Dossier d’œuvre architecture IA84001117 | Réalisé par
Bonan Aurélie (Contributeur)
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

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  • inventaire topographique
Cimetière juif
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Carpentras - Carpentras
  • Commune Carpentras
  • Adresse chemin de l' Aqueduc
  • Cadastre 1834 D3 1270  ; 2021 BV 35
  • Dénominations
    cimetière
  • Précision dénomination
    cimetière juif

Historique détaillé

Le premier cimetière juif

Le premier cimetière juif de Carpentras se situait près de la porte d'Orange. Il disparaît suite à l'expulsion commanditée en 1320 par Jean XXII. Des pierres tombales sont remployées pour construire les murailles de la ville. Au 19e siècle, lors de la destruction de ces dernières, les stèles funéraires sont sauvées et intégrées aux collections de la Bibliothèque-musée Inguimbertine, aujourd'hui située à l'Hôtel-Dieu de Carpentras. Ce sont des stèles gravées du 13e siècle.

Le cimetière juif du 14e siècle à la Révolution

Le nouveau cimetière juif, situé dans l'ancien quartier de Font-Rousse ou Font-Rose, fut concédé le 2 janvier 1344 par l'évêque Hugues en contrepartie d'une redevance annuelle. Il était interdit d'y inhumer des juifs "du dehors", c'est-à-dire étrangers à la communauté juive de Carpentras, sans la permission de l'évêque.

A partir de 1625 et jusqu'à la Révolution, défense fut faite par la papauté d'y ériger des stèles. Les plus anciennes pierres tombales, situées dans la partie sud du cimetière, furent ôtées, ce qui explique que seules les tombes contemporaines, situées sur la partie nord, soient visibles. L'ordonnance de 1625 fut renouvelée le 25 septembre 1751 par Benoît XIV et l'évêque d'Inguimbert.

En 1675, les Juifs avaient planté des mûriers dans le jardin du cimetière : leur exploitation permettait de régler les frais d'inhumation des plus pauvres.

En 1779, l'évêque Béni permit l'agrandissement du cimetière par l'achat de terres adjacentes.

A la Révolution, le cimetière ne fut pas vendu mais désaffecté pendant plusieurs années. Pendant la Terreur, une douzaine de Juifs furent enterrés dans le cimetière municipal chrétien : il s'agissait de gommer les distinctions.

Le cimetière juif après la Révolution

Portail ouest.Portail ouest.Portail sud.Portail sud.

Le cimetière a été entouré d'un mur de pierre suite à une souscription de 1843, prévoyant un portail au sud et un portail à l'ouest, le long de l'aqueduc. Cet enclos fut complété d'un mur de clôture au nord, parallèlement à l'aqueduc demandé en 1851. A cette période, ont été édifiés un dépositoire, maison funéraire commune pour la toilette des morts (restaurée dans les années 1990) et une gueniza servant à abriter les textes anciens usagés.

Suite à la loi du 14 septembre 1881 sur l'interdiction des cimetières confessionnaux, la propriété du cimetière avait été discutée en 1900 et 1902 mais la communauté a pu garder son cimetière. Un acte de notoriété passé devant notaire attribua la propriété définitive du cimetière à l'Association cultuelle israélite de Carpentras en 1996.

Le cimetière fut profané par un groupe de skinheads en 1990.

Ce cimetière juif est le plus ancien de la région. Il a été inscrit sur l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 17 avril 2007.

Description détaillée

Il s'agit d'un cimetière paysager, partiellement envahi par la végétation bien que régulièrement entretenu.

Plan du cimetière et généralités

Confessionnel et indépendant, le cimetière est ceint de hauts murs maçonnés et enduits. Il se divise en deux parties : une partie sud quasiment exempte de stèles et une partie nord où sont regroupés les sépultures postérieures à la Révolution. Une allée est-ouest est bordée d'ifs ; elle mène du portail d'entrée des piétons (portail ouest) au dépositoire. Elle coupe perpendiculairement une allée nord-sud desservie par le portail sud emprunté par les cortèges. Des chemins est-ouest permettent la circulation au sein de la partie nord du cimetière.

Partie sud-ouest du cimetière et vue de l'aqueduc.Partie sud-ouest du cimetière et vue de l'aqueduc.Allée secondaire et enclos familial.Allée secondaire et enclos familial.Enclos familial de la famille Cavaillon.Enclos familial de la famille Cavaillon.Dépositoire vu depuis l'ouest.Dépositoire vu depuis l'ouest.

