Commentaire historique
Evolution historique du bâti
L'origine de cette maison remonte au moins à l’Epoque moderne, mais il est probable qu'il s'agisse déjà d'un regroupement de deux petits bâtiments accolés. L'encadrement sculpté de la porte orientale date de la fin du 16e siècle ou du début du 17e siècle, estimation déjà proposée par Joseph Roman en 1888. Toutefois, le bâtiment a été plusieurs fois remanié depuis cette époque, notamment au cours du 19e siècle.
La cheminée pourrait dater du début du 19e siècle, mais les menuiseries anciennes conservées (porte d'entrée, portes intérieures, placards-niches, escalier) ne semblent pas antérieures à la seconde moitié du 19e siècle ou au début du 20e siècle. L'enduit du pignon sud remonte sans doute au deuxième quart du 20e siècle.
Archives
Cadastres de 1570 et 1699
Dans le cadastre de 1570, cet emplacement fait partie d'un quartier appelé « la Frache », toponyme qui fait référence à une brèche pratiquée dans la muraille d'enceinte du 14e siècle, en l'occurrence la porte de ville nord-ouest, dont l'encadrement actuel porte la date « 1727 » (voir dossier IA05001550).
Dans le cadastre de 1699, le bâtiment actuel correspond à une petite maison appartenant aux héritiers de Laurent Deydier. Bordée à l'est et au sud par la rue publique, elle est mitoyenne au nord avec la maison du noble Joseph de Collombe.
Cadastre de 1839 et évolution foncière au 19e siècle
Sur le plan cadastral de 1839, l'emprise de la parcelle actuelle déborde sur celle d'origine et intègre à l'ouest une partie d'un bâtiment aujourd'hui démembré (voir dossier IA05001607).
La parcelle principale (parcelle 1839 F1 281) est mentionnée comme une « maison » de 40 m² d'emprise au sol, possédant 5 ouvertures et imposée dans la 4ème catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient à Antoine Truphême qui possède également une autre partie de maison au bourg (1839 F1 234, voir dossier IA05001545) accompagnée d'un jardin (1839 F1 310), ainsi que divers terrains sur la commune, notamment aux quartiers de Pigerolles, Blache de Raton, la Rebière, Coularive, Grand Pré, etc.
L'autre parcelle, mitoyenne à l'ouest (1839 F1 282), est mentionnée comme une « maison » de 50 m² d'emprise au sol, possédant 3 ouvertures et imposée dans la 6ème catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient à Jean-Jacques Rolland, dit Luzerne, qui ne possède pas d'autres biens au bourg mais plusieurs terrains ailleurs, notamment aux quartiers de la Fayé, l'Ubac, Clot de Bonnet, les Rosières, etc.
En 1852, la maison de Jean-Jacques Rolland est acquise par son voisin Antoine Truphême qui, dans les années 1860, achète également les bâtiments mitoyens à l'ouest (1839 F1 283 et 284). Les ayant fait démolir, il déclare en 1872 une « construction neuve » sur ces parcelles, bâtiment qui correspond à l'actuelle ferme Truphémus située entre le château et la porte de ville (voir dossier IA05001607).
En 1874, l'ensemble des biens de Antoine Truphême passent à Hippolyte, Philomène et Edouard Truphémus. Le partage est acté quelques années plus tard, en 1879, quand l'ancienne maison Rolland passe à Hippolyte Truphémus, fils d'Antoine et marchand de bœufs, également propriétaire de la ferme mitoyenne. A cette occasion, la maison Truphême – qui correspond à la plus grande partie du bâtiment ici étudié – devient la propriété de Philomène Truphême, fille d'Antoine. Il apparaît qu'elle a sans doute été modifiée entre temps puisqu'elle ne compte désormais plus que 4 ouvertures. Les encadrements en pierre de taille bouchardée à arêtes ciselées du pignon sud pourraient dater de cette époque.
Il semble donc que ce soit seulement après ce partage que les pièces de l'ancienne maison Rolland sont réorganisées et intégrées à la maison Truphême, augmentant cette dernière d'un tiers. Cette appropriation est manifeste au rez-de-chaussée surélevé et à l'étage, où les murs mitoyens ont été percés pour permettre une communication horizontale. A l'étage de soubassement, l'escalier de la maison Rolland menant anciennement aux étages a été détruit, mais les deux maisons restent indépendantes.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Propriétés de Antoine Truphême en 1839, d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison est située dans la partie nord-ouest du bourg intra muros, au carrefour de la rue du Passet et de la rue de l'Aire. Installée en angle d'îlot, elle est mitoyenne au nord et à l'ouest. Avec un plan rectangulaire adossé parallèlement au sens de la pente, elle comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un comble aménagé sous le rampant du toit.
