1. Historique
1.1. La première église Saint-Martin, sur la colline éponyme
Vue rapprochée de la cour du fort de Savoie : les embases des colonnettes de l'ancienne église paroissiale Saint-Martin sont visible dans l'appareil.D'après Achard qui écrit en 1788, la première paroisse, et par conséquent la première paroissiale, était située sur une colline portant le nom antique du dieu de la guerre Mars (Collis Martis) : la ville de Colmars "étoit autrefois divisée en plusieurs parties, dont la principale étoit sur le côteau, où l'on trouve encore les débris de l'ancienne paroisse". Christine Rathgeber confirme cette hypothèse en écrivant que le premier noyau villageois se trouvait sur le promontoire Saint-Martin et que vers 720-730, "les premières populations christianisées du lieu y construisirent une collégiale dédiée à saint Martin". Ce même auteur mentionne le capitoul de 1296 qui précise que le village de Colmars était divisé en deux quartiers : le premier sur la colline Saint-Martin, comptant 126 feux au moins, le plus important, le second seulement 84 feux.
La première église paroissiale de Colmars se trouve donc sur la colline où se trouve aujourd'hui le fort de Savoie : dans les pouillés du diocèse de Senez, on trouve ainsi mention, dans le compte de décimes, en 1300, à Colmars, d'une ecclesia de Collomarcio, puis à nouveau en 1376 et en 1564. Cette église primitive est détruite, au moins partiellement, en 1576. Deux prix-faits passés en novembre 1576 commandent d'une part la démolition complète du clocher et la descente précautionneuse des cloches et, d'autre part, la démolition partielle de l'église. Le "perrier de Colmars", chargé des travaux, doit démolir son toit, sa charpente et ses murs mais seulement jusqu'à hauteur des fenêtres, en préservant le parvis de l'église. Dans sa visite de 1700, au sujet de cette église, l’évêque écrit que « l’ancienne église paroissiale qui était sous le titre de saint Martin [avait] été démolie longtemps devant l’année 1582, puisque mgr Jean Clausse fesant [sic] sa visite épiscopale à Colmars cette année là impute cette vieille démolition aux guerres précédentes ».
A l'emplacement de cette première église, entre 1693 et 1696, Richerand, directeur des fortifications du Dauphiné, responsable de la place de Colmars, fait édifier le fort Saint-Martin (actuel fort de Savoie, référence : IA04000047) et, pour ce dernier, il est contraint de détruire l'église du même nom. D'après les plans de Vincennes (Vincennes, art. 8, carton 1), le mur gouttereau sud-ouest de l'église aurait servi de fondation à un tronçon de l'enceinte de la partie basse du fort, des embases de colonnettes, sans doute du chœur, sont encore visibles dans la cour.
1.2. Dans le village bas, l'église Saint-Jean
Dans le bourg, un peu avant 1300, a été érigée l'église de Saint-Jean sur la commande Bérard de Chamberony, notaire de Colmars, à l'emplacement de l'actuelle église paroissiale Saint-Martin. Cela est mentionné dans la visite pastorale de 1700, Me Chamberony fait bâtir "cette église de St-Jean qui est devenue aujourdhuy la Paroisse". En 1530, on sait qu’une nouvelle église est construite ou que l’église Saint-Jean est agrandie par Mathieu d'Anvers, sculpteur et architecte flamand. Cette (re)construction est donc contemporaine et sans doute corrélative du renforcement des fortifications médiévales de la ville réalisées sous le règne de François 1er.
C'est Mathieu d'Anvers, sculpteur et architecte flamand qui est chargé de cette édification ainsi qu'en témoignent les deux inscriptions portées sur la porte de la façade nord de l'actuelle église paroissiale. Il s'agit d'une porte de l'ancien édifice en remploi, replacée au même endroit que celui auquel elle se trouvait . A gauche, l'inscription est lisible sur l'imposte : "ANO MUDI / 73 / NOBILIS UNI/VERSITAS COLLI / FIERI FECIT" (Anno mundi 6730 nobilis universitas Coll[mari]i fieri fecit), soit : "l’an depuis la création du monde 6730 la noble communauté de Colmars a fait faire" ; à droite, une autre inscription gravée dans la pierre en pendant : "ANO XPI 1530 / MATHEUS TEUTO/NICUS DAVERS / STRUXIT / AL OM BETER" (Anno Christi 1530 Matheus Teutonicus d’Anvers struxit al om beter), soit "L’an du Christ 1530 Mathieu Deutsch d’Anvers a construit", cette dernière inscription en latin est suivie d'une phrase en flamand "tout est pour le mieux". Et, d'après Monseigneur Soanen en 1718, on y célébre bien le service divin en 1551.
