienfaiteurs qui émettent la condition, pour leurs parents ou pour eux-mêmes, qu'un portrait soit réalisé et affiché dans la galerie de l'hospice en échange du legs.

Trois toiles illustrent ce fait. Le portrait d'Ursule Lucrèce Adélaïde Gayon est commandé par l'hospice suite à un don de 400 francs effectué par sa fille, Marie Caroline Magne [référence du dossier : IM83003481]. Cette dernière émet la condition que l'hospice fera exécuter à ses frais le tableau représentant sa mère pour le placer dans la galerie des portraits de bienfaiteurs de l'hospice (séance du 27 février 1866). La réalisation du portrait de Laurent Rebuffat [référence du dossier : IM83003499] fait suite à un legs de 250 francs (séance du 19 mai 1864, après le décès du donateur). Le testament stipule que le legs se fera à condition que l'établissement fasse exécuter "le tableau (...) fait d'usage aux bienfaiteurs." Enfin, le portrait de Jean Joseph Lanteaume [référence du dossier : IM83003511] est réalisé en conséquence d’un don de 300 francs, exposé par le donateur même de son vivant, durant la séance de délibération de la commission administrative du 22 mai 1859. Il indique que le don se fera "à la seule condition que si plus tard il entrait dans ses vœux de faire exécuter à ses frais et selon les formes voulues son portrait l'administration serait tenue de l'agréer et de le faire déposer parmi les tableaux des bienfaiteurs aux mérites desquels lui et sa dame demandent à Dieu d'avoir part (...)". La demande est acceptée par la commission, qui fait finalement elle-même exécuter le portrait en 1867.

Il existe enfin un cas de donatif « sur requête » dont la forme est imposée par le donateur. En 1874, Marie Caroline Magne fait don à l’hospice de 400 francs en mémoire de son père, Honoré François Magne. Elle émet plusieurs conditions, dont celle que l’établissement fasse « incruster » dans la galerie des portraits une plaque en marbre gravée du nom et des dates de naissance et de décès de son père (cette plaque est aujourd’hui conservée à la maison de retraite Saint-Jacques à Rians, référence du dossier : IM83003549). Les administrateurs demandent alors à la donatrice de modifier cette condition en permettant de faire encadrer la plaque pour pouvoir la suspendre au lieu de la faire incruster dans le mur, de peur qu’elle ne le dégrade. Leurs arguments traduisent une volonté esthétique d'homogénéité : « il n’y a pas d’appartement affecté aux plaques en marbre ». C’est également ce que traduit le compromis proposé : puisqu’il s’agit de la première fois qu’une plaque en marbre est amenée à être « rangée parmi les portraits des bienfaiteurs », il faudra à l’avenir mettre ce type d’objet dans des cadres en bois « conformes à ceux des portraits des bienfaiteurs de l’hospice. » On perçoit là une certaine réticence à faire évoluer la forme du donatif. Cependant, ils se heurtent au refus de la donatrice. En 1878, celle-ci ayant renouvelé ses intentions, les administrateurs, désireux d’accepter son don, reviennent sur leur décision : « considérant que si le souvenir des Bienfaiteurs de l’hospice s’est jusqu’à ce jour perpétué uniquement par des tableaux reproduisant leurs traits et appendus dans la galerie à ce destinée, l’apposition dans la même galerie de plaques commémoratives remplit parfaitement le même but. » Il est également admis que « (…) ce dernier mode paraît même présenter certains avantages au point de vue artistique (…) ». Quant à la question de la dégradation du mur, elle est également éliminée : le scellement d’un piton pour accrocher le cadre engendrerait les mêmes dommages au mur qu’une incrustation de la plaque, et l’achat du cadre générerait le même surcoût qu’un scellement dans le mur. Les arguments, en plus de leur composante économique obligée, gardent donc des aspects esthétiques. Si cette forme évoque l’ex-voto, son contexte de production reste celui du donatif. Ce type se généralisera par la suite, comme l’indique un inventaire réalisé durant la première moitié du 20e siècle, dénombrant 81 tableaux de bienfaiteurs et 7 plaques de marbre dans la salle des délibérations.

Ces donatifs « sur requête du donateur » sont donc le fruit d’une demande exprimée par donateur à l’occasion de l’annonce du legs, par exemple à l’oral, en assemblée (cas de Jean Joseph Lanteaume), ou à l’écrit dans le testament, sous la forme d’une condition (Laurent Rebuffat, Marie Caroline Magne pour son père François Honoré Magne et pour sa mère Ursule Gayon), pour l'un de ses parents ou pour lui-même. Il faut cependant noter que la commande et l’exécution du donatif demeurent à la charge de l’hospice (sauf pour le cas de Jean Joseph Lanteaume qui désire réaliser son portrait à ses frais).

Ce souci de s’assurer une reconnaissance posthume apparaît durant la seconde moitié du 19e siècle, peu avant que les montants des dons ne soient inscrits sur les toiles (cas des portraits réalisés par Jules Béguin en 1882 et 1900). À cette même période, le donatif peut prendre une forme nouvelle, celle d’une plaque commémorative en marbre. L'apparition de ces cas de donatifs « sur requête » témoigne-t-elle d'un phénomène dû à la sélectivité des portraits commandés, l’hospice étant contraint à l’économie ? Les archives hospitalières montrent que dès le 18e siècle, tous les bienfaiteurs ne bénéficiaient pas d’une représentation posthume sous la forme d’un donatif. Elles attestent en outre, pour la période moderne et contemporaine, de legs et de dons sans commande de donatif.

