Construction et armement
Le site de la batterie de côte de Cépet, ou batterie haute du cap Cépet, au sud-est de la presqu'île de Saint-Mandrier (alias presqu'île de Cépet) occupe une hauteur dominant en retrait le site d'une batterie plus ancienne, implantée à basse altitude sur la pointe du cap, connue aussi au XIXe siècle sous le nom de Rascas.
Le cap Cépet n'avait pas été envisagé dans la logique d'implantation de la première génération des batteries de côtes mises en place sur la presqu'île par Vauban et Antoine Niquet en 1695, qui avait surtout mis en place des batteries sur la côte nord, face aux rades, et sur la côte est, pour défendre l'entrée de la grande rade. Sur sept batteries construites en 1695, une seule était implantée au sud, sur le cap Saint Elme, flanquant l'isthme et la plage des Sablettes, et une autre, celle de Mord'huy, était placée au sud de la côte est, à peu de distance du cap Cépet.
La première batterie du Cap Cépet n'est crée qu'en 1795, dans la période révolutionnaire. En l'an 2 de la République, une commission composée des sieurs Locquin, Thévenard, Toufaire et Pierron, examine "l'état de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la montagne (nouveau nom de Toulon à partir de la Convention), pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs (...)". Il n'est fait état, ni dans le mémoire daté du 16 prairial (4 juin 1794), ni sur le plan associé 1, des batteries de la Coudoulière, de Maregau ou du cap Cépet. [Carte des batteries de la rade de Toulon] 1794.Une autre carte, postérieure d'un an, exposant le projet de la 3e année républicaine, signée du directeur des fortifications Garavague 2, figure au-dessus du cap Cépet un épaulement offrant des directions de tir frontales et diagonales vers le large. Quelques mois plus tard les travaux sur l’ensemble du front de mer sont lancés, sous l’égide d’une Commission du septième arrondissement des côtes, comprises entre Marseille et Savone 3. Un plan général de la presqu'île daté de l'an IX de la république 4 montre que l'épaulement projeté a été réalisé plus bas que prévu, sur la pointe même du cap ; c'est une batterie adaptée à quatre canons.
Le plan de la presqu'île de Cépet pour 1811 5 figure sommairement l'épaulement en U évasé de la batterie avec, nettement à sa gorge, un seul petit bâtiment. Par ailleurs ce plan montre qu'une "tour modèle n° 3" est projetée au-dessus, sur la hauteur du cap Cépet, soit à l'emplacement de la batterie actuelle. Dans une lettre datée de Saint-Cloud le 3 mai 1812 et adressée au duc de Feltre 6, son ministre de la guerre, Napoléon ordonne le programme à mettre en œuvre d'urgence à la Croix des Signaux et à la Carraque, et mentionne accessoirement à propos de la batteries de Mord'huy : "Ce n'est qu'en 1814 et 1815 qu'on pourra s'occuper des tours de Mordhuy et du cap Cépet, si cela est jugé nécessaire". [Carte de la presqu'île de Cépet.] 1811.
Un autre plan général de la rade, sommaire dans le détail des batteries, daté de 1816, montre, quand à lui, deux petits bâtiments à la gorge de celle du Cap Cépet, celui porté en 1811 et un autre à l'arrière du flanc droit de l'épaulement.
A l'instar des autres batteries de côte de Toulon et de la presqu'île, la batterie du cap Cépet est laissée apparemment sans changement jusqu' à ce que la commission de défense des côtes de 1841 qui lance un programme général de remise aux normes des batteries de côte, la juge mal défendue. Ses bâtiments, exprimés de façon plus lisible sur le détail de la carte générale de la presqu'île dressée en 1844, se composent, à la gorge de l'épaulement, de deux petits corps inégaux séparés, sans doute un corps de garde et un magasin, reliés par un mur qui ferme plus ou moins la gorge de la batterie. un autre bâtiment ou magasin, encore plus petit et carré, s'élève à l'extérieur de la gorge de la batterie, à l'arrière du flanc droit.
Le colonel Edouard Picot, directeur des fortifications de Toulon, et le chef du génie Dautheville, bientôt remplacé par le chef de bataillon Joseph Corrèze, sont chargés, à partir de 1843, de travailler aux projets de reconstruction ou de réorganisation des ouvrages de défenses, tant forts que batteries.
Comme à la batterie de la Coudoulière, mais un peu moins précocement, soit en 1849-1850, le parti adopté consiste à remplacer les bâtiments existants par un des modèles-type de réduits de batterie de côte mis au point en 1846, corps de garde défensifs ou tours, déclinés en trois échelles de dimensionnement. En l'occurrence, le choix se porte au Cap Cépet sur un corps de garde défensif n° 3, le plus petit, adapté à vingt hommes servant une batterie de quatre pièces. Ce corps de garde remplace tous les bâtiments antérieurs, tous rasés, et l'épaulement est réformé en rallongeant ses flancs latéraux de deux branches parallèles, celle de gauche plus longue, destinées à défiler le réduit des tirs latéraux venus de la mer.
En avril 1858, le colonel Antoine Long, chef du génie de Toulon, présente un projet de défilement du réduit de deux batteries de la côte sud, la Coudoulière et le Cap Cépet. Le défilement consiste à rehausser leur parapet crénelé. Ce projet de défilement est ajourné deux ans, et reformulé différemment le 20 avril 1860 : le parti alors proposé, et exécuté, consiste à bâtir sur la plate-forme deux murs de refend disposés en chicane.
