Dossier d’œuvre architecture IA84000645 | Réalisé par
Giraud Marie-Odile (Contributeur)
Giraud Marie-Odile

Chargée d'études documentaires DRAC/CRMH. 1er quart 21e siècle.

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Bonan Aurélie (Contributeur)
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

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  • inventaire topographique
Synagogue
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Carpentras - Carpentras
  • Commune Carpentras
  • Adresse 15 place Maurice-Charretier
  • Cadastre 1834 K 1828  ; 2020 CE 681

I. HISTORIQUE

I.1 Moyen Age à la Révolution

La communauté juive de Carpentras, dont l'implantation remonte sans doute aux premiers siècles du Moyen Age, n'est mentionnée pour la première fois qu'en 1241 ; au 13e siècle, la population de la ville ne comptait qu'une centaine de Juifs. D'après les travaux de Valérie Theis1, au début 14e siècle, les Juifs n'étaient pas regroupés dans un quartier unique. Le quartier est de la ville, autour des rues de la Fournaque et de la Vieille-Juiverie, aurait abrité une synagogue. En 1320, Carpentras devient la capitale du Comtat. La même année, Jean XXII décide l'expulsion des Juifs et la destruction de leurs synagogues. Les Juifs pourront revenir en 1343. L'implantation de la synagogue dans le quartier de l'Hôtel-de-Ville est autorisée en 1361 ; le bâtiment est édifié en 1367. Le 5 novembre de cette même année, un cimetière juif est accordé au nord-est de la ville.

Concomitamment de troubles dans tout le Comtat, en 1459, le paroxysme de la violence atteint la communauté juive carpentrassienne avec le massacre d'une soixantaine de juifs au cours d'une émeute populaire.

Plan de masse et de situation de la juiverie d'après le cadastre de Carpentras, 1834 (section K). Echelle d'origine 1/1250.Plan de masse et de situation de la juiverie d'après le cadastre de Carpentras, 1834 (section K). Echelle d'origine 1/1250.

En 1461, un accord passé entre la ville et les Juifs institue le quartier juif Carpentras, communément appelé carrière juive ou juiverie. Ce quartier est initialement formé des rues de la Muse et de la Galaffe. En 1486, on limite la carrière à la rue de la Muse. Cette rue fut fermée par le portail du Tricadou à l'ouest et par le portail du petit Mazeau à l'est.

En 1570, après l'expulsion ordonnée par Pie V, Carpentras ne compta momentanément plus que 7 feux juifs.

En 1677, l'entretien de la synagogue nécessite des travaux urgents. Une remise en état sera effectuée par un maçon de Caromb pour 825 francs mais ces réparations s'avèrent insuffisantes et une confrérie de 21 fidèles est créée pour réaliser des travaux complémentaires en septembre 1681. Des impositions nouvelles sont mises en place pour renflouer les caisses de la confrérie (notamment à l'occasion des naissances et circoncisions)2.

Les sources assez peu nombreuses et dispersées ne permettent pas à ce jour d'établir la chronologie exacte de l'ensemble synagogal. Une étude archéologique menée par Guilhem Baro en 2019 autorise une datation plus précise du rez-de-chaussée. La structure complexe de ce niveau caractérisée par l'imbrication d'éléments hétérogènes démontre que le bâtiment s'est peu à peu constitué tant par la réunion de constructions préexistantes que par l'adjonction de parties nouvelles. Au rez-de-chaussée, les parties édifiées ou reconstruites au 17e siècle sont les plus nombreuses.

Essai de phasage de construction du rez-de-chaussée de la synagogue.Essai de phasage de construction du rez-de-chaussée de la synagogue.

