Construction et armement
Tour-réduit crénelée type 1846 n°2,vue générale, face postérieure et face gauche.
En 1679, date de la première tournée à Toulon de Vauban, commissaire général des fortifications, la presqu'île de Saint-Mandrier (alias presqu'île de Cépet) n'était pas fortifiée, seule la petite rade et son débouché sur la grande rade étant défendus par des ouvrages pérennes de défense côtière. L'idée d'une mise en défense planifiée de la presqu'île n'émerge dans les projets de Vauban qu'en 1695, liée à la menace d'une croisière anglaise en Méditerranée.
Une carte des rades de Toulon sur laquelle on a marqué les batteries des environs pour empescher le bombardement exprime la stratégie proposée par Vauban, mais celle-ci est affinée par son collaborateur et relais local Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, auteur d'une carte plus détaillée, datée du 22 mars 1695, associée à un mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon 1.
Un retranchement numéroté 26, sans batterie, est indiqué par le plan de Vauban en bordure du site correspondant à la plage de la Coudoulière, au sud de la partie est de la presqu'île. La stratégie de Vauban consiste en effet, non seulement de placer des batteries de côte sur les points jugés stratégiques, mais aussi de barrer les points de débarquement potentiels, soit les plages situées dans des parties basses et rentrantes de la côte, par des retranchements en terre pouvant servir de chemin couvert aux défenseurs.
La carte de Niquet confirme qu'il s'agit bien de la plage de la Coudoulière, au sud de l'étranglement de la presqu'île, et y figure un retranchement rectiligne avec retour d'angle droit sur son côté gauche. Ce retranchement fait du reste l'objet, comme celui de la plage des gênois, plus à l'ouest, d'un plan de détail (11e feuille du projet).
Le Plan de Toulon et de ses rades, copié sur celui de M. de Vauban, daté du 19 mars 1701 2, qui indique les batteries et retranchements réalisés (teintés en rouge), ainsi que ceux qui restent à faire (teintés en jaune) permet de constater que le retranchement de la plage de la Coudoulière, formé d'un mur en pierres sèches, est en place.
En 1759, François Milet de Monville, directeur des fortifications de Provence, dresse un état des batteries de côte dans un mémoire daté du 9 mars et sur une Carte des rades de Toulon 3. Ni le mémoire, ni la carte associée ne font état du retranchement de la plage de la Coudoulière. Une autre carte est établie plus tard dans l'année 1759 par le même Milet de Monville, pour figurer les "environs maritimes de Toulon relatifs à la tentative des anglais pour enlever deux frégates françaises mouillées vis à vis les plages St Elme et Gênois " 4. Sur cette carte, la plage de la Coudoulière est figurée, pour la première fois, flanquée d'une petite batterie à chacune de ses deux extrémités. On doit pouvoir en conclure que ces deux petites batteries, confirmées par des plans postérieurs, notamment en 1762 et 1765, ont été établies dans l'urgence, de façon sommaire, à la suite du coup de force de trois vaisseaux anglais qui, le 6 juin 1759, avaient réussi à mouiller "sous les feux des batteries de St Elme et de Faubrégas" sans être coulés par les tirs de ces batteries.
Le Mémoire pour servir au projet général de 1764, rédigé le 8 janvier par Milet de Monville 5, mentionne ses intentions de principe pour l'amélioration des défenses des batteries, non intégrées au projet, dans ses observations générales. Au nombre de celles-ci, on note : "...soutenir par des redoutes sur les hauteurs dominantes les batteries du Puits, de Mord'huy, de St Mandrier et de la Coudoulière". Avant cela, la carte des rade de la ville de Toulon (sic) illustrant son Mémoire du 18 avril 1762 6, exprime, au nombre des batteries et forts pour défendre l'entrée de la rade, sous le n° 4, les batteries de la Coudoulière.
