Dossier d’œuvre architecture IA83002200 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie de Saint-Elme
Œuvre étudiée
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Dénominations
    batterie
  • Appellations
    batterie de Saint-Elme
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Construction et armement

En 1679, date de la première tournée à Toulon de Vauban, commissaire général des fortifications, la presqu'île de Saint-Mandrier (alias presqu'île de Cépet) n'était pas fortifiée, seule la petite rade et son débouché sur la grande rade étant défendus par des ouvrages pérennes de défense côtière. L'idée d'une mise en défense planifiée de la presqu'île n'émerge dans les projets de Vauban qu'en 1695, liée à la menace d'une croisière anglaise en Méditerranée.

Une carte des rades de Toulon sur laquelle on a marqué les batteries des environs pour empescher le bombardement exprime la stratégie proposée par Vauban, mais celle-ci est affinée par son collaborateur et relais local Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, auteur d'une carte plus détaillée, datée du 22 mars 1695, associée à un mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon 1. Dans un rapport du 9 octobre, le même Niquet 2 explique que le cap Cepet est d’une grande étendue et fort montueux et fort irrégulier, en sorte que pour le garder il y faudrait plusieurs petits forts qui tous ensemble coûteraient une somme fort considérable. … le plus simple parti à prendre et de moindre dépense serait de barrer tous les endroits propres aux descentes avec des jetées de grosses et petites pierres devant les plages à la profondeur de 5 et 6 pieds d’eau seulement … au lieu qu’en bâtissant des forts l’état sera chargé des garnisons nécessaires à leur défense en temps de guerre et à leur garde en temps de paix.

Un long retranchement ou ligne de batteries numérotées 19 à 22 est indiqué par le plan de Vauban sur la plage de Saint Elme, le point 19, à l'extrémité est, soit le site de la future batterie de Saint-Elme, étant indiqué comme devant être armé de 2 mortiers. En outre, sur le point 24, soit sur l'éminence du futur fort Saint-Elme, est proposée une redoute, à laquelle fait pendant une autre, cotée 25, proposée à l'entrée de l'isthme. Sur la carte de Niquet, et sur un plan de détail associé, le retranchement “à faire” bordant toute la longueur de la plage, soit une ligne de 700 toises, figuré avec quatre redans, est ponctué de petites batteries numérotées de 5 à 8, le n° 6 désignant le retranchement proprement dit. La batterie de deux mortiers n°9, détachée du retranchement, immédiatement au-dessus du cap Saint-Elme, correspond au point n° 19 de la carte de Vauban ; à peu de distance à l'ouest, la n°8, qui termine le retranchement, est proposée pour quatre canons.

Carte des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon, 1695. Plan de détail associé : le retranchement des Sablettes.Carte des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon, 1695. Plan de détail associé : le retranchement des Sablettes.Le Plan de Toulon et de ses rades, copié sur celui de M. de Vauban, daté du 19 mars 1701 3, figure en place le retranchement de Saint-Elme, et trois petites batteries orientées au sud-ouest sur le cap Saint-Elme. Sur le plan de la rade de Toulon en l’année 1703 4 figure, sous le n°19 ,batterie de l'oratoire Saint Elme, munie de 2 pièces de 12 et 2 de 8 livres. Un retranchement de pierres sèches à redans, crépi au mortier, est construit a proximité, en travers de l'isthme, pour barrer la presqu'île. L’Estat des officiers...destinez pour le service des batteries... dans la grande rade de Toulon établi le 13 juin 1707 par le comte de Sébéville 5 confirme l'armement de la batterie de l’oratoire Saint-Elme et précise qu'elle est commandée par le lieutenant de Burgues et l’enseigne Chabert Cogolin, servie par trente hommes. La plage de Saint-Elme dispose de quatre pièces de 8, servies par vingt-cinq hommes.

En juillet 1742, la mise en défense du littoral est effectuée dans l’urgence. Un ordre est notamment donné le 13 juillet 6 aux maire et consuls du lieu de Six Fours de fournir demain matin trente paysans ou travailleurs qui se rendront aux Sablettes (autre nom de la plage de Saint-Elme) pour y travailler à un retranchement qui doit s’y faire sous les ordres de l’officier et des ingénieurs qui sont à Toulon. En avril de l'année suivante, le mémoire de l'ingénieur François Milet de Monville, consacré pour l'essentiel à la rade de Toulon 7, considère que la grande plage des Sablettes est la plus susceptible de débarquement avec ses 600 toises de long. A cette date, le long retranchement qu'y avait établi Niquet en 1696 ne subsiste plus, à la différence de celui de 1703 fait pour battre en flanc ladite plage (...) en maçonnerie de pierres sèches. Milet de Monville précise que depuis le cap de l’oratoire St Elme traversant l’extrémité est de la plage, il y a en batterie deux pièces de 16 £ deux pièces de 12 £ et deux pièces de 8 £.

En 1747, le même Milet de Monville, dans un autre mémoire plus général, insiste sur la valeur du site 8 : je ne saurais trop assurer que cette plage exige en temps de guerre les attentions les plus marquées ; l’ennemi y faisant une descente et y débarquant quelques pièces de canon serait bientôt maître des tours de Balaguier et de l’Eguillette qui sont plongées à la demi portée de fusil. Il propose en conséquence de faire un retranchement de barrage plus solide entre l’oratoire Saint-Elme et le bord de rade, avec un fossé revêtu pour retenir les sables portés par le vent contre le parapet. Ce retranchement permettrait de couvrir les 1200 à 1500 hommes campés dans la presqu’île pour sa défense. En outre, il suggère de relever l’ancien retranchement en terre parallèle à la plage et de faire camper à portée deux bataillons et un régiment de dragons. Des magasins seraient à établir au Lazaret ou à Saint-Mandrier, ou encore dans des bastides de particuliers. La mise en défense du site s’avère nécessaire tant pour la protection des points isolés de la rade que pour s’opposer aux galiotes qui tenteraient de se poster à proximité de la presqu’île.

Ce projet est toujours proposé en mars 1759, Milet de Monville étant alors devenu directeur des fortifications de Provence ; sur la Carte des rades de Toulon 9 l'ancien retranchement de barrage en pierres sèches, à redans est coté 3, et le nouveau proposé dans sa partie nord, en forme d'ouvrage à cornes, coté H-G. Sur le cap, défendant la plage, figurent les deux batteries, dont celle de l'oratoire.