Le donatif n'est pas strictement réalisé à titre posthume : dans certains cas, le corpus riansais montre qu'il a pu être réalisé du vivant du donateur (peints « d’après nature »). À partir de la seconde moitié du 19e siècle, il peut occasionnellement être le fruit d’une volonté explicite du donateur ou de sa parentèle de voir son portrait figurer parmi ceux de la galerie, devenant ainsi un donatif « sur requête ». Malgré ces nuances, une commande d'un tableau ou d'une plaque à titre posthume par l'établissement charitable, ayant une fonction commémorative, reste la norme pour la majeure partie des donatifs riansais.

1 - La collection des donatifs riansais

La collection se compose de 56 portraits de bienfaiteurs, d'une plaque commémorative et de trois portraits dont le statut de donatif est incertain, représentant des personnalités liées à l’hospice et/ou à la municipalité de Rians, sans date de décès. Les donatifs se présentent sous la forme de portraits (si on excepte la plaque commémorative en marbre conservée à la maison de retraite Saint-Jacques). Leur réalisation s’échelonne de 1707 à 1900 (1908 et 1911 pour les trois portraits). La collection est remarquable par la continuité historique au sein de laquelle s’inscrit son témoignage. La réalisation des portraits débute une quarantaine d'années après la création de l’œuvre de la Miséricorde (1679), qui régit l’hôpital jusqu’à la Révolution. La collection donne à voir l’univers social de la charité et permet de documenter la pratique du donatif, et la population des bienfaiteurs. La production est majoritairement sérielle : 32 toiles sur 59 sont réalisées par lots. L’iconographie est relativement homogène et présente un modèle commun : portrait en buste avec inscription. Les variantes portent sur l’arrière-plan, la position et le contenu de l’inscription.

Les portraits ont appartenu à l’hôtel-Dieu ou hôpital Saint-Jacques de Rians, puis à l’hospice civil Saint-Jacques (1793), et enfin à la maison de retraite Saint-Jacques (1984). Avant d’être cédés à la commune de Rians vers 2009, ils étaient stockés dans une pièce de l’hospice faisant office de remise. Suite à la désaffection du bâtiment, ils sont dispersés entre le presbytère, une maison de Rians appartenant à la mairie, l'église paroissiale et la chapelle Saint-Enfant. La municipalité les regroupe durant les années 2000 et suite à la mise en vente de l’hospice, les stocke provisoirement dans le bâtiment du Centre Communal d’Action Sociale de Rians, ancienne école de filles et salle d’asile attenante. Etant donné la conservation dans un seul lieu de toutes les toiles et leur commune appartenance à la municipalité de Rians, il a été choisi d’intégrer au dossier d’étude trois portraits dont l'appartenance à la collection demeure incertaine, ainsi que quatre portraits sans inscription mais présentant le même type de représentation figurée que les autres donatifs. La provenance du reste des œuvres est attestée par les sources d’archives. La quasi-totalité des portraits produits à l'époque moderne ont été attribués par source. Cependant, les archives hospitalières de l'époque contemporaine conservent très peu de mentions de commandes de portraits : pour cette période, les toiles ont été datées par analyse stylistique, typologique et par signature, ou par datation relative en se fondant sur la date de décès indiquée sur la toile.

Description

Les tableaux sont tous peints à l’huile sur toile rectangulaire verticale, maintenue sur des châssis en bois (à clefs ou à écharpe pour la grande majorité). Etant donné la période représentée, les toiles présentent des qualités de fils et des types de tissage d’une grande variété. Les cadres, en bois, sont vraisemblablement tous contemporains des toiles et bronzinés pour la plupart. Ils sont ornés de moulurations simples jusqu’à la seconde moitié du 19e siècle (hormis pour le cas de deux portraits réalisés par le peintre Juramy et datés de 1814 et 1819, présentant des frises composées de rinceaux). L’ornementation du cadre devient plus chargée à partir de la seconde moitié du 19e siècle, avec décors de plâtre rapporté, peint doré avec motifs ornementaux.

Hormis quatre portraits sans inscription, les tableaux présentent tous une partie épigraphique où sont reportés les noms et prénoms des bienfaiteurs, mais aussi la plupart du temps leurs professions ou titres (ou celui de l’époux lorsqu’il s’agit d’une femme), et leurs dates voire leurs lieux de décès et plus rarement, de naissance. L’âge de la personne lors de son décès est fréquemment mentionné. La situation matrimoniale est parfois indiquée (veuve ou épouse pour les femmes, mais aussi bien que plus rarement, pour les hommes). Les inscriptions peuvent aussi mentionner les montants du don (portraits de la seconde moitié du 19e siècle), témoigner de la reconnaissance des recteurs ou administrateurs en énonçant la position du bienfaiteur vis-à-vis de l’hospice, ou louer son dévouement à l’établissement. Ainsi des portraits d’Antoine de Beaumont Saint Maurin [référence du dossier : IM83003483] et de Marguerite Thenard [référence du dossier : IM83003485]. Ce dernier portrait comporte une micro-biographie accompagnée d'une mention inédite de la nature du don, avant la généralisation de cet usage à partir de 1882 (portraits réalisés par Jules Béguin). Enfin, des maximes en latin composent certaines inscriptions des portraits réalisés au 18e siècle.

Portrait de Marguerite Thénard.Portrait de Marguerite Thénard.

Périodes de restauration

La collection a été restaurée à plusieurs périodes et de manière inégale, les tableaux les plus détériorés étant traités en priorité. En outre, la collection étant évolutive (nouveaux portraits ajoutés au fil du temps), les restaurations successives n’ont pas touché l’ensemble des toiles. Beaucoup d’œuvres présentent au revers des renforts de support textile de différentes natures (toile, papier et même papier absorbant de type essuie-tout).