Dans la décennie 1870, la réorganisation de la défense des côtes fait l'objet d'une Instruction datée du 30 mai 1872 7 qui institue une commission mixte de révision de l'armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon. L'objectif fixé consiste à réaménager les défenses afin de faire face à trois types de menace : le forcement des passes, le bombardement naval et l’attaque de vive force par des moyens navals et terrestres combinés. Le rapport de la commission, daté du 6 mars 1873 8, constate que l’emploi de la vapeur dans la propulsion navale a fait perdre à la rade de Toulon son caractère d’abri sûr, ce qui nécessite le renforcement défensif des côtes sud donnant sur le large, notamment pour interdire le débarquement sur les plages proches de la place et pour obliger les navires ennemis à tirer en marchant et le plus loin possible des côtes: "Avant les navires à vapeur et l’artillerie à longue portée, Toulon était considérée à juste titre comme à l’abri de toute attaque du côté de la mer.. on ne peut pénétrer à la voile dans la petite rade qu’en louvoyant ou vent arrière... Aujourd’hui cette sécurité si complète de la rade de Toulon sous la défense de ses batteries contre les attaques maritimes de l’ennemi n’existe plus. Avec la vapeur les navires n’ont plus à s’inquiéter de la direction du vent pour entrer et sortir des rades ; des cuirassés peuvent tenter de forcer les passes et l’artillerie à longue portée permet d’envoyer des boulets de la pleine mer sur Toulon (...) "
Les batteries alors en place sur la côte sud de la presqu’île de Cépet sont, d'est en ouest, celles du cap Cépet (alias de Rascas), de la Coudoulière, de Saint-Elme, complétées, hors presqu'île mais proche des Sablettes, par celle de Faubrégas. La batterie de Marégau n'est pas mentionnée, étant désarmée et abandonnée aux domaines depuis 1857. Le commandement (l'altitude) de ces batteries est jugé dans l'ensemble insuffisant, et leurs feux ne sont pas assez convergents pour atteindre un même point de la route suivie par des cuirassés ennemis. En conséquence, le rapport de la commission de 1873 est d’avis de renoncer à ces ouvrages, sauf à en conserver une partie pour s’opposer à un débarquement. L'implantation de nouvelles batteries puissantes du type batterie de bombardement, sur les hauteurs de la Croix des signaux et du Lazaret est envisagée, tandis que des pièces blindées de fort calibre pourraient être placées à Rascas et à Maregau, pour assurer des tirs de rupture sur les cuirassés. Dans le cas de Rascas et Marégau, il faudrait réhabiliter et adapter l'ancienne batterie, ou en créer une nouvelle mieux placée à proximité, ce qui n'est pas encore explicitement défini en 1873.
De nouvelles normes spécifiques aux batteries de côte sont posées par instruction du 18 mars 1876. Les pièces doivent être placées à barbette sur des plates-formes de maçonnerie séparées par des traverses-abris (une par pièce ou, au plus, par deux pièces). Le parapet en terre doit avoir 6 à 8 mètres de profondeur. Selon le type de batterie, les calibres oscillent de 16 cm à 32 cm 9.
Le 28 novembre 1876, après un travail de plusieurs mois, la commission de révision de l'armement du littoral rend un rapport actualisant celui de 1873, qui planifie la réorganisation générale de la défense du port et de la rade. Ce plan de défense de la rade de Toulon de 1876, approuvé le 4 avril 1877 10 et révisé le 27 aout, prévoit l’abandon de six à huit batteries, l’adaptation de cinq à six et la création ex nihilo de neuf à dix autres, dont, pour la côte sud de la presqu'île de Saint-Mandrier, celles de Cépet et du Gros Bau, prévues armées chacune de deux canons de 16 cm. La nouvelle batterie du cap Cépet, proposée seulement dans l'état du plan de défense révisé en aout 1877, doit remplacer l'ancienne, abandonnée, en occupant, au-dessus, la hauteur du cap sur laquelle avait été projetée en 1811 une tour-modèle non réalisée. Encore au-dessus, au point culminant de la presqu'île, la Croix des Signaux est considérée comme la position la plus importante pour la défense de Toulon du côté de la mer, permettant une action à la fois vers le large et vers la rade, d'où le projet d'une nouvelle et forte batterie en appoint et à côté du fort existant.
Les missions des batteries de côte programmées en 1877 se répartissaient en principe en trois catégories : des batteries de bombardement, placées en altitude (plus de 50m), pour le tir plongeant courbe sur les ponts des navires, ce qui est le cas de la Croix des Signaux (120m), des batteries de rupture, pour le tir tendu bas battant l’accès des passes et des rades contre les coques des navires, ces deux catégories adaptées en principe aux canons de gros calibre, enfin des batteries de moyen calibre et de mortiers, pour l’action rapprochée contre l’artillerie secondaire des navires plus rapides et faiblement protégés. Les batteries programmées à Cépet et au Gros Bau sont prévues plutôt pour des pièces de moyen calibre, mais étant implantées à plus de 50m d'altitude (70m dans les deux cas), soit deux fois plus haut que l'ancienne batterie remplacée, elles sont conçues pour le bombardement.