Le 1er mars 1768 le sous-brigadier du génie Louis d’Aguillon, qui assure depuis 1766 le suivi de l’exécution des ouvrages de défense de Toulon, consacre aux batteries de côte un chapitre de son Mémoire sur la ville de Toulon 10 . Il y dénombre sept batteries armées en temps de guerre pour augmenter les défenses que procurent à la rade les forts et batteries fermés armés en permanence. Ces batteries, désarmées en temps de paix, sont celle du Cap Brun, de la Croupe Lamalgue, de Faubrégas, et, sur la presqu’île de Saint-Mandrier, celles de Saint-Mandrier, de Saint Elme (armée de deux mortiers, une pièce de 36 et cinq pièces de 24), de Mord’huy, et du Puits. Aguillon développe un argumentaire sur la nécessité de stabiliser de manière plus formelle l’état de ces batteries qui toutes en général sont à barbette et dans un très mauvais état. L’emplacement de ces batteries n’est point estable et il arrive qu’à toutes les nouvelles guerres, lorsqu’il est question de les armer, on est obligé d’en former les plates-formes en madriers de chêne posés sur des corps morts enterrés. Ces bois exposés aux pluyes et à l’ardeur du soleil en été se pourrissent en peu de temps ce qui occasionne une consommation de bois étonnante et une dépense considérable. Aguillon propose en conséquence de reconstruire ces batteries en maçonnerie, avec parapets à front escarpé et à la gorge une fermeture formée d’un mur et d’un fossé pour les mettre non seulement à l’abri d’un coup de main mais même pour s’assurer des équipages destinés à servir le canon. Une telle disposition n'a alors été réalisée que pour la batterie de Saint-Mandrier. Les plates formes ne doivent plus être construites sur des madriers de chêne, mais en pierre de taille ou en maçonnerie d’engravats. De plus chaque batterie doit avoir un petit magasin à poudres, un magasin pour les effets de recharge de l’artillerie et un corps de garde, car jusqu’à présent, les effets étaient entreposés en période d’armement, aux frais du roi dans les bâtiments ruraux (cassines ou bastides) les plus proches, parfois trop éloignés, et insuffisamment sûrs. A l’appui de ce projet, Aguillon rappelle l’avarie subie en 1759 lors d’une attaque inopinée de la flotte anglaise, par les batteries de Saint-Elme et de Faubrégas, dont l’action des canons avait entraîné l’affaissement des madriers pourris et la rupture des affuts.

Une visite d’inspection sur l’État actuel des batteries des rades de Toulon 11 faite en décembre 1770 par les sieurs Champorcin, Vialis, Boullement et Imbert, précise que la batterie de l'oratoire Saint Elme contient 4 pièces de canon de 36 et 4 idem de 24, parmi lesquelles il y en a encore 3 hors de service; il n'y a ni affût ni plate-forme. Son objet est de défendre le débarquement que l'on pourrait faire à la plage des Sablettes. Dans la partie de l'ouest de cette batterie, il y en a une autre de 2 pièces de 8 avec platteforme en maçonnerie et embrazures très bien placée pour défendre le débarquement de la plage (...) cette batterie est adhérente à un retranchement en maçonnerie qui remplira le même objet lorsqu'il sera déblayé de la quantité de sable qui le comble. Il y a eu anciennement à la grande batterie de l'oratoire de Saint Elme 2 mortiers qu'il parait à propos d' y rétablir.

Au lendemain de la reprise de Toulon sur les anglais par les Républicains, une commission composée des sieurs Locquin, Thévenard, Toufaire et Pierron, examine l'état de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la montagne (nouveau nom de Toulon à partir de la Convention), pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs (...) 12. L’armement de la batterie alors rebaptisée des Sablettes (les vocables n'étant en principe plus employés, sauf pour Saint-Mandrier, mais celui de Saint-Elme reste pour désigner le cap) est alors de onze pièces de 36, un mortier à grande portée et comporte également un four à rougir les boulets.

La description faite par le citoyen Legrand, membre de la commission 13 de Brumaire an 3 (nov. 1794) précise que Cette batterie en quatre divisions est établie sur la partie (...) ouest de la presqu’île Cépet formant le côté gauche de la plage de st Elme. Elles sont distantes l’une de l’autre d’environ 12 à 15 toises et à barbette fort basse, la 1ère partie est armée de 2p de 36 sur affûts marins, la 2è division de 3p de 36, la 3è de 3p de 36 et la 4è aussi de 3p de 36. Entre la 3è et la 4è division est un mortier de 12 pouces coulé sur semelle. Ces quatre divisions sont placées sur un terrain qui depuis la première monte en amphithéâtre de sorte que la 4è est la plus élevée, leurs plates formes sont en briques de champ et leur genouillère soutenue par un mur très bas. Les bâtiments consistent en un corps de garde où logent les officiers de la Compagnie de canonniers, un grand corps de garde auquel tient la poudrière, un fourneau à réverbère, un petit magasin à charbon. Une caisse à rougir est placée à la 1è division. … Si le retranchement ancien était rétabli, il serait fort utile et barrerait le passage de la plage à la presqu’île. Legrand propose de conserver les 2° et 4° divisions qui croisent leurs feux avec le Bau rouge.

Le mémoire mentionne par ailleurs le rapport de l'ancien inspecteur Michaud qui recommande, pour s'établir fortement dans la presqu'île de Cépet (...) de fortifier la hauteur de La Croix des Signaux, celle du Lazaret, et de relever le retranchement qui défend le passage de l'isthme des Sablettes. Ce dernier ouvrage ne paroit pas suffisant (..) il parait donc qu'il est de toute nécessité d'occuper cette sommité (des Sablettes/ Saint-Elme) par un fort.." En conséquence, il est proposé, "Un fort quarré, ou approchant, complet, avec deux emplacements de mortier pour tirer sur la pleine mer et sur la rade, de plus deux fourneaux à réverbère", pour une garnison de 200 hommes. Ce fort sur la hauteur au milieu de l'isthme des Sablettes est coté 7 sur le plan de la presqu'île indiquant les ouvrages projetés de l'an II, et d sur celui de l'an III, qui figure un projet de retranchement continu passant par la batterie du Cap Saint-Elme, et reliant le retranchement existant de barrage de l'isthme à la plage des Génois, à l'est du cap.

Le plan de la presqu'île de Cépet pour 1811 14 montre que les projets de 1794 n'ont pas été réalisés, et ne propose pas d'occuper la hauteur de Saint-Elme. En revanche l'implantation d'une "tour n° 3" (type de tour-modèle défini à l'échelle de l'Empire cette même année 1811) est proposé à peu de distance à l'est, entre la plage des Génois et la batterie de Maregau. Une tour-modèle n°1, la seule réalisée en Provence, sera construite en 1813 sur la hauteur de la Croix des Signaux. Le détail de la batterie du cap St Elme sur plan de la presqu'île en 1811, montre qu'elle se compose de cinq épaulements bien distincts, dont un petit (batterie de mortier), répartis en arc de cercle sur le cap. Un seul corps de garde est figuré à la gorge de la batterie, qui n'est ni retranchée ni fermée.

