Dossier d’œuvre architecture IA83002201 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort Saint-Elme
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Saint-Mandrier-sur-Mer
  • Lieu-dit Saint-Elme (hauteur)
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort Saint-Elme
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Construction et armement

Premier état : redoutes et retranchement Saint-Elme

L'idée d'une mise en défense planifiée de la presqu'île de Saint-Mandrier (alias presqu'île de Cépet) n'émerge dans les projets de Vauban, qu'en 1695, liée à la menace d'une croisière anglaise en Méditerranée. Il s'agit alors avant tout de créer des batteries de côte et des retranchements contrant les débarquements par mer, mais l'illustre commissaire des fortifications envisage aussi de verrouiller ce système défensif par des petites redoutes situées sur des points hauts et contrôlant les accès à la presqu'île par voie terrestre. Une carte des rades de Toulon sur laquelle on a marqué les batteries des environs pour empescher le bombardement exprime la stratégie proposée par Vauban, mais celle-ci est affinée par son collaborateur et relais local Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, auteur d'une carte plus détaillée, datée du 22 mars 1695, associée à un mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon 1. Le travail de Niquet porte exclusivement sur les batteries et retranchements côtiers, et, dans son rapport du 9 octobre 2, il explique que le cap Cepet est d’une grande étendue et fort montueux et fort irrégulier, en sorte que pour le garder il y faudrait plusieurs petits forts qui tous ensemble coûteraient une somme fort considérable... Il en conclut qu'il vaut mieux des retranchements que des forts, car, dans le second cas … l’état (serait) chargé des garnisons nécessaires à leur défense en temps de guerre et à leur garde en temps de paix.

Le plan de Vauban ne propose que trois redoutes : une sur la hauteur de la Croix-des-Signaux, à l'emplacement du futur fort du XIXe siècle, cotée 23, une autre, cotée 24, sur l'éminence Saint-Elme, soit aussi à l'emplacement du futur fort du XIXe siècle, contrôlant l’isthme, enfin une dernière, cotée 25, proposée à l'entrée de l'isthme.

Ce projet de redoutes, non porté par Niquet, n'est pas suivi d'exécution, tandis que le programme des batteries de côte se réalise, ainsi qu'un retranchement de pierres sèches à redans, crépi au mortier, est construit à proximité de la batterie de Saint-Elme, en travers de l'isthme, et au pied de l'éminence, pour barrer la presqu'île. Pendant un siècle et jusqu'à la Révolution, les soins des différents ingénieurs et officiers du génie ne se portent, pour la presqu'île de Saint-Mandrier, que sur les batteries de côtes, ouvrages d'ailleurs sommaires, non retranchés à la gorge, à une exception près.

Au lendemain de la reprise de Toulon par les Républicains, une commission d'experts examine l'état de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la montagne (nouveau non de Toulon à partir de la Convention), pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs...3 Le mémoire des experts mentionne le rapport de l'ancien inspecteur Michaud qui recommande, pour s'établir fortement dans la presqu'île de Cépet (...) de fortifier la hauteur de La Croix des Signaux, celle du Lazaret, et de relever le retranchement qui défend le passage de l'isthme des Sablettes. Ce dernier ouvrage ne paroit pas suffisant (..) il parait donc qu'il est de toute nécessité d'occuper cette sommité (de Saint-Elme) par un fort.." En conséquence, il est proposé, "Un fort quarré, ou approchant, complet, avec deux emplacements de mortier pour tirer sur la pleine mer et sur la rade, de plus deux fourneaux à réverbère", pour une garnison de 200 hommes. Ce fort sur la hauteur au milieu de l'isthme des Sablettes est coté 7 sur le plan de la presqu'île indiquant les ouvrages projetés de l'an II, et d sur celui de l'an III.

Le plan de la presqu'île de Cépet pour 1811 4 montre que les projets de 1794 n'ont pas été réalisés, et ne propose pas d'occuper la hauteur de Saint-Elme. En revanche l'implantation d'une "tour n° 3" (type de tour-modèle défini à l'échelle de l'Empire cette même année 1811) est proposée à peu de distance à l'est, entre la plage des Génois et la batterie de Marégau. Une tour-modèle n°1, la seule réalisée en Provence, sera construite en 1813 sur la hauteur de la Croix des Signaux.