Ce programme est mis en œuvre à partir de l’année 1878, en phase avec la construction de forts détachés distants assurant, selon les principes de Séré de Rivières, la défense terrestre de la place forte de Toulon. La construction de la nouvelle batterie de Cépet, dite aussi batterie haute du cap Cépet pour la différencier de la batterie antérieure, promise au déclassement mais maintenue en place, est lancée en 1879. L'ouvrage est en état d'être mise en service en 1881, avant le commencement du chantier de celle du Gros Bau (1882). La dépense totale s'élève à 227 571 francs, dont 62 571 sont employés pour les acquisitions de terrain, soit un coût de 165.000 fr pour la construction. La batterie est conçue pour un armement plus important et plus puissant que celui prévu en 1877, d'ailleurs identique à celui proposé au Gros Bau : deux canons de 24cm et deux de 19cm face au large (sud), deux autres de 19 sur le flanc gauche (est) complétés par deux pièces annexes de 16cm sur le flanc droit (ouest). L’armement des pièces nécessite dix huit canonniers et quarante quatre auxiliaires, fournis par la 1° batterie du 19° régiment d’artillerie et par la 1° batterie du 15° régiment d’artillerie territoriale. Les deux batteries de Cépet et du Gros Bau sont conçues pour combiner leur action vers le large.
Batterie du Cap Cépet construite en 1879-1880.Un plan de la "batterie du cap Cépet" dressé à son achèvement, en novembre et décembre 1880, par le chef du génie de Toulon, Lambert, documente l'état initial de l'ouvrage.11
Il s'agit dans les deux cas d'une batterie fermée, enveloppée d'une enceinte en partie retranchée par un fossé sommaire, mais dans le cas de Cépet, l'enceinte est plus robuste : elle enveloppe entièrement l'ouvrage, et non seulement le secteur de gorge, et prend l'aspect d'un revêtement d'escarpe autour des épaulements de terre de la batterie proprement dite, et non seulement celui d'un mur de protection léger. A la différence de ce qui a été réalisé au Gros Bau, le plan de la batterie proprement dite, soit celui défini par ses épaulements, comportant un front de tête et deux flancs de même longueur, tend à une certaine symétrie, se rapprochant du modèle-type à peu près pentagonal des forts et batteries fermées de Séré de Rivières. Cette symétrie recherchée est altérée par le fait que le flanc droit de la batterie, armé des deux pièces de 16cm, forme un retour d'angle obtus beaucoup plus ouvert que celui décrit par le flanc gauche. L'axe de symétrie théorique, nord-sud, est matérialisé par une grande et haute traverse centrale ou merlon formant parados, qui divise l'aire intérieure et deux parties presque égales, et abrite le magasin à poudres, d'une capacité de 63.000 kg, largement enterré, selon les directives générales de 1868 et 1874. Les emplacements de tir des deux pièces de 24cm, en forme de cuve hémicirculaire, sont disposés aux angles de la batterie, de chaque côté du front de tête, et encadrent symétriquement les deux emplacements carrés des pièces de 19cm, séparées l'une de l'autre par la traverse-merlon centrale, qui recouvre un abri dans cette partie postérieure. Une petite traverse pentagonale sépare les positions de 24 de celles de 19, et deux grosses traverses-abri diagonales (l'abri sert de magasin à munitions) séparent le front de tête (sud) et ses quatre pièces des deux flancs de la batterie, dont les deux emplacements de tir, l'un, à gauche, pour deux pièces de 19, l'autre pour deux pièces de 16, forme une aire rectangulaire décloisonnée.
Du fait du gros merlon central hébergeant le magasin à poudre (parti que l'on retrouve aussi, dans une variante asymétrique, à l'ouvrage du Gros Bau), la porte de l'ouvrage de Cépet, précédée d'un pont levis (ou d'un pont volant?) n'est pas implantée au centre du front de gorge, mais dans sa moitié droite. Elle donne accès à la cour ou place d'armes de l'ouvrage, bénéficiant d'un espace élargi par le retour d'angle ouvert du flanc droit de la batterie. C'est sous ce flanc droit de l'épaulement de la batterie qu'est enterré le casernement casematé, dont seule la façade est dégagée sur cour. Cette disposition est davantage apparentée à celle qui prévaut dans les forts qu'au modèle des casernements de batteries de côtes des années 1880, non enterrés, parfois non casematés mais défilés par leur position basse dans une cour encaissée, comme au Gros Bau (mais aussi, à l'est de la rade, à Sainte-Marguerite, à la Bayarde ou à la Gavaresse). Le casernement comporte deux casemates de troupe, chacune pour 50 hommes au maximum, encadrées d'une casemate pour officier, à droite, et d'une pour six sous-officiers, à gauche (surmontée par la traverse-abri diagonale de droite). Une cuisine est aménagé en fond de cour, sous le front de tête de la batterie, et les latrines sont nichées derrière le mur de soutènement sur cour du gros merlon central, dans lequel est également percée la porte du sas d'entrée en chicane du magasin à poudre.
Dans la moitié gauche de l'ouvrage, entre le merlon central et le flanc gauche de la batterie règne une place d'armes plus étroite, et plus haute que la cour d'entrée (de 4 à 5m), desservie depuis celle-ci par une rampe courbe contournant la tête du merlon. De là, des rampes secondaires desservent les emplacements de tir des sections d'artillerie de la moitié gauche de la batterie, et un chemin de ronde passe sous la partie postérieure de la traverse-merlon pour desservir la moitié droite de la batterie, circulant au-dessus de la cuisine et du casernement.
A droite de la porte d'entrée, côté cour, une citerne circulaire de 27,6 m3 est réservée en sous-sol dans l'angle de la cour, devant la façade du casernement, tandis que le logement du gardien de batterie, bâtiment léger non casematé, est appuyé au mur d'enceinte, à gauche de la porte, faisant saillie hors œuvre sur le fossé et non sur la cour, et contribuant par-là au flanquement de l'enceinte par les créneaux perçant ses murs, à la manière d'un corps de garde défensif. Cette disposition particulière se retrouve à la batterie de Mauvanne, près d'Hyères et à celle de La Bayarde, près de Carqueiranne.