Les projets pour assurer la défense des presqu'îles de Balaguier et Cépet font l'objet d'un rapport du général Maureilhan au Comité des fortifications, en date du 6 janvier 1812 15, qui précise que la défense particulière de la hauteur de St Elme (...) peut être assurée, soit par une tour modèle n° 1, soit par une redoute modèle n° 2 en réunissant en une seule batterie sous l'appuy de cet ouvrage toutes celles établies au cap St Elme. Les propositions du directeur des fortifications de Toulon consistent alors à : 1) construire une redoute n°2 sur la hauteur de St Elme, 2) une batterie retranchée sous l'appuy de cette redoute pour tenir lieu des batteries actuelles placées au cap St Elme.

Maureilhan propose, quand à lui, deux hypothèses alternatives. Dans la première, en douze articles : 10) il faut augmenter de 4 pièces les batteries du cap St Elme afin de protéger le corps de garde établi à la plage des gênois et l'ouvrage ci-après; 11) il faut établir sur un îlot artificiel placé en avant de la plage des Sablettes un ouvrage ayant 6 pièces battant de revers toute cette plage; 12) il faut construire sur la tête des Sablettes un bon ouvrage présentant du côté de terre la défense d'une bonne couronne. La seconde hypothèse remplace ces trois derniers articles par un article unique : Il faut construire sur la hauteur St Elme une redoute modèle n°2 et réunir en une seule batterie sous l'appuy de cette redoute toutes les batteries placées au cap St Elme.

S'agissant de Toulon et de la presqu'île de Cépet, la commission de défense des côtes, sous-ensemble de la commission générale de défense du royaume créée en 1818 16, assigne à la position du cap de Saint-Elme deux objectifs : défendre les plages des Génois et des Sablettes contre un débarquement, et assurer les mouillages en croisant les tirs avec les batteries voisines (côté Sablettes avec Bau rouge et Faubrégas, côté Génois avec Marégau). Les plans de l'état des lieux, dressés en 1817 pour l'atlas des batteries de côte venant à l'appui des travaux de la commission (soit le détail de la batterie sur le plan de la presqu'île et un plan particulier), montrent que la batterie -composée de ses cinq épaulements- est alors fermée à la gorge par un retranchement assez sommaire au plans tenaillé irrégulier, avec fossé taillé dans le roc. La majeure partie de ce retranchement est constituée d'un parapet de terre revêtu de pierres sèches. Le flanc gauche, assez court, est formé d'un mur crénelé à redans joignant l'épaulement est. La porte du retranchement se trouve dans ce flanc, au ras de l'angle qu'il forme avec le long front de gorge. A l'intérieur de l'enceinte et à l'arrière des batteries de la moitié est, sont établis plusieurs bâtiments militaires : un magasin aux effets est appuyé au mur crénelé du flanc est, un corps de garde à deux niveaux, incluant logement de gardien et magasin à poudres, est abrité par le grand épi du retranchement de gorge, derrière la batterie centrale et la batterie de mortier, enfin, le fourneau à réverbère est voisin de ce corps de garde.

Plans et profils des batteries et retranchements à construire dans la hauteur de St Elme et de la fermeture à la gorge des batteries de ce nom ordonné par S. Ex. le prince d'Esling. 1813.Plans et profils des batteries et retranchements à construire dans la hauteur de St Elme et de la fermeture à la gorge des batteries de ce nom ordonné par S. Ex. le prince d'Esling. 1813.Le corps de garde existait en 1811, mais le retranchement a été construit en totalité en 1813, sur l'ordre de "S. ex. le Prince d'Esling" (c'est à dire le maréchal André Masséna, disgracié par Napoléon en 1811 à la suite de l'échec de la campagne du Portugal, et rétrogradé gouverneur militaire à Marseille). Cette année 1813 est celle de la construction conjointe, au nord-est de la presqu'île, de la tour-modèle n° 1 de la hauteur de la Croix des Signaux, et, à son pied, en principe liée à elle par un retranchement, de la nouvelle batterie de la Carraque. Cet important chantier, dont les deux sous-ensembles forment un camp retranché, a été ordonné par l'Empereur en personne.

Le programme ordonné par Masséna sur le site de Saint-Elme, vite exécuté par les colonels Dianous (de La Perrotine), et Tournadre, respectivement directeur et sous-directeur des fortifications de Toulon, objet du chapitre 3 du projet pour 1813 consistait à fermer à la gorge les batteries de St Elme par un retranchement en pierre sèche et occuper la hauteur de ce nom par deux redoutes aussi en pierre sèche avec chemin couvert et les lier au retranchement par une double caponnière, pour une dépense totale de 32.000 fr.

Il est dans l'absolu comparable à celui de la Croix des Signaux et la Carraque, puisqu'il comporte, outre le retranchement à la gorge de la batterie de côte, la construction d'un ouvrage de défense de type redoute d'emprise restreinte sur la hauteur, les deux étant liés par une communication. Toutefois, les programmes diffèrent fondamentalement par le médiocre degré d'ambition et d'investissement financier de celui de Saint-Elme. On a vu le caractère sommaire du retranchement de la batterie. Les deux redoutes ne le sont pas moins ; l'une carrée, l'autre pentagonale, entourées d'un fossé propre, elles sont réalisées en pierres sèches sur une faible élévation, comme le front de gorge de la batterie, et enveloppées d'un mur d'enceinte très sommaire, maigre et aussi en pierres sèches, flanqué de deux petites flèches. Le 25 décembre, alors que les ouvrages sont réalisés, le sous-directeur, Joseph-Amable de Tournadre, propose pour 1814 17 une refonte complète du dispositif, d'un seul tenant, avec une redoute quadrangulaire à demi-bastions sur l'éminence, reliée à la batterie de côte par un ouvrage d'artillerie étagé en crémaillère, avec trois ressauts, l'enceinte de la batterie elle-même étant réduite en surface par suppression de l'extrémité ouest, retranchée par un mur de gorge polygonal, et divisée en deux sections par un mur de traverse.

Le colonel Pinot, nouveau directeur des fortifications de Toulon, dans son mémoire sur la situation de la place de Toulon en 1816 pour les projets de 1817 18, évoque le fait que l'isthme des Sablettes et la plage des Génois sont "défendus par la batterie St Elme et une espèce de camp retranché d'une disposition bizarre et d'une construction si débile qu'on ne doit en attendre qu'un très mauvais service". En sorte que " son perfectionnement dans sa disposition actuelle serait si peu en rapport avec l'importance du point qu'on ne doit pas penser à l'entreprendre, il faut le remplacer par un bon fort revêtu, dans une position telle qu'il puisse bien fermer le débouché de la presqu'île, soumettre à ses feux les deux plages et être capable de contenir une force suffisante pour coopérer efficacement avec les autres troupes de la presqu'île à empêcher l'ennemi de s'y établir. "

Aucun changement n'ayant été opéré, la commission de 1818, concentrée sur l'amélioration de la batterie de côte, estime que l’ouvrage devrait combiner des propriétés d'une redoute à celles de la batterie, ce à quoi son tracé et sa construction de 1813 sont inadaptés : le retranchement à redans est médiocrement flanqué, les bâtiments trop frêles. Seul l’escarpement côté mer est jugé efficace. Pour améliorer la défense des deux plages, principaux points de débarquement, il faudrait remplacer les deux redoutes en pierre sèche du mamelon, dites "camp retranché Saint-Elme", par une bonne et forte redoute casematée revêtue, bien terrassée et placée pour bien fermer le débouché de la presqu’île et rattachée à la batterie par une communication retranchée. Le rapport établi par le lieutenant général de Chambarlhiac le 10 octobre 1818 préconise d’élever sur la hauteur des Sablettes une redoute pour 250 hommes, estimée à 100.000 fr 19.

