Dossier d’œuvre architecture IA83001460 | Réalisé par
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie de Mauvanne
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Hyères
  • Lieu-dit Mauvanne

Intérêt stratégique et construction

La commission de 1873 pour la révision de l’armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon, examinant la situation de l’infrastructure défensive de la rade et des îles d’Hyères, reconnaît l’incapacité de presque tous les ouvrages existants tant sur les îles que sur le littoral, face aux progrès de l’artillerie, y compris les batteries de côte reconstruites jusque dans la décennie 1850 sur la typologie de 1841-1846. La session du 10 juillet 1875 de la commission de défense des côtes confirme ce jugement et fournit une liste des ouvrages à abandonner, qui représente la quasi-totalité de ceux existant dans les îles proprement dites. Il s’agit donc, de façon pragmatique, pour les forts et batteries insulaires, de cesser d’entretenir les ouvrages existants, sauf le fort de l’Eminence à Port-Cros, et de créer à Porquerolles un nouvel ouvrage, le fort ou batterie de La Repentance (construit de 1881 à 1884), conforme à la typologie promue par le général Séré de Rivières, secrétaire du comité de défense national créé en 1872.

Sur le continent, les ouvrages existants sont moins nombreux ; le verdict d’abandon n’est pas prononcé pour certains, comme la redoute du Pradeau à l’embarcadère de la presqu’île de Giens, ou la redoute de Gapeau, à l’arrière des Salins d’Hyères, dans le secteur du mouillage de la rade d’Hyères. Plus à l’est, bien placées pour surveiller la grande passe est de la rade, le fort de Brégançon et la batterie de Léoube sont à conserver et à renforcer, ce qui est effectué en 1878-1879, tandis que celles du Cap Blanc et du cap Bénat sont laissées en l’état.

La mise en place d’un système plus ambitieux de forts détachés ou batteries, conçu selon les principes de Séré de Rivières, n’est pas retenu après avoir été envisagé, faute d’un point où installer un ouvrage central capable d’assurer la sécurité de l’ensemble du système. Ainsi, le projet d’un « fort de Giens » sur les hauteurs de la presqu’île de Giens, est définitivement abandonné en 1884 au profit de la création, sur les hauteurs ouest de la presqu’île de Giens, d’une batterie de rupture fermée qui en donne une version réduite, nommée « batterie de la Badine ». Cette batterie est destinée à défendre par ses tirs de rupture (contre les coques des navires) la « petite » passe entre la presqu’île de Giens et l’île de Porquerolles, mais aussi à croiser ses feux, à travers la rade, avec les batteries rénovées de Brégançon et Léoube ; une autre de ses missions était de battre latéralement, au nord-est, le mouillage de la rade d’Hyères, localisé sur le côté ouest de la rade, vers les Salins d’Hyères 1.

Vers la fin des années 1880, un autre ouvrage analogue à la batterie de la Badine, soit une batterie incluse dans une enceinte fossoyée fermée assez ample, est jugée utile sur la hauteur du Galoupet à l’arrière des Salins d’Hyères, pour défendre plus directement depuis le nord les approches du mouillage de la rade d’Hyères. En 1890 le terrain nécessaire à la construction de la batterie, et un droit de passage à perpétuité sur le chemin d’accès, sont acquis de M. et Mme Trap, propriétaires du domaine viticole du Galoupet. Le site choisi étant moins proche du chef-lieu du domaine du Galoupet que d’un autre domaine avec maison de maître appelé Mauvanne, c’est ce toponyme qui prévaut pour l’appellation de la batterie. En 1891, le périmètre militaire est étendu par acquisition, après jugement d’expropriation, d’un terrain contigu appartenant au vicomte Henri-Marie de Villeneuve 2.

La batterie proprement dite est conçue pour trois mortiers de 270 mm, modèle 1889, montés sur des affuts à pivot central, sur des emplacements de tir semi-circulaires espacés séparés par des traverses-abri épaisses. Les magasins et locaux sensibles (magasin à poudres de 5500 kg, magasin aux détonateurs, magasin aux amorces, atelier de chargement) 3, sont enterrés sous la batterie, desservis par un souterrain en caverne qui débouche dans la cour et comporte un monte-charge dans la traverse entre le premier et le second emplacement de tir. L’ouvrage comporte en outre, de part et d’autre de sa porte d’entrée, un hangar à projectiles (non voûté), défilé vers la mer par un épaulement, et un corps de garde défensif bâti en saillie sur l’enceinte abritant les logements, dont celui, permanent, du gardien de batterie. Ce corps de garde participe des ouvrages de flanquement de l’enceinte, constitués par ailleurs de deux bastionnets et d’un demi-bastionnet, selon une typologie commune à la batterie de La Badine. A l’intérieur de l’enceinte, à l’opposée de l’entrée, une citerne enterrée de 60.040 litres est aménagée sous une terrasse.

Au début du XXe siècle, la traverse séparant la seconde et la troisième position de tir, est reconstruite sous la forme d’une traverse bétonnée modèle 1901, incorporant des magasins de combat.

Après la fin de la première guerre mondiale, la batterie est désarmée par le département de la guerre, qui, en janvier 1919, cède l’usage du corps de garde et de la citerne à la Marine, mais se réserve les magasins et hangars. Le 1er décembre 1933, la batterie de Mauvanne est remise en totalité à la Marine 4.

En décembre 1943, l’occupant allemand crée le détachement d'Artillerie de Marine n° 627 sur la côte d'Azur, subordonné à son commandant de la défense maritime de la Riviera française. Le poste de commandement de l'état-major s'installe dans la presqu'île de Giens, puis, au printemps 1944 au domaine de San-Salvadour près d’Hyères. Ce détachement, chargé de la protection lointaine de la rade d’Hyères et du Golfe de Giens, aménage dans ce but cinq batteries coordonnées réoccupant en partie des batteries françaises anciennes désarmées, dont une à La Badine, une au cap Blanc dite alors de Bénat et une autre à Mauvanne 5.

