Dossier collectif IA04003146 | Réalisé par
Buffa Géraud (Enquêteur)
Buffa Géraud

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.

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Sauze Elisabeth (Enquêteur)
Sauze Elisabeth

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.

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Mosseron Maxence (Rédacteur)
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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  • inventaire topographique
maisons du Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    maison
  • Aires d'études
    Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var

I. Définition du corpus et territoire d'enquête

1. Terminologie

Selon les termes du Thésaurus de l’architecture, la maison désigne tout « Édifice à usage d’habitation monofamiliale, ne présentant pas les caractères des autres formes spécifiques de la demeure (château, hôtel, etc).1»

2. Corpus

L’étude prend en considération l’habitat vernaculaire. Elle laisse donc de côté ce qui ressortit au logement pavillonnaire. Les maisons de villégiature quant à elles, bien qu’elles attestent localement un phénomène ancien (essentiellement dans la première moitié du 20e siècle), n’ont pas non plus été retenues car elles désignent une autre nature d’habitat, déconnectée du mode de vie et de l’économie traditionnels en vigueur de façon exclusive jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Une grille de description morphologique propre a été mise en place, décrivant :

- la ou les fonction(s) visible(s) du bâtiment,

- la présence éventuelle et la caractérisation des espaces libres,

- la mitoyenneté,

- les matériaux principaux et secondaires et leur mise en œuvre,

- la forme du toit et la nature de la couverture et de l'avant-toit,

- le nombre d'étages visibles,

- la description des élévations et des baies,

- les décors extérieurs,

- les aménagements intérieurs (escalier, cheminée, cloisons…)

- les inscriptions historiques : dates portées, inscriptions…

Cette grille de repérage a donné lieu à l'alimentation d'une base de données destinée à faire un traitement statistique et cartographique. À l’issue de l’enquête, 3 234 maisons ont été prises en compte, exception faite des maisons de villégiature, et 501 ont fait l’objet d’un dossier, dont 462 dossiers individuels soit environ 14,3 % du corpus retenu. Les maisons repérées représentent 47,2% du bâti INSEE (bâti de 1975, année de référence).

3. Le territoire d'enquête

Selon le parti adopté lors de l'analyse du Pays, le territoire a été partagé en quatre secteurs liés aux quatre principaux cours d'eau irriguant ce dernier (voir REF=IA04002138). Il s'agit des vallées d'Asses (avec les trois affluents de l'Asse : l'Asse de Blieux, de Moriez et de Clumanc), le haut Verdon, le moyen Verdon et le bassin versant du Var. Ce découpage n'est pas indifférent car on verra qu'il permet d'identifier des variations constitutives de l'identité spécifique de chacun d'entre eux, avec des modulations liées à des influences propres. Cela entraîne des déclinaisons au sein du groupe correspondant à la maison provençale auquel se rattachent les maisons du Pays (voir ci-dessous).

II. Présentation historique et évolution

Les maisons observées ne sont pas antérieures à la fin du moyen âge, en tout cas dans leur intégrité repérables. Les plus anciennes encore en place remontent au 16e siècle, certaines sur un substrat plus ancien comme à Annot ou à Castellane où l'habitat s'est figé tôt au sein d'enceintes successives, voire un peu plus tard comme à Entrevaux. Les incendies, qui n'ont pas épargné le territoire, ont conduit à la reconstruction totale ou partielle de plusieurs villages. Ainsi à Colmars et Villars-Colmars dans le dernier tiers du 17e siècle, ou à Allos au début du 18e siècle, pour ne citer que ces seuls exemples parmi d'autres.

Le développement de certaines agglomérations parmi les plus importantes mais pas seulement permet d'identifier très clairement les diverses strates historiques d'implantation du bâti, du centre vers la périphérie, avec l'existence de certains quartiers - des faubourgs -, à plus forte raison lorsqu'une enceinte encore en place imposa une édification extra muros.

Dans l'ensemble les maisons reflètent un état du 19e siècle qui a pu évoluer au fil du temps notamment en ce qui concerne les aménagements et surtout la distribution intérieure, qui traduit pour l'essentiel des interventions de la première moitié du 20e siècle voire du tournant du 21e siècle dans le meilleur des cas. Les modes de mise en oeuvre du bâti, y compris pour les maisons, ont très peu varié jusqu'au 20e siècle. Jusqu'alors le recours à des matériaux locaux constituait la marque de fabrique des maisons comme du bâti d'une manière générale sur le territoire. A partir du début du 20e siècle l'usage progressif des matériaux modernes tels que le ciment et le parpaing artisanal puis de béton dans la maçonnerie, la tôle, le ciment-amiante en couverture, ainsi que de certaines techniques comme les entrevous sur poutrelles métalliques en couvrement des parties basses de la maison ou encore la tyrolienne en enduit de couvrement des façades, devient ponctuellement visible.

Souvent, les maisons situées en écart conservent les dispositions les plus anciennes car elles ont dans une moindre mesure en effet été sujettes aux évolutions successives bien que filtrées du confort moderne par rapport à celles situées dans les villages, ces derniers étant davantage perméables et reliés au monde extérieur.

Alignement de maisons rue Nationale à Castellane.Alignement de maisons rue Nationale à Castellane.Maisons formant rempart à La Rochette, comportant cinq niveaux et plus.Maisons formant rempart à La Rochette, comportant cinq niveaux et plus.

Maison à deux étages de type partie agricole en partie basse, à Champagnel (Chaudon-Norante).Maison à deux étages de type partie agricole en partie basse, à Champagnel (Chaudon-Norante).

III. Description et analyse du bâti

1. Caractéristiques générales de la maison dans le Pays

La maison en hauteur est la maison typique des pays méditerranéens, adaptée à l’économie agropastorale fondée sur des exploitations modestes en surface de foncier et des troupeaux constitués d’un nombre réduit de têtes. Accueillant les hommes à l'étage et le bétail en bas, elle est l'unité de base des îlots de bâtiments. Son omniprésence et ses caractéristiques structurent la trame du tissu urbain et génèrent en même temps la dispersion des bâtiments agropastoraux à travers le finage.