Vue d'ensemble prise du sud-est.
Pignon sud, partie ouest.
Pignon sud.
Coupe schématique du bâtiment, est-ouest.
Plans schématiques du bâtiment. En haut : rez-de-chaussée surélevé et étage de soubassement. En bas : étage.
Fonctions et aménagements intérieurs
Etage de soubassement
La partie orientale de l'étage de soubassement, qui correspond à la partie originelle de la maison, est occupée par une ancienne étable. Cette pièce, accessible par une porte bâtarde ouverte au sud dans la rue du Passet, est couverte pour partie par un plancher en bois de brin soutenu par de puissantes solives et pour le reste par une voûte en berceau segmentaire.
Etage de soubassement, étable. Partie est, sous voûte en berceau segmentaire.
Etage de soubassement, étable. Partie est, plafond.
La partie occidentale de l'étage de soubassement, qui correspond à la petite maison absorbée à la fin du 19e siècle, est occupée par un vestibule couvert par une voûte d'arêtes. Celui-ci est accessible de plain-pied depuis la rue du Passet et donne par une porte dans la cage d'escalier de la ferme mitoyenne (voir dossier IA05001607). Dans l'angle sud-est, on observe le départ maçonné de l'ancien escalier de la maison. Un réduit est aménagé dans l'angle nord-est, ancienne resserre transformée en latrines.
Etage de soubassement, resserre. Vue de volume prise du sud.
Rez-de-chaussée surélevé
Le rez-de-chaussée surélevé est accessible de plain-pied depuis la rue des Aires par une large porte piétonne qui donne dans la cuisine, alors qu'une chambre, séparée par le mur de l'ancienne maison, occupe la partie ouest.
La cuisine est éclairée par une fenêtre côté sud, face à une cheminée maçonnée engagée dans le mur nord, dos-à-dos avec celle de la maison mitoyenne. Son manteau, mouluré sur corbeaux maçonnés galbés, est surmonté d'une hotte droite. Elle est accostée d'un petit placard-niche fermé par deux vantaux. Un placard mural est à demi-engagé dans le mur sud, muni de deux vantaux à panneaux en creux. Adossé au centre du mur ouest, un escalier tournant en menuiserie dessert le premier étage. La pièce est également meublée d'une horloge dans sa caisse verticale. Le sol est en tomettes scellées sur chape.
La chambre est accessible depuis la cuisine par une porte ouverte dans le mur ouest, avec une menuiserie dont la partie supérieure est vitrée en petits carreaux. Cette pièce est éclairée par une fenêtre ouverte côté sud. Un placard-niche est aménagé à l'angle sud-ouest et un autre dans le mur nord, qui réutilise une ancienne porte murée communiquant anciennement avec la maison voisine.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Vue de volume prise de l'est.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, cheminée adossée et placard-niche.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, cheminée adossée.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Départ de l'escalier et horloge.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur sud, grand placard-niche.
Premier étage
A l'arrivée de l'escalier venant du rez-de-chaussée, un couloir distribue trois chambres : à l'est, au centre et à l'ouest. Leurs menuiseries de portes sont à panneaux moulurés et ferrures forgées.
La chambre orientale est éclairée par une fenêtre ouverte sur la rue des Aires, au-dessus de la porte de la cuisine. Un placard mural à demi-engagé à l'angle sud-est est fermé par deux vantaux à panneaux moulurés. Cette pièce est également meublée d'une armoire à deux portes, avec un couronnement galbé.
La chambre occidentale dispose d'une fenêtre ouverte côté sud, donnant sur un balcon. Dans le mur nord, un placard-niche est installé dans une porte murée, il est fermé par deux vantaux à panneaux moulurés.
La chambre centrale possède une fenêtre ouverte côté sud. Dans l'angle sud-ouest, un escalier à quart tournant en menuiserie dessert l'étage de comble.
Etage, chambre est. Porte du couloir.
Etage, chambre est. Placard mural.