L'enceinte, de plan polygonal assez irrégulier (9 pans inégaux), enserrant au plus près la batterie, ne prend l'aspect d'un mur libre que dans sa partie, très limitée, fermant la cour de part et d'autre de la porte, partie à laquelle s'adosse le logement crénelé du gardien de batterie. Partout ailleurs, elle forme un revêtement d'escarpe terrassé, comme dans un fort, portant un chemin de ronde périphérique au pied des talus des parapets d'artillerie en terre. Son circuit est flanqué de deux minces tourelles hémicirculaires aux angles du front de gorge et des flancs, et de deux bastions obtus en très faible saillie aux angles du front de tête.
Après 1885, l'invention et l'utilisation de "l’obus-torpille", dont la charge explosive chimique brisante (mélinite) a des effets destructeurs décuplés, impose l'adaptation des batteries de côte, par l'aménagement souterrain "en caverne" de leurs magasins, en particulier les magasins à poudre. Le premier construit dans le secteur toulonnais semble être celui du Gros Bau, daté de 1888-1889, celui de la batterie de Cépet, en place sur un plan d'état des lieux daté d'août 1892, 12 est construit en 1891, ceux créés à La Croix des Signaux et à Saint-Elme datant de 1891-1892.
Le magasin caverne de l'ouvrage de Cépet, d'une capacité de 78.000kg, est aménagé sous la place d'armes de la moitié gauche de la batterie, à 13 mètres de profondeur, pour un coût de 24.500 fr. Son accès prend la forme particulière d'un grand escalier droit descendant dans une profonde tranchée revêtue creusée extra-muros le long du pied même du mur d'enceinte du front de gorge à partir du logement de gardien de batterie. Cette tranchée découverte, ou protégée au mieux d'un toit léger, peut paraître vulnérable et susceptible de comblement partiel en cas de chute de matériaux. Un monte-charge disposé dans un dégagement latéral, à l’angle sud-ouest du magasin, débouche sur la place d'armes à gauche du gros merlon central à l'abri d'un bloc bétonné ; il dessert par une station intermédiaire le niveau du magasin à poudre d'origine, enterré dans le merlon. L'accès de ce magasin est par ailleurs modifié, déplacé à la tête du merlon, accessible par la rampe courbe montant de la cour du casernement à la place d'armes gauche. Ce déplacement est lié à un remaniement des emplacements de tir et des parapets de la batterie, dans leur forme et dans leur distribution, remaniement réalisé en 1890 pour un coût de 26.000 francs, soit immédiatement avant la création du magasin-caverne. En effet, l'ancien accès en chicane du magasin à poudre du merlon est condamné par la création d'une rampe d'accès à la partie droite de la batterie depuis la cour ou place d'armes d'entrée, cette rampe à marches douces étant adossée à la droite du merlon central.
La nouvelle disposition des parapets et des emplacements de tir réalisée en 1890 rend la batterie beaucoup plus asymétrique qu'elle n'était en 1881. Seul, le flanc droit, pour deux pièces, au-dessus du casernement, reste inchangé, les six autres emplacements de tir, soit ceux du front de tête et ceux du flanc gauche, sont modifiés, tous traités en "cuve" semi-circulaire, deux niches à munitions étant aménagées dans les intervalles, en alternance avec les magasins de traverses existants. De plus, le parapet de la moitié gauche du front de tête est surhaussé au niveau des deux traverses qui l'encadrent (diagonale et centrale), ce qui entraine le surhaussement des deux positions de tir nichées dans cette partie. Cette nouvelle organisation va de pair avec la réforme de l'armement : il y a désormais quatre pièces de 240mm, et non plus deux, implantée sur le front de tête, deux pièces de 194mm, sur le flanc gauche, et deux canons de 95mm, sur le flanc droit.
Entre 1897 et 1901, cette "batterie de 24" est équipée d'un poste de commande télémétrique installé à l'emplacement de la traverse diagonale de droite, et équipée par la suite d'une cabine téléphonique, tandis que la "batterie de 19" est servie par un poste provisoire établi sur le gros merlon central. A l'entrée de la rampe montant de la cour, un magasin de séparation des poudres est établi devant l'entrée des latrines. Ces dispositions sont documentées par des plans postérieurs, le principal datant du 1er janvier 1903 13. En 1899, une batterie annexe de quatre canons de 95 mm modèle 1888 tirant vers le sud est construite à proximité, du côté droit (ouest) du front de tête de la batterie principale, pour un coût de 10.000 francs, afin de battre les angles morts à courte portée et de s’opposer à l’action des navires de faible tonnage. La portée de l’artillerie principale est alors de 10.500 mètres (projectiles de 145 kg). L’effectif de l’ouvrage, selon le plan de défense en vigueur, est de 190 hommes. Entre 1928 et 1934, une nouvelle batterie de conception radicalement différente, armée de deux tourelles doubles de 340mm dans blocs béton, est déployée en caverne sur une aire très étendue à l'arrière et à distance de la batterie de 1881, constituant un ouvrage tout à fait indépendant.
