De la batterie au poste photo électrique
Vue générale du site en plongée depuis la batterie du Gros-Bau, au nord/nord-est.
En 1679, date de la première tournée à Toulon de Vauban, commissaire général des fortifications, la presqu'île de Saint-Mandrier (alias presqu'île de Cépet) n'était pas fortifiée, seule la petite rade et son débouché sur la grande rade étant défendus par des ouvrages pérennes de défense côtière. L'idée d'une mise en défense planifiée de la presqu'île n'émerge dans les projets de Vauban qu'en 1695, liée à la menace d'une croisière anglaise en Méditerranée. Une carte des rades de Toulon sur laquelle on a marqué les batteries des environs pour empescher le bombardement exprime la stratégie proposée par Vauban, et relayée par son collaborateur local Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, auteur d'une carte plus détaillée, datée du 22 mars 1695 1. Il s'agit d'assurer la défense des côtes, principalement autour de la grande et de la petite rade, par une série de batteries, en majorité limitées à un épaulement, sans retranchement à la gorge. S'agissant de la presqu'île, ce programme ne prévoit pas de batteries sur la côte sud, face au large, excepté à Faubregas (hors presqu'île) et au cap Saint-Elme, de part et d'autre de l'isthme et de la plage des Sablettes qui en occupe le front sud. Le programme prévoit aussi de barrer les points de débarquement potentiels, soit les plages situées dans des parties basses et rentrantes de la côte, par des retranchements en terre pouvant servir de chemin couvert aux défenseurs. Il en est prévu trois sur la côte sud, aux plages des Sablettes, des génois de la Coudoulière (d'ouest en est). Seul celui des Sablettes est associé à une batterie.
Sept batteries sont édifiées en 1695 sur les côtes nord et est de la presqu'île, et à Saint-Elme, situation stable jusqu'en 1759. A cette date, François Milet de Monville, directeur des fortifications de Provence, dresse un état des batteries de côte dans un mémoire daté du 9 mars et sur une Carte des rades de Toulon 2. La carte figure, pour la première fois, un épaulement de batterie au Cap Monegau (Marégau), le plus saillant de la côte sud, mais cette batterie n'est pas numérotée, et n'a donc pas de renvoi dans la légende du plan. En revanche, dans son mémoire, Milet donne un éclaircissement sur ce point : "Deux pièces de 24 seraient très bien placées sur le cap Monegau et y auraient la découverte la plus avantageuse sur l'avenue des plages des Génois et de la Coudoulière..." Il s'agit donc d'un projet de principe, qu'un incident survenu la même année portera à remplacer par un autre choix défensif : trois vaisseaux anglais, le 6 juin 1759, avaient réussi à mouiller dans ce secteur sud "sous les feux des batteries de St Elme et de Faubrégas" sans être coulés par les tirs de ces batteries. Cet évènement donne lieu à une autre carte établie avant la fin de l'année 1759 par le même Milet de Monville 3. Sur cette carte, la plage de la Coudoulière est figurée, pour la première fois, flanquée d'une petite batterie à chacune de ses deux extrémités, tandis qu'aucun projet n'est plus indiqué sur le cap Marégau. Cette double batterie de la Coudoulière est alors construite, de façon sommaire, et le projet de Marégau ne revient plus dans les mémoires ultérieurs de Milet.