Cette dernière, réarmée de canons de 15cm TbKC/36 et dirigée par l’Obertleutnant Ernst Gröfer en poste à partir du 16 décembre 1943 6, fait l’objet de réaménagements exceptionnels, la plupart hors l’enceinte de la batterie de 1890 (et sur une frange de terrain non militaire appartenant à Simone Berriau, comédienne, propriétaire du domaine viticole de Mauvanne): Il s’agit de quatre casemates de tir pour artillerie de marine type M 272 abritant les pièces de 15 cm, axées sur les îles d’Hyères, un poste de conduite ou de commandement de tir type M 262 avec observatoire inférieur et salle de télémétrie à l’étage, une soute à munitions bétonnée, une plate-forme pour canon antiaérien de 2 cm Flak. A chaque casemate de tir est en principe associé un abri technique à 30m de distance (trois sont réalisés). Les ouvrages sont reliés entre eux par un réseau de téléphone filaire circulant dans des tubes d’acier de 10cm de diamètre. Au nord-est et en contrebas du chemin d’accès est édifié un long baraquement en fibro-ciment sur charpente bois (disparu) 7. L’une des casemates porte le millésime 24/3/1944, et l’ensemble des blocs avait été peint, recouvert de terres et de branchages par souci de camouflage.

Une plate-forme d’artillerie est installée dans l’enceinte même de l’ancienne batterie française, à l’arrière d’une des casemates de tir, avec communication permettant de sortir la pièce de 15 cm de sa casemate. Les magasins de combat et la citerne de l’ancienne batterie sont réutilisés, les artilleurs de marine étant logés sur place dans le baraquement extérieur.

La conception générale de la batterie allemande de 1944 est très comparable à celle de la batterie de Longues (Calvados), sous-ensemble du « mur de l’Atlantique », construite à la même époque face aux plages de la Manche, et mieux conservée.

Le débarquement en Provence des Commandos d’Afrique du lieutenant-colonel Bouvet le 15 aout 1944, avait pour objet principal d’enlever les batteries allemandes du secteur d’Hyères, gênant l’avancée française vers Toulon, et particulièrement celle de Mauvanne, que les alliés américains présents sur place ne parvenaient pas à circonvenir. Le 18 aout, un commando de près de 80 fantassins répartis en sections, dirigés par le capitaine Ducournau, se lance dans une attaque de la batterie, soutenus à l’arrière par une section de mortier pour les tirs de barrage 8. L’attaque, souvent au corps à corps, fait plus de 40 morts du côté des artilleurs de marine allemands, et une quinzaine du côté des sections d’assaut françaises, et aboutit à la reddition de l’ouvrage, qui a subi quelques tirs.

Les pièces d’artillerie allemandes ne sont enlevées de la batterie qu’en 1947 par la Marine française, qui a utilisé les lieux comme école de canonnage.

Gardiennée mais inutilisée pendant plusieurs décennies, et plus ou moins abandonnée à la ruine, la batterie est mise à disposition par la Marine depuis 1998 à l’association de réinsertion par le travail « Sphinx ».

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Vue générale panoramique sud du site de la batterie.Vue générale panoramique sud du site de la batterie.

La batterie est installée sur une colline en forme d’éperon allongé de grand axe est-ouest, escarpé vers le sud, soit vers la mer et les salins d’Hyères, en rebord assez régulier, à environ 2, 400km du littoral. Le site de la batterie, couvert d’une végétation de buissons bas, est environné de vignes dépendant des domaines viticoles de Mauvanne (« château » à quelques centaines de mètres au sud-ouest, au bord de la route nationale d’Hyères à La Londe) et du Galoupet ( « château » à une distance analogue à l’est).

La batterie de 1890, bien défilée par son fossé et son rempart au sud, est quasiment invisible sur la ligne de crête de la colline, ce qui n’est pas le cas des casemates de 1944, qui s’y détachent plus nettement malgré les arbustes environnants.

L’accès se fait par le chemin d’entrée initialement privatif du domaine du Galoupet, qui se branche au nord de la route nationale en vis-à-vis et dans l’axe du chemin qui traverse les Salins d’Hyères pour desservir le Port Porthuau. Le chemin militaire se sépare après 400m de celui du Galoupet pour contourner la colline par l’est et monter à la batterie par les versants nord-est ; il forme un lacet au pied du front nord de l’enceinte de l’ouvrage de 1890, pour aborder l’entrée placée à l’angle nord-est de cette enceinte. De part et d’autre de l’enceinte, des sentiers partent du coude du lacet ou du bout du chemin face à l’entrée, pour desservir les blocs allemands de 1944, répartis sur la ligne de rebord sud de l’escarpement naturel.

L’altitude moyenne des positions de tir de la batterie de 1890 est de 56m au-dessus du niveau de la mer.