Pour autant, la batterie du XIXe siècle, usuellement dite "fort", n'est pas désarmée ni abandonnée. Elle est aménagée, dans des circonstances non documentées à ce jour, apparemment pour des pièces de 105mm, sans doute peu avant la seconde guerre mondiale. L'état de l'armement des batteries supervisées par le commandant de l'Artillerie de Côte de Toulon à la mobilisation générale de 1939 mentionne, pour la "batterie de Cépet", quatre canons de 340 mm modèle 1912, qui correspondent à l'armement de la batterie neuve, mais aussi deux pièces de 100 mm modèle 1897-17, qui peuvent correspondre à l'armement de la batterie ou "fort" placée dans les positions de tir de 1891, et un projecteur de 230 cm installé à la pointe de Rascas (site de l'ancienne batterie réorganisée vers 1850). En février 1940 la batterie neuve de 340 de Cépet est la seule du secteur de Toulon / Hyères maintenue armée au complet guerre tandis que celle du "fort" de Cépet est mise en réserve, c'est-à-dire simplement gardiennée, avec effectifs inférieurs à 10% de ceux de guerre. A partir de juillet 1942, quatre pièces de 25mm sont mentionnées à Cépet, équipement installé dans le "fort" de 1881, pour assurer la défense rapprochée antiaérienne de la batterie de 340, désormais seule du secteur de Toulon / Hyères alors armée au complet guerre. En novembre 1942, la D.C.A. (Défense contre aéronefs) de Toulon est placée sous le commandement du Capitaine de Vaisseau Orlandini qui, pour défendre la ville, dispose alors de six batteries de chacune quatre pièces de 90 mm modèle 26-30 C.C.A. (côte contre avions) toutes équipées d'un télé-pointeur C.A. et calculateur de tir P.C.C.A. (poste de calcul contre avions) modèle 1930 : l'une d'elles, la batterie n°11 du Lieutenant de Vaisseau Lasvigne, est établie au "fort de Cépet Haut", ce qui a justifié une importante adaptation des superstructures antérieures. Les quatre pièces de 90mm sont installées dans des cuves en béton réparties sur l'ensemble de la batterie, deux sur le front de tête, une sur chaque flanc, sans tenir compte ou remployer, à une exception près, les emplacements de tir des années 1880. Les supports et locaux du télé-pointeur et du calculateur de tir sont implantés sur la partie postérieure de la grande traverse centrale, aux dépens de l'abri sous traverse et du passage entre partie droite et partie gauche de l'ancienne batterie. Cet armement de la batterie de D.C.A dite de "Cépet 90" qui échappe à la destruction volontaire par le chef de batterie française le 27 novembre 1942 est maintenu et entretenu pendant l'occupation italienne, puis allemande. Les allemands reprennent en charge les batteries de la presqu'île à partir de novembre 1943, dont les batteries de D.C.A., dites Flakbatterien, principalement celles du Lazaret, du fort de Cépet Haut et de La Piastre 14. Les bombardements intensifs de 1944 sur les batteries de Cépet entraînent des dommages ponctuels.
En 1954 la cuve de D.C.A. de l’angle sud-est de la batterie est adaptée à une tourelle de 57 mm double de marine. Toujours en place en 1984, elle cohabite à cette date avec des antennes radar installées sur les deux cuves ouest.
L'affectation de l'ouvrage à un centre de coordination Marine de l’activité aéronautique au-dessus de la Méditerranée par la Marine nationale, rôle toujours assuré actuellement, a entraîné à la fin du siècle dernier de nombreux réaménagements sans rapport avec l'identité première des édifices. Les nouveaux bâtiments et équipements s'étendent, hors du "fort", en contrebas, jusque sur le site de la première batterie de côte, dont ne reste aucun vestige, la batterie annexe de 1899 ayant également disparu.
Analyse architecturale
Site et implantation générale
La batterie de Cépet ou du Cap Cépet, occupe la plate-forme sommitale ovalaire d'une petite éminence dominant directement le cap, culminant à 70m d'altitude. Au plein sud du fort, le cap qui, à 45m d'altitude, portait la batterie de côte antérieure, construite vers 1795 et reconstruite avec réduit défensif vers 1850, forme une pointe aiguë, la plus avancée au sud de la presqu'île dans son ensemble, marquant la véritable transition entre la côte sud et la côte est. Environ 300m au nord-est, et 600m avant la batterie de côte de Mord'huy, en contrebas est du "fort", existe une autre pointe de la côte est, beaucoup moins accusée, plus ou moins individualisée sur les cartes et plans. Il existe des fluctuations et un flottement de dénomination entre ces deux pointes, ce qui s'est répercuté sur la dénomination des ouvrages fortifiés dits de Cépet (toponyme qualifiant jadis l'ensemble, puis la moitié est de la presqu'île) ou du cap Cépet.
Aujourd'hui, d'après l'IGN, le cap sud est nommé pointe du Rascas, et l'appellation de Cap Cépet s'applique à la pointe secondaire plus au nord-est. Les cartes topographiques de la presqu'île établies par le génie de Toulon dans les années 1840 nomment cette pointe secondaire pointe de l'Enclume (toponyme qui disparaît ensuite), la batterie de côte, batterie du Cap Cépet, sans mention du toponyme de Rascas. Une autre carte plus générale de la rade, établie en 1845, indiquant les forts et batteries, nomme la pointe sud pointe Rascas, portant la batterie de Rascas ou du Cap Sépet (sic). Dans les décennies 1850-1860-1870, l'appellation batterie du Cap Cépet ou batterie Cépet prévaut sur les documents du génie, mais la carte d'état major de 1862 la nomme batterie de Rascas en la localisant sur le cap Cépet, et la carte topographique détaillée de 1878 la nomme batterie du Cap Sépet, sur la pointe Rascas, l'appellation plus générale de Cap Sépet étant imprimée plus haut à droite : c'est sans doute cette mise en page qui a généré la fixation des toponymes actuels des pointes. A partir de la construction du "fort" en 1881, c'est à lui que s'applique l'appellation de batterie du Cap Cépet, au dépens de la batterie de côte antérieure déclassée. Le chemin d'accès au "fort" prolonge la route militaire côtière du XIXe s venant du nord et de la batterie de la Carraque, et desservant au passage les batteries du Puits et de Mord'huy ; il fait aujourd'hui partie d'un lacis de routes militaires desservant les différents bâtiments et le parc foncier du Centre d'Instruction Naval (CIN) de Saint-Mandrier.
Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre
Dite improprement "fort", la batterie de Cépet est aujourd'hui, on l'a vu, profondément dénaturée par les mutilations, constructions récentes et équipements liés à son utilisation. Le plan polygonal irrégulier de son enceinte, large de 110m est-ouest, profond de 60m nord-sud, décrit ci-dessus dans l'exposé historique, reste reconnaissable et assez largement conservé, les terrassements de la batterie et le mur d'enceinte qui lui sert de revêtement n'ayant pas été déblayés ou changés dans leur emprise générale. Seule la partie du front de gorge qui fermait la cour ou place d'armes d'entrée vers l'extérieur, étant un simple mur, a été détruite, y compris la porte, l'ancien logement du gardien de batterie, le fossé (jadis limité à cette partie du front d'entrée) étant comblé. Cette transformation a permis d'agrandir la cour et de construire un grand bâtiment neuf, en modifiant le tracé de la dernière partie du chemin d'accès.
Le mur de revêtement, parementé en opus incertum polygonal très animé de pierres dures, et couvert d'une tablette en briques posées de chant, par endroit enduites au ciment, est bien conservé sur toute son élévation et sur la majeure partie de son circuit, y compris ses quatre organes de flanquement, à savoir les deux tourelles cylindriques pleines (de 5 à 6m de diamètre) qui bornaient le front de gorge (nord), et les deux bastions du front de tête (sud). Les tourelles, implantées entre deux pans coupés de l'enceinte, n'avaient pas d'autre fonction que de permettre, depuis le chemin de ronde périphérique contournant les parapets de batterie, de compenser les angles morts générés pas ces pans coupés, comme dans la fortification médiévale, en permettant des tirs de flanquement au fusil de rempart. On note que le chemin de ronde, comme dans le cas de nombreux forts du XIXe s (par exemple le fort Saint-Elme), n'est bordé que d'un mur garde-corps peu élevé et non crénelé, pour ne pas gêner les tirs de batterie au bénéfice d'un souci accessoire de défense rapprochée.
Enceinte, tourelle de flanquement nord-est. Enceinte, revêtement du flanc est et bastion sud-est.
Les deux bastions, on l'a vu, ont un angle de capitale obtus et des flancs très courts (c. 3m). Celui de gauche, entièrement conservé, est asymétrique, sa face gauche étant réduite à une longueur de 6m, tandis que sa face droite dépasse 25m. Le bastion de droite, qui était à peu près équilibré dans la longueur de ses faces (14 à 16m), a fait les frais des aménagements de la fin du XXe siècle : la construction d'un bâtiment neuf sur le flanc droit de la batterie, dépassant sur l'emprise de ce bastion, a entrainée la démolition de sa moitié droite.
En effet, la partie droite (ouest) de l'ouvrage, ou, plus précisément, l'ancien flanc droit de la batterie, couvrant le casernement casematé, est celle qui a été le plus transformée, les parapets de terre dérasés, ayant été recouverts d'une chape étanche bitumineuse (y compris l'une des cuves de D.C.A. de 1942 qui se trouvait sur ce flanc), et des locaux neufs y ayant été construits. La façade sur cour de l'ancien casernement n'est plus reconnaissable, du fait des reconstructions, et il n'a pas été possible de vérifier dans quelle mesure les casemates en sont conservées. Le poste de direction de tir de la batterie de 240mm, construit en 1901, a disparu, mais cette destruction est sans doute plus ancienne, contemporaine de l'installation des quatre pièces de 90mm anti-aérienne de la D.C.A., en 1942, qui avait entrainé une réorganisation complète des emplacements de tir de la batterie.
La partie principale du front de tête de la batterie, et son flanc gauche, ont beaucoup mieux conservés leurs aménagements et superstructures anciennes, transformées en 1942 pour accueillir la batterie de D.C.A., les parapets en terre adaptés et un peu altérés dans leurs profils étant plantés d'arbres, certains anciens abris de traverses ou niches à munitions de 1881 et 1890 y restant reconnaissables. En revanche, l'ancien merlon central est très diminué dans son élévation extérieure, ce que l'on constate immédiatement en entrant dans la cour, après avoir passé l'emplacement de l'ancienne porte détruite. En ce point, on reconnait, en face, la rampe de 1890, qui desservait la moitié droite de la batterie, transformée en escalier en ciment et flanquée à sa droite d'un bâtiment en béton des années 1970. A gauche, la rampe incurvée qui monte à l'ancienne place d'armes de la partie gauche de la batterie reste également en place et bitumée : elle desservait les postes de commande et les annexes de la batterie de D.C.A., édifiés sur le flanc gauche de la partie postérieure de la grande traverse-merlon. A l'angle droit de la tête de cette ancienne traverse, entre les deux départs de rampe et d'escalier, l'actuel corps de garde de l'établissement occupe le petit bâtiment du magasin de séparation de poudres de 1901, remanié et couvert d'une dalle béton, mais reconnaissable à son parement en opus incertum à joints ciment tirés au fer. De l'intérieur du volume actuel, on reconnait à gauche l'ancienne façade des latrines de la batterie de 1881, qui étaient engagées dans le soubassement de la face droite du gros merlon, façade à laquelle le magasin de 1901 s'était appuyé. Elle comporte deux portes couvertes d'un arc segmentaire encadrées en briques (jambages, arc) et pierre de taille (sommiers de l'arc, bases des jambages), avec feuillure d'un vantail extérieur. Entre les deux portes règne un jour en demi-cercle encadré en briques. Façade et porte des anciennes latrines sur cour, sous le merlon central.
