Commentaire historique
Evolution du bâti
La construction du bâtiment actuel – dans les années 1860 – a été faite au détriment des constructions antérieures, qui ont été complètement transformées si ce n'est rasées. Toutefois, l'axe de sa façade occidentale conserve l'alignement du tracé de l'ancienne enceinte médiévale (fin du 14e siècle, voir dossier IA05001550) qui venait se raccrocher sur les fortifications du château. Si la maçonnerie de cette muraille est partiellement conservée dans le bâtiment agricole situé de l'autre côté de la porte de ville qui flanque cette ferme (voir dossier IA05001584), elle n'existe plus ici.
Si la grande voûte d'arêtes en briques de la remise-étable remonte sans doute à la reconstruction de 1866, en revanche les couvrements en voûtains de la partie nord sont plus récents. De même, l'existence d'une trappe d'abat-foin et d'une baie fenière murées au niveau du pignon sud indique qu'à l'origine toute la moitié sud du rez-de-chaussée surélevé était occupée par un fenil, ultérieurement transformé en chambres. Ce dernier réaménagement ne semble pas antérieur aux années 1920-1930. C'est d'ailleurs de cette période que datent les enduits décorés conservés sur les élévations.
Archives
Cadastres de 1570 et 1699
Dans le cadastre de 1570, on observe que ce quartier du bourg est appelé « la Frache » ou « la Franche », toponyme qui fait référence à une brèche pratiquée dans la muraille d'enceinte, ouverture à l'origine de la porte de ville mitoyenne de la ferme, dont l'encadrement actuel date de 1727. D'après le cadastre de 1699, si le découpage parcellaire de cet îlot à cette époque apparaît assez différend de celui d'aujourd'hui, l'emprise générale de l'îlot est assez similaire, occupée par plusieurs maisons installées entre l'église Saint-Arey et la muraille médiévale. L'actuel passage étroit séparant ces maisons du château et de sa basse-cour existe déjà au 16e siècle. Mentionné en 1699 comme « ruelle ou régailes du seigneur » ou « petite ruelle recevant l'eau de couvert », ce dispositif qui pourrait avoir donné le nom de « la Valla » aux quelques jardins alors installés entre le pied extérieur de l'enceinte médiévale et le pignon sud du château – ce toponyme est déjà présent dans le cadastre de 1570.
Bourg de Rosans. Toponymes mentionnés dans le cadastre de 1570 (AD05 3E 6468).
Bourg de Rosans. Toponymes mentionnés dans le cadastre de 1699 (AD05 3E 6470).
Cadastre de 1839 et évolution foncière au 19e siècle
Sur le cadastre de 1839, l'emprise bâtiment actuel correspond à trois parcelles (F1 282, 283, 284), deux mitoyennes et la troisième (F1 284) séparée par un passage où se développe un escalier extérieur. La parcelle F1 282 est mentionnée comme une « maison » ayant une emprise au sol de 50 m², comptant 3 ouvertures et imposée dans la 6e classe (sur 8), appartenant à Jean-Jacques Rolland, dit Luzerne. La parcelle F1 283, désignée comme une « maison » de 80 m² au sol, appartient à la commune de Rosans et sert de maison commune. Quant à la parcelle F1 284, il s'agit d'une « écurie » de 32 m² au sol appartenant à Louis Collomb, demeurant à Pierauche.
En 1852, la maison F1 282 passe à Antoine Truphême, qui possédait déjà la maison mitoyenne F1 281 (voir dossier IA05001564) ainsi qu'un important domaine agricole. En 1867, la matrice cadastrale enregistre qu'il est devenu propriétaire des deux autres bâtiments (maison F1 283 et écurie F1 284). Cet enregistrement permet manifestement de normaliser la situation foncière, suite à la construction de la ferme actuelle, dont la date portée 1866 – accompagnée des initiales « A T » pour Antoine Truphême – correspond probablement à l'achèvement de son édification. Mais c'est seulement en 1872 qu'une « construction neuve » est déclarée dans la matrice.
A partir de 1873, les biens de Antoine Truphême passent à ses héritiers Hippolyte, Philomène et Edouard. En 1879, le domaine est partagé et cette ferme revient à Hippolyte Truphême, fils d'Antoine, désigné comme « marchand de bœufs ». A cette occasion, les informations cadastrales concernant la parcelle F1 284 sont clairement mises à jour : la maison est déclarée posséder une emprise au sol de 80 m², compter 9 ouvertures et est imposée dans la 1ère classe fiscale. Quant à la maison F1 282, elle conserve ses caractéristiques de 1839 : F1 282, 50 m², 3 ouvertures, 6e classe. Aucune mutation n'est ensuite mentionnée, au moins jusqu'en 1905.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Elévation ouest, premier niveau. Porte charretière, date gravée (1866) accompagnée d'initiales (AT).