A contrario, au premier étage, l'aménagement de la salle de prière et de ses dépendances au 18e siècle est bien documenté en raison de la procédure judiciaire qui l'a accompagné. En 1730, deux maçons ont construit un lanternon ou dôme de forme octogonale à l'étage de la tribune. En juin 1741, les juifs décident la reconstruction et l'agrandissement de leur école (synagogue) à laquelle est traditionnellement associé le nom de l'architecte local d'Allemand (aucun texte ne confirme cette hypothèse). L'architecte Tessier avait préalablement dressé le plan de l'ancienne synagogue et était pressenti pour la réalisation du nouvel édifice. Les travaux sont entrepris dès la fin de l'année : Élie Cremieu, "écrivain" de la carrière relate la pose de la première pierre. Les emprunts se succèdent : en mai 1742, 6 000 livres ont été dépensées ; en avril 1743, la somme atteint 11 300 livres et un nouvel emprunt de 12 000 livres est envisagé pour achever l'ouvrage "qui n'est pas encore dans son entière perfection". C'est alors que les difficultés commencent : l'évêque de la ville, Mgr d'Inguimbert, constatant que la nouvelle construction n'était pas conforme aux règles établies, notamment en matière de dimensions, impose aux Juifs d'en abaisser les murs de manière à ce qu'elle ne porte pas ombrage aux édifices religieux voisins. Le 3 octobre 1743, un procès-verbal constate que les Juifs ont abaissé leur synagogue à 40 pieds (l'abaissement du sol des pièces du rez-de-chaussée désignées par les lettres C, N, E, F, H et G en témoigne3). Les démolitions n'ont toutefois été que partielles d'après les écrits des maçons Charles et Louis Dupuy mais les Juifs sont autorisés à couvrir le bâtiment. C'est en 1776 seulement que furent percées les fenêtres orientales prévues dans le plan initial (jusqu'alors aucune baie ne devait donner sur les Pénitents Blancs).

Plan du rez-de-chaussée.Plan du rez-de-chaussée.

I.2 De la Révolution à l'époque contemporaine

Achevée peu avant la Révolution, la synagogue devient en 1793 salle d'assemblée du club révolutionnaire local. Dès l'automne 1794, l'ensemble de son mobilier aurait été déposé et vendu : lampes et chandeliers, mais aussi arche sainte, lambris, ferronnerie. En 1797, la synagogue est décrite en totalité dégradée. D'après la tradition, lorsque les Juifs réintègrent leur temple en 1800, ils trouvent une salle de prière complètement nue. Une partie du décor aurait alors été récupérée puis remontée dans le courant du 19e siècle. Aucun élément matériel ne permet toutefois de valider cette supposition : le décor est parfaitement en place et ne semble avoir souffert aucun démontage.

Les limites précises de la juiverie sont difficiles à établir, même si l'on sait qu'elle fut la plus peuplée des carrières comtadines : elle aurait abrité plus de mille personnes à la fin du 18e siècle. Sa superficie est estimée à 4 500 mètres carrés. De cette carrière, la synagogue est aujourd'hui le seul vestige : à la Révolution, les Juifs, ayant obtenu un état-civil et la liberté de circulation, désertent la juiverie dont les bâtiments rapidement ruinés sont démolis dès 1860.

Démolition de la juiverie de Carpentras.Démolition de la juiverie de Carpentras.

Au milieu du 19e siècle, de nouveaux travaux sont réalisés dans la synagogue : les tribunes nord et sud sont créées grâce à l'achat de maisons mitoyennes, la toiture et les sols sont refaits ainsi que la peinture du plafond de la salle de prière. En 1885, un échange de biens entre la communauté et la veuve Phinée Bédarrides permet la cession d'un passage menant vers le four à pain azyme. A cette date, l'espace par la suite attribué au vestibule est dénommé cour4. La façade de la synagogue sur la place de l'Hôtel-de-Ville et le vestibule d'entrée contenant un escalier monumental sont les réalisations les plus récentes, probablement contemporaines de l'opération d'urbanisme qui, dans la dernière décennie du 19e siècle, avait pour but le dégagement de l'édifice communal. La démolition du temple juif fut d'ailleurs envisagée à cette occasion, selon le vœu d'Isodore Moricelly dont la fortune finançait les aménagements. Il s'agissait d'agrandir le marché aux fruits. Le projet fut abandonné.

Classé parmi les Monuments Historiques en 1924, l'édifice a connu depuis plusieurs restaurations : en particulier la campagne de 1955-1958 qui a permis la restitution des couleurs d'origine du décor de la salle de prière ou encore la campagne de 2017 axée sur la restauration du plafond de la salle de prière et la mise aux normes de l'électricité. Un musée de site est en cours de réalisation. Les espaces d'exposition seront principalement situés au rez-de-chaussée (pièces N, K et O).