Dans la partie droite de l'ancienne batterie, en haut de l'ancienne rampe droite de 1890 transformée en escalier, on reconnait encore, en dépit des remaniements, l'amorce du chemin de ronde intérieur de la batterie (au-dessus de l'emplacement de l'ancienne cuisine) au sol cimenté, passant devant le revêtement de tête d'un magasin sous traverse, entre deux anciens emplacements de tir de 1890 (méconnaissables). Ce chemin de ronde traversait la partie postérieure de la grande traverse-merlon centrale par une communication voûtée reliant les deux moitiés de la batterie : l'issue du côté droit de cette communication condamnée en cul de sac dès 1942 et devenue un petit local couvert d'un toit en tuiles, reste identifiable à gauche en haut de l'ancienne rampe devenue escalier, sous le mirador du calculateur de tir de la D.C.A. La porte du magasin sous traverse de 1891 donnant sur le chemin de ronde offre un encadrement en brique et pierre identique à celui des portes des latrines de 1881 ; son seuil est actuellement surhaussé, mais elle conserve, au-dessus de son arc, un larmier en archivolte moulé en ciment. Sur la masse cubique de cette ancienne traverse à magasin règne une terrasse cimentée bordée d'un garde-corps en fer, qui a remplacé les profils en terre de 1890 : sur cette terrasse est établie la mieux conservée des quatre cuves circulaires en béton des pièces de 90mm de l'ancienne D.C.A. de 1942. On remarque dans sa périphérie intérieure des niches à munitions.
Merlon central de la batterie, vu du côté gauche, infrastructure du PDT de la D.C.A. 1942.
Au dessus de l'ancienne communication voûtée 1881, condamnée, qui passait d'un côté à l'autre de la traverse centrale, règnent le cube de béton de l'abri PDT (poste directeur de tir) de 1942, et, à côté de lui et séparé de sa plate-forme par un escalier montant en béton, la cuve mirador en ciment armé, de plan octogonal du calculateur de tir tournant PCCA modèle 30 (analogue à celui conservé dans le fort Saint-Antoine du Faron, qui a encore la carcasse en fer de l’engin de précision). Cette plate-forme octogonale en balcon à garde-corps en ciment est surhaussée et son soubassement carré creux remploie le vide de l'ancienne communication voûtée de 1881. Ce dispositif était destiné au passage des câbles d’alimentation électrique, reliant le générateur au calculateur, et ce dernier aux pièces d’artillerie dont il déterminait très précisément les axes de tir. A proximité immédiate, du côté gauche de l'ancien merlon central, un autre cube de béton banché, annexe à vocation de soute à munition et abri de la D.C.A., sert aujourd'hui de support à une antenne.
Face à ce bloc en saillie, et séparée de lui par l'ancienne place d'armes de la moitié gauche de la batterie, subsiste la masse de maçonnerie, dégarnie de ses terres, de l'ancienne traverse diagonale de 1881 remaniée 1890, reconnaissable à son revêtement parementé en opus incertum. Son magasin voûté en berceau débouche aujourd'hui de tout son volume en façade, muni de vantaux en fer, l'ancienne porte d'entrée plus étroite, du même modèle que celles déjà vues (autre magasin de traverse, latrines) ayant été défoncée par l'ouverture actuelle : on reconnait en façade, au-dessus de la voûte du magasin, son arc segmentaire sans doute en brique sous l'enduit et ses sommiers en pierre. La cuve circulaire de 90mm de l'ancienne D.C.A. de 1942 qui occupe le côté gauche du front de tête se superpose à celle, semi-circulaire, de l'emplacement de tir de 240mm de 1890. Elle a été transformée en 1954 pour une tourelle de 57mm, en établissant un socle central cubique en béton et en couvrant le volume circulaire d'une dalle béton évidée d'un jour zénithal destiné à l'émergence de la tourelle. Ce jour est aujourd'hui refermé en pavé de verre et le volume circulaire sous dalle utilisé comme salle de gymnastique ou de méditation.
Les infrastructures les mieux conservées de la batterie de la fin du XIXe siècle sont ses deux magasins à poudre, magasin enterré sous le merlon central de 1881, magasin en caverne de 1891. Échelonnés en profondeur et desservis par le même monte-charge destiné à monter sur la place d'armes du côté gauche de la batterie les projectiles chargés, ils ne sont cependant pas superposés, la chambre des poudres du magasin en caverne étant creusée 13m sous la place d'armes de la moitié droite de la batterie, mais dans le même axe nord-sud que celle du magasin de 1881.