La maison en hauteur présente plusieurs caractéristiques essentielles. Elle se compose de plusieurs cellules superposées sous un même toit à pan unique dans la plupart des cas. Chaque cellule est dédiée principalement voire exclusivement à une fonction : logis, agricole, artisanale, commerciale. Très polyvalente, cette maison correspond au mode de vie rural et à l'économie agricole qui en découle. En outre, elle s'adapte facilement quel que soit le contexte d'implantation. Un terrain pentu entraînera ainsi plusieurs étages de soubassement sans modifier structurellement la distribution et la fonctionnalité du bâtiment, la communication s'effectuant grâce à un escalier de distribution intérieur et, lorsque la parcelle est traversante, par un accès direct en façade postérieure (voire latérale, lorsque la parcelle adopte un profil allongé). La maison en hauteur, enfin, au sein du monde rural agricole et parce que sa distribution fonctionnelle, sous le même toit, se heurte à une extension limitée, doit être considérée comme la pièce maîtresse d'une organisation complexe, avec ses dépendances satellites dissociées, qu'elles prennent place au sein de l'agglomération, parfois à proximité immédiate, ou disséminées dans le terroir d'exploitation. On qualifiera cette organisation fonctionnelle globale de ferme éclatée. Elle s'observe partout sur le territoire d'enquête.

Maison à Entrevaux. Vue axonométrique avec distribution des fonctions par étage.Maison à Entrevaux. Vue axonométrique avec distribution des fonctions par étage.

2. Le bâti : description et analyse fonctionnelle

a. Les matériaux et la mise en oeuvre

Par principe, les maisons relevant de l'architecture vernaculaire du Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var, sont construites avec les matériaux disponibles localement, quel que soit le secteur considéré : vallées d'Asses, haut Verdon, moyen Verdon et bassin du Var. La mise en oeuvre recourt au calcaire et au grès dans l'essentiel des cas, en fonction des ressources disponibles dans le substrat rocheux, sous la forme de moellons non ou peu équarris, liés au mortier de chaux et de sable, voire de gypse, plus ou moins grumeleux. Les chaînes d'angle sont constituées de moellons davantage travaillé pour assurer une rigidité plus grande à la structure. Lorsque la cimentation du grès est élevée, la pierre disposée en lits alternés garantit une meilleure solidité à l'édifice. Ponctuellement, là encore selon les matériaux et gisements d'extraction présents sur place ou à proximité, quelques roches complémentaires peuvent être utilisées, notamment le tuf sédimentaire dont la résistance malgré la faible densité due à sa grande porosité est prisée. Le tuf permet une taille facile et peut être aisément hissé en hauteur. Les enduits de couvrement protecteur autrefois omniprésents ont parfois été lessivés par le temps. A la fin du premier quart du 20e siècle est apparu une technique spécifique, l'enduit à la tyrolienne, observable partout sur le territoire national.

Détail de mise en oeuvre de la maçonnerie de gros-oeuvre dans une maison à la Maurelière (Senez) : moellons de calcaire et de grès liés au mortier de gypse.Détail de mise en oeuvre de la maçonnerie de gros-oeuvre dans une maison à la Maurelière (Senez) : moellons de calcaire et de grès liés au mortier de gypse.

Maison à La Rochette. Chaîne d'angle en pierre de taille calcaire.Maison à La Rochette. Chaîne d'angle en pierre de taille calcaire.

La couverture est soutenue par une charpente simple sur pannes, chevrons et liteaux, déterminant un pan unique (surtout dans le sud du territoire d'étude) ou à longs pans (majoritaire dans le haut Verdon), avec pente plus ou moins accentuée en fonction du climat : inférieure à 30° au sud du haut Verdon, 40° et davantage dans ce dernier, avec quelques variantes selon la topographie et l'impact du relief. Les matériaux de couverture répondent aux mêmes principes que ceux du gros oeuvre en maçonnerie : l'utilisation de la matière première locale. Ainsi, pour l'essentiel du territoire hormis le secteur du haut Verdon, la tuile creuse dite tuile canal s'impose, caractéristique du domaine provençal, avec un traitement de l'avant-toit par génoise à rang simple ou double le plus souvent. Plus au nord dans le haut Verdon, le débord de toiture remplace cette dernière, afin d'assurer une protection plus profonde donc plus efficace et une zone de passage à couvert au pied de la façade de la maison. Cette disposition se combine à un autre mode de couverture : le mélèze, sous forme de planches, plus rarement de bardeau, attesté par les documents figurés anciens (voir la carte postale ci-dessous illustrant Villars-Colmars). D'autres matériaux étaient employés, de façon complémentaire et très localisée : la lauze de grès (par exemple dans la vallée de l'Asse de Clumanc, à Braux...), le chaume, encore visible par places dans le premier quart du 20e siècle, la tuile plate artisanale, en écaille ou non, parfois vernissée, dont subsistent de rares témoignages dans le haut Verdon (à Thorame-Haute notamment). Au cours du 20e siècle, de nouveaux matériaux sont venus se substituer aux plus anciens : tuile creuse mécanique, ciment amiante surtout dans les secteurs des vallées d'Asses, du moyen Verdon et du bassin du Var ; tôle plate ou ondulée et plus récemment bac acier dans le haut Verdon. Tous les nouveaux matériaux, ainsi que les modifications apportées aux maisons du type intervention sur les façades (percement ou comblement d'ouvertures, ajout ou suppression d'un escalier de distribution extérieur, rehaussement ou suppression d'un étage par exemple) modifient l'appréciation visuelle du bâti considéré et peuvent donc dégrader la pertinence de son analyse.

Couverture en tuile creuse sur une maison aux Ferrajas (Blieux). Couverture en tuile creuse sur une maison aux Ferrajas (Blieux). VILLARS-COLMARS (B.-A.) - 1200 m. - Cos des GraviersVILLARS-COLMARS (B.-A.) - 1200 m. - Cos des GraviersMaison à Argenton (Le Fugeret). La couverture traditionnelle en planches de mélèze, encore partiellement en place, est progressivement remplacée par des plaques de tôle. Maison à Argenton (Le Fugeret). La couverture traditionnelle en planches de mélèze, encore partiellement en place, est progressivement remplacée par des plaques de tôle.

Maison à Argenton (Le Fugeret) au toit couvert en dalles de lauze.Maison à Argenton (Le Fugeret) au toit couvert en dalles de lauze.

La présence ou non d'une voûte ne saurait être quantifiée précisément car l'impossibilité de pénétrer dans un nombre significatif de maisons ne permet que des estimations. Le repérage laisse toutefois entrevoir une distinction entre la partie ouest, sud et centrale du territoire d'enquête, d'une part, et la partie orientale, sud-orientale et surtout le nord du Pays (le haut Verdon), d'autre part. Dans le premier cas, la voûte est absente ou extrêmement peu représentée (aucune voûte observée à Chaudon-Norante, une seule à La Palud-sur-Verdon par exemple). Dans le second cas, on note une progression : taux de présence de 12,5% à Entrevaux, près de 38% à Braux, 45% au Fugeret et à Beauvezer, plus de 50% à Thorame-Haute, sans préjuger des cas non relevés. Lorsque la voûte est avérée, le mode de couvrement en berceau segmentaire s'impose, devant le berceau plein-cintre puis la voûte d'arêtes. Pour ce qui relève du plancher, il se présente sous la forme de planches soutenues par des solives, complété par un granulat noyé dans du mortier de plâtre ou de chaux, parfois accompagné de paille, lorsque le sol des pièces de logis aux étages reçoit un carrelage fait de mallons de terre cuite, plus rarement de tomettes. Dans le haut Verdon, certaines maisons ont conservé leur plancher ancien qui peut dater du 18e siècle voire de la fin du 17e siècle, comme à Villars-Colmars.