Ce dispositif reste inchangé jusqu'en 1794. Dans la période révolutionnaire, en l'an 2 de la République, une commission composée des sieurs Locquin, Thévenard, Toufaire et Pierron, examine l'état de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la montagne (nouveau nom de Toulon à partir de la Convention), pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs (...). Il n'est fait état, ni dans le mémoire daté du 16 prairial (4 juin 1794), ni sur le plan associé, 4 des batteries de la Coudoulière, ou d'un nouveau projet à Marégau. En revanche, celui-ci apparait sur une autre carte, postérieure d'un an, exposant le projet de la 3e année républicaine, signée du directeur des fortifications Garavague 5, qui figure sur la pointe extrême du cap Marégau un épaulement offrant des directions de tir frontales et diagonales vers le large. Cet ouvrage répond aux préconisations de la commission de l'an 2, qui, dans un autre rapport daté du 18 prairial, proposait d’édifier à la pointe du Marégau une batterie armée de quatre canons de 36 livres et d'un mortier. 6
Quelques mois plus tard, les travaux sur l’ensemble du front de mer sont lancés, sous l’égide d’une Commission du septième arrondissement des côtes, comprises entre Marseille et Savone. 7 Un de ses membres, le citoyen Legrand, a rédigé un journal qui fournit un état précis de la situation couvrant les 162 positions fortifiées qu’il a examinées de Marseille à Vado. S’agissant du cap Monégau, il indique que la batterie est à peine commencée et destinée à recevoir deux pièces de canons de gros calibre. De son point de vue elle devrait être renforcée pour porter quatre canons. Le projet des ouvrages à faire aux diverses batteries de l'arrondissement de Toulon pendant l'an 5 républicain, en date du 21 novembre 1796, attribue 2000 livres pour construire le logement des canonniers et un magasin à poudre dans la batterie de Marigau 8.
En l'an XII de la République, (1804) avant l'avènement de l'Empire, un projet est présenté pour un magasin à poudre et un corps de garde et logement de gardien (pour compléter le logement construit en 1797 ?) à construire à la batterie du cap Marigau. Le magasin à poudre est très petit (3m X 4,20m hors œuvre), le corps de garde plus grand (9m de long). On ignore ce qui a été construit.
Le plan de la presqu'île de Cépet pour 1811 9 figure sommairement la batterie comme un épaulement en chicane avec, nettement à l'arrière de sa gorge, un seul petit bâtiment. Par ailleurs ce plan montre qu'une "tour n° 3" est projetée entre la plage des Génois et la batterie de Marégau, ce qui est mentionné comme une proposition du directeur des fortifications de Toulon dans un rapport du général Maureilhan au Comité des fortifications, sur les projets pour assurer la défense des presqu'îles de Balaguier et Cépet, daté du 6 janvier 1812 10. Maureilhan, pour sa part estime qu'il faut établir un corps de garde avec 4 pièces de revers pour la défense de la plage des génois et que la batterie de Maregaut devrait être augmentée et portée à 5 pièces.
Plan de la batterie de Marigaux et des ouvrages dont on propose l'exécution en 1813 à cette batterie. 1813.Le 1er juillet 1813, le chef de bataillon du génie Joseph-Amable de Tournadre, sous-directeur des fortifications de Toulon, établit un plan de refonte complète de la batterie de Marigaux, à exécuter l'année même 11. L'épaulement de la batterie existante, coté a-b-c-d sur le plan, ouvert à la gorge, comporte un flanc droit (c-d) mais pas de flanc gauche. Tournadre propose un flanc gauche en retour d'angle obtus à l'extrémité de la branche gauche, et un rallongement de la branche droite de l'équivalent des trois-quart de la batterie existante, avec un nouveau flanc droit, le talus du parapet, de ce côté, devant être porté en sous-œuvre par un mur de soutènement, du fait de la pente de l'escarpement naturel. Un petit fossé taillé dans le roc est proposé de l'autre côté pour retrancher le nouveau flanc gauche.
Les deux bâtiments de la batterie existante, très petits, un corps de garde pour 8 hommes, en très mauvais état (remontant à 1797 ?) et un magasin à poudre (qui semble correspondre à celui projeté en 1804), sont échelonnés à l'arrière du futur flanc gauche, et ont été nichés à leur construction dans un creusement du terrain, pour permettre leur défilement, étant trop à l'arrière pour être couverts par le parapet de l'épaulement. Le projet remplace ces deux bâtiments par deux autres immédiatement placés à la gorge de l'épaulement agrandi, participant de la fermeture à la gorge de la batterie, assurée par un mur crénelé (p). Le bâtiment de droite (coté n), trois à quatre fois plus grand que le corps de garde de 1797, est une caserne pour 20 hommes avec citerne, et comporte des cloisonnement internes, sans doute pour un magasin et la loge du gardien de batterie. Le bâtiment de gauche (o) est un magasin à poudre, à peine plus grand que le précédent, enveloppé sur ses trois côté regardant l'extérieur par le mur crénelé (p). La porte de la batterie, donnant accès à la cour intérieure sur laquelle s'ouvrent ces bâtiments, face aux emplacements de tir, est ménagée dans le segment du mur crénelé en retrait qui relie la caserne à l'enveloppe crénelée du magasin, ces deux éléments saillants flanquant de ce fait l'entrée. Le coût total du projet est estimé à 12.200 l., dont 3200 pour l'agrandissement de la batterie, 5400 pour la citerne, 1400 pour le magasin à poudre et 2200 pour le mur crénelé.