L’implantation des positions de tir de 1890 ou de 1943 permettait de couvrir la partie ouest de la rade d’Hyères, mais s’ouvrait à l’est jusqu’à la passe entre l’île de Porquerolles et celle de Port-Cros, avec une portée de tir d’environ 18km.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

-La batterie fermée de 1890

Le plan de l’enceinte de la batterie est un hexagone irrégulier entièrement ceint d’un fossé à contrescarpe revêtue. Dans son grand axe est-ouest, cette enceinte atteint 150m de développement en longueur, fossé non compris, sa largeur maximum étant d’une cinquantaine de mètres. Le terrain accuse une pente montant sensiblement de l’est/nord-est vers l’ouest, qui se répercute sur l’altimétrie du mur d’enceinte, en sorte que l’angle aigu ouest / sud-ouest de ce mur est le point le plus haut de l’ouvrage, à la cote 58m en haut du parapet d’infanterie, le point le plus bas, au nord, étant à la cote 53m. Dans les deux pans nord de l’enceinte, qui enveloppent la gorge de la batterie, et surtout sur la longueur assez limitée (c. 40m) du pan nord-ouest, le mur d’enveloppe et le fossé montent en écharpe pour compenser ce dénivelé de 5m. Le pan le plus long de l’hexagone (80m), face au sud/sud-ouest, constitue le front d’attaque stricto-sensu, au revers duquel est adossé le rempart de la batterie proprement dite, avec ses trois positions de tir pour mortiers de 170mm. Ce front est peu affecté par le pendage du terrain (variable de 1m pour 80m), rattrapé par une crête de mur rampante dans le tiers ouest, la banquette et le parapet de terre, soit le rempart, de la batterie étant par ailleurs à peu près nivelé à l’horizontale. Ce rempart se prolonge au revers du petit pan sud-est de l’enceinte, en retour d’angle obtus du long front, par un remblai ou épaulement d’une hauteur équivalente, qui a pour mission de défiler les bâtiments disposés un peu en contrebas dans l’enceinte, à l’est de la gorge de la batterie proprement dite, dans le secteur de l’entrée. Ces bâtiments sont, d’une part, le corps de garde défensif implanté sur l’angle nord-est de l’enceinte, flanquant directement la porte de l’enceinte ménagée dans le pan est, et d’autre part, le hangar aux projectiles niché à droite en entrant le long de la voie d’accès à la batterie. Immédiatement au-dessus de ce hangar, le remblai du secteur sud-est était rehaussé d’un merlon ou traverse de terre destiné à améliorer encore le défilement de ces deux bâtiments.

Face et flanc gauche bastionnet nord-ouest, vus de la contrescarpe ouest.Face et flanc gauche bastionnet nord-ouest, vus de la contrescarpe ouest.

L’aire intérieure de l’enceinte se subdivise donc en deux grands secteurs : au sud, le secteur haut, remblayé par les terres de la batterie proprement dite et par celle de l’épaulement sud-est, et au nord un secteur bas formant cour et voie distribuant la batterie à la gorge.

Dans le secteur haut, y compris sur la moitié des petits côtés est et ouest de l’enceinte, le mur d’enveloppe est un revêtement des terres du rempart et de l’épaulement, portant chemin de ronde d’infanterie bordé d’un parapet maigre en garde-corps, non crénelé.

Dans le secteur bas, ce mur prend le caractère de courtines libres de faible épaisseur, bordant les terrasses de différentes hauteurs établies dans la cour. Dans l’état initial, aujourd’hui modifié, une étroite banquette était adossée à l’intérieur de cette partie du mur d’enceinte pour porter la continuité du chemin de ronde d’infanterie, dévolu à la défense rapprochée de l’ouvrage, y compris celle du fossé. Le chemin de ronde n’était interrompu que dans le secteur nord-ouest, par la porte et la chaussée interne à l’enceinte, et il ne reprenait son circuit qu’après la façade intérieure du corps de garde.

Le flanquement propre de cette enceinte est assuré, on l’a vu, par des ouvrages occupant quatre des six angles : deux bastionnets, un demi-bastionnet et un corps de garde défensif. Le plus gros bastionnet (actuellement en ruines) est implanté à l’angle sud, dans le secteur haut entre la batterie et l’épaulement, flanquant le long pan sud/sud-ouest et le petit pan sud-est, l’autre étant à l’angle nord-ouest, à l’extrémité ouest du secteur bas. Le demi-bastionnet est placé au bout du petit pan sud-est, dans le secteur haut, et flanque efficacement en position dominante le côté est de l’enceinte, notamment la porte d’entrée, à laquelle est attenant le corps de garde qui flanquait le front nord, à deux pans, de l’enceinte en partage avec le bastionnet nord-ouest. Ce dernier flanquait aussi le côté ouest montant de l’enceinte, en position dominée. Face droite du bastionnet nord-ouest et amorce de la courtine nord.Face droite du bastionnet nord-ouest et amorce de la courtine nord.

Cette configuration générale, malgré le plan hexagonal irrégulier de l’enceinte, rappelle celle des plans-type de batteries fermées pentagonales Séré de Rivières. Le secteur haut, avec le long pan de la batterie séparé par un bastionnet du petit pan sud-est, lui-même terminé par un demi-bastionnet, est une adaptation du front d’attaque à deux pans de la batterie-type, les deux côtés est et ouest sont l’équivalent des flancs de ce modèle idéal, et le côté nord à deux pans est l’équivalent du front de gorge du même modèle, dans lequel s’ouvre généralement l’entrée. Les bastionnets et demi-bastionnets sont eux-mêmes une variante économique des doubles caponnières et caponnières du modèle-type, ouvrages casematés de flanquement du fossé 9.

Les quatre ouvrages de flanquement de l’enceinte de la batterie de Mauvanne, y compris le socle du corps de garde défensif, sont de même conception en élévation : ils ne comportent aucune casemate basse, et ne sont donc pas assimilables à des caponnières. Leur défense se limite à leur plate-forme (bâtie dans le cas du corps de garde) desservie par le chemin de ronde, niveau de défense permettant des tirs par-dessus le parapet, mais, surtout desservant des créneaux de pied en forme de mâchicoulis sur arc, ménagés tant dans les faces que dans les flancs, qui assurent la défense du fond du fossé par jets de grenades. Le mâchicoulis, délardé dans le parement, y forme une saignée verticale inclinée jusqu’au sol du fossé, évasée vers le bas et couverte en partie supérieure par un arc segmentaire portant le parapet garde-corps. La batterie de La Badine, bâtie six ans plus tôt que celle de Mauvanne, dans le même contexte, sur la presqu’île de Giens, a des bastionnets tout à fait analogues. Corps de garde défensif à l'angle nord-est de l'enceinte.Corps de garde défensif à l'angle nord-est de l'enceinte.