Le 1er mars 1768, le sous-brigadier du génie Louis d’Aguillon, qui assure depuis 1766 le suivi de l’exécution des ouvrages de défense de Toulon, consacre aux batteries de côte un chapitre de son Mémoire sur la ville de Toulon 7. Il y dénombre sept batteries armées en temps de guerre pour augmenter les défenses que procurent à la rade les forts et batteries fermés, armés en permanence. Ces batteries, désarmées en temps de paix, sont celle du Cap Brun, de la Croupe Lamalgue, de Faubrégas, et, sur la presqu’île de Saint-Mandrier, celles de Saint-Mandrier, de Saint Elme, de Mord’huy, et du Puits. Par défaut, on doit considérer que les autres batteries antérieurement en place sur la presqu'île sont désarmées et abandonnées. C'est le cas, notoirement depuis 1759, de celles des Frères et de la Vieille, sur la côte nord, face à la rade, mais on doit penser que c'est aussi, depuis peu, le cas des deux petites batteries récentes qui encadrent la plage de La Coudoulière.
Une visite d’inspection sur l’Etat actuel des batteries des rades de Toulon 8 faite en décembre 1770 par les sieurs Champorcin, Vialis, Boullement et Imbert, précise que la (double) batterie de la Coudoulière...est composée de 2 pièces à barbette et n'a ni plate-forme ni affûts. Son objet est de défendre l'anse de la Coudoulière et d'écarter par la position de ses pièces, établies sur 2 buttes différentes, les vaisseaux ennemis qui viendraient de l'ouest et de l'est. Il y avait anciennement deux mortiers sur cette batterie, il parait à propos de les y rétablir. La Carte de la rade établie par Rozières, directeur des fortifications, le 3 juin 1783 9, figure bien les deux positions de batterie de chaque côté de la plage de la Coudoulière, attribuant ce nom seulement à celle de gauche.
Dans la période révolutionnaire, en l'an 2 de la République, après la reprise de Toulon aux anglais, une inspection du front de mer faite le 1er pluviose (20 janvier 1794) par Samuel de Marescot, chef de bataillon du génie, indique que les batteries existant (en état d'être armées) dans la presqu’île sont "la vieille batterie, la Caraque, les Frères, le Puy, le Morduy, la Coudoulière ou est un fourneau à reverbère très endommagé et la batterie du cap St Elme" 10. Il précise qu'elles "ne sont autre chose que des plate-formes, presque toutes en briques, bordées d'un petit parapet de quelques pouces seulement de hauteur (...) en bon état, mais (...) qu'il serait à propos de les enceindre de murs crénellés ainsi qu'il a été pratiqué à la batterie de la Carraque (Marescot confond les batteries de La Carraque et de Saint-Mandrier), autrement, rien n'empêche l'ennemi de faire de petites descentes et d'en venir égorger la garde, et enclouer les pièces, ou même les jeter à la mer".
A la suite, une commission d'experts composée des sieurs Locquin, Thévenard, Toufaire et Pierron, examine l'état de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la montagne (nouveau nom de Toulon à partir de la Convention), pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs (...) 11. Dans le rapport et la carte jointe, rendus au 16 prairial (4 juin) n'est fait état à la Coudoulière 12, sous le n° 8, que d'un retranchement de plage, d'un tracé un peu différent de celui de 1695, projeté et décrit comme "un simple parapet revêtu en maçonnerie défendu dans le besoin par un détachement de la garnison". Les deux batteries ne sont pas mentionnées, mais leur épaulement figure sur la carte associée. Une autre carte, postérieure d'un an, exposant le projet de la 3e année républicaine, signée du directeur des fortifications Garavague 13, figure sur la plage un retranchement flanqué à ses deux extrémités par des épaulements symétriques, qui pourraient correspondre à une reprise des deux batteries. Le plan de la presqu'île de Cépet pour l'an 9 (1800) 14 numérote les batteries existantes, et exprime, sans le numéroter, le retranchement de la plage de la Coudoulière, ainsi que l'épaulement de la batterie située à sa droite, non raccordée.
