Commentaire historique
L'origine de cette maison remonte au moins à l’Epoque moderne (16e siècle ?). D'après le cadastre de 1570, ce quartier situé dans la partie basse du bourg intra muros est appelé « pied de Ville ».
On observe deux fois la date « 1626 », portée sur l'encadrement de la porte du logis et sur sa menuiserie décorée. L'encadrement de cette porte, de par sa forme en arc plein-cintre et son décor de tore, est à rapprocher de quatre autres portes conservées sur des maisons étudiées au bourg de Rosans. Une est datée de 1608 (voir dossier IA05001548). Les deux autres sont ornées d'un écusson anépigraphe sur leur clef (voir dossiers IA05001543, IA05001544 et IA05001565).
Pignon nord, partie basse.
Pignon nord, partie haute.
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis, détail de la fausse agrafe passante et saillante avec date (1626) et initiales (AG).
En revanche, la menuiserie est peut-être plus ancienne : alors que le décor principal est sculpté, la date et les initiales – dont un W pouvant signifier « viva » – ont pu être gravées à posteriori. Son usage comme porte d'entrée est formellement un réemploi. Sa forme cintrée ne correspond pas à l'embrasure rectangulaire de l'encadrement. En outre, sa construction en panneaux assez fins et non doublés incite à penser qu'il s'agit à l'origine d'une porte intérieure, peut-être réutilisée in situ dans la maison (et anciennement installée sur un des paliers de l'escalier ?).
Il est possible que cette maison corresponde à une propriété seigneuriale, mentionnée dans l'inventaire des biens seigneuriaux de 1613 comme « une maison basse (...) appellée La Crotte ». Achetée en 1610 par le seigneur Jean-Antoine d'Ize, elle est décrite comme « assize dans le lieu de Rozans vers le pye de ville ». Cette hypothèse tient surtout à la présence des armoiries sculptées sur la menuiserie de la porte d'entrée et au motif de la sous-face du claveau de l'encadrement de cette porte : il est identique à celui que l'on trouve sur le grand portail de la cour du château, daté de 1609-1610 (voir dossier IA05001554) ; il pourrait aussi s'agir du même architecte, Auban Ravel, de Sisteron.
Toutefois, d'après le cadastre de 1699, il semble que le bâtiment actuel corresponde à deux maisons indépendantes. Celle à l'ouest, désignée comme « maison d'habitation et régailles », appartient alors à François Boutin (f° 144). Celle à l'est, décrite comme « maison, écurie, régailles, jardin » est détenue par le sieur Florent Boutin (f° 81 v°).
Sur le plan cadastral de 1839, le passage couvert – bien qu'existant à l'époque – n'est pas dessiné (comme tous les passages couverts du bourg sur ce document). Hormis ce détail, la parcelle possède un plan identique à l'actuel. Elle est mentionnée comme une « maison » de 50 m² d'emprise au sol, possédant 8 ouvertures et imposée dans la 3ème catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à Paul Bertrand. Celui-ci possède également un bâtiment agricole situé de l'autre côté du passage couvert, mentionné comme une « écurie » de 38 m² au sol (parcelle 1839 F1 84) et qui est aujourd'hui compris dans la même parcelle que la maison, ainsi qu'un jardin mitoyen au sud-est (parcelle 1839 F1 91). Paul Bertrand est également propriétaire d'une ferme au quartier du Buisson, qu'il conservera jusqu'à sa démolition en 1890. En 1905, l'ensemble de ses propriétés passent à Aimé Arnaud, fils.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Propriétés de Paul Bertrand en 1839, d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Description architecturale
Cette maison est située dans la partie sud du bourg intra muros, le long de la rue du Barry. A l'origine mitoyenne au sud et à l'est, elle est prolongée côté ouest par un passage couvert voûté. Adossée perpendiculairement au sens de la pente et en partie assise sur un banc de grès en place, elle comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un étage de comble. Bien que restaurée et partiellement remaniée, elle conserve ses principales dispositions d'origine : étages, couvrements, escalier intérieur, etc.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Vue d'ensemble prise du nord-ouest.
Pignon nord.
Passage couvert, vue prise du sud.
Fonctions et aménagements intérieurs
L'étage de soubassement, en partie couvert par une voûte en berceau plein-cintre à large pénétration, était occupé par des resserres et cellier. Le rez-de-chaussée surélevé et l'étage carré étaient réservés au logis. Les plafonds sont soutenus par des solives à arêtes moulurées, avec un remplissage de petits blocs de pierres – dont du tuf – maçonnés sur des voliges taillées quartons. L'étage de comble servait de séchoir.