Cette nouvelle église Saint-Jean est détruite par le grand incendie de Colmars le 8 août 1672, Mgr de Villeserin dans son récit de l'incendie rapporté par MZ Isnard écrit : "je me fis conduire ensuite à la grande église où il n'estoit absolument rien demeuré que quelques restes de murailles toutes calcinées ; tous les autels, les tabernacles, les tableaux estoient bruslés et démolis, et le feu avoit esté si violent que les fonts-baptismaux, qui étoyent faits d'une pierre fort dure et fort épaisse, étoyent réduits en cendre".
1.3. L'actuelle église paroissiale Saint-Martin
L'église est à nouveau rebâtie, au même emplacement, en 1683, par le maître-d'œuvre Pierre Routhier. Elle apparaît ainsi sur le plan de la ville dessiné par l'ingénieur Niquet en 1690. Un prix fait stipuleque le chantier fut confié le 25 aout 1681 à "Pierre Routhier maistre esculpteur de la ville de Castelanne [pour] faire et parfaire l'église paroissiale", Pierre Routhier qui porte aussi le titre (dans une quittance de paiement ) de "maître entrepreneur". Cette nouvelle église est bien construite "en lieu et place où [elle] était avant l'incendie" mais de dimensions plus importantes.
Dès le prix-fait, apparaît un autre maître-maçon, de Montferrat (83?), Pierre Agneau (aussi nommé Pierre Agnel), auquel Pierre Routhier délègue la gestion du chantier, il est "procureur" de Pierre Routhier (Pierre Routhier a donc fait une procuration à Pierre Agneau pour agir en son nom). C'est ainsi ce dernier qui passe les commandes, règle les quittances et dirige le chantier sur place. Pierre Agneau "en qualité de procureur de Pierre Routhier" a par ailleurs commandé par prix-fait à Honoré Barbaroux, maître menuisier de Colmars, la réalisation du "couvert" de l'église. Celui-ci est payé en 1685 (cf. quittances de paiement).
Le pilier sud entre la troisième et la quatrième travée de la nef porte la date de 1683 gravée sur une pierre, côté nef.
1.4. Statut de paroissiale et vocable
La question de la date du transfert du statut de paroissiale depuis l'église ou collégiale Saint-Martin du hameau haut au village actuel ne peut être tranchée de manière définitive ; de même que la question du transfert de vocable.
Concernant le statut de paroissiale, d'après la visite pastorale de Monseigneur Soanen en 1718, on peut affirmer que cela s'est produit avant 1551. Avec la prédominance de l'implantation basse à la fin du 14e siècle, on pourrait considérer que la nouvelle église édifiée en 1530 sous la titulature de saint Jean prend, dès sa consécration, le statut de paroissiale.
Concernant le vocable de l'église, d'après le registre des délibérations du Conseil de communauté, l'assemblée se réunit le 18 juillet 1628 dans l'église "Saint-Jehan", puis en 1700, dans une visite pastorale, l'évêque mentionne à nouveau l'église Saint-Jean « qui est maintenant celle de la Paroisse, rebâtie et bénie depuis deux ans ». En revanche en 1718, elle est mentionnée sous celui de Saint-Martin. Entre 1693 et 1696, l'ancienne paroissiale, située sur la colline, a été détruite pour l'édification du fort. Ainsi le vocable a peu de temps après été adopté par la nouvelle paroissiale au centre du village.
1.5. Les travaux à la période moderne
En 1769, le toit "dont partie était couverte de malons et partie de planches" s'effondre suite à de fortes chutes de neige.
En 1816, une délibération du conseil municipal vote des réparations à faire à l'église paroissiale et leur financement pour une grande part par l'Etat : le culte avait en effet été transféré à la chapelle Saint-Joseph "attendu l'occupation de cette église [paroissiale] pour l'approvisionnement des denrées de siège de cette place, laquelle a occasionné à ladite église des dégradations considérables qu'il est indispensable de réparer pour pouvoir y rétablir l'exercice du culte". L'église paroissiale semble, d'après les archives, vraiment en très mauvais état après les conflits révolutionnaires, elle a été occupée à des fins militaires, parfois civiles et en a été très dégradée.
En 1842, le conseil municipal vote des réparations urgentes : il s'agit notamment de refaire toute la toiture en bardeaux de mélèze, les forêts communales sont mises à contribution.
En 1897, d'après les comptes de la fabrique, la toiture et le crépissage de la "petite nef" (bas-côté) sont refaits. En 1884-85, toujours d'après les comptes de la fabrique, la toiture de bardeaux est à nouveau entièrement refaite pour la "grande toiture", une délibération du conseil municipal de 1883 mentionne le "don d'une quantité d'arbres essence mélèze pris dans la forêt commune de Monnier" pour aider au financement de ces travaux.
