Commentaire historique
Cette maison n'existe pas dans le cadastre de 1699 et son origine remonte vraisemblablement au début du 18e siècle. C'est de cette période que datent plusieurs encadrements : premier et deuxième niveau de la façade est, baie murée de l'élévation nord. A cette époque, une boutique ou un atelier occupe une partie de l'étage de soubassement.
Sa construction pourrait accompagner le démantèlement partielle de la tour-donjon, dite Tour du Four (voir dossier IA05001551), sur laquelle elle est adossée, ou de l'autre tour-donjon, dite Tour du Four (voir dossier IA05001552). En effet, la maçonnerie de cette maison remploie divers éléments en moyen appareil à bossage, issus de ces deux tours médiévales.
Toutefois, la maison a été modifiée depuis cette époque, dans ses élévations comme dans sa distribution intérieure.
Chaîne d'angle nord-est, remployant des pierres de taille à bossage.
Chaîne d'angle nord-ouest, remployant des pierres de taille à bossage.
Le cadastre de 1839
Sur le plan cadastral de 1839, la parcelle possède un plan identique à l'actuel et le dessin montre clairement la présence d'un escalier extérieur adossé à l'angle ouest de la façade nord. Elle est mentionnée comme une « maison » de 70 m² d'emprise au sol, comptant 9 ouvertures et imposée dans la 2e catégorie fiscale (sur 8).
Elle appartient alors au médecin Jean-Joseph-Antoine-Bathazard Gresse. Celui-ci possède également au bourg trois dépendances agricoles mentionnées comme « écurie », deux toutes proches (parcelles 1839 F1 215, 252) et une troisième plus éloignée (1939 F1 298, voir dossier IA05001608), ainsi qu'un jardin (1839 F1 312). Il est en outre propriétaire d'un domaine agricole de plus de 17 ha, en partie regroupé au quartier des Graves où il possède la ferme des Basses Graves (voir dossier IA05001626), mais également dispersé ailleurs sur le territoire, dans les secteurs de Blache Bouvaire, Pigerolles, Piousselme, la Rebière, les Coings, Champ Piérou, etc.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Propriétés du médecin Balthazard Gresse en 1839, d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Placée au-dessus de la porte de la façade nord, une ferronnerie d'imposte (aujourd'hui installée à l'envers) comprend les initiales « G » et « B », qui se rapportent à Balthazard Gresse. La présence de cet encadrement et de son détail montre que d'importants travaux de réfection ont été réalisés par ce propriétaire au cours de la première moitié du 19e siècle, ce que confirment les ouvertures murées. En outre, on observe que la menuiserie de la porte de la façade nord est très semblable à celle d'une maison voisine (voir dossier IA05001562) : ces deux encadrements de portes partagent aussi l'usage de la pierre calcaire, matériau peu employé dans les maisons du bourg de Rosans.
Elévation nord, deuxième niveau. Porte du logis, imposte vitrée et grille en ferronnerie.
Elévation nord, deuxième niveau. Porte du logis, imposte. Grille en ferronnerie : Initiales G et B entrelacées [image retournée en miroir].
L'inventaire de 1851
Suite au décès du médecin Bathazard Gresse, un inventaire des meubles, objets et denrées présents dans sa maison du bourg est réalisé les 9 et 18 avril 1851 (AD05 1 E 8140 ; ce document est retranscrit en annexe au présent dossier).
L'étage de soubassement de la maison est occupé par un cellier appelé « cave », avec une annexe, et des « greniers » sont installés sous le salon du rez-de-chaussée. La communication avec le rez-de-chaussée se fait par un escalier intérieur. Le cellier abrite « deux tonneaux » cerclés de fer, accompagnés de « deux bennes » à vendanger. Quatre récipients destinés à conserver l'huile de noix sont également présents, pouvant contenir en tout 400 litres : « deux urnes à huile, en terre » et deux « pierres à huile » (jarres monolithes). Dans la pièce annexe, on trouve « une vieille table et deux vieilles chaises en bois, en mauvais état » ainsi qu'une « farinière en bois blanc, de la capacité d’environ dix hectolitres, en bon état ».
Le rez-de-chaussée surélevé comprend une cuisine (avec une petite annexe du côté est), un salon à l'est de la cuisine comprenant une alcôve côté ouest. La cuisine est meublée d'une « petite table ronde d’un seul pied au milieu », d'un pétrin et « une horloge avec sa caisse », tous en noyer et en « médiocre état ». Le salon accueille « une table en noyer à quatre pieds », « deux autres petites tables à quatre pieds, à un tiroir chacun, en noyer » et « deux fauteuils et douze chaises en bois de noyer avec les sièges en paille ». Il y a en outre deux armoires murales aménagées dans les murs nord et ouest. Enfin, l'alcôve du salon est occupée par « un bois de lit en forme de bateau et une table de nuit ».
A l'étage, on compte deux chambres : une située au-dessus de la cuisine, complétée par une petite pièce côté sud, et une autre au-dessus du salon.
La première dispose d'une « table en noyer, à un tiroir » avec ses « quatre chaises en paille », d'un « bois de lit ancien et une petite table nuit, le tout en bois noyer », une « petite armoire », « une pendule de cheminée » et « une vielle glace à cadre doré ». Les papiers sont rangés dans « une malle de voyage ».
Dans la petite pièce, on trouve « un petit bois de lit en noyer » et « une petite glace à cadre doré ».