Les choses en restent là pendant vingt ans, et, dans son avis du 18 décembre 1838, le Comité des fortifications préconise à nouveau la construction d'un fort sur la hauteur de Saint-Elme, pour une dépense estimée de 250.000 fr. dont il reste à trouver le financement. Comme dans les projets antérieurs, le fort doit constituer le réduit d’un petit camp retranché, destiné à interdire la presqu’île à un ennemi débarqué au Brusc et progressant par terre.

[Batterie de Saint-Elme. Relevé d'état des lieux.] 1845.[Batterie de Saint-Elme. Relevé d'état des lieux.] 1845.Peu après, la loi du 25 juin 1841 accorde 4,6 millions de francs pour la défense des ports. La commission de défense des côtes de 1841 20 place au premier degré d'importance la reconstruction de la batterie -au même titre que celle de la Carraque- toujours pour défendre les Sablettes et l’anse des Génois, mais en en resserrant le développement à l'emprise de la partie centrale de celle existante, et en la dotant d'un corps de garde n°2. La batterie projetée doit être armée de trois canons de 30 livres et de trois obusiers de 22 cm. Les relevés d'état des lieux, contresigné le 7 janvier 1845 par le colonel Édouard Picot, directeur des fortifications 21 ne montrent aucun changement depuis 1817 pour ce qui est de la batterie. Un premier projet, à cette même date, dessiné par capitaine du génie Pouzols, comme contre-projet du directeur au dessin confié simultanément au capitaine Séré de Rivières, concerne non seulement le fort (unique objet d'étude de Séré de Rivières, qui pensait y transférer la batterie de côte), mais aussi la batterie, dans laquelle est seulement proposé un nouvel épaulement assez vaste, à trois côtés en retour d'angle droit, à l'extrême gauche (est) de la batterie existante, sans nouveau bâtiment, mais avec communication par un chemin couvert entre fort et batterie, formant une branche pendante rectiligne.

Le projet pour 1846, visé par le directeur le 30 mars, propose un épaulement à peu près de même plan, les angles en étant abattus en pans coupés, traité avec plus de relief et beaucoup plus d'épaisseur, pour défiler parfaitement le corps de garde défensif que l'on propose de nicher à sa gorge. Il s'agit d'un corps de garde crénelé conforme au modèle-type défini en septembre 1845, de plan en H, soit avec deux grandes travées de culées portant terrasse encadrant le corps de casemates principale, et faisant fortement saillie sur les grands côtés à la manière de demi-bastions. Est proposé le modèle n°2, adapté à 40 hommes, soit à une batterie de huit pièces.

Ce plan-type de réduit de batterie ayant été abandonné à l'échelle nationale dès 1846 au profit d'un autre modèle-type de corps de garde crénelé plus simple et plus compact, rectangulaire avec plate-forme unique, un nouveau projet adoptant ce modèle, en enclave dans un épaulement plus serré et plus arrondi en fer à cheval, est défini par le capitaine Corrèze, chef du génie pour 1847. Différé pour privilégier les travaux du fort, le projet, dessiné pour 1848 par le capitaine Marc-Alphonse Pallard Desportes 22, intègre bien le modèle-type de corps de garde crénelé 1846 n°2, mais épargne aussi le corps de garde existant, construit avant 1794, maintenu derrière le profil de la branche droite de l'épaulement. En décembre 1849, seul l'épaulement est réalisé, conformément au projet Pallard, mais sans son corps de garde crénelé, l'ancien corps de garde restant utilisable 23.

En 1853, la commission spéciale chargée de préparer un projet d’armement du port et de la rade de Toulon 24 considérant qu’un débarquement aux Sablettes permettrait, soit de s’emparer de la presqu’île, soit de préparer la prise à revers de Balaguier et l’Eguillette en visant le fort Napoléon, préconise de porter à 10 pièces l’armement de la batterie de St Elme. Le mémoire des projets pour 1852-1853 25 précise que rien n’a encore été dépensé à Saint-Elme sur les crédits autorisés par la loi du 10 juillet 1845 et que les travaux à faire sont estimés à 8400 fr, somme réévaluée à 9300 fr en 1854. Le chef du génie C-B Long, dans le mémoire des projets pour 1856-1857 26 donne l'état d'avancement des travaux d'agrandissement de l'épaulement de la batterie : On a massé les parapets de la batterie, fait les fondations du mur de talus intérieur, réglé le terre-plein. On a percé de créneaux et réparé le corps de garde-réduit. Il reste à régler les terrassements, faire le mur intérieur, les talutages, le carrelage du corps de garde et son ameublement. Il précise que les fonds de 1855 étaient insuffisants achever ces travaux, qui nécessitent encore un crédit. de 3000 fr. Au 31 décembre 1856 27 les travaux de réorganisation de la batterie sont achevés, pour un coût total de 12.222 fr.

Le 10 novembre 1862, le colonel Petit, chef du génie, soumet un projet de création d'un petit épaulement annexe en saillie sur l'aile gauche de la batterie, pour placer deux mortiers. Le plan du projet montre que l'agrandissement de 1854-1856 a concerné l'aile droite de la batterie. Le corps de garde ancien restauré et crénelé 28 se trouve désormais à l'intérieur du parapet de cette branche, rallongé pour le défiler, et non plus en arrière. L'extension pour mortiers est réalisée à la suite.