Le corps de garde défensif de l’angle nord-est prend pour soubassement, on l’a vu, un ouvrage analogue aux bastionnets, mais de plan rectangulaire (une face et un seul flanc utile). Son type architectural, peu normatif, en apparence très peu défensif, évoque d’autres édifices contemporains au sein d’ouvrages fortifiés, et qualifiés de « blockhaus » 10. Il est constitué un bâtiment d’un seul étage non voûté à toit en bâtière, divisé par deux murs de refend en trois travées, chacune exprimée en façade, soit dans les murs gouttereaux, par une fenêtre, chaque mur-pignon ayant aussi une fenêtre. Ces fenêtres sont strictement superposées aux créneaux de pied, présents dans la face nord et dans le flanc (ouest), en sorte qu’on devait desservir les mâchicoulis au sol de l’allège des fenêtres. Seule la fenêtre centrale de la façade nord est ouverte, les deux autres étant de fausses fenêtres. Ce mur de façade et les deux murs-pignon sont percés en outre d’une série de créneaux de fusillade au-dessus du niveau d’appui des fenêtres, deux des huit créneaux de la façade nord étant ménagés dans le mur de remplage des fausses fenêtres. Actuellement, ces créneaux sont tous obturés et il est possible qu’ils l’aient été de longue date, pour le confort du logement du corps de garde, sous réserve de débouchage en période de péril. Ce corps de garde défensif est donc le seul élément de la batterie de Mauvanne équipé de créneaux de fusillade, puisque les parapets du chemin de ronde en sont dépourvus 11.

L’encadrement de la porte d’entrée, immédiatement contiguë au mur-pignon du corps de garde, se limite à deux pilastres sans couvrement, qui n’ont jamais pu porter un système de levage de pont-levis, qui était certainement prévu dans le projet initial 12. Il faut donc supposer que le pont actuel franchissant le fossé, tablier monté sans pile relai sur deux forts IPN entre le seuil de la porte et une culée en saillie sur la contrescarpe, correspond à l’état initial. On notera l’escalier en pas-de-souris descendant du flanc gauche de la culée au fond du fossé. Compte-tenu de la pente du terrain, le fond de ce fossé forme deux paliers avec mur de soutènement transversal.

Le hangar aux projectiles, édifice rectangulaire allongé de faible hauteur, couvert en appentis, est construit en enclave dans les terres de l’épaulement et dans un décaissement en léger contrebas de la chaussée d’accès, à droite. Les portes de sa façade sont donc desservies depuis ce décaissement, par une courte rampe en retour de la chaussée. La façade comporte huit travées régulières de baies, fenêtres basses et portes. La position enfoncée de ce bâtiment « sensible », mais non voûté, faisait plus qu’assurer son défilement du côté des tirs d’artillerie de longue portée venus de la mer : elle permettait de le rendre peu visible et donc peu vulnérable en cas d’attaque rapprochée de la batterie par une compagnie ennemie.

En bordure de la chaussée, sur le mur d’appui sont fixées deux hautes potences courbes et pivotantes en fonte de fer qui permettaient de hisser les caisses de munition apportées dans des remorques stationnées sur la chaussée, et de les descendre dans le décaissement bordant la façade du magasin.

Le mur de terrasse de l’épaulement, puis de la batterie, côté chaussée, prolonge dans l’axe la façade du magasin.

Les trois emplacements de tir, formant une exèdre demi-circulaire dans le mur d’appui du parapet d’artillerie, sont reliées entre elles par une terrasse qui passe devant la façade des traverses, le tout régnant à la cote 56m. La chaussée régnant à la cote 54,80m, le dénivelé est compensé par un mur de terrasse bordé de petites rampes de roulage maçonnées montant en volée simple ou double sur la terrasse de la batterie. Petit hangar ouest et rampe du 3e emplacement de tir de la batterie Séré de Rivières.Petit hangar ouest et rampe du 3e emplacement de tir de la batterie Séré de Rivières.

Un caniveau marquant la transition entre la chaussée et ce système de rampe et de repos, drainait les eaux pluviales des terrasses.

Le souterrain casematé qui dessert les magasins en caverne passe environ 10m en contrebas (cote moyenne 45, 50m) de la première traverse, entre le premier et le second emplacement de tir, perpendiculairement au grand axe de la batterie, en sorte que le local de tête du monte-charge de ce souterrain est logée au centre de cette traverse. Ce local haut du monte-charge n’est pas desservi directement par une arcade dans la façade de la traverse (l’extrados de la voûte du local est visible dans cette façade), au niveau de la terrasse de tir, mais par une porte basse ménagée en arrière dans le mur d’appui de cette terrasse, à laquelle on descend par un petit escalier creusé.

La galerie unique du souterrain, rectiligne, voûtée en berceau, reçoit dans sa voûte la cage verticale du monte-charge, simple et cylindrique comme un puits, sans mécanisme ni échelle, et sans aucune niche de dégagement dans le mur ; au-delà vers le sud, elle dessert d’abord symétriquement deux petits magasins de plan carré (c. 3,20m de côté), l’un au moins destiné aux détonateurs. Quatre mètres plus loin, et deux mètres avant l’extrémité en cul de sac de la galerie, deux portes en vis-à-vis desservent, l’une (à droite), le local casematé qui servait d’atelier de chargement, avec niche à lampe et système de ventilation par cheminée dans le mur de fond, puis, à gauche, le magasin à poudre, deux fois plus spacieux (c. 8,50m X 5m), précédé d’un sas entre deux vantaux de porte.