Le plan de la presqu'île de Cépet pour 1811 15 exprime un projet de dispositif important sur la plage de la Coudoulière : le retranchement existant, réalisé en l'an 3, et l'épaulement détaché de droite (vu de la terre, soit ouest) y figurent, complétés par deux petits ouvrages flanquants en forme de lunette proposés aux extrémités du retranchement. A l'arrière du retranchement, dans le vallon, large en ce point, est installé un "Camp Volant", avec baraquements légers encadrant une place d'armes.
Le rapport du général Maureilhan au Comité des fortifications, sur les projets pour assurer la défense des presqu'îles de Balaguier et Cépet en date du 6 janvier 1812 16, ne décrit pas ce dispositif, mais il mentionne le projet du directeur des fortifications de Toulon, dont l'article 4 propose de construire deux redans retranchés pour appuyer le retranchement de la Coudouillère. L'inspecteur n'appuie pas ce projet mais demande à établir en avant (lire : à la gorge) du retranchement de la Coudouillère un corps de garde pour 4 pièces de revers. Sur le plan d'ensemble de la rade dressé en 1816, le retranchement de la plage est exprimé dans sa partie droite comme un véritable épaulement de batterie rectiligne allongé, couvrant à sa gorge le petit corps de garde demandé en 1812. La partie gauche reste un simple parapet, dans l'état créé en l'an 3, et la batterie détachée sur la butte à droite semble abandonnée. Désormais, et de façon définitive, la partie droite réorganisée de l'ancien retranchement devient la batterie de la Coudoulière, installée sur la plage et non plus en hauteur sur un côté.
Comme la plupart des autres batteries de côte de Toulon et de la presqu'île, elle est laissée sans changement pendant un quart de siècle. La nouvelle commission de défense des côtes, en 1841 17, lance un programme général de remise aux normes des batteries de côte, en plaçant au premier degré d'importance, dans la presqu'île de Saint-Mandrier, celles de Saint-Elme et de La Carraque, mais en formulant des préconisations générales pour toutes.
Le colonel Édouard Picot, directeur des fortifications de Toulon, et le chef du génie Dautheville, bientôt remplacé par le chef de bataillon Joseph Corrèze, sont chargés, à partir de 1843, de travailler aux projets de reconstruction ou de réorganisation des ouvrages de défenses, tant forts que batteries. Celle de la Coudoulière, sans doute jugée mal défendue en l'état, et insuffisamment servie par son petit corps de garde de 1812, fait l'objet d'un projet de réorganisation pour 1846, estimé à 37.300 fr, qui est immédiatement approuvé par le comité des fortifications, et mis à exécution sur le champ 18, la dépense engagée en 1846 s'élevant à 16.000 fr. Ce projet comporte la construction d'un réduit de batterie prenant la forme d'une tour crénelée type 1845 n°2 pour 40 hommes, capacité correspondant au service d'une batterie de huit pièces.
Cependant, le modèle-type des réduits de batterie, déclinés en deux catégories, tour (à deux niveaux voûtés) ou corps de garde crénelé (un niveau voûté), change en 1846, sans qu'aucun échantillon des modèles de 1845 n'ait eu le temps d'être construit sur l'ensemble du territoire national. Aussi le projet de la Coudoulière, malgré sa rapidité d'exécution, s'adapte optant pour le modèle-type de tour crénelée 1846, ce qui s'accompagne d'une réévaluation du prix à 45.800 fr 19. L'explication de ce surcoût est liée à une difficulté plus grande que prévue rencontrée dans le travail de déblai à faire pour l'emplacement de la tour, mais aussi, prétendument, au changement de modèle : " l'augmentation de 950 mètres cubes dans la masse des déblais provient de ce que les tours du type adopté par le ministre ont plus de hauteur que celles du type de la commission d'après lesquelles avait été faite l'estimation. Elle provient aussi du report de la tour un peu vers le sud, suivant la demande du comité ".