Les sources signalent plusieurs restaurations : en 1745, restauration de portraits (avec commande du portrait du bienfaiteur Maurel aujourd’hui disparu et d’une gloire à placer au-dessus du maître-autel) ; en 1843, réparation d’anciens portraits dégradés (avec commande de plusieurs portraits de bienfaiteurs non identifiés). En 1867 survient une grande campagne de remise en état. Joseph Marc Gibert, directeur du musée et de l'école de dessin d'Aix, est chargé de restaurer tous les portraits de bienfaiteurs de l’hospice. La commande comporte la réparation des toiles, le nettoyage des peintures, les retouches, le revernissage, le montage et la fourniture de 54 châssis à clés, de petites réparations et le « bronzage » (application de bronzine ?) des cadres. La numérotation des châssis et de l’arrière des toiles au crayon à papier pourrait se rapporter à cette grande restauration : sur les 56 toiles étudiées, 42 possèdent un châssis à clés. En outre, des traces d’attaque d’insectes xylophages visibles sur les châssis, mais non sur les cadres, pourraient attester de la conservation des encadrements d’origine. Les dorures de la majeure partie des toiles présentent enfin des traces d’oxydation, signe de l’application d’une bronzine.

La municipalité de Rians a entrepris durant les années 2010 la restauration de quelques toiles, actuellement exposées en mairie.

Typologie

Les portraits présentent tous le même type : le personnage est représenté en buste, assis ou debout (jamais en pied), légèrement tourné de trois-quarts et occupe presque la totalité de la toile. À partir des ruptures stylistiques et iconographiques, on peut proposer une typochronologie.

Donatifs avec inscription « en médaillon »

Deux donatifs parmi les plus anciens, datés de 1707 et 1732 ( ?), représentant les « fondateurs » de l’œuvre de la miséricorde, présentent une inscription « en médaillon », se déployant dans un bandeau autour du personnage [références des dossiers : IM83003484 ; IM83003478]. Le portrait de Marguerite Delphine de Valbelle Tourves reprendra cette typologie en 1786, mais sans bandeau [référence du dossier : IM83003495]. Le donateur est figuré en buste.

Portrait d'Honoré de Gautier.Portrait d'Honoré de Gautier.

Les donatifs du 18e siècle : des représentations personnalisées (1714 – 1778).

 À partir de 1714, les donatifs présentent tous la même typologie : le personnage est représenté assis ou debout, avec une inscription placée en haut ou en bas de la toile, directement sur l’arrière-plan ou dans un bandeau, voire les deux. La plupart des bienfaiteurs bénéficient, au 18e siècle, de représentations « personnalisées » par des attributs, par exemple le pot à thériaque de l’apothicaire Honoré Roquebrune [référence du dossier : IM83003500], le paysage végétal du chirurgien Jean Verlaque [référence du dossier : IM83003474] ou le paysage avec troupeau du chevrier Joseph Aillaud [référence du dossier : IM83003501]. Dans tous les cas, chaque personnage porte les attributs et le costume se rapportant à son statut social.

Les portraits comportent pour la plupart deux inscriptions : une mentionnant le décès (parfois le titre et le nom), et une autre reportant une maxime ou une devise en latin ou en français.

Les donatifs et portraits « réalistes » (1814 – 1911).

Après la Révolution, la rupture est nette : les personnages ne sont plus représentés avec des attributs, leurs habits ne permettent pas de deviner leurs fonctions, hormis pour les clercs qui portent le costume ecclésiastique ou à l'exemple du portrait d'un capitaine en habit militaire décédé en 1873. Seuls les nœuds, voire la redingote ou ses boutons, laissent présumer du statut social du personnage. Les postures sont plus sobres, les arrière-plan homogènes (sauf pour Joseph Tranquille Gourin dont l’érudition est soulignée par une bibliothèque [référence du dossier : IM83003487]). Malgré leur appartenance à la bourgeoisie ou à l'ancienne noblesse locale, les donateurs donnent l'impression de former une société uniforme, sans disparités. Les représentations sont réalistes et globalement assez naïves.

Portrait de Marie Fléchon.Portrait de Marie Fléchon.

À partir de la seconde moitié du 19e siècle (1867), les portraits sont de plus en plus réalistes. Le bandeau de l’inscription disparaît. Jules Béguin impose son propre style, d’un réalisme photographique, avec des étiquettes ou cartouches en trompe-l’œil peints sur l’œuvre, mentionnant outre les informations classiques, le montant du legs ou du don.

Les signatures des peintres apparaissent plus systématiquement sur les œuvres. La première signature, discrète, est celle de Jean-Baptiste Sala, sur le portrait non daté de Joseph Tranquille Gourin : il ne signe cependant pas deux autres œuvres, attribuées par source (Marie Fléchon et Mme Barri née Vassal) [références des dossiers : IM83003510 ; IM83003494]. Par la suite, les œuvres présenteront les signatures des peintres Lamberty (1874), Jules Béguin (1867 ; 1882 ; 1900), Miani (1908 et 1911), et Carmagnolle (s.d.).

Portrait de Jean-Baptiste Joseph Daumas.Portrait de Jean-Baptiste Joseph Daumas.

Il faut aussi mentionner l'apparition, à partir de 1878, de plaques commémoratives en marbre parmi les donatifs. Enfin, les trois derniers portraits datés du dossier d’étude présentent quant à eux des inscriptions donnant les noms, prénoms et titres des personnages représentés, mais pas de dates de naissance et/ou de décès. Néanmoins, le lien des personnages avec l’hospice ou la municipalité (médecin, maire, administrateur de l'hospice) laisse présumer du statut de donatif des toiles [références des dossiers : IM83003544 ; IM83003545 ; IM83003546].

Portrait de Louis Alpheran.Portrait de Louis Alpheran.