Description architecturale
Cette ferme, située dans la partie nord-ouest du bourg intra muros, est installée à l'emplacement de l'ancienne enceinte, juste au sud du château dont elle est séparée par un étroit passage. Adossée perpendiculairement au sens de la pente, elle comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage de comble.
Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
Elévation ouest.
Vue d'ensemble prise du sud-est.
Elévation est.
Fonctions et aménagements intérieurs
Etage de soubassement
Plan schématique du bâtiment : étage de soubassement.
Partie nord
La partie nord de l'étage de soubassement est accessible de plain-pied par une porte piétonne ouverte côté ouest, qui donne sur un vestibule où est stockée une grande jarre à huile en terre cuite. Le sol est en carreaux granités, les murs sont enduits et peints avec un décor de plinthes brunes, deux cornes de vache sont scellées dans la maçonnerie faisant office de patères, le couvrement en voûtains est également enduit.
Etage de soubassement, vestibule. Vue de volume prise de l'ouest.
Etage de soubassement, vestibule. Mur sud, corne de bovin scellée dans le mur.
Ce vestibule distribue au nord deux pièces indépendantes : un petit logis à l'ouest et un cellier à l'est. Ce dernier, aux murs bruts de maçonnerie et couvert en voûtains de briques sur poutrelles métalliques, accueillait une cuve vinaire en bois approvisionnée par une trappe percée dans le couvrement.
Etage de soubassement, cellier. Vue de volume prise de l'ouest.
A l'extrémité orientale du vestibule, un escalier à retour donne accès au rez-de-chaussée surélevé. Les marches sont en pierre de taille de grès et une logette est installée sous le rampant. L'emprise de cet escalier et du cellier, qui déborde à l'est par rapport à la remise-étable, empiète dans la maison mitoyenne (voir dossier IA05001564). D'ailleurs, le palier intermédiaire de l'escalier ouvre sur un passage installé sous cette maison, couvert par une voûte d'arêtes, qui débouche dans la rue du Passet.
Etage de soubassement, vestibule. Départ de l'escalier.
Partie sud
La partie sud de l'étage de soubassement est occupée par une grande remise-étable, accessible de plain-pied grâce à une porte charretière et éclairée par un jour ouvert côté ouest. Cette pièce est couverte par deux travées de voûte d'arêtes en briques pleines, leur liaison étant renforcée par un arc doubleau. Le sol est partiellement pavé, formant un large tapis devant une longue mangeoire adossée au mur oriental sur une banquette maçonnée. Elle est surmontée d'un râtelier en ferronnerie et dispose de nombreux anneaux régulièrement répartis. A l'extrémité sud, la voûte est percée d'une trappe (murée) qui correspond à un ancien abat-foin communiquant originellement avec le fenil. Un bassin en ciment est installé dans l'angle nord-ouest, anciennement à usage de lavoir.
Etage de soubassement, remise-étable. Mur est, mangeoire.
Etage de soubassement, remise-étable. Vue de volume prise du nord.
Etage de soubassement, remise-étable. Mur est, retombées des voûtes d'arêtes et arc doubleau.
Etage de soubassement, remise-étable. Angle nord-ouest, bassin.
Rez-de-chaussée surélevé
Plan schématique du bâtiment : rez-de-chaussée surélevé.
Le rez-de-chaussée surélevé est entièrement occupé par le logis. Le palier de l'escalier, qui se poursuit vers l'étage de comble avec un retour, donne accès à un vaste logis qui occupe toute la partie nord du bâtiment. Dans cette vaste pièce, le sol est un plancher, les murs sont enduits et peints avec un décor de plinthe brune et un liseré en partie supérieure, le plafond est enduit sur lattis. Une cheminée est adossée au mur nord, avec une hotte et un manteau maçonnés, ce dernier recevant un habillage en bois ; la sole, également maçonnée, est surélevée du plancher. Cette cheminée est flanquée d'un placard d'angle et d'une horloge en pied. Une pile d'évier est aménagée dans une niche à l'angle sud-ouest, non loin de la porte-fenêtre qui ouvre sur le balcon, accompagnée d'un petit placard-niche.
Rez-de-chaussée surélevé, salon. Mur nord, placard, cheminée et horloge.
Rez-de-chaussée surélevé, salon. Mur nord, cheminée.