II. DESCRIPTION

II.1 Situation

L'ensemble synagogal de Carpentras, de proportions relativement importantes, est inséré au cœur de l'îlot 15 (section cadastrale CE, parcelle 681). Il ne se signale sur l'extérieur que par une sobre façade ouest ouvrant sur la place de l'Hôtel-de-Ville. Longé par une androne sur toute sa façade sud, il est mitoyen avec des maisons au nord. A l'est, sa façade dégagée mais peu accessible est en partie bordée par une terrasse à hauteur du premier étage.

Façade.Façade.

II.2 Composition d'ensemble

L'ensemble se compose d'un unique bâtiment de forme à peu près carrée, plus une partie saillante à l'est (four à pain et fournil à pain azyme) construite au rez-de-chaussée et couverte en terrasse.

II.3 Élévations

La façade couronnée par une corniche moulurée comporte trois niveaux délimités par des bandeaux et deux travées encadrées par des chaînes harpées. Au premier niveau, précédée d'un degré de deux marches, s'ouvre une porte bâtarde en arc segmentaire avec chambranle mouluré et clé, couronnée par une corniche. Les vantaux en bois ciré comportent des panneaux supérieurs sculptés d'un motif en plis de serviettes et une imposte pleine en bois. Les niveaux supérieurs sont percés de fenêtres en plein cintre avec chambranles ornés d'impostes et de clés ; la fenêtre qui surmonte la porte d'entrée est encadrée par des demi-oculi.

II.4 Couverture

Toits à longs-pans et en appentis. Tuiles creuses.

II.5 Matériaux

Maçonnerie : au rez-de-chaussée, blocage de moellons ou de galets, recouverts d'enduits récents ; aux étages, enduits et lambris dans la salle de prière. La façade ouest est enduite avec reliefs en pierre de taille.

Sols : dallages de pierre au rez-de-chaussée, postérieurs aux maçonneries en C ; carreaux de terre cuite aux étages ; terrazzo et mosaïque dans la salle de prière.

Escaliers : en pierre de taille dans le vestibule A ; en plâtre et bois au premier étage.

II.6 Structure et distribution intérieure

Le bâtiment comprend un rez-de-chaussée plus deux étages carrés avec une pièce à l'italienne - la salle de prière.

II.6.I Sous-sol

Des caves ont été aménagées dans le sous-sol. L'un d'elles sous l'espace N a servi de gueniza, de dépôt de textes sacrés. L'autre contient une cuve à vin (19e siècle) sous l'espace K. Un puits a été creusé dans l'angle sud-ouest de l'espace N.

Plan des caves.Plan des caves.Cave.Cave.

II.6.II Rez-de-chaussée

La synagogue s'ouvre par un vestibule A qui contient un monumental escalier en pierre blanche conduisant à la salle de prière du premier étage : volée droite de 16 marches supportée par deux murs d'échiffre avec retour d'équerre à droite.

Au nord-est un petit passage B, autrefois à ciel ouvert et désormais couvert d'un appentis, introduit d'une part à l'espace J qui abritait le logement du gardien, aujourd'hui la cuisine communautaire et d'autre part à un ensemble de salles basses (C à I) dont la plupart reçoivent la lumière naturelle par une modeste cour intérieure. Cette petite cour d'abatage rituel comporte un bassin rectangulaire, appuyé contre le mur sud et une rigole d'évacuation des eaux. Les pièces basses dont certaines sont voûtées, d'autres plafonnées, forment la partie la plus ancienne du bâtiment et la plus intéressante aussi dans la mesure où par la diversité de leurs fonctions, elles témoignent d'anciennes pratiques judéo-comtadines.

La pièce C, légèrement en contrebas de B, est accessible par un degré de 3 marches. C'est une pièce au sol dallé dont seul le mur nord en grand appareil de pierre jaune n'a pas été enduit. S'ouvrant sur la cour, cette salle d'assemblée est couverte d'un plafond à grosses poutres étayé par un pilier carré. Ayant servi de synagogue des femmes jusqu'à la Révolution, elle communiquait autrefois avec la salle de prière du premier étage par une grille placée devant l'arche sainte (grille à travers laquelle le rabbin présentait la Torah aux Juives) ; un plan conservé dans un manuscrit de la Bibliothèque-musée Inguimbertine illustre cette disposition5.