Etude du corpus complet d’après les archives

Outre les donatifs du dossier d’étude, les portraits disparus peuvent être abordés par le biais des archives hospitalières, qui conservent des mentions de commandes et plusieurs inventaires du mobilier de l’hospice réalisés après la Révolution. Les donatifs actuellement conservés à Rians sont au nombre de 57, en dehors des portraits signés de Miani réalisés en 1908 et 1911 (3). Pour englober la totalité de la production, il faut ajouter à ce nombre 17 mentions de portraits de bienfaiteurs aujourd’hui disparus, donnant un total de 74 portraits dont les bienfaiteurs sont nommés et identifiés.

Cependant le nombre de donatifs était, si l'on en croit les inventaires du mobilier de l’hospice, encore plus élevé. Un inventaire sans date réalisé après 1906, puis réactualisé à partir des années 1950 (datation présumée par usage du stylo à billes), indique que la collection comprenait à cette période 81 tableaux de bienfaiteurs, et 7 plaques de marbre, soit 88 donatifs. Ces inventaires dénombraient les portraits sans toujours identifier les personnages représentés.

Date de l’inventaire

Nombre de tableaux de bienfaiteurs

1797

31

1821

36

1867

59

1906

76

1906 <> 1960

83

1906 <> 1960 nombre 83 actualisé au stylo bille sur le même document

88 dont 7 plaques de marbre

La collection est donc lacunaire, mais conserve près des trois-quarts des œuvres avec 57 donatifs sur les 88 recensés vers le milieu du 20e siècle.

2 – Les conditions de réalisation

Les artistes peintres

Avant la seconde moitié du 19e siècle, les toiles ne sont pas (ou très rarement) signées. C’est également ce qu’observe Madeleine Ferrières dans le Comtat, où les premières signatures apparaissent vers 1840. À Rians, 45 tableaux sur 59 ont pu être attribués, 33 par source d'archive et seulement 12 par signature. La population des peintres mobilisés était principalement aixoise, hors exception tretsoise avec des commandes conséquentes passées aux peintres Rougier et Amalbert durant la seconde moitié du 18e siècle. Autre exception, celle de Louis Senes, peintre de Cotignac auteur d’un portrait disparu. Certains de ces peintres œuvraient dans le cadre d'autres commandes, pour des localités du Var actuel.

Les peintres aixois qui officient sont Claude Arnulphy, André Bouisson (ou André Boisson), Jacques Carpenel, Barthélémy Lantelme, Antoine Courcelle, Juramy, Joseph-Marc Gibert. Cependant, la qualité et la facture des autres toiles attribuées à ces artistes n'est pas comparable avec celle des donatifs qu'ils auraient réalisés : les portraits de bienfaiteurs ont pu être peints par des élèves de ces peintres, au sein de leurs ateliers respectifs, ou encore leur moindre qualité s'explique par le manque de moyens financiers de l'hôpital.

Les peintres cités par les archives sont :

- Antoine Courcelle, peintre d’Aix, réalise 4 ( ?) donatifs et entre 1701 et 1707.

- Joseph Rougier, de Trets, réalise 9 portraits en 1778, et d’autres œuvres à Rians, Cotignac, La Roquebrussanne. Il est le beau-père du peintre Joseph Amalbert.

- Joseph Amalbert de Trets, apparenté par alliance à Joseph Rougier, réalise 7 portraits entre 1776 et 1785 et œuvre également à La Roquebrussanne.

- André Bouisson (ou Boisson), peintre d’Aix, réalise 1 portrait en 1714. Il est apparenté à Gilles Garcin qui est son beau-frère.

- Claude Arnulphy, peintre d’Aix, réalise un donatif en 1759.

- Jacques Carpenel, peintre d’Aix, réalise un donatif en 1764. Ce peintre participe par ailleurs aux décors peints de l’hôtel de Réauville (hôtel de Caumont) à Aix entre 1738 et 1745.

- Barthélémy Lantelme, peintre d’Aix, réalise un donatif en 1786. Il est principalement connu pour son activité de graveur.

- Juramy, peintre d’Aix, réalise 2 portraits en 1814 et 1819.

- Jean-Baptiste Sala réalise 3 portraits, dont 2 en 1837. Une quittance datée de 1832 indique qu’il réalisa un autre portrait non identifié.

- Joseph-Marc Gibert, peintre et directeur du musée et de l’école de dessin d’Aix, réalise 5 portraits en 1867.

- H. Lamberty réalise un portrait en 1874. Il pourrait s’agir d'un peintre du même nom, ayant réalisé des peintures monumentales dans les édifices religieux des Alpes-de-Haute-Provence durant le dernier quart du 19e siècle.

- Jules Béguin, chanoine (dès 1902) et aumônier de l’hospice de Brignoles, réalise 8 portraits en 1867, 1882, 1900. Il réalise de nombreuses peintures religieuses dans le Var.

- A. Carmagnolle réalise un portrait non daté.

- A. Miani réalise un portrait en 1908 et deux portraits en 1911.

Enfin, Louis Senes, peintre de Cotignac, exécute le portrait disparu du chanoine Antoine Casanove (ou Caseneuve) entre 1757 et 1763. Nicolas Barthélémy réalise les portraits disparus de François Brun de la Valère et Thomas Roux vers 1742 – 1743 et de Pierre Joseph Maurel en 1744 – 1745. Il pourrait s’agir d'un peintre actif à L'Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse) dans les années 1760.

Modalités de commande, d’exécution et de paiement

Déplacements des peintres

Certaines délibérations ainsi que la peinture d’après nature de quelques portraits indiquent que les peintres pouvaient être amenés à se déplacer pour exercer leur art. D'après la délibération du 17 février 1778, les recteurs veulent « porter [le peintre Rougier] à venir faire les portraits ». Le 4 juillet 1784, ils souhaitent « profiter du séjour » du peintre Amalbert pour la confection du portrait de la bienfaitrice Marguerite Nègre alors qu'elle est décédée. D’autres sont expédiés une fois terminés : le portrait de Jean Verlaque est envoyé par le peintre Carpenel d’Aix, dans une petite caisse comprise dans le coût de l’œuvre. Bien plus tard, en 1900, le peintre Jules Béguin expédiera ses tableaux, posthumes, par voie ferroviaire de Brignoles à Rians.