A son autre extrémité (nord), le souterrain débouche dans l’enceinte en contrebas et à droite de la chaussée de desserte de la batterie et des emplacements de tir à traverses, par un important escalier droit. Mi-souterrain, mi-aérien, cet escalier est encadré, dans son débouché à ciel ouvert, de murs de soutènement, dont celui dans lequel est percée la porte d’entrée proprement dite du souterrain, marquant un repos. A l’extérieur de cette porte, l’escalier est encadré de plans inclinés qui servaient sans doute de rampe de roulage pour monter et descendre des chargements en bennes trop volumineux pour passer par le monte charge vertical. Le palier haut de l’escalier règne à la cote 51, 42m, soit environ 3,50m en contrebas du niveau de la chaussée, et communique avec le secteur bas nord-est qui règne au revers du mur d’enceinte, et remonte en pente douce vers la porte et le corps de garde. Dans ce secteur, le mur d’enceinte (qui n’a plus son chemin de ronde sur étroite banquette adossée), présente au-dehors une arcade murée (semble-t-il d’origine) qui doit correspondre à une poterne de sûreté en fond de fossé qu’on ne démurait qu’en cas de stricte nécessité. Descente en escalier vers le souterrain, en contrebas des traverses.Descente en escalier vers le souterrain, en contrebas des traverses.

Dans le secteur ouest de l’enceinte, au bout de la chaussée de desserte, on trouve à gauche l’abri bétonné modèle 1901 qui servait de magasin de combat, construit à la place de la seconde traverse, entre les emplacements de tir 2 et 3. Ce bloc offre une disposition interne à peu près symétrique, avec couloir central et deux abris ou magasins latéraux (soutes à munitions, obus et gargousses, sur raks ou étagères métalliques superposés) ayant leur propre porte en façade, et deux baies horizontales à volet de fer passe-munitions.

A droite, règne la plate-forme en dalle cimentée qui recouvre la citerne de 68.040 litres, à laquelle est adossé le lavoir de la batterie avec son bassin bâti sur deux niches (fourneaux de chauffe-eau ?) et sa pompe à bras.

Enfin, à l’extrémité du passage rétréci qui prolonge la chaussée et se retourne en rampe entre la citerne et le dernier emplacement de tir, un petit hangar (ruiné) de même forme et profondeur que le hangar aux projectiles près de l’entrée, mais beaucoup plus court (3 baies en façade au lieu de 8), est adossé en appentis à l’extrémité du rempart de la batterie, dans une position biaise. Son mur de fond est percé d’une porte qui communique à une fosse réservé entre ce bâtiment et le terre-plein du rempart. Ce hangar devait servir de dépôt annexe de munitions, et a dû être désaffecté lors de la construction de la traverse bétonnée type 1901 entre le 2e et le 3e emplacement de tir. Lavoir adossé à la citerne de la batterie Séré de Rivières.Lavoir adossé à la citerne de la batterie Séré de Rivières.

Les autres aménagements spécifique plus ou moins conservés dans l’enceinte de la batterie sont des latrines (en forme de niche en exèdre) aménagées en renfoncement semi-enterré dans le terre-plein à des emplacements opposés, accessibles par le chemin de ronde de l’enceinte ; l’une est immédiatement derrière le petit hangar ouest qu’on vient de décrire, l’autre est édifiée sur le demi-bastionnet est/sud-est, accessible en sortant du chemin de ronde du front sud pour redescendre vers la porte de l’enceinte, en passant entre le grand hangar et le mur d’enceinte. En ce point, un petit escalier compense la différence de niveau entre la terrasse de l’épaulement et la chaussée.

-La batterie de 1944

Les ouvrages ajoutés à la batterie par les allemands au printemps 1944 se composent essentiellement, pour ce qui est conservé, des quatre casemates actives du même modèle-type (M 272) conçu pour les canons de 15 cm, et d’une casemate passive à deux niveaux pour le poste de commandement, destiné à l’observation optique et à la transmission des ordres de direction de tir.

Ces cinq blocs monumentaux en béton armé sont répartis à intervalles non réguliers sur la rupture de pente de l’escarpement sud, en moyenne un peu en avant de l’alignement du front d’attaque de la batterie de 1890 ; celui du poste de commandement est un peu en contrebas, à flanc de pente, à l’extrémité est du dispositif en cordon, qui s’étend sur environ 300m.

La casemate active la plus à l’ouest est à environ 80m de distance de l’angle ouest/sud-ouest de l’enceinte de la batterie de 1890, et le poste de commandement casematé à environ 100m à l’est/sud-est de l’angle est (demi-bastionnet) de cette même enceinte. Façade et ouverture de tir de la 2e casemate active de 1944 (ouest).Façade et ouverture de tir de la 2e casemate active de 1944 (ouest).

L’une des casemates actives, la troisième en partant de l’ouest, est construite dans le fossé même du front d’attaque de l’ancienne batterie, dont la contrescarpe a été complètement détruite dans ce secteur. Elle n’est séparée du mur d’enceinte ou revêtement d’escarpe de 1890 que par un étroit passage assurant la continuité de la circulation de gorge de casemate à gorge de casemate. Outre ces casemates, subsistent aussi les trois abris techniques associés, en principe à une distance d’environ 30m. L’un d’eux, entre la seconde et la troisième casemate en partant de l’ouest, est aussi construit dans le fossé de la batterie de 1890, près de l’angle aigu ouest/sud-ouest de l’enceinte ; il est constitué d’un bloc de béton émergeant assez important qui a conservée son issue de secours par le haut en forme de puits vertical en quart de cylindre avec échelons de fer. Les auteurs du plan français sommaire de la batterie dressé en 1945 après la reprise, qualifient cet abri formant bloc d’abri « type Maginot » 13. Les deux autres abris intermédiaires, l’un à l’arrière de la première casemate ou casemate ouest, l’autre au nord-est de la deuxième casemate, près de la contrescarpe du fossé du flanc ouest de la batterie 1890, sont plus discrets et plus enterrés 14.