Le Mémoire raisonné du 20 décembre 1813 sur la situation actuelle des fortifications de la place de Toulon rédigé par Tournadre, 12 confirme l'exécution du projet : « On a aussi cette année fermé à la gorge les batteries de Beaurouge, Faubrégas et Marigaud, on a agrandi cette dernière et on y a formé les établissements qu y manquaient ». S'agissant de Toulon et de la presqu'île de Cépet, la commission de défense des côtes, sous-ensemble de la commission générale de défense du royaume créée en 1818 13, assigne à la position du cap de Saint-Elme deux objectifs : défendre les plages des Génois et des Sablettes contre un débarquement, et assurer les mouillages en croisant les tirs avec les batteries voisines (côté Sablettes avec Bau rouge et Faubrégas, côté Génois avec Marégau).
[Etat des lieux de la batterie de Marégau] 1817.Les plans de l'état des lieux des batteries sont dressés en 1817 pour l'atlas des batteries de côte venant à l'appui des travaux de la commission (soit le détail de la batterie sur le plan de la presqu'île et un plan particulier). Dans le cas de Marégau, ils confirment que l'état réalisé est conforme au projet, excepté quelques différences mineures dans le plan du mur de genouillère de l'épaulement, dont le flanc droit est plus rentrant. Il n'y a pas non plus de fossé de coupure à l'extérieur du flanc gauche, moins saillant sur le mur crénelé. Ce plan d'état des lieux montre que, logiquement, les côtés extérieurs de la caserne, un grand côté et une partie des murs pignons, sont crénelés, puisqu'il participent de l'enceinte. La petite travée bipartite à droite de la caserne, qui a sa porte sur cour et ne communique pas avec la salle du corps de garde des soldats est bien affectée au logement du gardien et, à l'arrière au magasin aux effets. Une petite guérite est érigée dans la cour, près du magasin à poudre, et l'ancien magasin à poudre, à l'extérieur de l'enceinte, est maintenu. Par contre, l'ancien corps de garde est détruit. Comme la plupart des autres batteries de côte de Toulon et de la presqu'île, celle de Marégau est laissée sans changement pendant un quart de siècle.
La nouvelle commission de défense des côtes, en 1841 14, lance un programme général de remise aux normes des batteries de côte, en plaçant au premier degré d'importance, dans la presqu'île de Saint-Mandrier, celles de Saint-Elme et de La Carraque, mais en formulant des préconisations générales pour toutes. La batterie de Marégau est une des rares, sinon la seule, dans la presqu'île, qui soit exclue du programme de reconstruction ou de réorganisation appliqué par le directeur des fortification et le chef du génie de Toulon à l'ensemble des ouvrages de défenses, tant forts que batteries. La proximité du site de Saint-Elme, alors puissamment fortifié et renforcé, et l'action plus distante de la batterie de Faubrégas, font paraître superflue la batterie de Marégau, d'autant plus que, plus à l'est, la batterie de la Coudoulière fait l'objet d'une réorganisation précoce et coûteuse, réalisée dès 1846. En mars 1857, la batterie étant jugée définitivement inutile aux besoins de la défense, elle est remise au service des domaines par le service du génie. Le procès-verbal de remise est accompagné d’un plan 15 qui montre un état des lieux inchangé depuis 1817.
Le service des domaines, soucieux de valoriser les biens inutilisés de l’État, met le site en location au profit de particuliers. A partir de novembre 1876, le locataire est un certain Victor Jaine.