Coût des portraits

La volonté du commanditaire est d’aller à l’économie. En témoigne la délibération du 15 août 1775 durant laquelle le bureau décide de commander à Joseph Amalbert les portraits de quatre bienfaiteurs « à la meilleure condition que faire se pourra ». Les prix des portraits varient de 18 (tarif décroissant en raison d'une commande sérielle) à 24 livres au 18e siècle et au tout début du 19e siècle, mais peuvent occasionnellement être plus élevés (jusqu’à 30 livres pour Arnulphy et 36 pour Carpenel caisse d’envoi comprise). Sala est payé 25 francs le portrait en 1837, Gibert demande 100 francs le portrait en 1867. Les deux portraits Baille (frère et sœur) sont réglés à Béguin pour la somme de 123 francs.

Les copies

Plusieurs sources d’archives indiquent que les portraits étaient réalisés à partir de copies. André Bouisson, peintre aixois, réalise le portrait de feu Gaspard Coquilhat à partir d’un modèle fourni par le prêtre Coquilhat. Le 15 août 1775, une délibération indique que les recteurs demanderont aux héritiers de feu Madame Pena Roquebrune de leur fournir son portrait (donatif disparu). En 1786, le peintre aixois Lantelme doit exécuter le portrait de la marquise de Valbelle à partir d’une copie. Le 1er juillet 1814, suite au décès de Marguerite Thenard, les administrateurs de l’hospice commandent au peintre Jurami d’exécuter le portrait de la bienfaitrice « d’après la miniature » remise au peintre à l’occasion du déplacement de l’administrateur Verne à Aix. Certains portraits pouvaient également reposer non pas sur des copies, mais sur des descriptions. En effet, le 1er mai 1819, les administrateurs décident d’écrire au peintre aixois Jurami afin qu’il réalise le portrait du boulanger Joseph Dominique Thenoux, récemment décédé. La délibération précise qu’il faut lui « donner le signalement afin qu’il imite autant que possible la resemblance ».

Commandes sérielles

Outre le travail du peintre, les commandes peuvent comprendre le paiement ou la fourniture de la toile, du cadre et de sa peinture. Certaines toiles sont commandées en série, ou présentent un standard attestant d’une réalisation par un même peintre. En effet, sur les 59 toiles étudiées, 21 font partie de 6 commandes repérées dans les sources d’archives. Quatre autres séries ont été repérées par leur typologie identique (dimensions, cadre, graphie, présentation et placement de l’inscription, style, type de toile, coloris d’arrière-plan) laissant présumer soit d’une commande sérielle, soit d’une réalisation par un même peintre. Ces séries repérées par typologie concernent 9 toiles.

Les commandes sérielles peuvent aussi s’appliquer aux cadres, comme en atteste leur typologie ainsi que les sources d’archives (commandes aux menuisiers Jean André Rebuffat et Joseph Lachaud). Une commande de sept cadres pour tableaux survient en 1747. En 1776, le peintre Joseph Amalbert est tenu, en plus des quatre portraits à réaliser, de peindre tous les cadres des portraits de l’hôpital.

Au 18e siècle, les archives montrent que le décalage entre la date de décès du bienfaiteur et la date de réalisation de la toile est plus important : des portraits de bienfaiteurs décédés depuis une vingtaine d'années sont réalisés. Il pourrait s'agir d'une volonté de commander en lot par souci d'économie. Les portraits des « trois fondateurs » de l’hôpital (contemporains de la création de l'œuvre de la miséricorde en 1679) sont par exemple commandés : Honoré de Gautier, Gaspard Jaubert et Joseph Jaubert. En 1776 et 1778, les recteurs commandent en série des toiles de bienfaiteurs dont le décès s’échelonne entre 1700 et 1778. Bien que quelques portraits soient réalisés l’année du décès (Gaspard Coquilhat en 1714, Jean Verlaque en 1764) ou peu après, ce n’est qu’à partir de 1780 que les toiles commencent à être systématiquement réalisées durant les 3 années suivant le décès, puis à partir de 1867, durant les 10 ans suivant le décès. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’au 19e siècle, les administrateurs prévoient directement la dépense à l’occasion de l’acceptation du legs. La réalisation des toiles semble donc relever de l’opportunité : sous l'Ancien Régime, on commande lorsque le peintre est de passage, ou à l'époque contemporaine lorsque le budget le permet (legs assez conséquent ?).

4 - L'univers social de la charité

Historique sommaire de l'hôpital de Rians

Selon la première page du registre des délibérations de l'hôpital de 1753 à 1763, l'établissement charitable fût érigé par l'archevêque d'Aix en 1457. Les archives citent par la suite plusieurs "fondateurs" qui sont en réalité d'importants donateurs qui affectent leurs bien à un usage pieux et vont ainsi doter l'hôpital d'un capital économique. En 1550, le médecin Claude Garcin déclare l'hôtel-Dieu son héritier universel, d'après un extrait de son testament conservé dans les archives hospitalières. L'inscription portée au 19e siècle au-dessus de la porte principale de l'ancien hospice indique cette même date ("fondé en 1550"). Enfin, le registre de délibérations de la communauté de Rians (1896 – 1947) cite le "docteur Gassin" comme "fondateur" de l’hospice par son legs institué en 1550. Cependant, rien n’indique dans ce testament que le legs fût à l’origine des œuvres de l’hôpital et c'est la date de 1457 et la fondation par l'archevêque d'Aix qu'il faut ici retenir.

En 1616, l’hôpital était constitué de quelques personnes charitables secourant les malades, selon l’archiviste Rebuffat qui réalisa un inventaire sommaire des archives hospitalières vers 1890.