Les quatre blocs actifs ou casemates, identiques, ont un plan grossièrement carré (13, 50m X 12, 50m), donc un volume cubique (hauteur maximum émergée 7,30m), avec deux pans coupés aux angles de la façade active, réservée à l’ouverture de tir. Cette ouverture est très large et partant du sol, à la différence d’une embrasure classique, car le canon de 15cm sur pivot tournant qui s’y ajustait avait son propre tablier de blindage fermant la grande baie à la manière d’une porte de garage. De part et d’autre de l’ouverture, en raccord avec les pans coupés des angles, la façade forme un ébrasement à trois ressauts propres à faire ricocher les projectiles adverses ; une saignée horizontale dans ces ressauts correspond au logement du tube dans les deux positions extrêmes de l’angle d’ouverture de tir à 120° prévu pour ce type de casemate.

Le couvrement de l’ouverture est une imposante visière à quatre pans (le modèle-type théorique en a trois) en encorbellement sur trois ressauts, dispositif également destiné à protéger le canon verticalement et à faire ricocher les projectiles. Façade de la casemate active ouest de 1944, vue du sud-est.Façade de la casemate active ouest de 1944, vue du sud-est.

Les parois et le toit ont 2m d’épaisseur, et l’intérieur du volume est divisé en profondeur en une salle principale rectangulaire (grand axe dans le sens de la largeur) à pans coupés dans les angles sur le côté occupé par l’ouverture de tir. Au sol, un peu en retrait de l’ouverture de tir, subsiste, la plaque-pivot du canon. Plus en arrière, après un mur de refend, deux magasins symétriques sont disposés de part et d’autre d’un couloir axial large formant sas, montant de quelques marches. Ce couloir se poursuit après un rétrécissement, flanqué symétriquement de deux niches étroites et profondes, et traverse de mur de fond du bloc principal en escalier montant. Cet escalier passe par un repos, puis se divise en deux volées divergentes en retour d’angle droit, repos et volées étant incluses dans un avant-corps cubique saillant au milieu de la face de gorge de la casemate. Selon la position plus ou moins enterrée de la gorge des casemates, les volées se continuent ou non hors de l’avant-corps, par des segments d’emmarchement d’un bloc (ceux de la casemate ouest ont été renversés par une explosion).

On remarque des aménagements complémentaires, comme une trappe au sol de la salle de tir à l’entrée du couloir d’axe, desservant un abri souterrain avec échelons dans le puits de descente carré, ou des niches en placard près les angles de cette salle, probables urinoirs.

Les casemates murales sont équipées de cheminées de ventilation et communiquent avec la salle par une petite ouverture circulaire.

Le poste de conduite ou de commandement de tir type M 262 est de structure plus complexe : c’est à la base un bloc carré de 11,50m abritant des locaux cloisonnés semi-enterrés : une chambre principale carrée non centrée, bordée sur deux côtés de réduits techniques. Du côté de la mer, ce volume aux murs extérieurs épais de 2m est complété d’un important avant-corps à trois pans en abside, abritant un local de plan trapézoïdal aux parois plus minces, l’observatoire, plus haut placé de quelques marches. Cet observatoire offre des vues panoramiques par une ouverture horizontale continue sur ses trois côtés hors-œuvre, de faible hauteur, plongeant vers l’extérieur en formant trois degrés ou marches à faire ricocher les projectiles. La dalle de couvrement de cet avant-corps, très épaisse et bombée (pour résister aux tirs adverses), porte très largement à faux sur la partie inférieur de la salle, du fait de l’amplitude de l’ouverture horizontale, mais les performances du béton armé empêchent toute déformation .

Au dessus de ce premier niveau, une superstructure du corps principal, carrée comme lui mais moins large, abrite une grande salle panoramique d’un seule tenant, qui était la salle de télémétrie à l’étage, pourvue du même système d’ouverture horizontale, en l’occurrence continue sur trois de ses quatre côtés, le porte-à-faux nécessitant dans ce cas le concours de deux minces potelets de décharge en fer vers les angles de l’ouverture panoramique. L’accès à ces locaux se fait à la gorge dans un renfoncement défilé, par deux volées d’escalier convergentes à ciel ouvert, relayées à l’intérieur par un couloir et un escalier montant à l’étage. Le poste de commandement de Mauvanne n’a aucun système d’auto-défense contrairement au modèle-type M 262 qui prévoit une caponnière flanquant la face de gorge, au cas où celle-ci ne serait pas masquée par la hauteur du terrain naturel. Socle du canon de la casemate active ouest de 1944, vu de la salle.Socle du canon de la casemate active ouest de 1944, vu de la salle.

Structure et mise en œuvre

Dans la batterie de 1890, les parements d’escarpe de l’enceinte de la batterie et de la contrescarpe de son fossé sont dressées en moellons de grès gris sommairement calibrés, équarris et assisés, assemblés au mortier de chaux ou au ciment, à joints gras, dans la partie nord ou basse de l’enceinte. En revanche, la partie formant revêtement du terre plein de la batterie (moitié sud) est pour l’essentiel (hors bastionnets) parementée d’un blocage en opus incertum de roche dure schisteuse de teinte ocre ; la transition entre les deux types de parement est bien nette et lisible à mi-longueur du côté ou flanc nord-ouest de l’enceinte.

Cette dichotomie de matériaux s’observe aussi dans les exèdres des emplacements de tir, la partie en arc de cercle étant en schiste, et son bref prolongement droit en moellons gris équarris, l’ensemble des murs de terrassement et d’appui des rampes de la plate-forme employant aussi soit l’un, soit l’autre des deux types de parements.