La Commission mixte de révision de la défense du littoral dans le 5è arrondissement maritime de 1873 29 relève que l’armement en place est constitué de cinq canons de 30 cm rayés et de cinq obusiers de 22 cm (au lieu de trois obusiers lisses et deux rayés, de 22 cm). Elle note que les batteries qui arment ce front de mer (Rascas, Coudoulière, saint Elme, fort de St Elme, Faubrégas) n’ont pas un commandement suffisant et ne donnent pas des feux assez convergents pour que, même avec une artillerie puissante, elles puissent lutter avantageusement contre les cuirasses des vaisseaux modernes à vapeur, dotés d’une artillerie à la portée améliorée. En conséquence, l’avis exprimé est de renoncer à ces ouvrages pour contrebattre un bombardement, sauf à examiner la convenance d’en conserver une partie pour s’opposer à un débarquement. Pour les Sablettes, la plage pourrait être protégée par les forts de Six-Fours et de Saint-Elme appuyant une troupe mobile. Il est donc proposé d'abandonner la batterie de Saint-Elme, comme celle de Fabrégas, jugées trop vulnérables. Le plan de défense de la rade de Toulon de 1876, approuvé le 4 avril 1877 30, prévoit l’abandon de six batteries de côte, dont celle de Saint Elme, l’adaptation de cinq et la création ex-nihilo de neuf autres. La batterie de Saint-Elme est néanmoins réorganisée peu après, en 1877-1878 31, conformément aux dispositions générales posées par la circulaire du 18 mars 1876 pour les batteries de côte 32, selon lesquelles les pièces doivent être placées à barbette sur des plates-formes de maçonnerie séparées par des traverses-abris, une par pièce ou, au plus, par deux pièces. La batterie principale est alors divisée en trois sections par l'adjonction de deux grosses traverses-abris contenant chacune un magasin. Les sections sont aménagées en plates-formes maçonnées adaptées chacune à une pièce de 24 cm. Une niche à projectiles sous merlon est aménagée à la jonction avec l'épaulement annexe pour mortiers.

Batterie St Elme. [Plans et coupes des magasins en caverne] 1896.Batterie St Elme. [Plans et coupes des magasins en caverne] 1896.En 1892 la batterie est fortement remaniée, par la création de souterrains en caverne comportant un magasin à poudre avec sas et atelier de chargement, desservis par une galerie qui règne sous le parapet, à 12 mètres de profondeur. Les abris des traverses sont supprimés et remplacés par un bloc de béton massif en façade, évidé d'une niche qui, pour la traverse de droite, abrite un monte-charges pour l’approvisionnement de la batterie. Dans la traverse de gauche, ce bloc à niche est flanqué de l'escalier de descente dans le souterrain-caverne. Vers la mer, la galerie souterraine se prolonge par un dispositif d’évacuation des eaux de ruissellement et d’infiltration. Son extrémité est obturée par un massif de maçonneries pour empêcher toute intrusion. Le parapet de l’aile droite est remanié de façon à ménager à son abri un magasin à projectiles surmontant une citerne de 43 m3. En dépit de tous ces renforcements, le corps de garde de la fin du XVIIIe s est maintenu en place.

Le plan de défense de 1898 33 précise que la batterie est armée de trois pièces de 24 cm de 9500 mètres de portée et de sept pièces de 75 mm modèle 1873. L’effectif prévu (logé dans le fort) est de 123 sous-officiers et artilleurs et 105 auxiliaires. A nouveau réorganisée en 1901-1902, pour quatre pièces de 240mm modèle 1884, elle est agrandie à droite d'une nouvelle section, ce qui place le monte-charge en position centrale, et les traverses en terre sont remplacées par des magasins de combat en béton armé, conformes aux principes énoncés par une note provisoire de 1901 34. Le corps de garde de la fin du XVIIIe siècle rénové en 1856 survit à ces remaniements.

Dans l'entre-deux guerres, la batterie de Saint-Elme est parfois nommée batterie des Sablettes, notamment dans le projet de programme de l'armement du littoral en artillerie du 1er juillet 1920, qui la crédite de trois canons de 240mm et de 4 canons de 90mm. Plus tard la batterie de Saint-Elme est réarmée, avec trois canons de 100mm, modèle 1897-17, installés en adaptant les trois sections de droite de la batterie de 240mm, ce que confirment les états d'armement de 1936 et 1940 35.

Cependant, en 1939, l'appellation de batterie des Sablettes désigne une autre installation, postérieure à 1930 36, qui se déploie largement sur la gauche de la batterie Saint-Elme, avec plates-formes BA modèle 1925 dans des cuves en maçonnerie, armées de trois canons de 138mm, modèle 1910 sur affût modèle 1919-24, et sous masque de 10mm d'épaisseur. Sa section éclairante (deux cuves) était placée en revanche sur la droite de la batterie de Saint-Elme.

La Commission d’études pratiques de l’artillerie de côte (CEPAC), utilisa depuis le début des années 1920 la batterie de Saint-Elme à des fins d'expériences et d'instruction, inaugurant son futur usage exclusif de batterie-école.

Après la capitulation des Italiens, en septembre 1943, des unités allemandes prennent en charge les anciennes batteries de côte françaises des Sablettes et de Saint-Elme. L'ensemble forme le Stp Tor 016, avant-garde de la défense de la presqu'ile de Saint-Mandrier. Le 25 septembre 1943, l'effectif des deux batteries est de 224 hommes. L'armement principal reste celui déjà mentionné dans chacune des deux batteries, auquel s'ajoutent quatre pièces de 75 mm modèle 1897 (deux par batterie, celles de la batterie de Saint-Elme située dans la section vacante de gauche). En mai 1944, les allemands projettent de construire trois casemates blindées en béton de type M 272 pour y placer les pièces de 138mm de la batterie des Sablettes, en décalé des cuves existantes, mais ce projet n'est pas exécuté 37.

Au 25 juillet 1944, l'artillerie principale et l'artillerie secondaire des deux batteries conjointes sont inchangées. Elle est servie alors par deux officiers, 32 sous-officiers et 179 artilleurs. Les approches de la batterie sont défendues par cinq Ie.MG, onze s.MG et un mortier de 5 cm, l'éclairage de nuit étant assuré par deux projecteurs de 60 cm et deux projecteurs de 150 cm, implantés au bord de la falaise, de part et d'autre des batteries. Bombardée sans grand dommages par les alliés le 20 aout 1944, la batterie se rend le 28 aout. La visite effectuée par l'Artillerie de Côte du Front de Mer de Toulon à l'automne 1944 conclut que deux pièces de 138 mm et une pièce de 100 mm, endommagées, peuvent être remises en état assez rapidement. Les quatre canons de 75 mm modèle 1897 sur affûts Marine et le canon antichars de 75 mm sont en bon état.