A la fin du XIXè siècle le site et les bâtiments de l'ancienne batterie de Marégau sont récupérés par la Marine afin de leur donner une nouvelle affectation. Les navires à coque en métal et à vapeur ont remplacé les vaisseaux en bois propulsés par le vent. L’artillerie a fait des progrès considérables qui ont accru la portée, la précision et la puissance destructrice des pièces, notamment de marine. Le système de défense côtière a dû être réorganisé à partir de 1878 et s'appuie notamment sur des batteries d'altitude capables de lancer leurs projectiles à plus de 10 000 mètres. A la suite de cette réforme, une nouvelle batterie de côte, importante et fermée, est projetée dès 1878 et construite en 1882-1883 à environ 400m à l'est de Marégau, sur la hauteur du Gros Bau.
Les vaisseaux étant affranchis des caprices du vent, des attaques sont susceptibles d’être conduites de nuit. Pour s’en prémunir, la marine crée un réseau de postes de projecteurs, destinés à débusquer les navires qui entreprendraient de telles tentatives. Il s'agit de postes photo électriques, autrement nommés par le sigle PPE, répartis le long des côtes, aux approches de la grande rade et à proximité des plages susceptibles de débarquement ennemi. L’anse des Sablettes retient l’attention à deux titres. Des vaisseaux stationnant sur ce plan d’eau pourraient bombarder l’arsenal, distant de moins de 6 000 mètres, sans avoir à se risquer en grande rade. Un corps d’armée pourrait aussi débarquer sur l’isthme en vue de mener une action terrestre pour occuper la presqu’île et contrôler ainsi les mouvements sur la rade.
Le 30 octobre 1887 le ministre de la marine prescrit l’étude de création d’un réseau de postes photo électriques autour de l’anse des Sablettes. Il s’agit d’établir des PPE à Faubrégas et à Marégau, ainsi qu’un abri à piles électriques à la pointe de Saint Elme 16. Les PPE sont équipés de projecteurs de 0,90 m de diamètre.
[Plan de l'abri de combat du projecteur du poste photo électrique de Marégau] 1900.En août 1888, les domaines remettent le site de Marégau à la marine, qui y fait construire les équipements du poste photo électrique avant 1898. Le fonctionnement nominal du projecteur est défini par le plan de défense des côtes. Les postes de Faubrégas et de Marégau sont des « feux chercheurs » coordonnés l'un avec l'autre : le premier est activé à l’heure et à la demie, le second au quart et à moins le quart. Dans le cas où un intrus serait saisi par le faisceau lumineux, le projecteur doit le suivre pour permettre le réglage du tir des batteries voisines. Le plan de défense de 1898 17 prescrit d'activer les chaudières de production d’énergie électrique chaque soir, le projecteur étant prêt à être mis en route dès que nécessaire. Remisé dans son abri de jour jusqu'à la nuit, il n'est démasqué qu'après la « nuit close », afin de ne pouvoir être repéré sur la côte depuis la mer. L'abri de combat du projecteur de Marégau est construit à flanc de rocher, très en contrebas et à bonne distance de l'ancienne batterie à une altitude de 13 mètres.
Un plan d'état des lieux de 1909 18 montre les bâtiments et infrastructure de la batterie réutilisés pour les besoins du poste. Les murs de soutènement du flanc droit de l'épaulement, construits en 1813 sont conservés et servent de point d'appui au poste de commande du projecteur. Des autres constructions de 1813, le mur crénelé de gorge existe encore en totalité, de même que le magasin à poudre, réutilisé dans les premiers temps du PPE comme magasin à charbon pour alimenter le moteur à vapeur du générateur électrique. Par contre, l'ancienne caserne est réduite à sa travée ouest qui contenait la loge du gardien et le magasin aux effets, utilisée d'abord comme poste de couchage (désaffecté en 1909) ; la façade sur cour de l'ancienne chambre des soldats de la caserne est détruite. Un local réfrigérant (pour le moteur à vapeur) est installé à côté du poste de couchage. Celui-ci est déjà désaffecté en 1909.