Vue de volume d'une bergerie voûtée en berceau segmentaire à l'étage de soubassement d'une maison à Champagnel (Chaudon-Norante).Vue de volume d'une bergerie voûtée en berceau segmentaire à l'étage de soubassement d'une maison à Champagnel (Chaudon-Norante).

Détail de la mise en oeuvre du plafond d'une étable dans une maison à Rougon : solives et solivettes avec remplissage de mortier et gravas.Détail de la mise en oeuvre du plafond d'une étable dans une maison à Rougon : solives et solivettes avec remplissage de mortier et gravas.

Sol en carreaux de terre cuite dans la chambre d'une maison à la Mure (La Mure-Argens).Sol en carreaux de terre cuite dans la chambre d'une maison à la Mure (La Mure-Argens).

Villars-Colmars. Rare exemple de plancher original dans la pièce principale au rez-de-chaussée surélevé. Il daterait de la fin du 17e siècle.Villars-Colmars. Rare exemple de plancher original dans la pièce principale au rez-de-chaussée surélevé. Il daterait de la fin du 17e siècle.

L'absence d'explication à ce stade sur le choix du mode de couvrement adopté reste une lacune de l'enquête. Tout au plus peut-on avancer une hypothèse, qui, une fois étayée, ne concernerait qu'une partie de l'interrogation. Il semblerait parfois en effet que le voûtement, et plus spécifiquement le voûtement d'arêtes, traduise une intervention plus tardive donc non originelle visant à remplacer certains plafonds qui auraient pu être attaqués au fil du temps par les émanations acides produites par le cheptel rassemblé l'hiver en partie basse. On a ainsi remarqué ponctuellement un espace entre le départ de la voûte et les murs sur lesquels elle prend appui. Mais il faudrait étayer cette remarque par une enquête dédiée, afin de récolter davantage de données, et pour cela pouvoir pénétrer de manière plus fréquente pour obtenir des statistiques globales à l'échelle du territoire. On objectera en outre que cette mise en oeuvre aurait dû s'imposer, ou en tout cas intervenir plus fréquemment, ce qui n'est manifestement pas le cas d'après les intérieurs visités.

b. Elévation

Les maisons se présentent majoritairement sous la forme de blocs en hauteur avec fonctions superposées sous le même toit. Le mode de distribution le plus courant, sur l'ensemble du territoire d'enquête, dispose le logis entre les parties agricoles et/ou artisanales et commerciales en partie basse, et parties agricoles en partie haute, selon une configuration propre à la maison provençale. Le bâti occupe une emprise foncière limitée, avec un développé en élévation sur trois niveaux principalement. En effet on a dénombré une moyenne de 50% des maisons de ce type sur l'aire d'étude, à l'exception du haut Verdon où les maisons sont plus hautes : près des trois quarts ont au moins quatre niveaux. Les maisons des agglomérations les plus développées font état d'une hauteur plus importante ; là où l'implantation en terrain pentu est très marquée, elles ont aussi tendance à comporter plus de niveaux, avec parfois deux voire trois étages de soubassement pour racheter la dénivellation. Les façades sont étroites - travée unique dans près de 56% des cas, 85% à une ou deux travées - et majoritairement irrégulières. Les maisons de Castellane intra-muros se distinguent quelque peu de ce schéma d'ensemble (référence du dossier=IA04001263). Ainsi les façades régulières observées y atteignent presque 50% (48%) quand les travées uniques ne représentent "que" 45% (moins de 78% pour les maisons à une ou deux travées). Une explication logique de cet écart modeste quoique significatif tient à l'importance relative de l'agglomération qui joua longtemps un rôle de véritable capitale politique, administrative et économique du Pays, statut que reflètent en partie les maisons du bourg.

Elévation des façades de maisons sur la Grand Rue à Allos : l'irrégularité prédomine.Elévation des façades de maisons sur la Grand Rue à Allos : l'irrégularité prédomine.

Maison avec logis entre parties agricoles et séchoir à loggia en partie haute (Sausses).Maison avec logis entre parties agricoles et séchoir à loggia en partie haute (Sausses).

Maison à travée unique et façade à encadrements façonnés imitant la pierre de taille, de type partie agricole en partie haute (façade posétrieure) à la Mure (La Mure-Argens).Maison à travée unique et façade à encadrements façonnés imitant la pierre de taille, de type partie agricole en partie haute (façade posétrieure) à la Mure (La Mure-Argens).

Le décor reste très limité, sous la forme de faux décors peints le plus souvent (bandeaux délimitant les différents niveaux d'élévation, chaînes d'angle harpée, encadrement des ouvertures). Le cadran solaire ne constitue pas particularité locale, puisqu'il est fortement représenté tant dans la sphère provençale qu'alpine : on le retrouve ainsi régulièrement sur certaines façades, avec quelques exemplaires anciens (tournant du 19e siècle) souvent dégradés, parfois restaurés et accompagnés de formules relevant de la thématique habituelle en l'espèce du memento mori. Les encadrements en pierre de taille peuvent être soignés et recevoir des décorations florales stylisés, beaucoup plus rarement des mascarons. Certaines portes offrent de beaux exemples de menuiserie. Beaucoup de ces décors cependant datent pour l'essentiel de la fin du 19e siècle voire du début du 20e siècle, et affectent des formes répétitives ainsi qu'une mise en oeuvre standardisée (travail à la boucharde mécanique pour la pierre de taille notamment).

Encadrement de porte en pierre de taille calcaire et date portée (1714) à Saint-André-les-Alpes. Encadrement de porte en pierre de taille calcaire et date portée (1714) à Saint-André-les-Alpes.

Maison sans partie agricole à la Rivière (Lambruisse) avec décor (façonné) de fausse chaîne d'angle harpée.Maison sans partie agricole à la Rivière (Lambruisse) avec décor (façonné) de fausse chaîne d'angle harpée.