Un escalier intérieur, à rampes sur rampes, distribue tous les niveaux. Il possède des paliers intermédiaires qui desservent la parcelle mitoyenne orientale. Il est entièrement construit en pierre de taille, avec des marches monolithes et des paliers constitués de trois à quatre grandes dalles. Les sous-faces de ces marches et dalles sont traitées avec une finition layée au niveau du rez-de-chaussée et de l'étage ; ailleurs elles sont laissées brutes d'équarrissage. Au rez-de-chaussée, le départ de l'escalier vers l'étage est marqué par un encadrement de porte en pierre de taille de grès, en arc plein-cintre, dont un piédroit est commun avec l'encadrement de la porte d'entrée principale.
Rez-de-chaussée surélevé, mur nord. Palier de la porte du logis, détail de l'assemblage des éléments en pierre de taille.
Rez-de-chaussée surélevé, mur nord. Palier de la porte du logis ouvrant sur l'escalier.
Rez-de-chaussée surélevé, escalier. Vue de volume.
Rez-de-chaussée surélevé, escalier. Dessous des marches.
Etage de soubassement, escalier. Dessous des dalles du palier supérieur.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons de grès, complétés par quelques blocs calcaires. Les chaînes d'angles sont en gros moellons équarris et harpés.
Au premier niveau de l'élévation nord, l'encadrement de la porte du logis est en pierre de taille de grès layée à arêtes moulurées, avec un couvrement en arc plein-cintre supporté par deux corbelets également moulurés. Le claveau central possède une fausse agrafe saillante et passante accompagnée de la date « 1626 » et des initiales « A G » sculptées en réserve. Sa sous-face est ornée d'un « X » inscrit en réserve dans un rond, motif identique à celui du portail de la cour du château de Rosans.
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis portant une date en réserve (1626).
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis, détail d'un corbelet de l'encadrement.
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis, décor en réserve de la sous-face du couvrement cintré.
Cette porte est équipée d'une menuiserie à panneaux moulurés avec un décor sculpté en réserve dans un cartouche ovale, qui représente des armoiries à trois tours et trois fleurs accompagnées d'un cœur – pour mémoire, les armes de la famille de Rosans étaient « d'azur à trois roses d’argent sous un chef d'or » (E. Bégou, 2016). Les initiales « D B » sont également sculptées en réserve. On relèves d'autres inscriptions ou motifs gravés. Il s'agit des initiales « W·M·V·P » et « MP » et de la date « 1626 », d'un dessin anthropomorphe contenu dans ce qui semble être une jarre, d'un triangle quadrillé. En outre, la lettre « G » inscrite dans un cercle pointillé a été marquée avec un fer chaud en plusieurs endroits. Enfin, on note d'autres graffitis gravés mais devenus illisibles.
La menuiserie de cette porte est équipée d'un heurtoir en ferronnerie ornementé et d'une poignée-boule, également en fer.
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis, menuiserie portant une date gravée (1626).
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis, détail de la menuiserie : heurtoir, poignée, graffiti gravé d'un bonhomme.
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis, menuiserie. Marques et dessin gravés.
Rez-de-chaussée surélevé, mur nord. Porte.
Une autre porte cintrée se trouvait anciennement au premier niveau du pignon ouest, à l'emplacement de l'actuelle sortie de pile d'évier en pierre de taille. Son encadrement chanfreiné en pierre de taille grès layée, déposé et conservé, présente un original congé en spirale sans équivalent connu dans le bourg.
Elévation ouest, premier niveau. Vestige du départ de l'arcade, sortie de pile d'évier en pierre de taille.
Eléments lapidaires démontés (claveau chanfreiné et départ de jambage avec congé en spirale) de l'arcade anciennement située sous le passage couvert (élévation ouest).
Sur l'élévation nord du passage couvert, une petite baie conserve un encadrement chanfreiné en pierre de taille de grès, avec appui saillant et linteau délardé.
Passage couvert, vue prise du sud.
Partie au dessus du passage couvert, élévation nord.
Partie au dessus du passage couvert, élévation nord. Petite baie chanfreinée à linteau délardé.
Le toit est à longs pans, la couverture est en tuiles creuses posées sur des chevrons taillés en quartons. Les avant-toits et saillies de rives sont constitués de deux rangs de génoise.