En 1679 est créée l'œuvre de la Miséricorde (ou compagnie, confrérie selon le texte original), qui se voit confier la régence de l'hôpital Saint-Jacques. Les prêtres Honoré de Gautier, Joseph et Gaspard Jaubert, contemporains de la création de l’œuvre, sont considérés comme les trois "fondateurs" de l’hospice d’après l’inventaire de 1821, probablement par les legs conséquents qu’ils ont pu laisser à l’établissement. L'établissement est autorisé et confirmé par lettre patente en 1760.

Sous l’Ancien Régime, l’hôpital achemine les enfants trouvés vers l’hôpital Saint-Jacques d’Aix, prend en charge les pauvres malades, les soldats malades de passage. Outre ces fonctions, il pourvoit aux besoins des pauvres par des distributions annuelles de vêtements ("cadix" ou cadis, un étoffe de laine) et de nourriture (pain notamment), dont le financement reposait sur les legs des bienfaiteurs. Il fournit également des dots pour les pauvres filles à marier, et finance des apprentissages pour donner un métier aux garçons. Il prête enfin de l’argent aux indigents. Il prend en charge et assiste les funérailles des membres de la confrérie et des bienfaiteurs. Au 18e siècle, il logeait en outre les pèlerins et les voyageurs de passage (achat d’une maison contiguë à cet effet, rue des pénitents blancs). L’hôpital est alors financé par des legs et des dons de personnes charitables, constitués d'argent ou de biens fonciers. Ces derniers (par exemple, moulins à Correns) lui assurent des revenus réguliers. Il effectue également des quêtes (par exemple, tronc de l'hôpital dans l’église paroissiale).

Après la Révolution, l’hôpital-Dieu devient l’hospice civil Saint-Jacques, régi par la commune. Ce ne sont plus des recteurs semainiers, mais des administrateurs qui se réunissent lors des assemblées. Malausse signale plusieurs changements dans la gouvernance de l'hospice. En 1840, l'établissement est confié aux Soeurs du Bon Pasteur de Draguignan, puis l'année suivante aux Soeurs de la Congrégation de Jésus Marie de Marseille. Ces deux congrégations se retirent rapidement après leur investiture. En 1853, l'hospice et l'école de filles retournent sous la gouvernance des Soeurs du Bon Pasteur de Draguignan.

Si le bâtiment de l'hôpital, présumé avoir été situé près de la chapelle disparue de Notre-Dame de l'Annonciade, existe dès le 17e siècle, un nouvel édifice est bâti entre 1701 et 1737, puis agrandi en 1778. Il s'agit de l'immeuble dit ancien hospice, actuellement attenant à la Maison de la Solidarité. En 1867-1868, l'hospice construit une école de filles et une salle d’asile à l’emplacement d’un jardin attenant. Il s’agit de l’actuel Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) ou Maison de la Solidarité où sont conservés provisoirement les donatifs. Le bâtiment principal sera occupé par l’hôpital, puis par l’hospice, et enfin par la maison de retraite Saint-Jacques jusqu’en 2007, date à laquelle cette dernière déménage dans ses nouveaux locaux, avenue du 19 août 1944. Le bâtiment de l'ancien hospice est vendu à un particulier en 2021 pour être divisé en plusieurs lots.

Le don en représentation : lieux d’exposition des donatifs

On a vu, dans le cas du donatif « sur requête », l’importance que le donateur ou sa parenté accordent au fait que la représentation posthume soit exposée parmi celles des autres bienfaiteurs. De même, au 18e siècle, plusieurs délibérations précisent le futur lieu d’exposition des portraits (1764, 1778, 1780), comme si cette destination était inhérente à la toile. La fidélité et la qualité de l’œuvre peinte, soit la représentation de la personne, semblent moins importantes que sa mise en scène dans la galerie des portraits, qui donne à voir aux yeux de tous l’accession du donateur au rang de personne charitable ou de bienfaiteur. Le donatif constitue une représentation du don : cette fonction prime sur la représentation de la personne et le donatif ne fait effet qu’à condition de figurer au sein de la galerie.

Dès lors, où étaient exposés ces portraits ? Les archives nous permettent de les situer au sein du bâtiment de l’hôpital. La première mention d’une commande de portraits, en 1703, indique qu’ils doivent être placés dans la salle du bureau. À cette date, un nouvel hôpital est en cours de construction. Il sera achevé vers 1737 et comportera une nouvelle salle du bureau. En 1778, dans le cadre d’un projet d’agrandissement, l’architecte Brun dresse le plan du bâtiment. Il pourrait s'agir de Jean-Ange Brun, ou de son frère cadet Esprit-Joseph Brun, tous deux architectes actifs à cette période. Au rez-de-chaussée est figuré un vestibule central donnant accès à un couloir conduisant à la salle du bureau, qui communiquait avec une salle des archives. Le 29 avril 1764, les recteurs délibèrent en faveur de l’exécution d’un portrait de bienfaiteur qui sera placé « à ce bureau ». En 1778, il est question d’exposer les toiles dans le salon où se réunissent les recteurs. Ce salon, qualifié de « salon d’assemblée » dans la délibération du 3 décembre 1780, est en fait la salle du bureau.

Enfin, d’après les inventaires du mobilier de l’hôpital, les toiles sont placées, en 1797, dans l’appartement où les administrateurs tiennent leurs assemblées. En 1821 elles sont au bureau, puis durant la première moitié du 20e siècle, elles sont partagées entre la salle ou salon des délibérations et le premier grand salon dit aussi galerie des portraits. Le lieu n’a ainsi pas varié, mais l’exposition des toiles s’est étendue à une autre salle prenant le nom de galerie.

