I. Contexte de l'enquête
Le repérage
Ce dossier concerne les maisons de la commune de Saint-Julien-du-Verdon (canton de Castellane, Pays Asses-Verdon-Vaïre-Var, département des Alpes-de-Haute-Provence).
Le terme "maison" comprend les édifices totalement dévolus à l'habitation, ainsi que ceux comprenant une partie habitation et une partie agricole (étable, remise, fenil…) réunies sous un même toit.
Les conditions de l'enquête
Le repérage des maisons sur la commune de Saint-Julien-du-Verdon a été effectué au cours du mois d'août 2008. Le recensement s'est fait à partir du cadastre le plus récent disponible, édition mise à jour pour 1983. Le plan cadastral dit "napoléonien", levé en 1834, a servi de point de repère et de comparaison pour les bâtiments antérieurs à cette date ; l'ensemble des états de section de ce cadastre a été consulté.
Toutes les constructions portées sur le cadastre actuel ont été vues, au moins de l'extérieur.
Le repérage a été effectué à l'aide d'une grille de description morphologique propre aux maisons et décrivant :
- la ou les fonction(s) visible(s) du bâtiment,
- la présence éventuelle et la caractérisation des espaces libres,
- la mitoyenneté,
- les matériaux principaux et secondaires et leur mise en œuvre,
- la forme du toit et la nature de la couverture et de l'avant-toit,
- le nombre d'étages visibles,
- la description des élévations et des baies,
- les décors extérieurs,
- les aménagements intérieurs (escalier, cheminée, cloisons…)
- les inscriptions historiques : dates portées, inscriptions…
Cette grille de repérage a donné lieu à l'alimentation d'une base de données destinée à faire un traitement statistique et cartographique.
Le repérage est toujours confronté à la question de l'état du bâti. Ainsi, ont été repérés les bâtiments ayant subi quelques modifications de détail n'affectant pas leur lecture architecturale. Les bâtiments ruinés mais dont le parti pris architectural d'origine restait lisible ont également été repérés. En revanche, les bâtiments ayant subi des transformations majeures rendant illisibles leurs caractères architecturaux n'ont pas été retenus. Les bâtiments non retenus sont principalement ceux qui ont été très remaniés à une période récente, selon des normes de construction, des matériaux et un vocabulaire architectural très éloignés de ceux de l'architecture locale : élévations entièrement repercées de grandes ouvertures rectangulaires masquant les baies anciennes, utilisation de matériaux récents rendant illisible le parti d'origine, restructuration intérieure totale ou profonde…
II. Caractères morphologiques
39 maisons ont été repérées, 5 maisons ont été sélectionnées (13 % du corpus).
Un petit quart des maisons de la commune portent un chronogramme. On note deux chronogrammes de la seconde moitié du 17e siècle, un chronogramme du 18e siècle, quatre du 19e siècle et trois du 20e siècle.
Implantation et composition d'ensemble
Façade sud d'une maison. (B2 522, 524, 872, 873)Toutes les maisons de la commune ont été repérées au village (quartiers de Ville et des Granges).
Dans le village, les bâtiments sont regroupés en îlots, souvent adossés à la pente, étirés en longueur et desservis par des rues étroites qui suivent les courbes de niveaux. Des passages permettent la communication entre ces axes principaux. Dans les îlots, les parcelles sont fréquemment traversantes et donnent souvent sur une rue haute et une rue basse. Seulement 2,5 % des maisons sont isolées ; 30,5 % ont un seul côté mitoyen, 43,5 % ont deux côtés mitoyens ; 23 % ont trois côtés mitoyens.
Les îlots de maisons d'habitation sont plutôt concentrés dans la partie centrale de l'agglomération, alors que les franges sont dévolues aux entrepôts agricoles.
Les maisons sont des blocs en hauteur, dont la façade est préférentiellement tournée vers la rue basse. 18 % d'entre elles possèdent une cour.