L'inhumation se pratique en pleine terre. Les tombes du 19e siècle sont majoritairement placées dans des enclos familiaux à composition homogène, clos par des grilles de fer forgé. Les tombes du 20e siècle sont alignées sur plusieurs rangées mais ne sont pas automatiquement orientées. La majorité des tombes sont constituées de dalles horizontales pourvues de stèles. Même si certaines possèdent uniquement des cippes, l'influence sépharade, marquée par des dalles allongées, est remarquable. L'espacement minimum entre chaque corps d'une épaisseur de terre de 48 à 68 centimètres est respectée. Aucun mausolée ou tombeau familial n'a été érigé dans ce cimetière. Environ 900 sépultures contemporaines ont été inventoriées dans la partie nord.

Si la partie sud est semée d'herbes, la partie nord comprend de nombreux arbres et les tombes sont partiellement recouvertes de végétation. Ajouté à l'usure, la végétation ne permet pas l'analyse d'un grand nombre de tombes, notamment celles antérieures à 1840, comme le souligne l'étude d'Amélie Blaustein1.

Le dépositoire pourvu d'une fontaine à ablutions maçonnée et une gueniza ancienne (peut-être jumelée à la tombe d'un sage) sont situés à l'est. A leur proximité immédiate est située une gueniza récente, fermée d'une pierre amovible, où sont jetés à ce jour toutes sortes de textes en hébreu.

Dépositoire : la fontaine à ablutions.Dépositoire : la fontaine à ablutions.Dépôt de textes sacrés dit gueniza et tombe d'un sage (?).Dépôt de textes sacrés dit gueniza et tombe d'un sage (?).

Iconographie et monuments

Dans la première moitié du 19e siècle, les tombes présentent une certaine diversité et parfois se note l'intrusion de monuments. En effet, les pratiques funéraires juives s'alignent sur les pratiques chrétiennes et mettent en scène la mort bourgeoise, selon les termes de Dominique Jarrassé, s'éloignant de la simplicité habituelle des cimetières juifs.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, les enclos familiaux présentent des tombes presque identiques (exemples des enclos des familles Cavaillon ou Valabrègue). La production devient sérielle avec l'industrialisation.

L'iconographie chrétienne est présente dans ce cimetière : les mêmes artisans sont employés par les Juifs et les chrétiens. Mais s'y ajoute une symbolique funéraire propre à l'art juif. Parmi les symboles chrétiens, se relèvent fréquemment des urnes nues ou drapées (linceul du défunt), des vases, souvent en ronde-bosse, des couronnes figurant des fleurs en demi relief, des ornements végétaux (fleurs et feuillages), des os croisés (rarement avec une faux ou surmontés d'un cœur), des cœurs enflammés ou traversés d'une flèche, des sabliers (parfois ailés) et de rares flambeaux. Notons également la présence exceptionnelle sur trois tombes différentes d'un portrait d'homme de profil, d'une chauve-souris et d'une chouette.

Les symboles juifs sont peu utilisés au 19e siècle mais la menorah, symbole juif par excellence, est largement représentée dès le 19e siècle (certaines sont ailées). Sont figurés également :

- l'étoile de David gravée ou en ronde-bosse au sommet de la stèle mais plus systématiquement au 20e siècle, après la Shoah,

- les Tables de la loi, rarement représentées avant 1950,

- les colonnes brisées évoquant un défunt parti trop tôt, ayant souvent âgé de moins de trente ans,

- les mains bénissantes faisant référence aux Cohen ou cohanim (prêtres),

- un shofar (corne) qui orne la tombe d'un tombe de rabbin mort en 1942, rare symbole caractérisant la personne.

Les bougies sans être exclusivement un symbole juif ont une forte importance dans les rituels juifs (allumage des bougies lors des deuils, lors du shabbat, de Hanoukka, combustion perpétuelle du ner tamid ou lampe éternelle) ; elles sont fréquemment représentées sur les tombes.

Quelques monuments de facture proche sont des commandes, révélant parfois une iconographie franc-maçonne. Parmi les symboles francs-maçons, figurent les étoiles à cinq branches, le triangle (stylisation de l'équerre) occasionnellement pourvu d'un œil et l'alpha et l'oméga. Mais on ne trouve pas de compas ou de fil à plomb pourtant très employé dans l'iconographie franc-maçonne.

Pierre tombale au sablier ailé.Pierre tombale au sablier ailé.Pierres tombales aux colonnes tronquées.Pierres tombales aux colonnes tronquées.Pierre tombale au portrait et Tables de la Loi (détail).Pierre tombale au portrait et Tables de la Loi (détail).Dalle aux mains de cohen (détail).Dalle aux mains de cohen (détail).Cippe aux symboles francs-maçons.Cippe aux symboles francs-maçons.

Le 19e siècle est le siècle de l'intégration et de l'assimilation juive dont témoigne l'embourgeoisement des cimetières. Au 20e siècle, le principe très égalitaire du cimetière juif est repris ainsi qu'en atteste la sobriété des tombes.