En 1841, l'église est décrite par l'évêque "dans un état satisfaisant de décence" l'exception du pavement qui n'est pas totalement couvert de plancher". Ce plancher de mélèze a été réalisée en 1838 "afin de la rendre moins humide et plus saine" (cf. délibération du conseil municipal du 13 mai 1838). Dans la visite de 1858 le plancher est "à peu près neuf".
En 1874 la petite porte est réparée.
Toujours d'après la visite pastorale de 1876, des travaux sont effectués dans le choeur entre 1873 et 1876 : pour placer le nouveau vitrail de l'immaculée conception et du Sacré-Coeur, "il a fallu ouvrir en plein la fenêtre du fond du choeur et abaisser de 80 centimètres le grand tableau ; puis en 1874, "le fond du choeur a été peint en couleur" et "un banc à panneaux pour les chantres a été ajouté au choeur".
En 1957, le conseil municipal décide de refaire la toiture de l'église : les travaux sont financés par l'Etat, la participation de la commune consiste en la fourniture complète du bois, sans versement d'argent.
En 1977, le conseil municipal décide de remplacer le plancher par du carrelage "sur hérisson de pierres du Verdon". En 1990, les travaux sont achevés pour la nef et le bas-côté ; en 1994 pour le choeur.
En 1990-91, la réfection de la toiture est entreprise en deux tranches. En 2007, la toiture est à nouveau restaurée avec renfort et modification de la structure des fermes ainsi que soutien des appuis de la charpente par des plots de béton. La couverture est également refaite avec les tuiles écailles.
En 1989, est engagée la réfection du sol de la nef et du bas-côté. Les derniers travaux de restauration datent de 2008 avec une nouvelle révision de la couverture, la réfection du sol du choeur ainsi que celle des murs de la nef et du bas-côté.
Concernant le clocher :
Le clocher ne comportait initialement qu'un seul niveau, il a été surélevé en deux fois : une première fois de 4,5 m en 1648 et à nouveau en 1846. En 1909, le conseil municipal décide de l'achat d'une nouvelle horloge publique (en 1912 elle doit déjà être réparée). En 1939, conformément à une commande du conseil municipal, M Ferrero, horloger à Digne s'engage à installer sur le clocher de l'église "quatre cadrans lumineux peints de 1m10 de diamètre" en remplacement de l'ancienne horloge. En 1982, les façades et la couverture du clocher sont restaurés (cf. délibération du Conseil municipal du 17 avril 1982).
Concernant la sacristie :
Prise dans la muraille d'enceinte du bourg de Colmars, premier niveau d'une des quatre tours bastionnées légères à trois niveaux percées de créneaux de fusillade, elle est construite par Niquet entre 1690 et 1693, soit ex nihilo soit par allongement d'une tour préexistante. Cette "tour de la sacristie" flanque à droite, un tronçon de courtine rectiligne vraisemblablement construit par Niquet en avant du mur gouttereau de l'église pour soustraire celle-ci aux coups direct d'un assaillant. Jusqu'en 1690, il semble que l'église ait fait partie de l'enceinte (cf plan de Niquet de 1690)
2. Les armoiries de Colmars
Le pilier sud de la nef, entre la troisième et la quatrième travée, celui-là même qui porte sur sa face nord la date de 1683, porte également, sur sa face ouest cette fois, d'anciennes armoiries qui pourraient être celles de la ville de Colmars.
Pilier de la nef : détail, armoiries de la ville de Colmars.
La chapelle des pénitents gris de Saint-Joseph (Référence : IA04000123), construite à quelques rues dans les mêmes années (dans la 2e moitié du 17e siècle), porte sur la façade des armoiries auxquelles il semble intéressant de comparer celle de l'église paroissiale : elles sont similaires à l'exception de l'animal au centre de l'écu.Armoiries de la ville de Colmars, chapelle des pénitents gris.
On trouve également des armoiries au-dessus de la porte de France : l'écu est de même forme que celles de l'église paroissiale mais les meubles ont été bûchés.Armoiries de la ville de Colmars, Porte de France, plaque commémorative au-dessus du passage.
Ainsi la forme de blason de l'église paroissiale qui pourrait de prime abord être interprétée comme un écu en forme de chanfrein de cheval, pourrait en fait être l'évolution de la targe italienne (la française n'était échancrée qu'à droite pour laisser passer la lance) qui influence beaucoup la forme de l'écu porteur d'armoiries en Italie. L'influence italienne, si proche à Colmars, est donc ici clairement illustrée. La sangle figurée à l'arrière est sans doute la guigue par laquelle le cavalier suspend son bouclier lors de la bataille.