Batterie de la Coudoulière [Plan masse] 1879.En fait, la tour est implantée à l'extrémité droite (ouest) de l'ancien retranchement épaissi devenu épaulement de batterie, dans un redan rentrant à trois pans préexistant dans le tracé rectifié en 1812. Ce redan est réorganisé en un nouvel épaulement resserré à deux faces, une pour des tirs de batterie à l'est / sud-est, l'autre, plus courte, pour des tirs vers le sud. Nettement plus épais que l'épaulement de 1812, qui reste à peu près en l'état sur la partie rectiligne de l'ancien retranchement, il est construit sur une élévation suffisante pour que la crête de son parapet puisse défiler la tour des tirs de navires de guerre. Cet épaulement latéral constitue désormais à lui seul la batterie de la Coudoulière, le retranchement rectiligne étant maintenu en place, y compris son petit corps de garde de 1812, mais sans abriter de pièces.
En avril 1858, le colonel Antoine Long, chef du génie de Toulon présente un projet de défilement du réduit de deux batteries de la côte sud, la Coudoulière et le Cap Cépet. Le défilement consiste à rehausser le parapet crénelé de la tour sur sa face sud, regardant le large, et à construire sur la plate-forme des murs de refend croisés formant à la fois écrans et contreforts, pour améliorer la sécurité du personnel de service sur cette plate-forme. Ce projet de défilement est ajourné deux ans, et reformulé différemment le 20 avril 1860 : le parti alors proposé, et exécuté, consiste à établir une galerie couverte d'un toit en appentis sur les quatre côtés de la plate-forme, au revers du parapet, cette plate-forme se réduisant à une sorte de cour centrale sans vues directes vers l'extérieur. Le fossé de la tour a été élargi avant 1875, comme le montre le plan-masse de la batterie inclus dans une feuille d'atlas des bâtiments militaires datée de cette année 20.
Déclassée le 3 décembre 1888 et désarmée, la batterie de La Coudoulière ne fait l'objet d'aucune réutilisation défensive. Les épaulements sont effacés du paysage au cours du XXe siècle, au bénéfice de la plage et de ses équipements de loisir, en maintenant en place la tour, affectée à des associations et, encore à une date récente à un restaurant. Une issue de secours avec escalier en béton a été crée (dans les années 1960 ?) pour les besoins de ces affectations.
Analyse architecturale
Site et implantation générale
La tour-réduit, seul vestige actuel de l'ancienne batterie, subsiste à l'ouest de la plage de la Coudoulière, légèrement en retrait sur un terrain en pente, à l'orée d'un parc couvrant une éminence boisée. Elle n'est distante de la mer que d'une cinquantaine de mètres au plus, et le sol en pente autour de son fossé est à 7m d'altitude au plus bas, 11m au plus haut.
L'accès au site est très facile depuis l'agglomération de Saint-Mandrier, située au nord, et dont les lotissements avoisinent la plage et la tour, à une centaine de mètres. L'emplacement de l'épaulement dérasé de la batterie est occupé par un court de tennis.
Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre
Tour-réduit crénelée type 1846 n°2, vue générale, face postérieure et face gauche, fossé.
La tour crénelée type 1846 n° 2, probablement la première de son type construite à Toulon, est aujourd'hui l'unique vestige de la batterie.