Après la guerre, la batterie de Saint-Elme accueille le poste de commandement de la D.C.A. Toulon, créée le 1er juin 1952. Cette unité devenue le Centre d'Entrainement de la D.C.A. Marine le 16 novembre 1976, est dissoute en février 1992. Pendant près de 50 ans, le périmètre des anciennes batteries de Saint-Elme et des Sablettes est utilisé pour des tirs d'exercice, notamment au canon de 138 mm, au canon de 57 mm A.C.A.D., au canon de 127 mm C.A.D. et au mortier de 305 mm. Il en résulte de nombreux aménagements (miradors) et apports d'armements et blindages, à finalité pédagogique, sans rapport avec ceux de la batterie dans sa période d'activité stratégique réelle. En revanche, l'emplacement de l'ancien corps de garde est pérennisé par un bâtiment en béton de même emprise.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

L'ancienne batterie de Saint-Elme maintes fois remaniée est implantée dans l'axe du cap Saint-Elme, sur la rupture de pente de l'escarpement littoral naturel, ses quatre sections orientées face au sud / sud-ouest. Les plates-formes des sections sont à 20,65m d'altitude. Les restes des aménagements sommaires de son annexe, la batterie des Sablettes, s'échelonnent au-dessus du flanc est du cap, face au sud / sud-est. Le site est desservi par une rue nord-sud à peu près rectiligne, le "chemin du fort Saint-Elme", créée dans les années 1960, accessible par l'intermédiaire du boulevard Porchy, qui part au sud (à droite) de la route départementale 18, au droit de la partie est de l'isthme. Jusqu'au XXe siècle, l'accès à la batterie partait du même embranchement de la D. 18, mais passait le long de la côte sud-ouest, par l'actuelle avenue de la jetée, laissant à droite le petit port de Saint-Elme. Ce chemin existe toujours et aboutit à la gorge de la batterie au droit de l'emplacement de l'ancien corps de garde.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre

Les nombreux aménagements bétonnés de la batterie école d'après guerre ont parasité les infrastructures de la batterie de 240mm de 1901-1902 remaniée dans les années 1920 pour trois pièces de 100mm. Son aspect actuel, ponctué de miradors, de garages, d'escaliers et rambardes métalliques d'après guerre, de superstructures d'appui de pièces, de réservoirs suspendus, a beaucoup perdu en lisibilité, et la mise en place d'armements ou de blindages, dont restent des échantillons, à des emplacements non défilés, sans cohérence historique, a ajouté à la confusion. De plus, les magasins de combat sont condamnés et les souterrains, en partie inondés, n'ont pu être visités.

Vue perspective des deux magasins de combat et deux emplacements de tir des sections d'artillerie de droite.Vue perspective des deux magasins de combat et deux emplacements de tir des sections d'artillerie de droite.

L'état final de cette batterie, tel que remanié dans les années 1920, comporte quatre sections d'artillerie, comme dans l'état 1901-1902, mais en introduisant une asymétrie. Les trois sections de droite, adaptées aux pièces de 100mm, sont identiques, à peu près équidistantes, et s'accompagnent de deux magasin de combat en béton type 1901-1904 de même volume, l'un séparant la première section (à droite) du poste de direction de tir aujourd'hui surmonté d'un local technique portant un réservoir suspendu. Sous cette adjonction, le poste de direction de tir proprement dit, petit local en béton avec façade demi-circulaire à créneau d'observation face à la mer, est bien conservé. Son créneau est fermé de plaques de blindage, et la salle intérieure conserve le pivot d'assise de l'ancien bloc périscopique. La quatrième section d'artillerie, à gauche de la batterie, est séparée des trois premières par un bloc ou magasin deux fois plus large, qui a remplacé la traverse-abri d'où partait l'escalier plongeant vers souterrains en caverne de 1892 ; cet escalier existe toujours. Le bloc central entre la seconde et la troisième section, n'est pas un magasin de combat, il se réduit à une traverse en béton qui n'a pas l'apparence caractéristique des magasins de 1902, à angles arrondis : elle surmonte un escalier de l'état 1902 ou années 1920 descendant à l'ancien monte-charge des souterrains en caverne de 1892.

Le chemin de ronde qui desservait les sections d'artillerie à la gorge, avec ses rampes d'accès parallèles et ses petits escaliers perpendiculaires à la gorge des emplacements de tir, est en grande partie conservé dans son état 1902, revu années 1920, entièrement cimenté. Les trois sections pour canons de 100mm sont profondes, avec emplacement de tir projeté en avant de celui de l'état 1902, dans une réservation du talus du parapet en terre. Les socles et plates-formes des affûts tournants des pièces y sont inclus dans des cuves en métal. Celles de la première et seconde section sont conservées, la troisième section est encombrée par les infrastructures d'une pièce de la batterie-école installée après guerre ; cette pièce, une tourelle double de 57 mm AA, armement anti-aérien de vaisseau, est en place, mais évidemment hors contexte dans l'histoire de la batterie. La quatrième section, à l'extrême gauche de la batterie, différente des trois autres, aujourd'hui occupée par un bâtiment d'après-guerre, avait l'aspect des positions de tir des années 1890, rectangulaire avec exèdre dans le mur de genouillère du fond, destinée à engager le socle du pivot de la pièce. Elle avait été adaptée (dans les années 1920 ou 1930 ?) pour deux pièces jumelées de 75 mm modèle 1897.

Cuve de maçonnerie et sellette d'affût d'une pièce de 138mm, modèle 1925, de la batterie des Sablettes.Cuve de maçonnerie et sellette d'affût d'une pièce de 138mm, modèle 1925, de la batterie des Sablettes.

Les quatre cuves maçonnées en pierre (et non en béton) de la batterie des Sablettes sont conservées, avec, au centre, la sellette ou plate-forme (B.A., modèle 1925) de l'affût tournant des pièces de 138mm, avec sa couronne de fonte rainurée à tiges filetées. Le mur circulaire de la cuve est flanqué, pour chaque section, d'un double bloc carré en béton couvrant un abri et une niche à munitions.

A côté de la seconde cuve de cette batterie, a été installé à une date indéterminée (avant ou après guerre ?) pour les besoins de la batterie-école, une plate-forme universelle en fer à rainures rayonnantes, sur laquelle était installée, jusque dans les années 1960, une pièce de 164mm dans son habitacle blindé.

Détail d'une plate-forme universelle en fer qui portait une pièce de 164mm de la batterie-école.Détail d'une plate-forme universelle en fer qui portait une pièce de 164mm de la batterie-école.