La pierre de taille dure, bouchardée, est réservée aux arcs segmentaires des créneaux de pied des bastionnets. Les angles saillants non flanqués, notamment l’angle aigu de l’ouest, sont revêtus d’une maçonnerie de ciment imitant un chaînage en besace en grand appareil de pierres de taille. Les angles des bastionnets n’ont pas de traitement particulier. La tablette continue du garde-corps de l’enceinte est également au moins en partie en ciment.

Le souterrain est monté en maçonnerie de moellons équarris à joints gras rappelant celle des murs nord de l’enceinte, avec voûtes en blocage. La traverse du monte-charge offre en façade ce même type de maçonnerie de parement, mais avec encoignures, corniche et tablette de couvrement (qui suit au contre la courbe d’extrados de la voûte interne) en briques. On retrouve cette mixité de parements, avec plus de variété, pour la sortie d’escalier et la porte des souterrains, avec les murs de terrassement au pourtour : les moellons équarris sont employés pour la façade, avec encadrement en briques pour la porte, dont l’arc plein-cintre extradossé comporte un bandeau d’archivolte. L’opus incertum polygonal calibré est employé pour les murs de soutènement talutés de part et d’autre de l’escalier-rampe, lui-même majoritairement en briques, comme la tablette d’arase des murs latéraux formant en retour au-dessus de la porte un bandeau de transition entre la façade d’entrée du souterrain et le mur de terrassement portant la chaussée, en opus incertum.

Le corps de garde défensif, les deux hangars et le lavoir sont bâti pour l’essentiel en blocage de moellons de tout-venant, recouvert d’un enduit couvrant à la chaux, associé à la brique. Celle-ci est employée pour tours les encadrements de baies (portes et fenêtres couvertes en arc segmentaire, créneaux de fusillade), les chaînages d’encoignures, les corniches, y compris celles des rampants du pignon. Les chaînes d’angle du corps de garde sont amorties au raccord avec ces rampants par une pierre de taille en saillie qui se retrouve aussi à la base, motif donnant à ces chaines l’apparence d’un pilastre. On retrouve le principe des pilastres en brique avec amortissement et base en pierre de taille à la porte de l’enceinte, contiguë au corps de garde et de même qualité de mise en œuvre. Un bandeau en brique à modillons fait la transition entre le corps de garde et son soubassement à créneaux de pieds, qui, lui, est mis en œuvre comme les bastionnets. La couverture du corps de garde et celle du hangar sont en tuiles mécanique, qui est sans doute le matériau choisi à l’origine. Ancien hangar aux projectiles, près de l'entrée, et ses deux potences.Ancien hangar aux projectiles, près de l'entrée, et ses deux potences.

Le magasin de combat de la seconde traverse est en béton armé ancien, de médiocre qualité, dégradé en surface, et il a conservé ses vantaux de portes et trappes en fer, comme les raks ou étagères internes.

Les sols sont soit en terre battue, soit revêtus de ciment (rampes, plates-formes).

Quelques éléments de second œuvre peuvent remonter à la construction de 1890, comme une partie des menuiseries du corps de garde, chassis vitrés et persiennes d’un modèle ordinaire.

Les éléments en fer anciens, type garde-corps, sont assez rares (escalier près de la porte), ce qui donne un caractère exceptionnel aux deux potences tournantes en fonte de fer conservées en place au bord de la chaussée devant la façade du hangar aux projectiles.

Les ouvrages allemands de la seconde guerre mondiale, principalement les cinq casemates sont beaucoup plus homogènes dans leur mise en œuvre, réalisée en béton banché de très bonne qualité, les toits étant revêtus de ciment plus grenu d’où sortent des fers tordus, indice d’une insuffisance des finitions. Les plafonds des salles, particulièrement la salle principale des blocs actifs, sont entièrement revêtis de plaques de fer avec couvre-joints également en fer, garni de plusieurs crochets. Le fer usiné dont est constituée la plaque de socle de la pièce d’artillerie, avec sa rosace encore garnie de gros boulons, le tout exempt de toute corrosion, est d’une très grande qualité. On note cette même qualité pour les potelets du poste de commandement, et les quelques portes blindées encore en place, peu nombreuses, peut-être en partie du fait que toutes n’avaient pas été mises en place lors de la campagne-éclair réalisée par les allemands sur cette batterie au printemps 1944.

Détail de la plaque circulaire boulonnée du socle du canon de 1944.Détail de la plaque circulaire boulonnée du socle du canon de 1944.

L’ensemble de la batterie tant 1890 que 1944 est assez bien conservé, à l’exception du fossé et du bastionnet sud de l’enceinte de la première, largement ruinés, et de quelques autres parties (angle ouest/sud-ouest de l’enceinte, petit hangar) délabrées ou fissurées.

Les casemates ou blocs allemands portent de très nombreux impacts soit d’obus d’artillerie de marine tirée depuis des vaisseaux alliés, soit d’arme légère automatique, le tout lié aux évènements d’aout 1944. Le vandalisme a dégradé certains éléments de second œuvre, et les salles des casemates actives, ouvertes à tous les vents sur le paysage, ont été en partie taguées par des visiteurs inégalement inspirés.

Détail de l'ouverture de tir, plaque-pivot et salle de la 2e casemate 1944.Détail de l'ouverture de tir, plaque-pivot et salle de la 2e casemate 1944.