Elle est enveloppée d'un large fossé à contrescarpe non revêtue de hauteur variable (actuellement bordé de murs de soutènement), aujourd'hui très végétalisée, arrondie aux angles et anciennement profilé en talus. La largeur du fossé à la crête de la contrescarpe, varie avec l'altimétrie, en fonction de la pente du terrain extérieur (6,20m de largeur devant la face d'entrée, pour une altitude de 8,50m , 9m de large sur les faces latérales, pour une altitude de 9 à 10m, 10,40m de large sur la face postérieure, pour une altitude de 10 à 11m). Ces dimensions en largeur excèdent de beaucoup celles ordinairement pratiquées pour les fossés de réduits de batterie, car le fossé actuel est dû à un remaniement sans doute opéré au début de la décennie 1870. Les plans datés d'entre 1875 et le déclassement montrent que les limites du fossé primitif, large de 3,60m, restaient apparentes au fond du fossé élargi, autrement dit que le talus de contrescarpe en terre venait s'appuyer sur un reste d'élévation du revêtement de contrescarpe du fossé primitif. Aujourd'hui, cette partie la plus profonde (altitude moyenne 4m) a été comblé, en sorte que pied de la tour est enterré sur une hauteur d'environ 1, 50m. Du fait de ces remaniements, le pont-levis de la tour (seuil à 7,80m d'altitude) est précédé, non d'une simple culée de contrescarpe, mais d'un segment de pont-dormant sans arches créé à l'occasion de l'élargissement du fossé.
Assez complète, en dépit de divers remaniements, la tour crénelée présente les caractéristiques propres au modèle-type. Le plan est ici un carré parfait de 15m de côté, le modèle-type proposant une différence de 20cm entre les façades d'entrée et postérieure et les faces latérales. Les faces accusent un léger fruit, et ne marquent aucune transition à la base du parapet du couronnement. Elle est construite pour l'essentiel en pierre, blocage de moellons pour murs dont les parements ordinaires sont entièrement revêtus d'un enduit couvrant, pierre de taille blanche dure pour les chaînages d'angle harpés, pour l'encadrement de la porte à pont-levis, la tablette du parapet et pour les bretèches. La brique est aussi assez largement employée, pour les voûtes et pour les encadrement de toutes les baies autres que la porte d'entrée.
L'élévation abrite deux niveaux voûtés : un étage de soubassement prenant jour dans le fossé et un rez-de-chaussée, surmontés d'une plate-forme à parapet crénelé à bretèches, sur une hauteur totale de 9,50m depuis le fond du fossé jusqu'à la crête du parapet. Ce parapet est conservé, mais son organisation d'origine, disposant, sur chaque côté, une embrasure centrale, encadrée de deux créneaux, puis de deux bretèches, elles-mêmes encadrées de deux autres créneaux, est altérée par la suppression des bretèches, dont ne subsistent que les groupes de trois consoles de pierre blanche qui les supportaient, celle du centre à deux ressauts. Depuis la plate-forme, les anciennes porte d'accès au bretèches restent visibles, refermées par un murage maigre au nu du parement extérieur. Les quatre embrasures de la plate-forme étaient susceptibles d’accueillir, de manière optionnelle, des pièces de plus petit calibre et de moins longue portée que celles de la batterie, par exemple des obusiers de 15 ou de 16cm. Tour-réduit crénelée type 1846 n°2, détail face droite, consoles des bretèches.
La distribution intérieure comporte, aux deux niveaux voûtés, deux grandes casemates de casernement transversales couvertes en berceau proche du plein-cintre au rez-de-chaussée, très surbaissé à l'étage de soubassement, dont la hauteur sous voûte est inférieure d'un quart à celle du rez-de-chaussée. Du côté de l'entrée seulement, ces casemates sont complétées par une travée de culée tripartite, c'est-à-dire subdivisée classiquement en trois petites casemates dont les voûtes en berceau contrebutent perpendiculairement celles des grandes casemates. L'ensemble des locaux, est desservi par une circulation axiale en corridor traversant les murs de refend. Ce corridor, au rez-de-chaussée, part de la porte de la tour dont le sas occupe la petite casemate médiane de la travée de culée. La circulation verticale est assurée par deux escaliers logés symétriquement dans une partie des casemates latérales de la culée, volées droites longeant le mur de refend et passant sur les côtés, dans le mur latéral surépaissi, en tournant autour d'un noyau, sous voûte en berceau rampante. Ces deux escaliers, en double emploi, montent à la plate-forme et descendent au soubassement, alors que dans le modèle-type, l'un des deux escaliers est réservé à la descente, l'autre à la montée. Il en résulte une certaine perte de place disponible, la volée droite de l'escalier encombrant les deux casemates aux deux niveaux. De ce fait, la volée droite montant à la plate-forme est en partie traitée en bois, ce qui la rendait éventuellement amovible. Pour autant, le volume restant des casemates du rez-de-chaussée était utilisé, pour celle de droite, par la cuisine, pour celle de gauche, par la loge du chef de poste.