[Plan du bâtiment principal du poste photo électrique de Marégau] 1909.Un nouveau bâtiment sensiblement plus grand que l'ancienne caserne (lorsque celle-ci était complète) est construit (vers 1898) à quelques mètres de celle-ci, dans un axe strictement parallèle, à l'extérieur de l'ancienne enceinte crénelée de la batterie. Ce bâtiment, légèrement à flanc de pente, est encaissé dans cette pente à la faveur d'un déblai. Il abrite une chambre d'officiers, deux chambres de maître, un dortoir de 2e maitres, la cuisine avec cambuse, un local de télégraphie, des magasins et la salle du moteur (côté ouest). A côté de ce bâtiment principal, un réservoir à pétrole (ce combustible ayant remplacé le charbon pour l'alimentation du moteur) est construit, en béton armé, dans un remblai situé dans le rentrant entre ancienne caserne et ancien magasin à poudres, devant l'emplacement de l'ancienne porte de la batterie. A quelque distance du bâtiment principal, un petit casernement construit comme lui dès avant 1909 regroupe le nouveau poste de couchage pour le personnel, qui offre 22 places en trois chambres, avec une cuisine. Une citerne à eau est accolée au bâtiment.
Entre 1909 et 1912 une nouvelle salle des machines est construite en extension ouest du bâtiment principal, plus large que le salle des moteurs existante. On peut supposer, par comparaison avec les aménagements réalisés à la même époque sur d’autres sites, que la production d’énergie est désormais assurée par des groupes électrogènes plus modernes (on trouve des groupes Polard à la pointe de la Cride à Sanary).
En novembre 1942, lors du réarmement des batteries de côte de Toulon par les autorités de la France occupée, contre un débarquement allié, le projecteur de Marégau est utilisé pour la veille anti-aérienne ; le poste est placé sous la responsabilité du premier maître Lallemand, et fait partie de la zone F de veille aérienne, dirigée par l'Enseigne de 'Vaisseau Elie, qui a son PC dans la batterie du Gros Bau. Le 27 novembre, en réaction à l'investissement de la presqu'île par le Kampfgruppe A de l'armée allemande, pour occuper les batteries et les postes, le capitaine de vaisseau Orlandini, commandant de la DCA française, donne à 5heures 50 l'ordre de détruire les matériels de tous les ouvrages et postes. L'ordre est mal interprété par le chef de poste de Marégau, qui, cependant, peut saborder le projecteur avant l'investissement du PPE à 14h00 19.
Après la guerre et l'abandon du poste photo électrique, la plupart des éléments résiduels (bâtiments) de l'ancienne batterie, comme le magasin à poudre et son enceinte, la petite travée restante de la caserne, tombent en ruines et disparaissent, entre les années 1950 et 1968, les changements les plus importants survenant entre 1964 et 1968. 20
Analyse architecturale
Site et implantation générale
Le cap Marégau est la pointe de la côte sud la plus avancée de la moitié ouest de la presqu'île de Saint-Mandrier, entre les anciennes batteries de Saint-Elme et de la Coudoulière. A la différence des autre caps, la déclivité de l'escarpement rocheux y est progressive et étirée dans un axe tendant au sud / sud-ouest sur environ 90m, depuis la batterie jusqu'au au bout de la pointe rocheuse (récifs non compris) pour un dénivelé de 33m. Cette cote d'altitude est celle de l'assiette de la batterie, au plus haut du site, dominée seulement à l'est par la hauteur où est implantée la batterie du Gros Bau, qui offre une vue plongeante sur le site de Marégau. Vue générale du site depuis l'ouest, bâtiments au point haut, abri du poste photo-électrique en bas.
L'abri de combat du projecteur du poste optique est implanté sur la pente, plus près de la mer que de la batterie, à 50m de celle-ci et à 13m d'altitude.
Le site de l'ancienne batterie est aujourd'hui en limite d'un vaste lotissement, créé dans les années 1960, à une vingtaine de mètres des dernières maisons les plus proches du cap. L'ancien tracé du chemin d'accès est repris par l'actuelle "avenue d'Auvergne" du lotissement, venant du nord-ouest et de la route côtière ouest (boulevard de Saint-Asile). L'avenue bitumée s'interrompt avant la boucle du chemin tournant à droite pour monter à la batterie, toujours en fonction, mais dans une zone clôturée de grillages.
Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre
Les restes de l'ancienne batterie proprement dite sont aujourd'hui très diminués, réduits à des vestiges.