1Vincennes, SHD, 1 VH 1831, 1679-1701, n° 23, 25. Malheureusement, la numérotation des ouvrages sur la carte de Vauban ne correspond pas à celle de la carte et du mémoire de Niquet.2Vincennes, SHD, 1VH 1831, 1679-1701, n° 263Vincennes, SHD, 1 VH 1831 1679-1701 n° 36, feuille 104Vincennes, SHD, 1VH 1832 n° 75Arch. Nat. Marine G 2316Archives municipales de Six Fours EE 287Mémoire sur partie de la côte de Provence depuis la passe de l’est de la rade des îles d’Hyères, jusques à Toulon, 20 avril 1743, Vincennes, SHD, Art 4 sect. 2 / 6, Carton 1 n° 298Description de la côte de Provence depuis l’embouchure du Rhône jusques au golfe de Fréjus, Vincennes, SHD, Ancien Art 4 sect. 2 / 6, Carton 1 n° 379Vincennes, SHD, 1 VH 1833, 1748-1763 n° 23, 175910Vincennes SHD, 1 VH 1834, 1764-1769, n° 22.11Vincennes, SHD, 1 VH 1835 1770-1777, n° 612Vincennes, SHD, 1 VH 1839 1791-1793, n° 30 annexe 513Commission du septième arrondissement des côtes comprises entre Marseille et Savone, créée par arrêté du Comité de salut public en date du 23 Brumaire an 3, Toulon, SHD, 4A1 44014Vincennes, SHD, 1 VH 1840 1799-1811.15Vincennes, SHD, 1 VH 1841 1812-1813. n° 216Vincennes, SHD, 1 VH 1841 1812-1813. n° 217Vincennes, SHD, 1 VH 1841, 1812-1813.18Vincennes, SHD, 1 VH 1842, 1814-1818.19Commission de défense, Chapitre 10, Frontière de la Méditerranée des Alpes aux Pyrénées, Vincennes, SHD, Ancien Art 4 sect. 2 / 1, Carton 9 n° 320Toulon, SHD 4B1 47 n° 44.21Vincennes, SHD, 1 VH 1862, 1844-1845.22Vincennes, SHD, 1 VH 1865, 1848.23Plans des projets pour 1850 et 1851, visés par le directeur des fortifications le 27 décembre 1849, Vincennes, SHD, 1 VH 1867, 1850-1853, n° 13.24Rapport du 14 juin 1853, Toulon SHD 4B1 47 n° 5325Vincennes, SHD, 1 VH 1867, 1850-1853.26Vincennes, SHD, 1VH 186927Tableau annexé à l’avis du comité des fortifications en date du 3 juin 1857, Toulon, SHD 4B1 47 n° 55328Plan et élévation montrant ce crénelage sur une feuille d'atlas des bâtiments militaires de 1874, Vincennes, SHD, EG Nice Toulon, art. 2 / 8915, feuille d'atlas n° 63.29Rapports du 6 mars et du 22 décembre 1873. Toulon, SHD 4B1 22, n° 27530Rapport de la commission … sur un nouveau plan d’ensemble de la défense du port de Toulon. Vincennes, SHM DD² 104531Toulon, SHD, Atlas des batteries de côte de 1881; Vincennes, SHD, EG Nice Toulon, art. 2 / 8915, feuille d'atlas n° 28, 1878.32Instruction sur la rédaction des projets de batteries de côtes, par le général de division Farre, inspecteur permanent des travaux de défense littorale. Vincennes, SHD, Ancien article 13 n° 28.33Défense des côtes. 5ème arrondissement maritime. Renseignements maritimes & militaires pour le temps de guerre, Toulon, SHD 92 048 10734Note provisoire destinée à servir de guide pour les études relatives à la construction ou à la réorganisation des ouvrages du littoral, 28 février 1901, Vincennes, SHD, génie, ancien article 13, n° 350. Le descriptif technique détaillé sera ensuite fixé par une note technique de 190435M. Frijns, L. Malchair, J-J Moulins, J. Puelinckx, Index de la fortification française. Métropole et Outre-Mer, 1874-1914, Welkenraedt, Belgique, 2008, p. 448, notice Sablettes.36Cette nouvelle batterie n'est pas encore en place sur la photo aérienne verticale IGN de 1930.37Alain Chazette, Pierre Gimenez, Südwall, batteries côtières de marine, Port-Vendres, Sète, Fos, Marseille, Toulon, Vertou, 2009, p. 170-174.

En 1696, Vauban et son adjoint Antoine Niquet font établir un retranchement barrant la plage sud de l'isthme des Sablettes, complété de trois petites batteries sommaires sur le cap Saint-Elme.

En 1811, la batterie se compose de cinq épaulements bien distincts, répartis en arc de cercle sur le cap. En 1813, sur ordre du maréchal Masséna, ils sont couverts à la gorge d'un retranchement en pierres sèches de plan tenaillé.

La commission de défense des côtes de 1841 place au premier degré d'importance la reconstruction de la batterie de Saint-Elme pour défendre les Sablettes. En 1845 et 1846 est projeté un nouvel épaulement, unique et pouvant accueillir 8 pièces, à gauche de l'ancienne batterie, abandonnée et laissée en ruines, avec un réduit de type corps de garde défensif 1846. L'épaulement est réalisé en 1849 selon le projet du capitaine Pallard-Desportes, sans réduit, le corps de garde de l'ancienne batterie étant réutilisé. L'armement attribué à la batterie ayant été porté à 10 pièces par une commission spéciale de défense des côtes en 1853, l'épaulement est agrandi à droite en 1855-1856, sous l'autorité du chef du génie Long. En 1862, son successeur le colonel Petit, fait réaliser un petit épaulement annexe en saillie sur le côté gauche de l'ouvrage existant, pour deux mortiers.

En 1873, l'armement de la batterie est de 5 canons de 30cm rayés et 5 obusiers de 22cm. D'abord vouée à l'abandon par le plan de défense de la rade de Toulon de 1876, la batterie est finalement réorganisée en 1877, en créant deux traverses-abri définissant trois sections d'artillerie, ce qui réduit l'armement à 3 canons de 24cm. En 1892 la batterie est fortement remaniée : des souterrains en caverne comportant un magasin à poudre sont creusés à 12 mètres de profondeur. Les abris des traverses sont supprimés et remplacés par un bloc de béton massif en façade, celui de droite abritant un monte-charges, celui de gauche un escalier, l'un et l'autre partant du souterrain. Un armement complémentaire de 7 pièces de 75mm est mentionné en 1898.

A nouveau réorganisée en 1901-1902, pour 4 pièces de 24cm, elle est agrandie à droite d'une nouvelle section, ce qui place le monte-charge en position centrale ; les traverses en terre sont remplacées par des magasins de combat en béton armé.

Dans les années 1920-1930, la batterie de Saint-Elme est réarmée de trois canons de 100mm, remplaçant les 4 pièces de 24cm, et complétée sur sa gauche, à distance, d'une nouvelle batterie, dite "des Sablettes", armée de 3 canons de 138mm, réparties dans 3 cuves béton indépendantes. Après la guerre, la batterie de Saint-Elme accueille le poste de commandement de la D.C.A. Toulon, puis le Centre d'Entrainement de la D.C.A. Marine, qui installe des pièces pour des tirs d'exercice.

L'ancienne batterie maintes fois remaniée est implantée dans l'axe du cap Saint-Elme, ses quatre sections d'artillerie orientées face au sud / sud-ouest. Les plates-formes sont à 20,65m d'altitude. Les restes des aménagements sommaires de son annexe, la batterie des Sablettes, s'échelonnent au-dessus du flanc est du cap, face au sud / sud-est.

L'aspect actuel de la batterie, ponctué de miradors, de garages, d'escaliers et rambardes métalliques d'après guerre, de superstructures d'appui de pièces, de réservoirs suspendus, a beaucoup perdu en lisibilité. De plus, les magasins de combat sont condamnés et les souterrains, en partie inondés, ne sont pas visitables.