Au cours du 18e siècle, les armoiries évoluent : Achard les décrit ainsi "d'or à un monde d'azur bandé et croiseté d'argent". Au 19e siècle, étonnamment, les lettres COL ne sont pas mentionnées alors qu'elles réapparaissent au 20e siècle : "d'azur à un monde d'argent, croisé du même, chargé de la lettre O de gueules, adextré de la lettre C d'or, et senestré de la lettre L du même".
A noter que l'entrée principale de l'église paroissiale porte un blason bûché aujourd'hui illisible. Selon le prix-fait de 1681, il s'agissait d'un blason portant à l'origine les armoiries du comte de Grignan, alors gouverneur de Provence qui a fait un don de mille livres pour aider la communauté de Colmars à financer la construction de son église. Les armoiries sont sans doute été buchées à la Révolution.
3. Description
Plan : église paroissiale Saint-Martin et chapelle Notre-Dame-des-Grâces.L'église paroissiale de Colmars se trouve dans le bourg, à l'intérieur des remparts, complètement au sud et, pour partie, au sein même de ces fortifications. Le bas-côté sud ainsi que la sacristie sont en effet parties intégrantes du mur d'enceinte de la ville. Le bas-côté est surmonté d'une partie du chemin de ronde percé de créneaux de fusillade. La sacristie est quant à elle située au rez-de-chaussée d'une tour de défense à trois niveaux également percée d'ouvertures pour le tir.
La chapelle des pénitents Notre-Dame-des-Grâces (Référence : IA04000122) s'élève perpendiculairement à l'axe de la paroissiale, au niveau de la quatrième travée, au nord sans que ne soit visible aucune communication interne entre les deux édifices.
L'église est construite en moellons de grès avec inclusion de galets, chaînage en pierres de taille pour les contreforts de l'élévation nord, du chœur et pour la tour de la sacristie et le clocher. Les murs ont un enduit à pierres vues, sauf pour le clocher dont l'exhaussement présente plutôt un enduit lisse. Les matériaux de couvertures sont différents selon les parties, il ne s'agit probablement pas partout des mêmes matériaux qu'à l'origine. La nef possède un toit à longs pans couvert de tuiles écailles, même matériau pour le chevet pour un toit polygonal ; en revanche le toit en pavillon du clocher est couvert de tuiles écailles vernissées formant un motif de croix ; la tour de la sacristie est quant à elle couverte de bardeaux de mélèze.
L'édifice est orienté. L'église présente un plan allongé, légèrement désaxé, à un seul bas-côté, au sud qui se termine par un mur plat. Le chœur, asymétrique, présente cinq pans. La sacristie ouvre sur le pan nord du chœur : on y accède en traversant le rempart, par une petite pièce voûté d'arêtes, dont le mur percé d'une meurtrière porte également un lavabo de pierre.
La nef comporte quatre travées barlongues voûtées sur croisées d'ogives, le bas-côté au sud est composé de quatre travées également mais il est couvert d'une voûte d'arêtes, il est séparé de la nef par des arcades en plein cintre. Le chœur est pentagonal et couvert d'ogives rayonnantes à six branches (en éventails), il ouvre sur la nef par un doubleau en cintre surbaissé.
L’élévation nord de l’église est scandée par quatre contreforts.
La nef présente une élévation intérieure très simple à un seul niveau. Le chœur est éclairé par une baie axiale fermée d’un vitrail. La nef n’est ouverte que côté nord (le côté sud étant pris dans les murailles) : par les deux portes et par trois baies en plein cintre avec encadrements en pierre de taille.
La sacristie
La sacristie, de plan barlong, est située au premier niveau de la tour de la sacristie, partie intégrante du système de défense de Colmars. On y accède par une petite pièce voûté d’arêtes, à l’intérieur des remparts, ouvrant d’une part sur le pan sud du chevet et sur l’extrémité ouest du bas-côté d’autre part. Cette pièce est munie d’un lavabo en pierre, pris dans l’épaisseur du mur ouest, sous une baie.
La sacristie est voûtée en berceau plein-cintre à lunettes. Elle est éclairée par deux archères monolithes, à l’ouest et à l’est.
Le clocher
Le clocher se dresse à l’aplomb de la petite pièce d’accès à la sacristie. Il est érigé en appareil de moellons avec enduit à pierres vues et chaînage d’angle en pierres de taille.
De plan carré, ce clocher-tour présente une élévation scandée de trois bandeaux. Les baies des différents niveaux ont été murées à l’exception de celle du dernier niveau où sont visibles les cloches. Des horloges sont placées à l’emplacement des baies de l’avant-dernier niveau.
Photographe de l'Inventaire, région Sud-Paca.