Décor de cadran solaire sur la façade d'une maison à Allos.Décor de cadran solaire sur la façade d'une maison à Allos.

c. La distribution

Les escaliers de distribution dans-oeuvre prennent place principalement en front de parcelle. On n'observe pas de territorialisation véritable quant à leur forme, même si la forme tournante domine dans les trois secteurs du sud, quand la forme droite s'impose dans le haut Verdon, avec des nuances. Il faut aussi tenir compte de l'ancienneté du bâti et de la mise en oeuvre : ainsi la forme tournante en vis, qui témoigne d'une survivance de la période médiévale, s'observe-t-elle partout bien que de façon résiduelle. A l'inverse, dans les villages les plus développés, où le bâti plus imposant occupe une emprise foncière supérieure à la maison de cultivateur ou de petit commerçant, apparaît l'escalier tournant avec jour central, parfois à plusieurs noyaux, qui prend place dans une cage aux dimensions plus vastes. Bien qu'occasionnelle au niveau statistique sur le territoire, cette mise en oeuvre montre que la représentation sociale des propriétaires s'élargit dans les bourgs même modestes.

Montée d'escalier de forme droite dans une maison colmarsienne.Montée d'escalier de forme droite dans une maison colmarsienne. Maison à La Palud-sur-Verdon. Détail de la cage d'escalier avec l'escalier de distribution intérieure tournant en vis, à noyau creux.Maison à La Palud-sur-Verdon. Détail de la cage d'escalier avec l'escalier de distribution intérieure tournant en vis, à noyau creux.

La distribution intérieure privilégie la superposition des fonctions, qui répond au principe de cellules superposées, avec partie agricole et/ou commerciale et artisanale en partie basse, logis sur un ou plusieurs niveaux (il arrive que certains commerces prennent place à un niveau supérieur), partie agricole au-dessus, sur un voire plusieurs niveaux également, principalement dans le haut Verdon où les besoins en fourrage durant les longs mois d'hiver imposent souvent des volumes de stockage plus importants que dans les trois autres secteurs identifiés. Le déclin des activités agricoles a entraîné parfois l'aménagement de certains espaces agricoles ouverts en partie haute en pièces d'habitation (voir ci-dessous III/2/d).

Avant même de monter à l’étage ou aux étages dévolu(s) au logis (puisque ce dernier occupe rarement le premier niveau), la configuration de la maison vernaculaire rurale dans le Pays répond à une distribution fréquente bien que non quantifiée : l’accès à la partie agricole par une porte intérieure, qui précède la montée de l’escalier de distribution. L'accès intérieur double donc celui ménagé depuis l’extérieur. Cela permet d’éviter de sortir, notamment en cas d’intempérie.

Etage de soubassement d'une maison à Rouaine (Annot) : porte de communication intérieure avec l'étable-remise et départ de la montée d'escalier tournant.Etage de soubassement d'une maison à Rouaine (Annot) : porte de communication intérieure avec l'étable-remise et départ de la montée d'escalier tournant.

Sur le territoire d’enquête le modèle type est celui d’une pièce par niveau, parfois accompagnée d’une alcôve, plus rarement d’une seconde pièce dans la profondeur, qui peut être aveugle ou éclairée par un jour plutôt que par une fenêtre. Lorsque la maison s’inscrit sur une parcelle profonde et traversante, deux véritables pièces peuvent prendre place. Il existe d'autres modes de distribution, où le découpage intérieur se subdivise, mais la norme est celle d'une fenêtre par pièce en façade principale, ce qui se traduit par une travée en élévation, type le plus répandu sur le territoire (voir ci-dessus). Dans le cas de figure de deux pièces en profondeur, seule l’une d'elles sera équipée d’une cheminée, engagée ou adossée (avec alors une surface de chauffe hors-oeuvre) sans jambage la plupart du temps, et une hotte en plâtre sur une structure en bois pour évacuer les fumées. Cette cheminée est souvent flanquée d'une niche regroupant un potager de cuisson et un cendrier. Des placards muraux ou en maçonnerie légère sont aménagés dans la pièce principale ainsi que dans les chambres. Il n’y a pas de véritable spécialisation des espaces, à l’exception le cas échéant de petits réduits de type resserre ou d’un coin avec pile d’évier et rangements, parfois séparé de la pièce principale par une cloison légère où l’on ne cuisine pas mais où l’on nettoie la vaisselle et on la range. Le sol est carrelé de mallons de terre cuite, vernissée à l’occasion ; il était davantage planchéié de manière rustique dans le haut Verdon (certains exemples subsistent). Ponctuellement la lauze débitée en dalles irrégulières plus ou moins épaisses recouvrait le plancher (par exemple au Fugeret). Au tournant du 20e siècle et dans le courant de la première moitié de ce siècle, dans les gros bourgs et les maisons de notables mais pas seulement, le sol a été recouvert de carreaux de ciment teinté dans la masse, présentant la plupart du temps des motifs stylisés et géométriques. Pas ou peu de décor : fausses plinthes peintes dans une teinte sombre, murs chaulés ; parfois le plafond (solives comprises, préalablement bûchées) reçoit une couche de plâtre afin de freiner la propagation d’un feu domestique. Dans certains intérieurs de maisons rurales restées « dans leur jus » et particulièrement rustiques, on a repéré des aménagements frustes mais ingénieux tels que des crochets en bois servant de patères pour soutenir les vêtements.

Maison à Argenton (Le Fugeret). Pièce avec alcôve et montée d'escalier de distibution tournant.Maison à Argenton (Le Fugeret). Pièce avec alcôve et montée d'escalier de distibution tournant.

Intérieur du logis d'une maison à Villars-Brandis (Castellane) : placards muraux (à gauche), cheminée (au centre), potager et évier (à droite).Intérieur du logis d'une maison à Villars-Brandis (Castellane) : placards muraux (à gauche), cheminée (au centre), potager et évier (à droite).

Maison à Ondres (Thorame-Haute). Pièce de logis avec cheminée et réduit séparé de l'espace principal, où prenait place une pile d'évier. Les étagères pour ranger la vaisselle sont toujours présentes en revanche. Dans la pièce, le plancher est rustique et les abords de la cheminée en dalles de pierre réfractaire.Maison à Ondres (Thorame-Haute). Pièce de logis avec cheminée et réduit séparé de l'espace principal, où prenait place une pile d'évier. Les étagères pour ranger la vaisselle sont toujours présentes en revanche. Dans la pièce, le plancher est rustique et les abords de la cheminée en dalles de pierre réfractaire.

Potager à deux grilles et carreaux de terre cuite vernissés, situé dans la cuisine d'une maison à Vergons.Potager à deux grilles et carreaux de terre cuite vernissés, situé dans la cuisine d'une maison à Vergons.