Les profils de remblai du parapet de l'épaulement, y compris son talus, ont été dérasés et en partie déblayés dès avant 1909, à l'époque d'activité du poste photo-électrique, pour établir une esplanade dégageant les vues sur la mer, et y asseoir le poste de commande du projecteur. Abri de combat du projecteur du poste photo-électrique vu en plongée du nord-est.Aujourd'hui, le pied de l'ancien talus du parapet, en front de mer, s'est dégradé au point de remettre à nu les affleurements rocheux qu'il recouvrait en partie. La position du bâtiment principal du poste photo électrique, encaissée à l'arrière et en contrebas de la gorge de l'ancienne batterie lui assurait un défilement suffisant, même après dérasement de l'épaulement. La principale infrastructure qui subsiste de cet épaulement est le mur de soutènement et de revêtement extérieur, de plan tenaillé ou en baïonnette, construit en 1813 pour servir d'appui au talus du parapet du flanc droit de l'épaulement, et, du même côté droit (ouest) revêtir le profil du talus en glacis du front de ce même épaulement. Derrière ce mur bâti en blocage de moellons très soigné et lui-même profilé en talus, à l'emplacement du parapet disparu, avait été établi le poste de commande du projecteur, remplacé entre 1964 et 1968 par une guérite en ciment armé. Les maçonneries du mur de 1813 tombent en ruines.
Les bâtiments et murs de retranchement de gorge de la batterie de 1813 ont pratiquement disparu, les restes du magasin à poudre et son enceinte ayant été rasés entre 1964 et 1968. Le seul vestige conservant une certaine élévation est celui du mur extérieur, formant mur d'enceinte, de l'ancienne caserne (grand côté et retour d'angle du mur-pignon ouest), qui n'a été que partiellement dérasé (au-dessous du niveau des créneaux), entre 1909 et 1912. Le maintien d'une partie d'élévation de ce vieux mur en blocage de moellons et briques, se justifiait parce qu'elle servait à défiler, par son altimétrie, le bâtiment principal du poste photo électrique construit 4m en en arrière et contrebas, dans un axe strictement parallèle. On remarque dans ce mur, près du retour d'angle du mur-pignon, une porte qui avait dû y être percée dans les premiers temps du poste photo électrique, pour communiquer avec la travée de l'ancienne caserne alors conservée pour servir de poste de couchage du personnel.
Le bâtiment principal du poste photo électrique existe encore en totalité, retranché au sud par une sorte de petit fossé, ou chemin couvert, du surplomb du terrain sur lequel s'élevait la batterie. C'est un édifice de plan rectangulaire en simple rez-de-chaussée, large de 9, 20m pour une longueur de 23m, dont les murs sont percés de fenêtres à encadrement couvert en arc segmentaire, alternant brique et pierre de taille, fenêtres disposées en travées régulières. Les murs sont revêtus d'un enduit couvrant à la chaux, avec crépi ou badigeon blanc, tant à l'extérieur, où il comporte une plinthe, qu'à l'intérieur. Dans son état premier, construit sans doute avant 1900 pour remplacer l'ancienne caserne, le bâtiment était long de 16, 40m, ce qui correspond à six travées de fenêtres dans le mur gouttereau ou façade extérieure nord, le mur-pignon est ayant trois travées : une porte encadrée de deux fenêtres. Bâtiment principal du poste photo-électrique, façade sur cour et mur-pignon.Ce premier état est couvert d'un toit-terrasse plat favorisant le défilement, actuellement une dalle portant sur des poutrelles de ciment armé ; cette dalle, ajourée dans sa partie centrale, au-dessus des travées de l'ancienne salle du moteur, d'une trémie surmontée d'un lanterneau (avec toit à deux versants couvert en tôle) a peut-être remplacé un système de voûtains sur solives métalliques. L'extension du bâtiment vers l'ouest, construite entre 1909 et 1912 pour y loger une nouvelle salle des machines, est percée, dans la continuité du mur gouttereau nord, d'une septième fenêtre à l'imitation des autres, et d'une large issue de type porte de garage, adaptée au service des machines. Cette "rallonge" du bâtiment est en revanche couverte différemment, par un toit à deux versants couvert de tuiles mécaniques, dont les chevrons sont portés par de grosses pannes en bois, sans ferme. La façade de l'ancien mur-pignon ouest antérieur à l'extension, avec sa grande porte couverte d'un arc surbaissé, est reconnaissable de l'intérieur de la salle des machines, même si les briques et pierres de l'encadrement de cette porte sont masquées par l'enduit ciment chaulé. A l'est de l'ancienne salle du moteur, sont conservés le mur de refend et, au-delà, le corridor central et les cloisonnements des anciennes chambres d'officiers, maîtres de poste, 2e maîtres, ainsi que ceux du local télégraphe-téléphone et de la cuisine, de chaque côté de la porte d'entrée ménagée au milieu du mur-pignon.