Rez-de-chaussée surélevé, salon. Vue de volume prise du nord-est.
Une cuisine est installée dans l'excroissance nord-est, éclairée par une fenêtre côté nord sous laquelle est installée une autre pile d'évier. Deux grands placards muraux sont aménagés contre le mur est.
Au sud, trois chambres en enfilade disposent chacune d'une fenêtre et d'une alcôve intégrant un placard-niche. Les sols sont en parquet et les murs sont tapissés. Une petite cheminée basse est engagée dans le mur nord de la première chambre et une autre dans le mur sud de la dernière chambre ; elles possèdent un habillage en marbre. Une porte piétonne ouverte dans le mur oriental, qui desservait originellement le fenil qui occupait la partie sud, permet l'accès de plain-pied.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Vue de volume prise de l'ouest.
Rez-de-chaussée surélevé, salle-à-manger. Vue de volume prise du sud.
Etage de comble
Plan schématique du bâtiment : étage de comble.
Les deux volées de l'escalier qui montent à l'étage de comble sont en menuiserie, avec une rambarde en ferronnerie équipée d'une main courante en bois. Le palier distribue trois portes et l'escalier continue à monter d'une volée supplémentaire, desservant un palier en cul-de-sac. Cette disposition pourrait témoigner d'une volonté de surélévation ultérieure, jamais aboutie. Dans la cage de cet escalier, les murs sont peints, avec un décor de plinthe réalisé par mouchetis jaune et noir.
Rez-de-chaussée surélevé, cage d'escalier. Vue de volume prise de l'ouest.
Etage de comble, cage d'escalier. Vue de volume prise de l'ouest.
Etage de comble, cage d'escalier. Plinthe peinte.
Les menuiseries des portes sont à panneaux moulurés. Les deux portes nord donne chacune accès à une petite pièce. Celle située à l'ouest, éclairée par deux jours, a pu servir de chambre. En revanche, la pièce aveugle au nord-est était un séchoir.
Quant à la porte sud, elle ouvre sur un vaste volume réservé au fenil-séchoir, éclairé par deux jours à l'est et à l'ouest ; une troisième ouverture, murée, existait dans le mur sud (baie fenière ?). Le sol est un plancher et les murs sont laissés bruts de maçonnerie.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès. La façade occidentale conserve un enduit lisse alors que les sur les autres élévations il s'agit d'un enduit rustique. Malgré leur finition différente, ces enduits sont ornés d'un décor de faux appareil gravé en soubassement complété par un décor peint de fausses chaînes harpées, de faux encadrements et d'un bandeau de sous-toiture, rehaussés d'un liseré.
Elévation ouest, premier niveau. Décor de faux appareil gravé et peint en soubassement.
Elévation ouest, troisième niveau. Jour avec décor peint de faux encadrement surmonté d'un bandeau, avant-toit constitué de deux rangs de génoise avec rangs de carreaux de terre cuite.
Les encadrements des ouvertures sont en pierre de taille de grès, bouchardée avec arêtes ciselées. Celui de la porte charretière est en arc segmentaire, les autres possèdent un couvrement droit monolithe. Les fenêtres disposent d'un appui saillant, également en pierre de taille. Seuls les encadrements des jours sont façonnés au mortier ; ils sont en arc plein-cintre sur la façade ouest et rectangulaire sur la façade est.
Sur l'élévation occidentale, la porte du logis possède une menuiserie à panneau mouluré, surmontée d'un jour d'imposte vitré en bois. Sur l'élévation orientale, la menuiserie de la porte est beaucoup plus simple, en planches croisées. Les fenêtres sont équipées de contrevents en planches croisées ou à persiennes.
Elévation ouest, vue partielle.
Elévation ouest, premier niveau. Fenêtre occultée par des contrevents à planches croisées.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis, détail de la menuiserie.
Au deuxième niveau de la façade occidentale, le balcon est bâti sur une poutrelle métallique industrielle en U scellée dans la maçonnerie. Il est fermé par un garde-corps en ferronnerie à volutes.
Elévation ouest, deuxième niveau. Balcon.
La charpente est à pannes sur fermes avec poinçons. Le toit est à longs pans sur la partie sud et à un seul pan sur la partie nord. Il est couvert en plaques ondulées de fibro-ciment supportant des tuiles creuses. La souche de la cheminée est en briques pleines, surmontée d'un petit couvrement métallique. L'avant-toit est constitué de deux rangs de génoise alors que la saillie de rive des pignons n'en possède qu'un. Ces génoises sont peintes en blanc et le passage des angles est traité en éventail.