La chambre au-dessus du salon est meublée d'une « table en noyer à quatre pieds, avec un tiroir, le dessus teint en noir » accompagnée de « neuf chaises en paille », « un bois de lit en noyer à bateau », « un pliant à sangles », « une commode à trois tiroirs renfermant des livres anciens » (le « Dictionnaire abrégé des sciences médicales en quinze volumes brochés » et « Nosographie philosophique de Pinel, en trois volumes, brochés »), « un petit garde robe ancien, à deux portes, l’une au dessus de l’autre, et à deux petits tiroirs, entre ces portes », « un grand garde robe en noyer, en bon état, à deux portes », « deux vieilles malles ». Sont également inventoriés les divers instruments et équipements médicaux qui étaient nécessaires à la profession du défunt : seringues, mortiers, flacons, trousse de chirurgien, etc.
L'étage de comble est occupé par un « galetas » où se trouvent « une petite caisse en bois » et « quatre corbeilles en osier ».
Par ailleurs, une dépendance disjointe, située contre la façade ouest de la tour-donjon, est désignée comme une « écurie ».
Evolution foncière aux 19e et 20e siècles.
En 1853, cette maison et les deux bâtiments agricoles situés à proximité passent à Germain Fazende, huissier, qui la conserve jusqu'en 1890. A cette date la maison devient la propriété de Louis-Alfred Félix ; elle comporte toujours 9 ouvertures et reste imposée dans la 2e classe fiscale. En 1902, elle passe à Auguste Tamier, marchand de bois puis marchand de planches, demeurant à Piérauche ; elle ne compte plus que 8 ouvertures. Enfin, en 1905 elle est acquise par Emile Moullet. Dans sa configuration actuelle, le balcon situé sur la façade orientale ne paraît pas antérieur à la seconde moitié du 20e siècle, mais il peut en avoir remplacé un autre installé dès la fin du 19e siècle.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison est située au cœur du bourg intra muros, adossée à la face nord de la tour-donjon médiévale, dite Tour du Four (voir dossier IA05001551), avec laquelle elle forme un îlot indépendant. Possédant un plan rectangulaire orienté est-ouest, adossée parallèlement au sens de la pente, elle comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée et un étage carré, tous desservis par un escalier intérieur.
Elévation est.
Elévation nord.
Elévation nord.
Elévation ouest.
Fonctions et aménagements intérieurs
L'étage de soubassement est accessible de plain-pied par une porte piétonne ouverte dans le mur oriental, précédée de quelques marches extérieures et flanquée d'une ancienne baie boutiquière murée. Celle-ci devait elle aussi disposer d'un aménagement extérieur, degrés ou terrasse. Son existence rappelle qu'un commerce ou un atelier occupait au moins la moitié de cet étage, le reste étant sans doute réservé à une resserre ou à un cellier aéré par un jour percé côté nord. A l'angle nord-est, directement desservi depuis l'extérieur par la porte piétonne, un escalier intérieur monte jusqu'au rez-de-chaussée surélevé, où son arrivée est éclairée par un oculus.
Le rez-de-chaussée surélevé et l'étage, réservés au logis, communiquent par un escalier intérieur qui occupe l'angle nord-ouest du bâtiment. L'accès au rez-de-chaussée se fait de plain-pied par une belle porte ouverte dans la façade nord, précédée d'un palier filant bâti sur un massif maçonné. Cet aménagement remplace l'escalier extérieur qui était dessiné à cet emplacement sur le plan cadastral de 1839.
Structure et matériaux
L'ensemble du bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès, avec des chaînes d'angles mêlant gros moellons équarris et pierres de taille. A la base de la chaîne nord-est et sur presque toute la hauteur de la chaîne nord-ouest il s'agit d'anciens blocs à bossage qui, pour la plupart, ont été remployés après avoir été bûchés si ce n'est refacés.
Les façades et la couverture ont été restaurés récemment. Si le traitement actuel à pierres vues offre une bonne lecture historiques des maçonneries, elles devaient néanmoins recevoir un enduit, peut-être décoré de fausses chaînes d'angles et de faux encadrements.
Hormis celui de la porte de la façade nord, les encadrements en pierre de taille de grès sont layés avec des arêtes vives. Sur la baie boutiquière murée, le couvrement est une plate-bande lisse. Ailleurs il s'agit d'un linteau droit monolithe. Côté est, le linteau de la porte de l'escalier est surmonté d'un grand jour d'imposte, lui aussi encadré de pierre de taille. Cette porte est équipée d'une menuiserie à planches croisées et cloutées.
Elévation est, premier niveau.
Elévation est, premier niveau. Porte avec encadrement surmonté d'un jour en pierre de taille.
Elévation est, premier niveau. Porte, détail de la menuiserie.
L'encadrement de la porte de la façade nord est en pierre de taille calcaire. La base des piédroits est saillante et moulurée et la partie haute est rehaussée d'une petite corniche. Le couvrement est une plate-bande lisse à clef centrale. Cette porte est équipée d'une menuiserie à deux vantaux avec panneaux saillants en soubassement et panneaux en creux nervurés en partie haute ; on note la présence d'une poignée et d'un heurtoir métalliques. Cette menuiserie est surmontée d'une imposte vitrée, protégé par une grille en ferronnerie à motifs de volutes intégrant en son centre les initiales « G » et « B » ; cette grille est actuellement montée à l'envers et les lettres doivent se lire en miroir.
Les encadrements des autres ouvertures sont simplement façonnés au mortier, avec un linteau droit en bois, mais la plupart disposent tout de même d'un appui en pierre de taille.
Le toit à un pan est complété de croupes aux extrémités est et ouest. Sa couverture en plaques ondulées de fibro-ciment supporte des tuiles creuses. L'avant-toit est constitué de quatre rangs de génoise anciennement peints en gris, le passage des angles se faisant en éventail.
Elévation nord, deuxième niveau. Porte du logis.
Elévation nord, deuxième niveau. Porte du logis, détail de l'encadrement.
Elévation nord, deuxième niveau. Jour de l'escalier intérieur.