Les chambres du soubassement (non visitées), prenant jour sur le fossé par des soupiraux à jour demi-circulaire, actuellement tous transformés, étaient affectées au stockage, magasins aux vivres dans la première grande casemate, laissée décloisonnée, magasin d' artillerie (à gauche) et magasin à poudre (à droite) dans la seconde grande casemate, séparés par un mur de refend percé d'une porte. Plus grand, le magasin à poudres, d'une contenance de 6700kg en barils de 50kg, n'était percé que de deux évents en chicane au lieu des soupiraux. Sous les travées de culée, en sous-sol, régnait la citerne, d'une capacité de 73.400 litres, dans laquelle on pouvait puiser depuis la casemate de l'escalier de droite.
Au rez-de-chaussée, les casemates prenaient jour par des créneaux de fusillade avec ébrasement extérieur à ressauts en trémie couvert en plein-cintre, et par des fenêtres en demi-cercle situées au-dessus. Les grandes casemates servaient au logement de la troupe. Celle du fond prend jour à ses deux extrémités par deux créneaux surmontés d'une fenêtre, et sur son grand côté extérieur par une série de six créneaux qui, vers l'intérieur, sont percés dans des niches couvertes en plein-cintre, comme presque toutes les baies de cet étage. L'axe des créneaux percés près des angles est biaisé, pour améliorer l'angle de tir. La grande casemate centrale comportait le même système de deux créneaux surmontés d'une fenêtre à ses extrémités, mais cette disposition est perturbée par des remaniements : du côté gauche, les créneaux ont été murés et effacés, et l'appui de fenêtre en demi-cercle rabaissé; du côté droit, mieux conservé, un des deux créneaux a cependant été transformé en porte donnant sur l'escalier de secours extérieur. La prise de jour des deux petites casemates de culées combinées avec les cages d'escalier se fait, pour la partie tournante de l'escalier, par un créneau haut percé dans les façades latérales, pour la casemate proprement dite, par un créneau surmonté d'une fenêtre, disposés symétriquement dans la façade d'entrée, de part et d'autre de la porte et sous les bretèches.
Tour-réduit crénelée type 1846 n°2, vue générale, façade d'entrée et face droite, fossé.
La porte est conforme au modèle-type : arcade d’entrée en pierre de taille appareillée couverte d'un arc plein-cintre, inscrite en retrait dans le tableau rectangulaire d’effacement du tablier du pont-levis, ici encadré d'un chambranle en pierre de taille. A la suite, deux sas successifs avec arcade et vantaux intermédiaire. le premier sas, le plus court abritait sur les côtés les poulies (encore en place) et les contrepoids des chaînes du pont-levis. Il est séparé du second sas, ou vestibule, par une arcade intermédiaire à feuillure de vantaux, un peu plus basse, couverte à plein-cintre, surmontée d'un fenestron de second jour couvert d'un arc surbaissé. Le second sas dessert, de part et d'autre, les casemates latérales de culée. Un créneau-judas (muré) percé dans un angle de ces casemate défendait le premier sas. Les menuiseries des portes et des fenêtres ont toutes été renouvelées depuis le XIXe siècle et présentent peu d'intérêt. Les parties intérieures en briques sont rehaussées à la peinture rouge, la porte d'entrée au badigeon blanc.
Tour-réduit crénelée type 1846 n°2, façade d'entrée, porte à pont-levis.
historien de l'architecture et de la fortification