La pièce C s'ouvre à l'ouest sur K, partie du bâtiment aujourd'hui en travaux et au sud sur la salle D, le mikvé ou bain rituel (Référence du dossier : IA84001107), avec laquelle elle ne formait à l'0rigine qu'une seule pièce. Au sud un grand arc appareillé en anse de panier fait transition avec un passage couvert d'un berceau transversal en blocage. Une baie aujourd'hui obturée s'ouvrait sur la pièce E ; deux portes en arc segmentaire et à l'appareillage archaïque conduisent vers les salles E et F.

La pièce E, qui comportait autrefois un accès direct à l'androne, a un dallage irrégulier, des murs en blocage enduits, un plafond à la française avec solives plâtrées. Sous cette pièce qui servait de vestiaire se trouve un autre bain rituel (Référence du dossier : IA84001106) alimenté par une remontée de la nappe phréatique.

La pièce F, dont le sol et les murs ont été cimentés, est couverte d'un plafond identique à celui de la salle E et étayé par un pilier carré en pierre. Cette ancienne boulangerie (Référence du dossier : IA84000646) qui a conservé son marbre à pétrir disposé sur un soubassement de pierre, communique par un degré avec le fournil qui occupe la salle G.

La salle G est une petite pièce à la voûte archaïque : une demi-voûte d'arêtes et un demi-berceau sont séparés par une poutre. A l'est se trouvent la cheminée et le four à coupole appareillée (Référence du dossier : IA84000646).

La salle H est une pièce dallée et voûtée en plein-cintre, éclairée par une fenêtre à l'est. Sous cette baie, subsiste la trace d'une ancienne porte en plein cintre. La faible hauteur de cette porte et de la voûte laisse penser que le sol de la pièce fut surélevé lors d'aménagements au 18e siècle. Ancienne boulangerie des pains azymes, cette salle (Référence du dossier : IA84000728) conserve un marbre à pétrir (table de marbre noir), une machine à décorer les coudoles6 et un laminoir à pâte.

Le fournil à pain azyme (Référence du dossier : IA84000728) est couvert d'un berceau en blocage que supporte un grand arc central appareillé. Au nord, cheminée et four à coupole de même type que dans la salle G. Dans l'angle nord-ouest, se trouvent les vestiges d'un passage qui communiquait autrefois avec l'espace J par une porte en arc segmentaire et chanfreinée.

Les pièces N, O et K ont été fouillées7 mais leur fonction nous reste inconnue. L'entrée initiale de la synagogue était peut-être percée dans le mur ouest de la pièce N.

Plan du rez-de-chaussée.Plan du rez-de-chaussée. Bain rituel N° 1.Bain rituel N° 1.Bain rituel N° 2.Bain rituel N° 2.

Four à pain azyme.Four à pain azyme.

II.6.III Premier étage

La salle de prière B-C-D-E est une pièce à l'italienne de plan rectangulaire, abondamment éclairée par des fenêtres au nord, à l'est et au sud. Son entrée se fait par une porte centrale à l'ouest s'ouvrant sous la tribune du rabbin, face à l'arche sainte G1 situé à l'est. Cet axe privilégié tribune-arche sainte occupe un vaisseau constitué d'une travée unique couverte d'une voûte à arêtes doubles ; de part et d'autre, la salle est simplement plafonnée.

A l'ouest, la tribune de l'officiant au plan convexe est supportée par quatre colonnes. On y accède par deux escaliers symétriques, aux volées convergentes de 13 et 14 marches. L'estrade de lecture proprement dite est délimitée par un garde-corps en fer forgé.

Sur les côtés nord et sud de la salle de prière, une galerie en bois comprend trois baies en plein-cintre que surmontent des coursives simplement bordées d'une balustrade (deuxième étage).