Si les fonctions agricoles sont cantonnées aux parties haute et basse de la maison, on peut trouver des réserves au sein des pièces du logis : il s’agit des coffres à grains construits en maçonnerie légère. Dans cette circonstance, le coffre occupe souvent l'angle d'une chambre, au plus près des propriétaires. Un dispositif permettant d’alimenter directement et pour des raisons pratiques le bétail en partie basse depuis le fenil en partie haute a aussi été identifié de façon récurrente : il s’agit de trappes d’abat-foin, sortes de conduits parfois totalement encastrés dans le mur, parfois engagés voire entièrement débordants dans l’espace intérieur.

Maison à la Colle (Entrevaux). Dans un angle de la chambre prend place un coffre à grains maçonné.Maison à la Colle (Entrevaux). Dans un angle de la chambre prend place un coffre à grains maçonné.

Départ du conduit d'un abat-foin dans une maison à Rougon. Il relie directement le fenil à la mangeoire de l'étable.Départ du conduit d'un abat-foin dans une maison à Rougon. Il relie directement le fenil à la mangeoire de l'étable.

d. Un principe : l'adaptabilité de la maison vernaculaire

On notera qu'à l'instar des autres formes de bâti sur le territoire d'enquête bien que dans une moindre mesure, les maisons adoptent un principe propre au monde rural, celui de l'adaptabilité avec son corollaire : la modularité. Cet état de fait s'applique d'abord aux activités agricoles, mais pas seulement. Pour celles-ci, en effet, l'aménagement spécifique et le mobilier nécessaire sont la plupart du temps réduits dans leur expression : quoi de plus éphémère qu'un râtelier mobile pour nourrir un petit troupeau de moutons ? De même, la partition d'une pièce par des barrières en bois permet de dissocier les espaces et donc les fonctions. Parfois même la séparation physique ne s'impose pas : une petite remise agricole peut tout à fait trouver place au sein d'une étable, par exemple (voir les illustrations ci-dessous). A l'identique, un séchoir en partie haute peut sans difficulté majeure être converti en fenil, voire partager le même espace. C'est plus complexe pour les activités artisanales ou commerciales, mais reste tout à fait possible : une forge peut côtoyer une remise, un commerce intégrer une pièce de logis qui lui sera ainsi dédié (épicerie, tabac ou débit de boissons). Combien de maisons en écart ont-elles accueilli les élèves et servi de salle d'école avant les lois dites Jules Ferry et la création d'établissements spécifiques ? Cette réalité n'empêche pas bien sûr de dresser une typologie de la maison vernaculaire dans le Pays : elle incite cependant à considérer celle-ci comme un bâti non figé, à l'instar du monde rural qui adapte ses activités au fil du temps et parfois selon les saisons rythmées par l'économie agricole.

Maison à Rouaine (Annot). Etage de soubassement, étable-remise. Angle nord-ouest, maçonnerie directement assise sur la roche en place.Maison à Rouaine (Annot). Etage de soubassement, étable-remise. Angle nord-ouest, maçonnerie directement assise sur la roche en place.

Maison à Rouaine (Annot). Etage de soubassement, étable-remise. Angle sud-est, porte de l'étable-remise et porte de communication avec la montée d'escalier.Maison à Rouaine (Annot). Etage de soubassement, étable-remise. Angle sud-est, porte de l'étable-remise et porte de communication avec la montée d'escalier.

Aujourd'hui, l'adaptation évolue dans le sens d'une mutation des fonctions, de l'agricole vers l'habitat, de façon plus ou moins pérenne comme l'illustrent les deux images ci-dessous.

Maison à Colmars. "Soléiadou" réaménagé en salon d'été.Maison à Colmars. "Soléiadou" réaménagé en salon d'été.

Maison à travée unique de type logis entre parties agricoles à Villars-Colmars. Le fenil a été fermé pour être réaménagé en pièce d'habitation. Les balcons, de facture récente, traduisent toutefois de façon avérée une volonté ancienne déjà d'ouvrir les intérieurs vers l'extérieur.Maison à travée unique de type logis entre parties agricoles à Villars-Colmars. Le fenil a été fermé pour être réaménagé en pièce d'habitation. Les balcons, de facture récente, traduisent toutefois de façon avérée une volonté ancienne déjà d'ouvrir les intérieurs vers l'extérieur.

3. Typologie de la maison vernaculaire

Dans le Pays, la maison remplit plusieurs fonctions en plus de celle de logis. On en dénombre trois : agricole ; commerciale ; artisanale. Selon l’emplacement de chacune d’entre elles dans la superposition des alvéoles d’une part, selon leur combinaison d’autre part, la maison appartiendra à tel ou tel type voire sous-type :

- A1 : maison avec partie agricole, artisanale ou commerciale en partie basse ;

- A2 : maison avec partie agricole en partie haute ;

- A3 : maison avec parties agricoles, artisanale et/ou commerciales en parties basses et parties agricoles en partie haute2

- B : maison sans partie agricole, artisanale ou commerciale

Les données issues du repérage effectué sur 3 234 objets au total montrent une très large prééminence de la maison vernaculaire avec partie agricole, artisanale ou commerciale (près de neuf maisons sur dix, 87%), qui plus est selon une distribution où le logis se situe entre des parties agricoles. Ce modèle prédominant (plus de la moitié du corpus total) témoigne de la forte imbrication des fonctions agricoles dans l'habitat. La répartition s'effectue comme suit : A1 = 26,8% ; A2 = 3,6% ; A3 = 56,6% ; B = 13%. Evacuons tout d'abord la question de la maison entièrement dévolue à la fonction de logis. Celle-ci n'est pas nulle, mais sa faible représentativité correspond au territoire, profondément rural et dont les activités, historiquement, témoignent de cette orientation quasi exclusive jusqu'au milieu du 20e siècle. A bien y regarder, le chiffre obtenu - 13% - semble même haut au regard du contexte. Si l'on s'intéresse non plus à la valeur moyenne mais à la valeur médiane (établie en fonction du nombre d'objets au sein d'un même type), il chute de moitié pour s'établir à moins de 7%, proportion plus conforme à la nature rurale du terrain d'enquête. Dans le type A, le taux négligeable des maisons avec partie agricole en partie haute ne doit pas non plus surprendre. Dans le cas du fenil, le fourrage stocké sert à alimenter le bétail, qui a vocation pour l'essentiel, a fortiori dans le cadre d'un petit troupeau familial et/ou avec l'animal de bât, à être conservé au plus près de l'habitation, c'est-à-dire en partie basse. Partant, le fenil fonctionne avec l'étable ou la bergerie, et c'est la configuration A3 qui prévaut évidemment. C'est finalement le séchoir qui s'impose dans la configuration A2, culture de rapport qui peut n'être pas seulement associée à l'activité d'agriculteur ou de travailleur de la terre. Mais elle reste plus confidentielle. La disposition A1 mêle dans la typologie fonction agricole, artisanale et commerciale, parfois très difficiles à identifier, surtout avec le temps. Elle dépasse le quart des maisons repérées, un taux significativement élevé bien que minoritaire. On la retrouve davantage dans les villages les plus développés, où les commerces sont plus nombreux. Il existe aussi le cas des maisons disposant d'une étable/remise/écurie avec un ou plusieurs espaces de stockage de l'herbe dans des quartiers spécifiques - le grain étant conservé à domicile, dans les espaces de logis nous l'avons vu.

