Commentaire historique
Epoque moderne
Dans le cadastre de 1570, ce quartier est nommé « la Tournelle », appellation faisant référence à la tour médiévale (13e siècle) dite Tour du Four (voir dossier IA05001552). Cet ouvrage fortifié occupe l'angle nord-est d'un glacis défensif aménagé au pied de l'enceinte fortifiée de la fin du 14e siècle (voir dossier IA05001550). Cet espace libre était occupé en temps de paix par les aires à battre, la mémoire de cet usage perdurant dans le nom de l'actuelle place des Aires.
Dans le cadastre de 1699, il semble qu'aucun bâtiment n'existe à cet emplacement, occupé par une grande aire à battre rattachée à la maison seigneuriale appelée « le Liotier » (voir dossier IA05001560). Cette appellation est liée au patronyme du châtelain Pierre Liotier, très actif dans les première décennies du 17e siècle. Peu à peu, elle est étendue à l'ensemble de ce quartier : « voute de Liotier », « here de Liotier » (aire à battre) ou « crote de Liotier » (cave ou cavité).
La construction de ce bâtiment pourrait remonter à la première moitié du 18e siècle. Son origine seigneuriale est très probable. En effet, outre son emplacement sur l'ancienne aire à battre du seigneur attestée au 17e siècle, ses volumes importants sont sans équivalent au bourg – hormis ceux encore plus imposants de la dépendance agricole du château appelée Le Grangeon (voir dossier IA05001553).
En avril 1742, le seigneur Jacques d'Ize vend à Antoine Gresse, chirurgien à Rosans, un bâtiment agricole « que led seigneur a ors le présent lieu cartier appellé l’here de Liotier ». Il s'agit très probablement de la construction étudiée ici, appelée « grange voutté », qui comporte alors « une escuirie, grenier à foin, basse cour et regailles ». Le bâtiment est cédé « avec ses portes fermant à clef et tout ce qu’il s’y trouve de cloué et attaché sans y rien réserver, laquelle dite grange voutté, grenier à foin, basse cour et regailles ». Cette grange est bordée à l'est par une aire à battre, au sud par les « murailles du lieu » (la tour ronde) et un jardin, à l'ouest par le chemin public (actuelle rue du Temple), au nord par d'autres bâtiments agricoles privés.
19e siècle
Sur le plan cadastral de 1839, la parcelle possède un plan identique à l'actuel, hormis les petites extensions accolées au pignon ouest. L'emprise parcellaire de 230 m² comprend le bâtiment, mentionné comme une « écurie », et un grand espace libre côté sud, désigné comme « vacant », qui mène jusqu'au portail percé dans l'enceinte fortifiée et ouvrant sur la rue Ismaël-Triolaire.
Elle appartient alors au médecin Jean-Joseph-Antoine-Balthazard Gresse, qui possède également une maison (parcelle 1839 F1 212, voir dossier IA05001561) et deux dépendances agricoles (1839 F1 215 et 252) situées autour de la tour médiévale dite Tour Carrée, ainsi qu'un jardin au sud-ouest du bourg (1839 F1 312). Il est en outre propriétaire d'un domaine agricole de plus de 17 ha, en partie regroupé au quartier des Graves où il possède la ferme des Basses Graves (voir dossier IA05001626), mais également dispersé ailleurs sur le territoire, dans les secteurs de Blache Bouvaire, Pigerolles, Piousselme, la Rebière, les Coings, Champ Piérou, etc
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Propriétés du médecin Balthazard Gresse en 1839, d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
En 1853, ce bâtiment agricole passe à Antoine Truphême et consort puis, en 1879, à Hippolyte Truphémus, fils d'Antoine, « marchand de bœufs ». Avec ce changement de propriétaire, il devient une dépendance de la ferme que la famille Truphémus a fait bâtir en haut de la rue du Temple (voir dossier IA05001607).
Une campagne de réfection réalisée à la fin du 19e siècle ou au début du 20e siècle a concerné l'élévation ouest. C'est en effet de cette époque que date l'encadrement de la porte de l'étable, avec ses piédroits en pierre de taille brochée et son couvrement en poutrelle métallique. Dans l'étable, cette reprise se traduit par l'existence d'une portion de couvrement en voûtains (aujourd'hui disparus mais dont l'arrachement subsiste). Il est possible que ces travaux soient la conséquence d'un effondrement ou d'un affaissement de la voûte originelle. La construction de l'étable à cochon et de l'escalier extérieur accolés à l'ouest remonte également à cette période.
Description architecturale
Cet entrepôt agricole est situé dans la partie occidentale du bourg extra muros, au débouché de la porte ouest de l'enceinte fortifiée. Accolé sur son pignon nord à une ferme dont il est indépendant, il est adossé parallèlement au sens de la pente. Il comporte un étage de soubassement et un très haut rez-de-chaussée surélevé.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Vue d'ensemble prise de l'ouest.
Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
Vue d'ensemble prise de l'est.
Plans schématiques du bâtiment. En haut, étage de soubassement. Au milieu : rez-de-chaussée surélevé. En bas : toit.
Fonctions et aménagements intérieurs
Etage de soubassement
L'étage de soubassement, accessible de plain-pied côté ouest par une large porte charretière, est occupé par une grande étable pouvant servir de remise. Cette pièce est couverte par une voûte en berceau plein-cintre, sauf à son extrémité occidentale où ce couvrement avait été refait en voûtains de briques sur poutrelles métalliques (aujourd'hui remplacés par un plancher mais les poutrelles restent en place).
Etage de soubassement, étable. Vue de volume prise de l'ouest.
Etage de soubassement, étable. Vue de volume prise de l'est.
Le sol est partiellement caladé, avec une rigole centrale pour l'écoulement du purin. Les murs et la voûte reçoivent un enduit rustique. Deux petites niches rectangulaires sont aménagées dans le mur mur est ; dans le mur ouest, une grande niche correspond peut-être à une ancienne baie murée. A l'angle sud-ouest, une autre niche accueille un bassin en ciment disposant d'un robinet d'arrivée d'eau. Dans l'angle nord-est, une pénétration dans la voûte correspond à une ancienne trappe où pouvait être installée une échelle de meunier pour communiquer avec le rez-de-chaussée surélevé.
Etage de soubassement, étable. Mur sud, niche accueillant un bassin.
Etage de soubassement, étable. Angle sud-est, trappe de communication avec le fenil du rez-de-chaussée.
Adossée sur toute la longueur du mur nord, la mangeoire est installée sur une banquette maçonnée et soutenue par des petites arcades en arc segmentaire. Cette mangeoire comporte une planche sur chant, surmontée d'un râtelier métallique en ferronnerie rivetée. Des trappes d'abat-foin, percées dans la voûte au-dessus de ce râtelier, communiquent directement avec le fenil du rez-de-chaussée surélevé.
Etage de soubassement, étable. Mur nord, mangeoire sur banquette à arcades et trappe d'abat-foin.
Etage de soubassement, étable. Mur nord, mangeoire sur banquette à arcades et trappe d'abat-foin.
Rez-de-chaussée surélevé
Le volume du rez-de-chaussée surélevé, d'un seul tenant jusqu'à la charpente, est très haut. Il est occupé par un fenil pouvant aussi servir de remise à véhicules agricoles. Côté est, l'accès se fait de plain-pied grâce à une grande et haute porte charretière. Côté ouest, une porte piétonne est desservie par un escalier extérieur. L'aération est assurée par trois jours côtés carrés ouest et deux jours côté sud.
Le sol est directement constitué de l'extrados de la voûte de l'étable, les murs conservent un enduit rustique.
Rez-de-chaussée surélevé, fenil. Extrados de la voûte.
Rez-de-chaussée surélevé, fenil. Extrados de la voûte.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès, avec des chaînes d'angles en pierre de taille de grès. A la base de la chaîne d'angle sud-ouest, plusieurs blocs sont des remplois de pierres à bossage en grand appareil provenant de l'une des deux tours médiévales du bourg. Les élévations conservent un enduit rustique.
Sur la façade ouest, l'encadrement de la porte de l'étable possède des piédroits en pierre de taille de grès brochée avec arêtes ciselées et un couvrement en poutrelle métallique doublé en bois. Sur la façade est, l'encadrement de la porte du fenil possède également des piédroits en pierre de taille de grès mais avec une finition layée. Le linteau est constitué d'une imposante poutre en bois. Les encadrements des jours sont en pierre de taille de grès avec appuis et linteaux monolithes.
Chaîne d'angle sud-ouest, remployant des pierres à bossage de grand appareil.
Pignon sud, détail de l'enduit rustique.
Elévation ouest, premier niveau. Piédroit de la porte.
A l'angle nord de la façade ouest, un escalier extérieur maçonné donne accès à la porte piétonne du fenil. Ses marches monolithes sont en pierre de taille de grès bouchardée. Cet escalier est prolongé par un palier filant, installé au-dessus d'une étable à cochon bâtie en excroissance perpendiculaire à la façade.
Elévation ouest, escalier extérieur et palier filant sur logette.
Elévation ouest, escalier extérieur.
Le toit à longs pans, supporté par une charpente à pannes, est couvert en tuiles creuses posées sur des chevrons taillés en quartons. L'avant-toit est constitué de deux rangs de génoise alors que la saillie de rive du pignon sud n'en comporte qu'un seul. Le passage de cette génoise aux angles du bâtiment est traité en éventail.
Charpente à pannes et tuiles creuses sur chevrons taillés en quartons.
Elévation ouest, avant-toit constitué de deux rangs de génoise.
Pignon sud, troisième niveau. Jour du séchoir et saillie de rive constituée d'un rang de génoise.