1Toulon, Direction des travaux maritimes, tirage plan non daté, c. 1884.2Toulon, service d’infrastructure de la défense, fiche historique d’un immeuble du domaine militaire, 25/09/2001.3 Affectation des magasins indiquée sur un plan légendé de la batterie non daté mais du début du XXe siècle (avant 1910), sur une feuille d’atlas utilisée pour indiquer l’étendue d’une cession partielle du génie à la Marine en 1919, Toulon, archives du service d’infrastructure de la défense (communiqué par Bernard Cros)4Toulon, archives du service d’infrastructure de la défense : Procès-verbal de remise à titre de concession temporaire du 1er janvier 1919, avec plan joint (voir ci-dessus, note 3) ; Procès verbal de remise définitive du 1er décembre 1933, avec plan joint (communiqué par Bernard Cros)5Cartographie des batteries sur une feuille de plan de situation de la batterie de Mauvanne en 1945, Toulon, archives du service d’infrastructure de la défense (communiqué par Bernard Cros).6A. Chazette, Combat pour la prise de la batterie de Mauvanne, publication électronique dans Südwall, superforum, 23 fevrier 2008. Voir aussi un historique dans le site internet Maquetland.7Figuré et légendé sur une feuille de plan de situation de la batterie de Mauvanne en 1945 (voir ci-dessus, note 5)8A. Chazette, Op cit note 69On trouve le même genre d’adaptation économique du plan-type au fortin de la Gavaresse, sur les flancs du massif de la Colle-Noire (commune de Carqueiranne), ouvrage beaucoup plus compact que la batterie de Mauvanne.10Comme le petit blockhaus d’angle crénelé de l’enceinte de la batterie de La Bayarde (secteur est de Toulon, commune de Carqueiranne)11On retrouve le principe du parapet non crénelé à la batterie de La Badine (Hyères), et au fortin de la Gavaresse (Carqueyranne).12Plan de projet non localisé dans l’état actuel des recherches13 Voir ci-dessus, note 514Il n’a pas été possible d’entrer dans ces abris.

Batterie construite en 1890. Au début du XXe siècle, la traverse séparant la seconde et la troisième position de tir est reconstruite sous la forme d’une traverse bétonnée modèle 1901, incorporant des magasins de combat. En 1944, la batterie, occupée par les allemands, fait l'objet de travaux de réaménagements exceptionnels, la plupart hors l’enceinte de la batterie de 1890. Construction de 4 casemates de tir, d'un poste de conduite ou de commandement de tir avec observatoire inférieur et salle de télémétrie à l’étage, une soute à munitions bétonnée, une plate-forme pour canon antiaérien. Au nord-est et en contrebas du chemin d’accès est édifié un long baraquement en fibro-ciment sur charpente bois (disparu). Une plate-forme d’artillerie est installée dans l’enceinte même de l’ancienne batterie française.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1890, daté par source
    • 1944, porte la date

La batterie de 1890 est conçue pour trois mortiers de 270 mm, modèle 1889, montés sur des affuts à pivot central, sur des emplacements de tir semi-circulaires espacés séparés par des traverses-abri épaisses. Les magasins et locaux sensibles (magasin à poudres, magasin aux détonateurs, magasin aux amorces, atelier de chargement), sont enterrés sous la batterie, desservis par un souterrain en caverne qui débouche dans la cour et comporte un monte-charge dans la traverse entre le premier et le second emplacement de tir. L’ouvrage comporte en outre, de part et d’autre de sa porte d’entrée, un hangar à projectiles (non voûté), défilé vers la mer par un épaulement, et un corps de garde défensif bâti en saillie sur l’enceinte abritant les logements, dont celui, permanent, du gardien de batterie. Ce corps de garde participe des ouvrages de flanquement de l’enceinte, constitués par ailleurs de deux bastionnets et d’un demi-bastionnet, selon une typologie commune à la batterie de La Badine. Les aménagements allemands de 1944 comprennent quatre casemates de tir pour artillerie de marine, un poste de conduite ou de commandement de tir avec observatoire inférieur et salle de télémétrie à l’étage, une soute à munitions bétonnée, une plate-forme pour canon antiaérien. A chaque casemate de tir est en principe associé un abri technique à 30 m de distance (trois sont réalisés). Les ouvrages sont reliés entre eux par un réseau de téléphone filaire. Au nord-est et en contrebas du chemin d’accès est édifié un long baraquement en fibro-ciment sur charpente bois (disparu). Une plate-forme d’artillerie est installée dans l’enceinte même de l’ancienne batterie française, à l’arrière d’une des casemates de tir. Dans la batterie de 1890, plusieurs mise en œuvre coexistent : moellons de grès gris, assemblés au mortier de chaux ou au ciment, blocage en opus incertum de roche dure schisteuse de teinte ocre, pierre de taille, maçonnerie de ciment imitant le grand appareil, brique, opus incertum polygonal, béton armé.La couverture du corps de garde et celle du hangar sont en tuiles mécaniques. Les cinq casemates allemandes sont beaucoup plus homogènes dans leur mise en œuvre, réalisée en béton banché de très bonne qualité, les toits étant revêtus de ciment.

  • Murs
    • grès moellon
    • schiste moellon
    • brique
    • béton béton armé
  • Toits
    tuile plate mécanique
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Autres organes de circulation
    rampe d'accès, monte-charge
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • FRIJNS, M., MALCHAIR, L., MOULINS, J.-J., PUELINCKX, J. Index de la fortification française, Métropole et Outre-mer, 1874-1914. Welkenraedt : 2008.

    P. 306-307 (plan).
  • CHAZETTE, Alain. Combat pour la prise de la batterie de Mauvanne. Dans Südwall, superforum, publication électronique, 23 février 2008.

Documents figurés

  • Batterie de Mauvanne [Plan]. / Dessin, 1919. Ministère de la Défense, Direction des travaux maritimes, Toulon, service d'infrastructure.

  • [Plan de la batterie de Mauvanne.] / Dessin, 1945. Ministère de la Défense, Direction des travaux maritimes, Toulon, service d'infrastructure.

Date(s) d'enquête : 2007; Date(s) de rédaction : 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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