Maison de type partie agricole en partie basse à Hyèges (Moriez).Maison de type partie agricole en partie basse à Hyèges (Moriez).

Maison avec partie agricole en partie haute à Blaron (Castellane).Maison avec partie agricole en partie haute à Blaron (Castellane).

Maison de type logis entre partie agricole à Aurent (Castellet-lès-Sausses, 1 200 m. d'altitude). Elle présente les mêmes caractéristiques de mise en oeuvre, de morphologie et d'organisation que celles observables en basse Provence.Maison de type logis entre partie agricole à Aurent (Castellet-lès-Sausses, 1 200 m. d'altitude). Elle présente les mêmes caractéristiques de mise en oeuvre, de morphologie et d'organisation que celles observables en basse Provence.

Maison de type logis entre parties agricoles à Rougon.Maison de type logis entre parties agricoles à Rougon.

Maison à Colmars de type logis entre partie commerciale en partie basse et partie agricole en partie haute (état en 1976). Le grenier-séchoir à loggia, qui servait aussi à prendre le soleil ("soleiadou" selon une tradition castallanaise ancienne attestée dès le 18e siècle) a depuis été aménagé en pièce d'habitation. Maison à Colmars de type logis entre partie commerciale en partie basse et partie agricole en partie haute (état en 1976). Le grenier-séchoir à loggia, qui servait aussi à prendre le soleil ("soleiadou" selon une tradition castallanaise ancienne attestée dès le 18e siècle) a depuis été aménagé en pièce d'habitation.

Maison sans partie agricole, commerciale ou artisanale aux Girauds (Peyroules).Maison sans partie agricole, commerciale ou artisanale aux Girauds (Peyroules).

IV. Homogénéité et sectorisation du Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var : la complexité d'un territoire multivalent

L'analyse du terrain ne saurait toutefois se réduire à une approche globale, qu'il s'agisse des questions typologiques ou de mise en oeuvre, comme on a pu l'entrevoir au fil des éléments présentés ci-dessus. La sectorisation géographique en quatre zones se voit confirmée par les variations qui opèrent dans chacune d'entre elles mais aussi à l'intérieur des différents secteurs, selon le contexte topographique, selon que l'on considère le nord ou le sud de ceux-ci. Deux principes prévalent : il existe bien une frontière entre le haut Verdon et les trois autres secteurs, d'une part. D'autre part, une dynamique travaille d'un secteur à l'autre, d'ouest en est. Bien sûr, il est délicat de tracer des limites franches. Ainsi parlerons-nous plus volontiers - sans doute de manière plus imprécise mais également, aussi curieux que cela paraisse, de manière plus juste - d'espaces transitionnels.

Le premier espace désigne la zone de passage entre le monde haut-provençal et le monde alpin, deux domaines aux caractéristiques différentes. L'emprise géographique du Pays, qui aborde à peine le contexte proprement alpin, conserve néanmoins une cohérence d'ensemble à travers une majorité de traits communs dont témoigne la maison vernaculaire. Le second espace correspond à une zone de déclinaisons d'ouest en est, subissant les influences successives de la moyenne Durance, de la haute Provence varoise puis maralpine.

Mais il faut aller plus loin : nous sommes en présence de deux mouvements de nature différente. L’un s'apparente à une progression subtile d'ouest en est, qui n'est pas directement discernable sur le terrain d'enquête. L’autre, plus flagrant, révèle davantage une fracture entre le nord et le sud, mais si l'opposition ne fait pas de doute, elle n'agit pas territorialement de manière abrupte, puisqu'elle intègre une zone centrale, que l'on pourrait qualifier de zone tampon où les deux sphères d'influence cohabitent, où les critères d'évaluation se juxtaposent plus qu'ils ne se combinent dans la maison vernaculaire. En sorte que pour le mouvement des vallées d'Asses jusqu'au bassin du Var on parlera volontiers de déclinaison diffuse d'un modèle avec mélange des critères (nombre de niveaux, nombre de travées en élévation, forme du toit et couverture, forme de l'escalier de distribution intérieur, voûte ou plancher...), alors que pour le haut Verdon qui se distingue des trois autres secteurs tout en en conservant certains aspects spécifiques, on choisira plutôt le terme de bifurcation au sein d'un groupe identifié. S'agit-il d'une bifurcation radicale ? La question est délicate ; elle reste même ouverte à ce stade de l'analyse. Car la maison vernaculaire du haut Verdon, c'est notre interprétation, semble dessiner comme une passerelle entre deux groupes. D'une part elle désigne une ramification extrême de la maison vernaculaire haut-provençale, elle-même sous-genre de la maison vernaculaire provençale, qui s'inscrit dans le groupe de la maison vernaculaire méditerranéenne. D'autre part elle ouvre, à travers certaines de ses caractéristiques – car elle n'a pas encore abdiqué complètement sa nature méditerranéenne constitutive – sur une autre branche de la grande arborescence de la maison vernaculaire, la maison alpine.

Maison à Argenton (Le Fugeret) présentant des traits alpins : la pente du toit très accusée avec égout retroussé protége un balcon en bois. Les plaques de tôle en couverture remplacent les planches de mélèze qui subsistent par places.Maison à Argenton (Le Fugeret) présentant des traits alpins : la pente du toit très accusée avec égout retroussé protége un balcon en bois. Les plaques de tôle en couverture remplacent les planches de mélèze qui subsistent par places.