Matériaux et mise en œuvre
Maçonnerie montée au mortier de gypse. (B2 526)Les bâtiments sont construits en maçonnerie de moellons calcaires. Les moellons sont généralement peu équarris. Les murs sont montés en assises relativement régulières. Les moellons sont liés entre eux par un mortier de chaux, de gypse et de sable. D'une manière générale, la construction des maisons de Saint-Julien a fait largement appel au gypse local (maçonnerie, enduits intérieurs et extérieurs, chapes sur plancher, etc.) ; effectivement, le village est placé sur un très important affleurement de gypse rose, blanc ou bleu qui a été très exploité (carrière, moulin à plâtre, four à plâtre, etc.). Les angles sont renforcés par des moellons plus gros, mieux équarris, très rarement par des chaînes en pierre de taille. Les enduits anciens conservés sont à pierres vues (33,5 % du corpus), à la tyrolienne (7,5 %), ou à inclusions de petits cailloux (5%). Il faut cependant signaler que plus de la moitié des maisons (54 %) possèdent un enduit récent.
Les encadrements des fenêtres sont le plus souvent en maçonnerie façonnée au mortier, avec un linteau en bois ; l'enduit de finition est réalisé au mortier de gypse lissé. Il en est de même pour les encadrements de porte. 25,5 % des maisons du corpus possèdent un encadrement de porte en pierre de taille. Porte de logis avec encadrement en pierre de taille en arc plein-cintre. (B2 526)Ces encadrements sont en arc segmentaire (30 %), en arc plein-cintre (20 %) ou à plate-bande (50 %).
Les contrevents anciens, qui occultent les fenêtres, ont été remplacés par des équivalents récents dans 77 % des cas. Cependant, les contrevents en bois plein représentent 66,5 % des cas restants, 33,5 % pour les contrevents à persiennes.
L'étage de soubassement est souvent voûté (repérées dans 23 % du corpus : voûtes en berceau segmentaire ou plein-cintre, voûte d'arêtes) ; il abrite une étable ou une resserre. Les pièces des étages supérieurs possèdent généralement un plancher sur solives. Les sols des pièces à usage d'habitation sont souvent couverts en carreaux de terre cuite carrés (de 15cm à 20cm de côté), en carreaux de terre cuite rectangulaires, par des tomettes hexagonales (plusieurs tailles différentes, de la petite à la grande) ou des carreaux de ciment teintés. Le sol de l'étable est en terre battue, le sol du fenil est en plancher rustique et reçoit parfois une chape au mortier de chaux ou de gypse.
Les murs des pièces d'habitation reçoivent un enduit lisse réalisé au mortier de gypse et sont souvent peints en blanc avec des plinthes de couleur foncée (brun, noir, rouge, etc.). Les cloisons intérieures sont réalisées principalement en maçonnerie légère et pans de bois. Les matériaux de cette maçonnerie légère peuvent être divers : petites pierres, lauzes sur chant, briques pleines ou creuses, blocs de béton de chaux moulés, etc. Les plafonds des pièces d'habitation reçoivent parfois un enduit lisse au plâtre.
Cheminée à manteau à cinq pans, située dans une cuisine ; détail du corbeau. (B2 522, 524, 872, 873)La pièce servant de cuisine dispose d'une cheminée adossée ou a demi-engagée dans un mur. La forme des manteaux de cheminée est généralement rectangulaire (il existe une cheminée à cinq pans au village, très atypique), avec une corniche moulurée à la base de l'avaloir, parfois des petits corbeaux en maçonnerie ; le manteau des cheminées est construit en ossature bois avec un remplissage de carreaux de terre cuite, de lauzes ou de gravas et un enduit de finition lissé. Cette cheminée est souvent flanquée d'une niche regroupant un potager de cuisson et un cendrier. Une pile d'évier est aménagée dans un angle de la cuisine ou sous une fenêtre. Des placards muraux ou en maçonnerie légère sont installés dans la cuisine et les chambres.
Les éventuels escaliers intérieurs sont construit en maçonnerie légère de chaux et de plâtre sur une structure en bois. Les contre-marches sont façonnées au mortier ou sont en bois, les nez de marche sont en bois et les marches reçoivent généralement des carreaux de terre cuite.
Quelques maisons du Village possèdent de très beaux bancs en pierre de taille calcaire, adossés aux élévations sud ou ouest.
Structure, élévation, distribution
Les maisons ont de deux à cinq niveaux d'élévation : deux niveaux (2,5 %), trois niveaux (31 %), quatre niveaux (61,5 %), cinq niveaux (5 %, une seule occurrence).
Plus de 77 % des maisons de la commune ne possèdent pas d'élévation ordonnancée en travées. Pour les maisons possédant une élévation organisée en travées, la répartition se fait ainsi : 11 % à une travée, 78 % à deux travées, 11 % à trois travées.