L'état final de cette batterie, tel que remanié dans les années 1920, comporte quatre sections d'artillerie, comme dans l'état 1901-1902, mais avec une asymétrie. Les trois sections de droite, adaptées aux pièces de 100mm, sont identiques, équidistantes, flanquées de deux magasins de combat en béton type 1901-1904 de même volume, l'un séparant la première section (à droite) du poste de direction de tir aujourd'hui surmonté d'un local technique portant un réservoir suspendu. La quatrième section d'artillerie, à gauche de la batterie, est séparée des trois premières par un bloc ou magasin deux fois plus large, qui a remplacé la traverse-abri d'où partait l'escalier plongeant vers les souterrains en caverne de 1892 ; cet escalier existe toujours. Le bloc central entre la seconde et la troisième section surmonte un escalier de l'état 1902 ou années 1920 descendant à l'ancien monte-charge des souterrains en caverne de 1892.

Le chemin de ronde qui desservait les sections à la gorge, avec ses rampes d'accès parallèles et ses petits escaliers est en grande partie conservé dans son état 1902. Les socles et plates-formes des affûts tournants des pièces de 100mm sont inclus dans des cuves en métal. Les quatre cuves maçonnées en pierre (et non en béton) de la batterie des Sablettes sont conservées, avec, au centre, la sellette ou plate-forme de l'affût tournant des pièces de 138mm.

  • Murs
    • calcaire moellon
    • brique (incertitude)
    • béton béton armé
  • Toits
    ciment en couverture, terre en couverture
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier droit
  • Autres organes de circulation
    monte-charge
  • Typologies
    batterie ouverte
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat

Ensemble très perturbé par les aménagements d'après guerre. Peu lisible. Très faible intérêt patrimonial.

Documents d'archives

  • NIQUET, Antoine. Mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon, 22 mars 1695. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831 n°23, 25.

  • MILET DE MONVILLE. Mémoire sur partie de la côte de Provence depuis la passe de l'est de la rade des iles d’Hyeres, jusques a Toulon, 20 avril 1743. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 4, Section 2 Carton 1 n°29.

  • MILET DE MONVILLE Nicolas François. Description de la coste de Provence depuis l’embouchure du Rhosne jusques au golfe de Fréjus, 1747. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art 4 Son 2 § 6 Carton 1 n° 37 (ancienne cote).

  • AGUILLON LOUIS D'. Mémoire sur la ville de Toulon, son objet relativement à une déffensive simple en Provence, sa fortification ancienne de terre & de mer, et la nécessité indispensable qu'il y avoit d'avoir cette place dans un meilleur état de défense, pour metre à l'abry d'insulte l'arcenal et le département de marine, 1er mars 1768. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 sect 1 (1 VH 1834), n°22.

  • Etat actuel des batteries des rades de Toulon suivant la visite qui en a été faite par MM. de Champorcin, de Vialis, Boullement et Imbert le 14 Xbre 1770. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 5 n° 6

  • Commission du septième arrondissement des côtes comprises entre Marseille et Savone, créée par arrêté du Comité de salut public en date du 23 Brumaire an 3. [14 novembre 1794]. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 A 1 440.

  • [Batterie de Saint-Elme. Mémoire des projets pour 1856-1857.] Service Historique de la Défense, Vincennes : 1VH 1869.

    Service Historique de la Défense, Vincennes : 1VH 1869
  • Commission mixte de révision des défenses du littoral dans le 5e arrondissement maritime. Rapport du 6 mars 1873. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 B1 22 n° 275.

    Rapport de la Commission mixte de révision de la défense du littoral 1873

  • Défense des côtes du 5e arrondissement maritime. Renseignements maritimes et militaires, 1898. Service Historique de la Défense, Toulon : 92. 048. 107.

Bibliographie

  • FRIJNS, M., MALCHAIR, L., MOULINS, J.-J., PUELINCKX, J. Index de la fortification française, Métropole et Outre-mer, 1874-1914. Welkenraedt : 2008.

    P. 448.
  • CHAZETTE, A., GIMENEZ, P. Südwall, batteries côtières de marine, Port-Vendres, Sète, Fos, Marseille, Toulon. Vertou : Editions Histoire & fortifications, 2009.

    P. 170-174.

Documents figurés

  • Carte des rades de Toulon. / Dessin aquarellé, attribué à Vauban, 1695. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831, plan n°23.

  • [Carte des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon] / Dessin, plume et aquarelle, signé Antoine Niquet, 22 mars 1695. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831 1679-1701, n°25.

  • Plan de Toulon et de ses rades, copié sur celuy de M. de Vauban. / Dessin, par Antoine Niquet, 1701. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 1 (1 VH 1831), n° 1bis.

  • Carte des rades de Toulon. / Dessin, plume et aquarelle, par Nicolas François Milet de Montville, 9 mars 1759. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 3 (1 VH 1833) 1748-1763 n° 23, 1759.

  • [Carte de la presqu'île de Cépet.]. / Dessin, encre et lavis, 1811. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1840.

  • Plans et profils des batteries et retranchements à construire dans la hauteur de St Elme et de la fermeture à la gorge des batteries de ce nom ordonné par S. Ex. le prince d'Esling. / Dessin, signé le chef de bataillon du Génie Tournadre, 1er juillet 1813. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1841, 1812-1813, Etat estimatif n°42, feuille de plan n°4.

  • Plan & profil du camp retranché & de la batterie de St Elme. / Dessin à la plume, 1814. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1842.

  • [Batterie de Saint-Elme. Plan masse.] / Dessin aquarellé, 1818. Service Historique de la Défense, Toulon : 4B1 1bis.

    Service Historique de la Défense, Toulon : 4B1 1bis.
  • [Batterie de Saint-Elme. Plan de détail.] / Dessin aquarellé, 1818. Service Historique de la Défense, Toulon : 4B1 1bis.

  • [Carte des batteries de la presqu'île de Saint-Mandrier en 1844.] / Dessin, plume et encre, 1844. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1862.

  • [Batterie de Saint-Elme. Relevé d'état des lieux.] / Dessin, plume et encre, janvier 1845. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1862, 1844-1845.

  • [Projet pour la batterie de Saint-Elme. Plan masse.] / Dessin, encre et lavis, par le capitaine Marc-Alphonse Pallard Desportes, 1848. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1865.

  • Construire un épaulement pour deux mortiers dans la batterie St Elme. / Dessin au lavis, 10 novembre 1862, signé le lieutenant colonel du Génie Petit. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1873.

  • Batterie St Elme. Réorganisée en 1877. / Dessin encre et lavis, 28 novembre 1879. Service Historique de la Défense, Vincennes : EG Nice Toulon, art. 2 / 8915, feuille d'atlas n° 28, 1878.

  • Batterie St Elme. [Plans et coupes des magasins en caverne] / Dessin encre et lavis, 1896. Service Historique de la Défense, Toulon : Atlas des bâtiments militaire, feuille n°105, 2K2 235.

Date d'enquête 2015 ; Date(s) de rédaction 2016
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