Comment ces remarques se traduisent-elles sur le plan des données statistiques ? Nous avons retenu quatre critères principaux pour tenter de circonscrire les variations de la maison vernaculaire dans le territoire en fonction de ses quatre secteurs géographiques constitutifs : le nombre de niveaux, la couverture (traitement du toit et de l'avant-toit), la forme de l'escalier de distribution intérieur, le mode de couvrement. Bien sûr, ces critères se conjuguent et ne vont pas tous dans le même sens et surtout ne signifient pas la même chose. Ils sont aussi soumis à des variables qui complexifient l'appréciation générale, liée au degré de développement des agglomérations par exemple, qui induit sa propre logique en associant davantage de services donc une adaptation de la maison à des exigences particulières au sein d'un contexte rural historiquement façonné par une économie d'abord agricole. Néanmoins, conjugués, ils sont significatifs. Ils permettent de valider l'existence d'une variante forte entre le secteur du haut Verdon et les trois autres secteurs plus méridionaux. Le nombre de niveaux y est de beaucoup plus élevé qu'ailleurs : plus de 74% des maisons du haut Verdon disposent de quatre étages, pour une moyenne générale pour le territoire inférieure à 50% ou plus. Par ailleurs la voûte, nous l'avons vu, est davantage présente à l'est et se renforce dans le haut Verdon. L'avant-toit quant à lui est traité majoritairement par un débord profond (à près de 85% du repéré), le toit à longs pans prédomine (63% des occurrences) et la couverture traditionnelle en mélèze, localement en tuile plate artisanale, diffère des autres secteurs : les matériaux de remplacement eux-mêmes (tôle et bac acier principalement) ne reprennent d'ailleurs pas ceux de substitution de la zone sud. Les données montrent que le haut Verdon se distingue dans le Pays, quand les autres secteurs, en ce qui concerne la maison vernaculaire, font état de traits constitutifs plus fédérateurs. Cela n'empêche pas des variations. Des vallées d'Asses au bassin du Var, on remarque une proportion croissante de maisons de quatre niveaux ou plus : environ 32%, 38,5% puis 44,5%. La voûte, totalement absente ou presque des deux secteurs occidental et central, apparaît de façon plus ou moins marquée à l'est, tout en restant minoritaire. La génoise prédomine, mais tend à se renforcer d'ouest en est (respectivement 53%, 57% et 69%). Dans les vallées d'Asses et le moyen Verdon, le toit à pan unique est devancé par celui à longs pans, mais dans des proportions différentes (respectivement 32/58% et 42/50%) qui témoignent d'un progressif rééquilibrage, effectif dans le bassin du Var où les deux formes font jeu égal (autour de 44,5%). Cette donnée montre bien que l'influence de la Durance n'est pas celle des Alpes-Maritimes et que le territoire comprend des nuances répondant à une dynamique logique. La tuile creuse en revanche rassemble les trois secteurs, même si la tuile mécanique et le ciment-amiante viennent perturber la lecture.

Il reste quelques disparités internes qui affectent tout ou partie des critères d'analyse ; certaines sont ponctuelles, c'est-à-dire locales, sans affecter la logique d'ensemble. Mais une lecture plus fine ferait valoir au sein de chaque secteur une déclinaison à l'oeuvre. Dans les vallées d'Asses par exemple, la zone commandée par l'Asse de Blieux propose une couleur légèrement différente de celle de l'Asse de Clumanc. En outre, l'espace tampon au centre du Pays donne clairement à voir l'interpénétration des influences haut-provençale et alpine à chacune de leur extrémité : non pas une frontière, mais un espace duel qui ne se comprend que comme le lieu d'un brassage. A telle enseigne que la prise en compte de telle ou telle commune "limitrophe" dans l'un ou l'autre secteur peut faire varier de façon significative la moyenne de certains critères. Thorame-Basse notamment est une de ces communes qui combine spécificités du haut Verdon et des vallées d'Asses. Encore une fois, il ne s'agit pas de tracer des lignes de démarcation radicales, mais d'identifier des zones d'influences.

On ajoutera enfin une donnée statistique relative à la maison vernaculaire dont l'interprétation précise reste en suspens. Elle tient à la représentativité de la fonction agricole (voire commerciale et/ou artisanale) : elle atteint 87% à l'échelle du territoire dans son entier. Elle est inférieure dans les vallées d'Asses et le moyen Verdon (respectivement 80 et 82%), supérieure dans le bassin du Var et le haut Verdon (respectivement 90% environ et 96,5%). Dans ce cas, la dynamique ouest/est ne tient plus, et la partie nord conserve une prééminence dont on ne sait sur quoi elle repose puisque, lors du repérage, fonctions agricoles, artisanales et commerciales ont été appréhendées comme un tout sans réelle différenciation pour faciliter la lecture du bâti. Y a t-il une logique propre ou ces résultats traduisent-ils une modification plus importante dans certains secteurs que dans d'autres ? Ces chiffres globaux doivent sans doute être détaillés à travers le filtre de la distribution fonctionnelle "logis entre parties agricole/artisanale/commerciale" en partie basse et "partie agricole en partie haute" (sous-type A3) pour être pleinement exploitables et esquisser une explication qu'il conviendrait cependant d'étayer avec des critères complémentaires pour en tester la pertinence. La proportion de maisons de sous-type A3 est ainsi répartie selon les quatre secteurs : vallées d'Asses : 53% ; haut Verdon : 81% ; moyen Verdon : 46,5% ; bassin du Var : 45%. Si l'on corrèle chacun de ces taux en fonction de l'importance - du degré d'urbanisation - des agglomérations dans chaque secteur, on obtient une carte proche de la réalité du terrain. Des centres-bourgs plus nombreux et/ou plus développés au moins pour certains dans le moyen Verdon (qui comprend 36% des villages chefs-lieux du Pays) et le bassin du Var (29%), quand la ruralité apparaît plus prégnante dans les vallées d'Asses (où la proportion des villages n'atteint que 19% du Pays) et davantage encore dans le haut Verdon (16%). Or, dans ce cas de figure, la fonction agricole en partie haute s'impose de façon très large. Cette hypothèse fragile car partielle, dont la validité pleine et entière reste par conséquent sujette à caution, n'en demeure pas moins séduisante. De toute évidence le degré d'urbanisation plus ou moins fort participe à déterminer la représentativité du sous-type A3. C'est en quelque sorte une vérité de monsieur de La Palice qui, si elle ne surprend pas, rassure là où la nuance, les nombreux critères en jeu ainsi que les interrogations laissées en suspens ont tendance à brouiller les cartes.

1CHATENET, Monique et VERDIER, Hélène (dir.), Thésaurus de l’architecture, CHATENET, Paris, Caisse nationale des monuments historiques et des sites / Éditions du patrimoine, 2000, p. 81.2Le repérage a ajouté une ramification au sous-type A3, pour différencier les maisons présentant des parties agricoles en parties basse et haute d’un côté (A3a) et celles présentant des parties agricoles ou commerciales en partie basse et des parties agricoles en partie haute (A3b). Cette distinction permet d’affiner l’appréciation de la distribution fonctionnelle. Elle est donc légitime lorsqu’elle est fiable. Dans les faits, l’impossibilité récurrente d’identifier toujours de façon ferme la ou les fonctions autres que celles de logis en partie basse a conduit, dans la présente étude, à ne conserver que le sous-type A3 de façon à éviter une prise en compte trop importante d’approximations lors de l’analyse, ce qui conduirait à fausser la pertinence des résultats obtenus Le terrain montre toutefois que la configuration « parties agricoles en parties basses et hautes » apparaît de loin la plus représentée, mais il convient de ne pas occulter les incertitudes, en plus des cas où les fonctions commerciales et/ou artisanales sont avérées. Nous avons donc choisi de diminuer la précision de ce critère d’information afin d’éviter un degré d’incertitude statistique trop élevé à l’échelle globale de l’aire d’étude.