Près des deux-tiers (61,5 %) des maisons du corpus possèdent un ou plusieurs étages de soubassement ou un sous-sol : 2,5 % avec deux étages de soubassement, 54 % avec un étage de soubassement, 5 % avec un sous-sol.
Au niveau de la répartition des étages, le cas le plus fréquent (31 % du corpus) correspond aux maisons organisées ainsi : un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un étage de comble.
18 % des maisons possèdent un escalier de distribution extérieur, en maçonnerie. Cet escalier extérieur peut être construit perpendiculairement (28,5 % des cas) ou parallèlement (71,5 % des cas) à la façade. Dans cette dernière configuration, un repos est systématiquement aménagé devant la porte du logis.
Dans les cas où un escalier intérieur a pu être observé (31 % du corpus), cet escalier se trouve en façade dans 66,5 % des cas, en fond de parcelle dans 33,5 % des cas. Il est droit dans 58 % des cas, sinon il est tournant.
79,5 % des maisons possèdent une étable, 44 % possèdent un fenil, 44 % possèdent un séchoir, 23,5 % possèdent une resserre. Trois pigeonniers ont été relevés.
Couverture
Les toits sont à longs pans (51 % du corpus) ou à un pan (49 %).
Dans la plupart des bâtiments visités, et quelque soit la forme du toit, les charpentes sont à pannes (panne faîtière et pannes intermédiaires, pas de panne sablière). Quelques grands bâtiments couverts d'un toit à longs pans possèdent une charpente à fermes avec entraits et poinçons.
Les avants-toits et la saillie de rive des pignons sont traités avec différentes techniques. Cependant, il faut rappeler que 23 % des maisons du corpus possèdent un avant-toit non significatif du fait d'une modernisation de la toiture. Le traitement en génoise est le plus courant : un rang (64 %) ou deux rangs (13 %) de génoises maçonnées. Pour 23 % des maisons de la commune, la saillie de rive des pignons est réalisée avec un rang de génoise.
La couverture traditionnelle est la tuile creuse mais elle a été très largement remplacée par des matériaux modernes (ciment-amiante notamment), lesquels concernent 92 % des maisons de la commune.
Décor
Grille d'envol d'un pigeonnier, réalisée au mortier. (B2 480)Les décors de façades concernent un tiers des maisons (33,5 % du corpus). Ils se présentent sous forme de faux encadrements peints (50 % des cas), de faux appareil peint (41,5 % des cas) ou d'enduit moulé ; les différentes techniques étant parfois associées. Un cadran solaire peint a également été repéré.
Quelques huisseries décorées et sculptées ont également été repérées (13 % des maisons de la commune).
Typologie
A1 : Maison avec partie agricole, commerciale ou artisanale en partie basse (23 % du corpus) (9 repérées ; 0 sélectionnée) Logis au-dessus ou à côté d'une partie agricole ou commerciale
A2 : Maison avec partie agricole en partie haute (8 % du corpus) (3 repérées ; 1 sélectionnée) Logis en dessous ou à côté d'un fenil
A3 : Maison avec parties agricoles en parties basses et hautes (64 % du corpus) (25 repérées ; 4 sélectionnée) Logis entre les parties agricoles
B : Maison sans partie agricole, commerciale ou artisanale (5 % du corpus) (2 repérées ; 0 sélectionnée) Absence de partie agricole
Interprétation de la classification
Les données statistiques montrent que, sur la commune de Saint-Julien-du-Verdon, les modes de vie et les modes d'habiter impliquaient une grande mixité des hommes et des bêtes.
Effectivement, une catégorie prédomine (64% du corpus), c'est celle des maisons dont le logis est compris entre deux parties agricoles : une en partie basse (étable, porcherie, resserre, remise…) l'autre en partie haute (fenil ou séchoir).
La seconde catégorie (23% du corpus) est celle des maisons qui possèdent un logis situé au-dessus d'un premier niveau d'élévation à vocation agricole (étable, resserre ou remise), artisanale (atelier) ou commerciale (boutique).
La troisième catégorie (8% du corpus) concerne les maisons où le logis se trouve en-dessous d'un niveau d'élévation à vocation agricole (fenil, séchoir, etc.).
Ensemble, ces trois catégories représentent 95% du corpus et traduisent la très forte imbrication des fonctions agricoles dans l'habitat (étable, grange à foin, séchoir…).
A contrario, seulement 5% des maisons du corpus sont entièrement dévolues à l'habitation.