Les sols intérieurs des salles sont des dalles béton ; on remarque la fosse technique au sol de la salle des machines et, au-dessus, sous la panne faîtière, un rail en fer longitudinal avec un cavalier roulant en place, qui permettait de suspendre et de déplacer des pièces lourdes. Aucune machine n'est conservée. Les menuiseries d'origine des fenêtre, ouvrants vitrés en bois et contrevents en planches, sont encore en place, mais vermoulus et vandalisés. Immédiatement à côté et au sud-est du bâtiment, subsiste, en saillie sur le surplomb du terrain, revêtu d'une maçonnerie traditionnelle, le regard en béton armé de la citerne à pétrole, avec sa porte dont l'encadrement imite, en ciment moulé, celui des fenêtres du bâtiment voisin.
Regard de la citerne à pétrole du poste photo-électrique, près du bâtiment principal.
Le bâtiment du casernement, ou des postes de couchage du personnel de PPE, antérieur à 1909, existe encore, en bon état et encore habitable, à 10m en avant de la façade d'entrée du bâtiment principal, placé de façon à être desservi d'abord par le chemin d'accès. Également en simple rez-de-chaussée, son plan rectangulaire tendant au carré (10m X 7,70m) est divisé en deux vaisseaux longitudinaux d'inégale largeur, couverts chacun de son toit à deux versants ce qui crée un chéneau encaissé, qui allait s'égoutter dans la citerne adossée à l'arrière. Les versants sont revêtus de tuile mécanique. Curieusement, la façade ou mur-pignon du vaisseau le plus large (nord), est évidée d'une grande arcade cintrée en briques, que ferme un mur de remplage dans lequel est percée la porte ; cette porte donnait accès à la chambre principale, pour 11 couchages d'hommes de troupe. La travée mitoyenne, derrière le mur pignon du petit vaisseau, était affectée à la cuisine. Le bâtiment a été remanié pour en faire une maison d'habitation, dans les années 1960, d'où quelques adjonctions verrues et une peinture couvrante "jaune provençal".
L'abri de combat du projecteur (non visité), implanté, comme on l'a vu à 50m de distance sud/sud-ouest de l'ancienne batterie et à 13m d'altitude, est constitué d'une sorte de casemate double ancrée sur le versant rocheux irrégulier, qui, à sa gorge, a été retaillé à la verticale et revêtu d'un mur de soutènement anti-éboulements. La casemate principale, face à la mer, soit l'abri de combat proprement dit, adopte classiquement un plan en U allongé, la fenêtre panoramique formant balcon en hémicycle sur la mer, avec mur d'appui maçonné couvert d'une tablette en pierres de taille qui est couvert d'une visière en demi-coupole en plaques de fer cintrées et boulonnées, et non en béton (à la différence de celui, plus récent, du poste optique du Puits/ Les Roseaux, par exemple). Des volets métalliques pivotant démasquaient le projecteur de façon progressive. L'arrière de la casemate, voûté en béton, permettait de reculer le projecteur, posé sur rails, dans une zone plus abritée, et de là, par une plaque tournante ou aiguillage circulaire, de le retirer dans la seconde casemate, en retour d'équerre à droite de la première, qui constituait l'abri de jour, dont le mur de fond est percé d'une fenêtre. A la faveur du dénivelé, une large niche sous voûte maçonnée en berceau, avec arc de tête en pierres de taille, a été aménagé quelques mètres à l'arrière (et à l'ouest/nord-ouest) de l'abri de jour pour servir d'abri à la station de pompage électrique du PPE.
Détail de l'abri de combat du projecteur du poste photo-électrique vu en plongée du nord-est.
historien de l'architecture et de la fortification