Les maisons observées ne sont pas antérieures à la fin du moyen âge, en tout cas dans leur intégrité repérables. Les plus anciennes encore en place remontent au 16e siècle, certaines sur un substrat plus ancien comme à Annot ou à Castellane où l'habitat s'est figé tôt au sein d'enceintes successives, voire un peu plus tard comme à Entrevaux. Les incendies, qui n'ont pas épargné le territoire, ont conduit à la reconstruction totale ou partielle de plusieurs villages. Ainsi à Colmars et Villars-Colmars dans le dernier tiers du 17e siècle, ou à Allos au début du 18e siècle, pour ne citer que ces seuls exemples parmi d'autres.

Le développement de certaines agglomérations parmi les plus importantes mais pas seulement permet d'identifier très clairement les diverses strates historiques d'implantation du bâti, du centre vers la périphérie, avec l'existence de certains quartiers - des faubourgs -, à plus forte raison lorsqu'une enceinte encore en place imposa une édification extra muros.

Dans l'ensemble les maisons reflètent un état du 19e siècle qui a pu évoluer au fil du temps notamment en ce qui concerne les aménagements et surtout la distribution intérieure, qui traduit pour l'essentiel des interventions de la première moitié du 20e siècle voire du tournant du 21e siècle dans le meilleur des cas. Les modes de mise en oeuvre du bâti, y compris pour les maisons, ont très peu varié jusqu'au 20e siècle. Jusqu'alors le recours à des matériaux locaux constituait la marque de fabrique des maisons comme du bâti d'une manière générale sur le territoire. A partir du début du 20e siècle l'usage progressif des matériaux modernes tels que le ciment et le parpaing artisanal puis de béton dans la maçonnerie, la tôle, le ciment-amiante en couverture, ainsi que de certaines techniques comme les entrevous sur poutrelles métalliques en couvrement des parties basses de la maison ou encore la tyrolienne en enduit de couvrement des façades, devient ponctuellement visible.

Souvent, les maisons situées en écart conservent les dispositions les plus anciennes car elles ont dans une moindre mesure en effet été sujettes aux évolutions successives bien que filtrées du confort moderne par rapport à celles situées dans les villages, ces derniers étant davantage perméables et reliés au monde extérieur.

  • Période(s)
    • Principale : Fin du Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine

La maison vernaculaire du Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var recourt aux matériaux de construction locaux : moellons de calcaire ou de grès peu ou grossièrement équarris, pour l'essentiel, avec ponctuellement et selon les disponibilités locales du tuf. Les pierres sont liées au mortier de chaux et de sable, parfois de gypse, et disposées en assises irrégulières voire sans assise. Une chaîne d'angle en moellons de dimensions plus importante, sans pierre de taille sauf exception, sert à assurer la stabilité du bâti. On trouve parfois encore, surtout dans le haut Verdon, des ancres en bois pour rigidifier la maçonnerie, fichées dans le débord des poutres des planchers en façade.

Les maisons, implantées souvent en pente, disposent en conséquence d'un ou de plusieurs étages de soubassement. Elles présentent une façade très majoritairement irrégulière en élévation, et la travée unique prédomine. Un escalier de distribution permet d'assurer l'accès aux différents étages, de forme variable sans exclusive, même si la forme droite semble s'imposer dans le haut Verdon. Le mode de traitement du toit dessine une distinction entre la partie sud et la partie nord du territoire d'enquête. Dans le sud, la génoise et la tuile creuse en couverture s'imposent. Dans le nord, le débord de l'avant-toit et la planche de mélèze autrefois privilégiée témoignent d'une influence alpine, attestée par ailleurs par un toit dont la forme à longs pans se généralise et affecte une pente plus accusée. La lauze de grès reste occasionnelle. Les anciens matériaux de couverture sont progressivement remplacés, parfois entièrement, par des matériaux modernes et contemporains : tuile mécanique, ciment-amiante, tôle, bac acier.

La distribution privilégie une pièce par niveau, avec une superposition des fonctions, le logis occupant le ou les niveaux intermédiaires, entre des parties agricoles essentiellement, parfois commerciales voire artisanales en partie basse. Ce modèle répond au contexte rural du Pays, historiquement marqué par une économie agricole traditionnelle. Dans ce cadre, la maison d'habitation stricte, entièrement dévolue au logis, demeure rare. La maison vernaculaire illustre ainsi le type de la maison provençale dans sa déclinaison haut-provençale, rustique, au décor sommaire lorsqu'il intervient. Le haut Verdon laisse apparaître des traits proprement alpin, nous l'avons vu, qui ne modifient toutefois pas les questions de distribution.

  • Typologies
    A1 : maison avec partie agricole, artisanale ou commerciale en partie basse ; A2 : maison avec partie agricole en partie haute ; A3a : maison avec parties agricoles en parties basses et hautes ; A3b : maison avec parties agricoles ou commerciales en partie basse et parties agricoles en partie haute ; B : maison sans partie agricole, artisanale ou commerciale
  • Toits
    tuile creuse, tuile plate, bardeau, bois en couverture, grès en couverture, ciment amiante en couverture
  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • grès moellon enduit
    • galet enduit
  • Décompte des œuvres
    • repérées 3 234
    • étudiées 479
    • bâti INSEE 6 846
Image non communicable
  • VILLARS-COLMARS (B.-A.) - 1200 m. - Cos des Graviers / Carte postale, 1er quart 20e siècle. Collection particulière, non coté.

Documents d'archives

  • Arrondissement de Castellane. Enquête sur le nombre de maisons de l'arrondissement couvertes en chaume ou en bois, 6 avril 1922. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 2 Z 39.

Bibliographie

  • BRUNET, Marceline, DEL ROSSO, Laurent, LAURENT, Alexeï et MOSSERON, Maxence. La ferme et le territoire en haute Provence, dir. Marceline Brunet. Collection Cahiers du Patrimoine, n° 119. Lyon : Lieux Dits, 2019, 408 p.

Annexes

  • Grille de repérage Maisons Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var
Date d'enquête 2004 ; Date(s) de rédaction 2021
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Buffa Géraud
Buffa Géraud

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.

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Sauze Elisabeth
Sauze Elisabeth

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.

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Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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