Les dispositions de ce dernier magasin, dont on a évoqué plus haut le mode d'accès initial en chicane du côté sud et son déplacement du côté opposé, ancien fond du magasin, en 1890, sont tout à fait classiques pour l’époque : la chambre à poudre voûtée en berceau surbaissé, longue de 12,10m, est entourée d’une galerie d’aération ou couloir d'isolement, élargi en sas sur le petit côté sud, celui de l'entrée primitive. Le renouvellement de l’air ambiant prévenant l’accumulation d’humidité est la principale fonction du couloir, complété par doublage de la voûte par un voile léger de briques dégageant un vide intermédiaire, cet ensemble servi par une cheminée de ventilation verticale au-dessus du petit côté nord du magasin, débouchant dans le terre-plein supérieur de la batterie. L’éclairage de la chambre des poudres était dispensé par des lampes à pétrole disposées sur le petit côté nord, dans la partie postérieure du couloir, dans des baies ou créneaux à lampes traversant le mur mais isolées de la chambre par une vitre (pour éviter les risques d’explosion). Dans l'état actuel, la chambre des poudres est entièrement ré-enduite et dallée à neuf, ses menuiseries de portes et de fenestron sur la porte refaites, sans laisser de témoins de la fonction d'origine.
Magasin à poudre enterré de 1881, chambre des poudres. Magasin à poudre enterré de 1881, accès à la gaîne du monte-charge.
Un passage ou couloir voûté percé en 1891 dans le mur latéral est, près de l'entrée initiale de la chambre par l'ancien sas, communique en tribune à la gaîne du monte-charge, large conduit vertical carré maçonné, en partie repris en béton banché.
Le grand escalier d'accès au magasin en caverne a été épargné par les démolitions du dernier tiers du XXe siècle, à la différence du logement du gardien de batterie auquel il était attenant. Son seuil de départ s'amorçait sur le petit côté gauche de ce bâtiment disparu, la longue volée de marches en pierres bouchardées, repos intermédiaire, descendant de 8m dans une tranchée ou fosse entièrement découverte dont les hautes parois en blocage de moellons accusent un léger fruit : la paroi de droite en descendant correspond au soubassement du mur d'enceinte ou revêtement d'escarpe de la batterie. Dans l'état actuel, l'ensemble de la tranchée est couverte d'un toit en appentis versant vers l'intérieur du "fort", c'est-à-dire au-dessus du mur d'enceinte dérasé. Le palier inférieur communique à droite à angle droit à une galerie souterraine en blocage, voûtée en berceau. Cette galerie se retourne à gauche en chicane pour desservir le premier sas, ou sas nord, du magasin à poudre, la chambre des poudres étant effectivement encadrée de deux sas. L'état actuel des lieux, pourtant apparemment assez peu remanié, ne correspond pas exactement aux indications figurant en pointillé sur les plans de 1903 et de 1912. La chambre des poudres est couverte d'une voûte en briques, que les relevés de 1903 indiquent comme étant un voile maigre épais construit sous la voûte porteuse en dégageant un vide sanitaire intermédiaire (sur le modèle de celle du magasin de 1881), et bordée de parois latérales également en briques. Elle est séparée de ses deux sas, eux aussi à parois de briques, par deux murs de refend en blocage de moellons bruts percés d'une simple porte centrale couverte d'un arc surbaissé. Les plans donnent à cette chambre une longueur de 7,80m et aux deux sas une profondeur de 3m, mais ils n'indiquent pas le très étroit couloir d'isolement actuellement en place qui contourne l'ensemble de la chambre des poudres et de ses deux sas, au lieu de border classiquement que les côtés de la chambre en débouchant dans les sas. On doit en conclure que les parois maigres en briques qui isolent ce couloir sur quatre côtés, ont été construites après coup dans un volume tripartite qui ne comportait pas de couloir à l'origine. La vision latérale du couloir d'isolement du côté droit (ouest) de la chambre des poudres montre d'ailleurs que les murs de refend en moellons entre chambre et sas, ont été repercés après coup pour faire passer le couloir d'isolement, lors de la mise en place.
Front de gorge, escalier d'accès du magasin en caverne de 1891.
Le sas postérieur, avant son recloisonnement par la paroi maigre de briques, était ouvert sur son côté droit et sur toute sa largeur sur le sas ou vestibule de service du monte-charge, volume large aux murs en blocage, couvert d'une voûte en berceau brisé de briques, au milieu de laquelle s'ouvre le large conduit carré du débouché du monte-charge. Sous ce conduit, le sol du vestibule était équipé de deux voies de chemin de fer étroites et parallèles pour wagonnets Decauville, dont restent les saignées. Ces wagonnets permettaient l'entreposement de lourdes charges de projectiles et de poudres préparées dans le sas postérieur du magasin, leur déplacement rapide sous le monte-charge et leur ascension vers la batterie. Le vestibule et les rails se continuent au-delà de l'aplomb du monte-charge, sans doute pour dégager une aire de garage des wagonnets, mais le vestibule comporte en outre une issue latérale qui communique directement, dans l'axe, avec la galerie venant du grand escalier, sans passer par le magasin et ses sas. Cette distribution n'est pas indiquée sur le plan d'archives daté du 1er janvier 1903, en principe mis à jour le 1er septembre 1908 (mais sans modification des dessins de détail), qui figure en outre le vestibule de service du monte-charge deux fois plus étroit et plus court qu'il ne l'est aujourd'hui, et sans les voies ferrées. Les dispositions actuelles en plan sont toutefois reportées sommairement en surcharge au crayon sur le plan de détail du magasin. Ce constat permet de conclure à un remaniement assez précoce, probablement réalisé dans la décennie 1910, pour améliorer les circulations. Cet élargissement du sas bas du monte-charge et la création de l'issue complémentaire sont antérieurs au remaniement qui a créé le couloir d'isolement en doublage intérieur du magasin, puisque les deux voies ferrées viennent buter contre ce doublage, alors qu'elles étaient prévues pour entrer dans le sas.
Magasin à poudre en caverne de 1891, vestibule du monte-charge, rails vers le sas du magasin.
historien de l'architecture et de la fortification