A l'est, l'arche sainte G1 est une petite pièce rectangulaire construite sur la terrasse G-H et en encorbellement au-dessus de la cour. Elle est encadrée au nord par la cage d'escalier de la pièce I, qui fait également saillie sur la terrasse où elle s'ouvre par une petite porte biaise. Cet escalier qui conduit à la coursive nord est composé d'une volée suspendue tournant à droite dont les cinq premières marches sont en pierre, les sept suivantes en plâtre. Au sud de l'arche sainte, dans l'angle nord-est la pièce F, un escalier à vis suspendu de 15 marches, tournant à droite autour d'un jour, dessert le deuxième étage.

Plan du 1er étage.Plan du 1er étage. Salle de prière. Arche sainte.Salle de prière. Arche sainte. Salle de prière. Vue de l'entrée, surmontée de la tribune ouest.Salle de prière. Vue de l'entrée, surmontée de la tribune ouest.

II.6.IV Deuxième étage

L'estrade de lecture communique avec la salle K1 à l'ouest et la salle K2 située dans l'angle sud-ouest du bâtiment. La salle K1 possède des peintures monumentales : il pourrait s'agir de l'une des pièces de la vieille synagogue, peut-être l'ancienne salle de prière. Meublée de bancs, elle est éclairée par les grandes baies de la façade. La salle K2 prend jour au sud, sur l'androne ; y sont conservés d'autres bancs de synagogue. Elle permet l'accès à la pièce F via la coursive sud. Actuellement, la pièce F sert à l'étude du judaïsme. La pièce I dessert la coursive nord.

Plan du second étage.Plan du second étage. Tribune ouest, second étage.Tribune ouest, second étage.Salle de prière. Jalousies et coursive sud.Salle de prière. Jalousies et coursive sud.

II. 7 Décor intérieur

II.7.I Vestibule

Le sol du vestibule A est recouvert d'un carrelage industriel polychrome. L'escalier en pierre est bordé par deux rampes d'appui formées de balustrades dont les départs sont sculptés d'ailerons et comprennent des piliers supportant des vases. Sur les murs d'échiffre, grande table saillante triangulaire entourée d'une mouluration ; le retour du mur d'échiffre sud est percé d'une porte en arc segmentaire (un placard se trouve sous l'escalier) avec clé et tables saillantes dans les écoinçons.

II.7.II Salle de prière

Dans la salle de prière, le sol est en terrazzo complété par une mosaïque centrale.

Deux types de décor sont présents sur les murs ouest et est : pour l'arche sainte et la tribune du rabbin, décor de faux marbre relevé de dorures et de part et d'autre, lambris à panneautage vert d'eau relevé de blanc, de style Louis XVI.

Les murs nord et sud sont percés de baies en plein cintre avec impostes rayonnantes à verres colorés. Au premier niveau, les galeries de bois présentent une ordonnance de trois baies en plein cintre munies de jalousies, inscrites entre des pilastres doriques et séparées par des trumeaux à panneautage. Au-dessus, une frise à triglyphes et métopes est couronnée par les garde-corps des coursives constitués par une alternance de demi-balustres et de panneaux rectangulaires. Le plafond des galeries est à trois compartiments. La voûte du vaisseau est peinte en bleu et blanc avec semis d'étoiles dorées récemment restaurée ; une rosace polygonale en gypserie orne la clé de voûte.

Salle de prière. Vue depuis la tribune sud.Salle de prière. Vue depuis la tribune sud.

La tribune du rabbin est supportée par des colonnes doriques en faux marbre rouge posées sur de hauts socles. Sous son avancée, dans un renfoncement, s'ouvre la porte d'entrée dont les deux vantaux sont sculptés de panneaux à grand cadre encadrés de motifs d'inspiration rocaille. De part et d'autre, un lambris Louis XVI de deux travées comprend un premier panneau avec un tronc couronné d'un nœud de ruban et un second panneau décoré d'un trophée de musique. L'estrade de lecture (Référence du dossier : IM84001888), dont le sol est simplement constitué d'un plancher, est entièrement entourée par un garde-corps en fer forgé avec frise de S et main-courante en bois ; sur ce garde-corps sont fixés des bancs de bois qui, du côté ouest, encadrent deux petits vantaux alors qu'à l'est se détachent trois grands chandeliers rituels disposés sur des consoles. Enfin, au centre de la tribune, s'élève un pupitre peint en faux marbre gris et vert et couronné d'un baldaquin (Référence du dossier : IM84002903).