Date de l’inventaire

Emplacement des tableaux dans l’hospice

1797

Appartement où les administrateurs tiennent leurs assemblées

1821

Meubles et effets qui sont au bureau

1867

Restauration Gibert (54) et confection de 5 portraits

1906

Salon des délibérations et premier salon

1906 <> 1960

Salle de délibération et premier grand salon ou galerie des portraits

1906 <> 1960 nombre actualisé au stylo bille

Salle de délibération et premier grand salon ou galerie des portraits

La localisation des donatifs dans les lieux réservés à la gouvernance de l’établissement traduit la position centrale qu’occupait le don et sa commémoration au sein de l'hôpital, puis de l'hospice. De fait, jusqu’au milieu du 20e siècle, l’économie des établissements charitables reposait essentiellement sur les dons et les legs.

Outre cet espace existaient des moments temporaires d’exposition, durant des temps cérémoniels, dans l’espace public. La fête Dieu constituait un moment privilégié où l’hôpital, sous l'Ancien Régime, était mis à l’honneur. En 1786-1788, les recteurs achètent 15 crochets destinés à être scellés sur les murs extérieurs de l’hôpital, où sont suspendus les tableaux les jours de la Fête Dieu et de l’octave. Le portrait du boulanger Joseph Dominique Thenoux, commandé suite à la délibération du 1er juillet 1814, doit être achevé avant la fête Dieu. Les toiles étaient ainsi exposées à la vue de tous les passants, formant une sorte de tableau d’honneur public. On prend alors toute la mesure du prestige social associé à cette représentation commémorative.

La nature des dons

Les formes en étaient multiples. Il pouvait s’agir de dons, terme s’appliquant le plus couramment à des versements de type numéraire effectués du vivant du donateur, ou de legs, survenant après le décès, stipulés par testament. La destination du don ou les modalités de son emploi n’étaient pas toujours précisées par le donateur ou légataire.

Les dons et legs pouvaient donc prendre une forme numéraire, ou de biens pourvoyeurs de rentes foncières annuelles : terres cultivées, bâtiments, etc. Il pouvait également s’agir de fondations. Le capital (argent ou biens) devait être redistribué annuellement aux pauvres ou aux malades dans le cadre d’actions charitables. La fondation d’Honoré de Gautier instituée en 1686 et active jusqu’à la Révolution, vise à donner « un métier à des garçons et doter des filles, les uns et les autres indigents ». Suzanne de Fabri, marquise de Rians, fonde une distribution annuelle de pain la veille de Noël. Les prêtres Berlus et Casanove fondent une distribution de "cadix" (cadis ou étoffe de laine) effectuée le 2 novembre, jour des morts. Les fondations de la marquise de Valbelle et du chanoine Casanove, toutes deux instituées pour habiller les pauvres, sont réunies en 1754. Léon Pena instaure en 1776 une distribution annuelle de 120 livres sous la forme de pain lors du jour de la Purification de la Vierge. Ces distributions pieuses se déroulent au cours de temps marqués par l’année liturgique.

Les dons pouvaient encore avoir lieu en nature. L’orfèvre Jean-Baptiste Lautier lègue ainsi, en 1842, huit doubles décalitres de blé annuels destinés à être pétris et distribués « à perpétuité dans le courant de l’hiver aux pauvres de cette commune ».

Plus rarement, le donateur lègue des créances qui lui sont dues et que l’hôpital va réclamer après sa mort. Il existe également des dons effectués du vivant du donateur en échange d’une rente viagère (annuelle, dans les cas de figure rencontrés).

Le donatif : un aspect de l'univers de la charité

L’usage, par l’institution charitable, de faire réaliser un donatif pour honorer un geste caritatif représente une des contreparties de la charité parmi d'autres. Ainsi, les fondations de messes anniversaires ou simplement les services religieux après décès, constituaient une condition plus courante des legs. Les testaments les mentionnent quasi systématiquement. L'existence de ces célébrations rappelle le contexte religieux dans lequel s'instituait l'œuvre charitable : les gestes des bienfaiteurs avaient pour principale fonction de leur prodiguer l'absolution. Le donatif, quant à lui, consacrait leur prestige au sein de la société locale : les différents portraits laissent transparaître l'appartenance des donateurs à un groupe social, et au travers des legs et des fondations se lisent différents usages sociaux de la charité. Il faut par exemple citer le premier legs à l’hôpital dont on a conservé la trace, celui du docteur Claude Garcin en 1550, qui institue l’hôtel-Dieu comme héritier universel, en prévoyant qu’une partie de la somme soit allouée à la constitution de dot pour marier des filles choisies parmi ses parentes. Il y avait donc, du moins au 16e siècle, un privilège particulier à tirer de cette fondation.

Les célébrations pour le repos de l’âme du donateur se poursuivent tout au long du 19e siècle. Par exemple, Marie Caroline Magne donne 400 francs à l’hospice en 1874 en échange de la célébration annuelle d’une messe solennelle de requiem en l’honneur de son père. À cette période, avant d’accepter une donation ou un legs, les administrateurs de l’hospice, devant justifier leurs comptes devant la préfecture, veilleront systématiquement à ce que le coût du service religieux demandé soit inférieur à celui du legs, c’est-à-dire qu’il demeure intéressant d’un point de vue pécunier, avant d’accepter une donation. Comme le souligne M. Ferrières, le donatif est donc réalisé dans un contexte économique favorable, c'est-à-dire à condition que le don soit assez conséquent.

L'ensemble des 56 donatifs et 3 portraits de l'hôtel-Dieu ou hôpital, puis hospice civil Saint-Jacques est conservé dans le bâtiment de l'école de filles et salle d'asile, actuellement maison de la solidarité, attenant à l'ancien hospice. La réalisation de ces œuvres s'étend de 1707 à 1911.

Peintures à l'huile sur toile rectangulaires verticales. Cadres en bois.