Etage, chambre ouest. Placard-niche.
Comble
Aménagé sous le rampant du toit et anciennement occupé par un grenier et un séchoir, le comble a été partiellement transformé en terrasse tropézienne.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès, avec des chaînes d'angles en gros moellons équarris. Si l'élévation orientale a été récemment rejointoyée, le pignon sud conserve un enduit rustique avec un décor lissé et gravé de faux appareil en soubassement, qui se prolonge sur la chaîne d'angle, et un décor peint de faux encadrements et bandeau de sous-toiture.
Pignon sud, décor gravé de faux encadrement.
Pignon sud, deuxième niveau. Fenêtre équipée de contrevents à cadre.
Porte du logis avec encadrement sculpté
Au premier niveau de l'élévation orientale, l'encadrement de la porte du logis est le plus ouvragé des maisons du bourg de Rosans. Précédé de deux marches en pierre et muni d'un haut seuil, il est réalisé en pierre de taille de grès.
Les piédroits sont traités en pilastres, avec une base moulurée de tores et de filets et un décor en bas-relief à mi-hauteur. Cette ornementation figure un vase, dont la panse en cœur accueille une fleur (de lys ?), posé sur ce qui semble être un guéridon ou un tréteau. En dessous, on observe une chute florale (pavot ?). Ces piédroits sont couronnés de chapiteaux ioniques avec volutes d'angles séparées par un cordon gravé d'oves, surmontés d'un abaque gravé de vagues en réserve.
Elévation est, premier niveau. Porte du logis.
Elévation est, premier niveau. Porte, détail du décor d'un piédroit.
Elévation est, premier niveau. Porte, détail du décor d'un piédroit.
Elévation est, premier niveau. Porte du logis, détail.
Le couvrement est réalisé par un entablement débordant à architrave moulurées de réglets. Au-dessus, la frise est sculptée en bas-relief. A ses deux extrémités, un homme est occupé à cueillir dans un arbuste. Au centre, une urne accueillant deux fleurs sépare deux animaux courants (chien, lion, béliers ?) opposés dos-à-dos. Dans sa description du bourg de Rosans, Joseph Roman (1888) s'arrête sur cet encadrement sculpté et considère que « le linteau représente au centre un vase auquel sont adossés un chien et un lion courants, et à chaque extrémité un personnage en toge cueillant un rameau ». Dans sa publication sur les activités moulinières et artisanales dans le territoire de Rosans, David Faure-Vincent (2019) se demande si cette scène centrale montre « une meule romaine, un moulin à sang, actionné par deux bêtes de trait ». L'ensemble figuré est surmonté d'une corniche largement saillante, moulurée avec denticules, quart-de-rond, réglets et filets.
Elévation est, premier niveau. Porte, couvrement.
Elévation est, premier niveau. Porte, détail du couvrement.
Elévation est, premier niveau. Porte, détail du couvrement.
Elévation est, premier niveau. Porte, détail du couvrement.
Cette porte est équipée d'une menuiserie à deux vantaux asymétriques, équipée d'un heurtoir à tête de lion (laiton ?). Leur soubassement est à panneaux saillants ornés d'un losange ; la partie supérieure à petits carreaux vitrés est protégée par des volets extérieurs. Au-dessus de cette porte, l'encadrement de la fenêtre – également en pierre de taille de grès – montre qu'il s'agit à l'origine d'une porte-fenêtre qui desservait manifestement un balcon installé au-dessus de la corniche de cet encadrement.
Pignon sud
Sur le pignon sud, les encadrements des ouvertures sont en pierre de taille de grès bouchardée à arêtes ciselées, portant feuillure, avec un linteau droit monolithe. Mais ceux de la porte du passage occidental et la porte-fenêtre du balcon sont façonnés au mortier. Au deuxième niveau, le balcon possède une structure en bois qui a été restaurée (sol et garde-corps à barreaux moulurés), soutenue par deux corbeaux en ferronnerie scellés dans la maçonnerie.
Pignon sud, deuxième niveau. Balcon en bois sur corbeaux en ferronnerie.
Toit
Le toit à longs pans asymétriques est couvert en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. Sur la façade orientale, l'avant-toit est constitué de trois rangs de génoise alors que la saillie de rive du pignon sud n'en comporte que deux. Le passage de la génoise à l'angle du bâtiment est réalisé en éventail.