Face à la tribune, la composition monumentale du sanctuaire en faux marbre gris, rose et jaune relevé de dorure, comprend un ensemble architecturé composé de cinq travées couronnées par un entablement. L'arche sainte (Référence du dossier : IM84003216), protégée par un rideau, occupe la travée centrale, encadrée de colonnes cannelées à chapiteaux ioniques au-dessus desquelles la corniche est cintrée et forme un fronton. Ce fronton est surmonté d'un attique comportant un oculus avec tresse de laurier et nœud de ruban, inscrit entre deux pilastres doriques cannelés qu'encadrent des ailerons. Sur les travées encadrant la travée centrale, un panneau rectangulaire est surmonté par un petit baldaquin ; à l'intérieur un cadre en bois doré entouré de branches de rosier et guirlandes de laurier comporte une inscription en caractères hébraïques (Tables de la Loi). Les travées latérales, situées légèrement en saillie sur les dosserets qui délimitent la partie centrale de la salle, sont couronnées de pots-à-feu ; leur panneau comporte une niche en plein cintre dans laquelle est placée au sud le fauteuil d’Élie (Référence du dossier : IM84001896), au nord un vase fleuri. Un décor similaire, peint en vert d'eau, orne les piliers qui encadrent la tribune ouest (Référence du dossier : IM84001886).

Salle de prière. Fauteuil d'Elie.Salle de prière. Fauteuil d'Elie. Salle de prière. Vue d'ensemble de la voûte.Salle de prière. Vue d'ensemble de la voûte.

Le mobilier de la synagogue est pour l'essentiel constitué de bancs : ceux qui entourent la salle de prière font corps avec les boiseries. Dans les tribunes orientales, réalisés sur mesure, ils forment corps avec les piliers d'arcades. Une lampe de Hanoukka (Référence du dossier : IM84001885) et un riche ensemble de luminaires de provenance et d'époques diverses complètent ce décor.

III. CONCLUSION

L'ensemble synagogal de Carpentras constitue un édifice composite dont la construction a connu plusieurs étapes. Les aménagements médiévaux de la synagogue sont localisés au rez-de-chaussée : ce sont la pièce P, voûtée en berceau plein cintre, le grand arc doubleau présent dans l'espace I, une partie du mur nord et deux piédroits de l'espace O, l'angle sud-ouest de l'espace N et, peut-être, l'arc muré reliant l'espace C à l'espace F. Au début de l'époque moderne, l'aménagement des salles du rez-de-chaussée répond à des préoccupations cultuelles. Le caractère hétérogène de ces pièces et leur agencement complexe indique le remploi de structures antérieures que l'on s'est efforcé de réunir en un ensemble cohérent. Les aménagements du 17e siècle semblent avoir principalement concerné des pièces du rez-de-chaussée, les pièces C, N, O, E, F, H et G notamment, dont l'abaissement du sol témoigne de modifications au siècle suivant.

Essai de phasage de construction du rez-de-chaussée de la synagogue.Essai de phasage de construction du rez-de-chaussée de la synagogue.

Au 18e siècle, la nécessité d'agrandir la synagogue fait entreprendre la reconstruction au premier étage de la salle de prière et de ses dépendances. Un plan de l'ancienne salle de culte permet de constater que les principales dispositions furent maintenues : organisation bipolaire typiquement judéo-comtadine comprenant une arche sainte à l'est et lui faisant face à l'ouest la tribune du rabbin ; présence d'une terrasse à l'est. Des transformation notables affectent les espaces O et K. Dans le courant du 19e siècle, on restaure la salle de prière. Il est possible que certains éléments du décor du 18e siècle aient pu être récupérés et réaménagés : les lambris de style Louis XVI présentent cependant dans le détail un caractère hybride qui les ferait plutôt dater du 19e siècle. A cette époque appartiennent en tout cas les galeries et les coursives en bois néo-classiques qui, aménagées sur les côtés nord et sud de la salle, étaient destinées à accueillir les femmes juives désormais autorisées à suivre le culte dans la salle haute. Le bain rituel situé dans l'espace D est alors doté d'un système de chauffage. Les fours à pain dans leur état actuel seraient également datés du 19e siècle (hormis les portes vraisemblablement postérieures). Enfin, à la charnière des 19e et 20e siècles, la création de l'actuelle façade, du vestibule et de son escalier vient compléter ces travaux. L'espace K alors ouvert aurait été rattaché à la synagogue. A la fin du 20e siècle, au rez-de-chaussée, des modifications à la marge concernent notamment la destruction d'une cloison entre les espaces C et D.