Les inscriptions

Sont fréquemment inscrits sur les tombes le nom, la filiation, les dates de vie du défunt (très rares mention du calendrier hébraïque) ou son âge au moment du décès, son origine géographique et lieu de mort ainsi qu'une épitaphe.

Nom français et nom hébraïque peuvent se côtoyer ou le nom français figure seul. L'étude de l'onomastique met en valeur le grand nombre de noms de famille provenant de villes et de villages du midi de la France. C'est une des caractéristiques des noms de famille judéo-comtadins. Ainsi, on peut lire sur les sépultures les noms des familles Beaucaire, Bédarrides, Cavaillon, Monteux ou encore Valabrègue... Beaucoup de prénoms sont d'origine biblique.

La mention de la profession n'est pas rare dans l'épitaphe, ni les formules récurrentes lues pareillement sur les tombes catholiques ("Que son âme repose en paix", "Priez pour lui", "Regrets éternels"). Quelques éloges sont personnalisés, plus longues et originales.

L'hébreu est fréquemment utilisé pour la mention ci-gît ("פּנ" ou "פּט") ou encore "Que son âme soit réunie au faisceau des vivants" ("תנצבה"). Les inscriptions peuvent être bilingues mais le français domine. Seul le nom de famille et la présence dans ce cimetière permettent parfois de déduire que nous sommes face à des tombes juives. Un petit nombre de stèles (2) a été érigé à la mémoire de déportés de la Shoah mais pas de monuments. A l'entrée du cimetière, les pilastres du portail sud comportent une inscription en français et une inscription en hébreu. Sur le premier pilastre, est gravée l'inscription en français "Le jour de l'homme passe comme l'herbe, il est comme la fleur des champs qui fleurit pour un peu de temps. Psaume 103, v.15". Sur le second pilastre, lui répond l'inscription "אֱנוֹשׁ, כֶּחָצִיר יָמָיו; כְּצִיץ הַשָּׂדֶה, כֵּן יָצִיץ"(Enosh ke hatzir yamav ketzitz ha sadeh ken yatzitz) qui en est la formulation en hébreu (Remerciements à Hillel Feuerwerker pour son aide à la traduction).

1BLAUSTEIN, Amélie. Le cimetière juif de Carpentras. Mémoire de DEA d'Histoire dirigé par Carol Iancu, Montpellier, 2001-2002.

Ce cimetière fut concédé le 2 janvier 1344 par l'évêque Hugues en contrepartie d'une redevance annuelle de six livres d'épices, poivre et gingembre, puis la valeur de ce don en argent. A partir de 1625 et jusqu'à la Révolution, la papauté défend d'y ériger des stèles. Les plus anciennes pierres tombales furent ôtées ce qui explique que seules les tombes contemporaines soient visibles.

  • Remplois
    • Oeuvre déplacée Commune : Carpentras Lieu-dit : Bibliothèque-musée Inguimbertine, Hôtel-Dieu Adresse : 180 place Aristide-Briand
  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 14e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle

Au nord-est de la ville, en direction de Caromb, au pied de l'Aqueduc construit au 18e siècle, le cimetière juif de Carpentras s'étend sur 3,3 hectares. Divisé en deux parties, une partie herbeuse et une partie pourvue de stèles funéraires, il compte environ 900 tombeaux postérieurs à la Révolution.

  • Murs
    • pierre enduit
  • Statut de la propriété
    propriété d'une association cultuelle
  • Protections
    inscrit MH, 2007/04/17
  • Référence MH

Très ancien cimetière juif, l'un des plus anciens de France, comportant environ 900 sépultures visibles.

Documents d'archives

  • Correspondances relatives au cimetière juif. 1835. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 2 O 31/17.

Bibliographie

  • Association cultuelle israélite de Carpentras. Le cimetière israélite de Carpentras. Carpentras, sd.

  • BLAUSTEIN, Amélie. Le cimetière juif de Carpentras. Mémoire de DEA d'Histoire dirigé par Carol Iancu, Montpellier, 2001-2002.

  • JARRASSE, Dominique. Synagogues, une architecture de l'identité juive. Paris : Adam Biro, 2001, 285 p.

  • LOEB, Isidore. Les Juifs de Carpentras sous le gouvernement pontifical. Dans : Revue des études juives, tome 12, janvier-mars 1886, p. 34-64.

    p. 50-51
  • NAHON, Gérard. Art et archéologie des Juifs en France médiévale, dir. Bernhard Blumenkranz, Toulouse : Privat, 1980, 391 p.

    p. 73-94

Documents figurés

  • Plan cadastral de la commune de Carpentras. / Dessin à l'encre sur papier par Auguste Cournaud, géomètre de première classe, 1834-1835. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 3 P 2-031/1 à 3 P 2-031/25.

    3 P 2-031/11
Date d'enquête 2018 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Bonan Aurélie
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

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