  • Catégories
    peinture
  • Structures
    • rectangulaire vertical
  • Matériaux
    • toile, support peinture à l'huile
    • bois
  • Précision état de conservation

    Ensemble en mauvais état.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune, Propriétaire antérieur : hôtel-Dieu, puis hospice de Rians, actuellement maison de retraite Saint-Jacques.
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler

Documents d'archives

  • Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790. Rians. 1560 - 1789. Archives départementales du Var : 2 MI 208 R1. Disponible en ligne : <https://archives.var.fr/arkotheque/consult_fonds/fonds_seriel_resu_rech.php?ref_fonds=19>. Date de consultation : 2021.

  • Rians. Hôpital Saint-Jacques. Inventaire sommaire des archives antérieures à 1790, approuvé le 29 mai 1890, 1890. Archives départementales du Var, Draguignan : 2 Mi 5.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1679 - 1697. 1679 - 1697. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - E 13.

  • Rians. Extrait de testament de feu mre gaspard jaubert pretre. 7 mars 1686. Archives communales, Rians : B 16.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1697 - 1720. 1697 - 1720. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - E 14.

  • Rians. Coppie de testament de mre Claude Garcin [Guiran ?] docteur en médecine dudit Rians. Pour les recteurs de l'hopital St Jacques du lieu de Rians, s.d. [17e siècle ?] Mention rajoutée dans le titre au crayon : 25 octobre 1550. Archives départementales du Var, Draguignan : B 1.

  • Fondation d'Honoré de Gautier pour donner un métier à des garçons et doter des filles indigentes, enregistrement des candidats : registre (1714 - 1790). 1714 - 1790. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - G 6.

  • Inventaire des papiers de loeuvre de la miséricorde de ce lieu de rians faict et dressé par messires estienne roquebrune et elzear bourges notaire royal dudit rians recteur dicelle en suite du pouvoir a eux donné par la délibération du bureau du 26 [?] dernier commencé le quatre septembre mesme année 1716. 1716. Archives communales, Rians : D 2.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1720 - 1743. 1720 - 1743. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - E 15.

  • [Comptes trésoraires de l'hospice de Rians. 1749 - 1760.] 1759 - 1760. Archives communales, Rians : E 113.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1753 - 1763 [E 17]. 1753 - 1763. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - E 17.

  • Etat des mandats addressés au tresorier de l'oeuvre de la miséricorde de ce lieu de rians depuis le 14 mars 1758. 1758 - ... Archives communales, Rians : non coté.

  • Fondation de la marquise de Valbelle et d'Oraison pour distribuer du cadis, enregistrement des bénéficiaires : registre 1760 - 1790. 1760 - 1790. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - G 9.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1763 - 1776. Archives communales, Rians : B - E 18.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1776 - 1789. Archives communales, Rians : B - E 20.

  • Délibérations du bureau de l'hôpital de la commune de Rians, 1789 - 1823. Archives communales, Rians : non coté.

  • Registre des délibérations de la commission administrative de l'hospice de Rians. 1823 - 1862. 1823 - 1862. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 / 80.

  • Mandat de paiement, hospice de Rians, exercice 1832. Archives communales, Rians : non coté.

  • Registre des délibérations de la commission administrative de l'hospice de Rians. 1863 - 1891. 1863 - 1891. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 / 81.

  • [Extrait des registres des délibérations de la commission administrative de l'hospice civil de la commune de Rians (Var). Cession d'un capital.] 2 octobre 1834. Archives communales, Rians : non coté.

  • Extrait des registres des délibérations de la commission administrative de l'Hospice Civil de la Commune de Rians [1837]. 12 février 1837. Archives communales, Rians : non coté.

  • Hospice de Rians. Détail des mandats conformes au budget. 1837. 1837. Archives communales, Rians : non coté.

  • [Compte de gestion de 1843, hospice de Rians.] 1843. Archives départementales du Var, Draguignan : 1 X 114.

  • Commune de Rians. Acceptation d'un legs de mille francs fait à l'hospice. Dame Magne Marie Caroline Veuve Pailheret. N°2056. Hospice Civil de Rians. Sous-Préfecture de Brignoles. 24 avril 1880. Archives communales, Rians : non coté.

  • N° 2128. Acceptation d'un legs de 600 francs fait à l'hospice de Rians. Feraud Bâche. Préfecture du département du Var. 9 novembre 1882. Archives communales, Rians : non coté.

  • Registre des titres de recettes et les quittances à l'appui. Bourrely Ms secrétaire de l'hospice de Rians. 1er janvier 1897. 1899. 1900. 1897 - 1900. Archives départementales du Var, Draguignan : H dépôt 35 - 162.

  • [Liste avec montants des legs, services religieux associés et nom des donateurs de l'hospice de Rians - Var.] s.d. [après 1880] Archives communales, Rians : non coté.

  • [Cahier des correspondances de l'hôpital de Rians.] 1898 - ... Archives communales, Rians : non coté.

  • MALAUSSE, Louis. Rians, histoire de ses seigneurs, de sa communauté et de son église, 1938 - 1942. Tapuscrit. 2 tomes. Archives de la Société des Amis du Vieux Toulon : fonds Malausse.

  • CAMART, Paule. Hôtel-Dieu Saint-Jacques. Délibérations de l’œuvre de la Miséricorde. 1679 – 1793. s.d. [vers 2000 ?] Archives communales, Rians : non coté.

Annexes

  • Extrait de la transcription de l'inventaire général du Linge, meubles et effets de l’hospice dressé le 17 juillet 1821 : tableaux des bienfaiteurs
  • Liste des donatifs disparus de l'hôtel-Dieu ou hôpital, puis hospice civil Saint-Jacques de Rians
Date d'enquête 2021 ; Date(s) de rédaction 2021
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
(c) Provence Verte Verdon
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