Un projet de musée est en cours : il prévoit l'aménagement des caves et des salles du rez-de-chaussée ainsi qu'un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite.

1THEIS, Valérie. L’expulsion des Juifs de Carpentras au début des années 1320. Dans L'Echo des carrières, septembre 2011, n° 64, p. 7-16. 2BARO, Guilhem. Synagogue de Carpentras. Rapport final d'opération. Service Régional de l'Archéologie Provence-Alpes-Côte d'Azur, Service d'Archéologie du Département de Vaucluse, 2019, p. 313BARO, Guilhem. Synagogue de Carpentras. Rapport final d'opération. Service Régional de l'Archéologie Provence-Alpes-Côte d'Azur, Service d'Archéologie du Département de Vaucluse, 2019, p. 8-9.4BARO, Guilhem. Synagogue de Carpentras. Rapport final d'opération. Service Régional de l'Archéologie Provence-Alpes-Côte d'Azur, Service d'Archéologie du Département de Vaucluse, 2019, p. 115[Plan de la synagogue en 1745]. / Lavis, 1745. Bibliothèque-musée Inguimbertine, Carpentras : Ms 1412. 6autrement appelées matzot ou pain sans levain7BARO, Guilhem. Synagogue de Carpentras. Rapport final d'opération. Service Régional de l'Archéologie Provence-Alpes-Côte d'Azur, Service d'Archéologie du Département de Vaucluse, 2019, p. 84-116.

Si l'autorisation de construire l'actuelle synagogue fut donnée en 1361, cette dernière fut érigée en 1367 et connut de nombreuses modifications, guidées par les nécessités du culte et les vicissitudes historiques. Les éléments médiévaux en partie basse sont peu nombreux, ils sont imbriqués dans de plus vastes espaces modifiés à l'époque moderne. Parmi les salles basses, se trouvait en particulier, en lieu et place de l'actuelle salle de réunion communautaire, la salle de prière des femmes. L'actuelle salle de prière, initialement utilisée par les hommes, au premier étage, fut aménagée lors de la reconstruction de la synagogue. Elle fut réalisée, pour la première tranche, entre 1741 et 1743. L'architecte local Antoine d'Allemand est traditionnellement associé à ce bâtiment mais le projet initial a pu être dessiné par l'architecte Teissier. Le projet n'est achevé que peu de temps avant la Révolution, l'édifice ayant notamment dû être rabaissé pour que sa modestie convienne à l'évêque d'Inguimbert. Au milieu du 19e siècle, des transformations d'importance affectent la synagogue, dotant celle-ci de tribunes pour les femmes et de pièces annexes au décor néo-classique. La façade actuelle et le vestibule furent aménagés à l'extrême fin du 19e siècle.

Située sur la place de l'Hôtel-de-Ville, la synagogue de Carpentras a été réalisée en calcaire (moellons, petit, moyen et grand appareil, enduits ou partiellement enduits et pierre de taille) et couverte de tuiles creuses (toits à long pans et en appentis). Elle comporte une façade discrète. Cette dernière rythmée par trois chaines harpées s'organise en deux travées dissymétriques à trois niveaux. Le bâtiment carré est parfois plafonné, parfois voûté en berceau, demi-berceau ou voûté d'arêtes. Il comprend deux caves, un rez-de-chaussée aux nombreux équipements cultuels (anciens bains et cour d'abattage rituels, fours et fournils, boulangerie ainsi qu'une cuisine communautaire, une salle de réunion, une terrasse...) et deux étages. Des escaliers dans-œuvre permettent de relier les différents niveaux. A l'étage, la salle de prière est une pièce à l'italienne richement décorée de lambris, flanquée de tribunes, d'une salle d'étude et de pièces annexes. L'arche sainte à l'est fait face à l'ancienne estrade de lecture, sur la tribune ouest, desservie par deux volées d'escalier. L'équipement cultuel de la synagogue est complété par un cimetière (Référence du dossier : IA84001117), situé au nord-est de la ville, également propriété de la communauté juive.

  • Murs
    • calcaire moyen appareil enduit partiel
    • molasse grand appareil
    • calcaire moellon enduit
    • calcaire pierre de taille
    • calcaire petit appareil
  • Toits
    tuile creuse
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée, 1 vaisseau, 2 étages carrés
  • Couvrements
    • voûte en demi-berceau
    • voûte en berceau plein-cintre
    • voûte en berceau en anse-de-panier
    • voûte d'arêtes
  • Couvertures
    • toit à longs pans
    • appentis
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre
  • Précision représentations

    Des lambris ornent la salle de prière.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une association cultuelle
  • Protections
    classé MH, 1924/02/22
  • Référence MH

Cette synagogue est l'une des plus anciennes synagogues d'Europe toujours en activité. Son histoire, ses équipements cultuels et le décor remarquable de sa salle de prière en font un édifice unique.

Bibliographie

  • BARO, Guilhem. Synagogue de Carpentras. Rapport final d'opération. Service d'Archéologie du Département de Vaucluse, 2019, 139 p.

  • BRUN, Georges. Les juifs du pape à Carpentras. Carpentras : Le Nombre d'Or, 1975.

  • BRIAT, René. Synagogues comtadines. Dans : Connaissances Arts, n° 324, février 1979, p. 38-47.

  • DUBLED, Henri. Les Juifs de Carpentras à partir du 13e siècle. Dans : Provence historique, 1969, N° 77, p. 214-235.

    p. 214
  • LOEB, Isidore. Les Juifs de Carpentras sous le gouvernement pontifical. Dans : Revue des études juives, tome 12, janvier-mars 1886, p. 34-64.

  • MOULINAS, René. Les vieilles synagogues d'Avignon et du Comtat Venaissin. Dans : Archives juives, N° 16, 1980, p. 14-26.

  • MOULINAS, René. Les Juifs du pape en France : les communautés d'Avignon et du Comtat Venaissin aux XVIIe et XVIIIe siècles. Toulouse : Privat, 1981.

  • LAVEDAN, Pierre. Synagogues de Carpentras et de Cavaillon. 121e congrès archéologique de France, 1963, p. 307-311.

  • LUNEL, Armand. Les synagogues comtadines. Dans : L'Oeil, avril 1955, p. 14-17.

  • SIBERTIN-BLANC, Claude. Notes sur la synagogue de Carpentras. Dans Rencontres, N° 1 et 2, 1959.

  • THEIS, Valérie. L’expulsion des Juifs de Carpentras au début des années 1320. Dans : L’Écho des carrières, septembre 2011, N° 64, p. 7-16.

Documents figurés

  • Plan cadastral de la commune de Carpentras. / Dessin à l'encre sur papier par Auguste Cournaud, géomètre de première classe, 1834-1835. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 3 P 2-031/1 à 3 P 2-031/25.

    3 P 2-031/24
  • [Plan de la salle de prière de la synagogue en 1745]. / Lavis, 1745. Bibliothèque-musée Inguimbertine, Carpentras : Ms 1412.

  • Une ancienne porte de la juiverie du côté de la fon de la Bouquerie, vue en dedans. / Dessin par Denis Bonnet, s.d. Bibliothèque-musée Inguimbertine, Carpentras : Ms 2120.

    Fol. 46
  • Démolition de la juiverie de Carpentras. / Photographie par André-Louis Isnard, 1848. Bibliothèque-musée Inguimbertine, Carpentras : cliché Charline 2008.

  • Essai de phasage de construction du rez-de-chaussée de la synagogue. / Dessin numérique par Guilhem Baro et Heike Hansen, dans "Synagogue de Carpentras. Rapport final d'opération" / Service d'Archéologie du Vaucluse, 2019, 139 p.

Date d'enquête 2002 ; Date(s) de rédaction 2002, 2021
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Giraud Marie-Odile
Giraud Marie-Odile

Chargée d'études documentaires DRAC/CRMH. 1er quart 21e siècle.

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Bonan Aurélie
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

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