Les projets pour assurer la défense des presqu'îles de Balaguier et Cépet font l'objet d'un rapport du général Maureilhan au Comité des fortifications, en date du 6 janvier 1812 5, qui précise que la défense particulière de la hauteur de St Elme (...) peut être assurée, soit par une tour modèle n° 1, soit par une redoute modèle n° 2 en réunissant en une seule batterie sous l'appuy de cet ouvrage toutes celles établies au cap St Elme. Les propositions du directeur des fortifications de Toulon consistent alors à : 1) construire une redoute n°2 sur la hauteur de St Elme, 2) une batterie retranchée sous l'appuy de cette redoute pour tenir lieu des batteries actuelles placées au cap St Elme, 3) une tour modèle n°3 à la plage des gênois, Maureilhan propose, quand à lui, deux hypothèses alternatives. Dans la première, en douze articles : 10) il faut augmenter de 4 pièces les batteries du cap St Elme afin de protéger le corps de garde établi à la plage des gênois et l'ouvrage ci-après; 11) il faut établir sur un îlot artificiel placé en avant de la plage des Sablettes un ouvrage ayant 6 pièces battant de revers toute cette plage; 12) il faut construire sur la tête des Sablettes un bon ouvrage présentant du côté de terre la défense d'une bonne couronne. La seconde hypothèse remplace ces trois derniers articles par un article unique: Il faut construire sur la hauteur St Elme une redoute modèle n°2 et réunir en une seule batterie sous l'appuy de cette redoute toutes les batteries placées au cap St Elme.

L'empereur en personne, par lettre datée de Saint Cloud le 3 mai 1812 adressé au duc de Feltre, son ministre de la guerre 6 donne des ordres et des vues sur le programme à mettre en œuvre pour la défense de la presqu'île de Cépet, en accordant un intérêt plus marqué à la position de la Croix des Signaux et à la Carraque. S'agissant de la défense de l’isthme, il précise que "la hauteur de St Elme est importante à occuper. Le vrai point de débarquement est sur la plage des Sablettes, et ce débarquement devient impossible si on est maître de la hauteur. Si on occupe la hauteur, on sera maître des batteries du cap St Elme. Il faut donc réunir ces batteries et construire une tour pour les protéger; on m'en présentera le projet aux Conseils prochains. Cette tour devra porter ses feux sur la plage des Sablettes puisqu'elle n'en est qu'à 500 toises."

Le colonel Dianous (de La Perrotine), directeur des fortifications de Toulon, rédige, en date du 1er janvier 1813, une Note explicative des bases des projets présentés pour la défense des presqu'îles Cépet et Balaguier 7. Il y est dit que la hauteur Saint Elme parait devoir être occupée fortement par un grand ouvrage (...) Une redoute-modèle de 70 mètres de côté peut en occuper la sommité et servir de réduit à la position. Cette redoute, du même modèle que celle alors en construction sur la hauteur du Caire (futur fort Napoléon) nécessite la création d'importants glacis, en déblais et en remblais ; de plus, le directeur des fortifications propose de la compléter d'une ceinture à mi-côte composée de trois fronts (bastionnés) , deux fermant le point d'attaque des Sablettes (...), le 3e à l'est du côté de la plage des génois, enceinte extérieure ouverte à la gorge vers l'intérieur de la rade. Le coût cumulé de la redoute et de cette enceinte est estimé à 900.000 fr. Dès le 2 janvier, le colonel directeur des fortifications soumet au duc de Feltre un projet alternatif moins coûteux et conforme aux vues de l'empereur, substituant à la redoute-modèle une "tour-modèle enveloppée de murs crénelés" 8.

Finalement, l'année 1813 voit l'exécution d'un ouvrage sur la hauteur de Saint-Elme, ne prenant ni la forme d'une tour-modèle, ni celle d'une redoute-modèle, mais optant pour un parti économique évoquant un ouvrage non pérenne. Cet ouvrage, qui fait l'objet du chapitre 3 du projet pour 1813, est "ordonné par S. ex. le Maréchal Prince d'Esling", c'est-à-dire le maréchal André Masséna, disgracié par Napoléon en 1811 à la suite de l'échec de la campagne du Portugal, et rétrogradé gouverneur militaire à Marseille. Établi à la hâte et l'économie par les colonels Dianous et Tournadre, respectivement directeur et sous-directeur des fortifications de Toulon 9, le projet consiste à fermer à la gorge les batteries de St Elme par un retranchement en pierre sèche et occuper la hauteur de ce nom par deux redoutes aussi en pierre sèche avec chemin couvert et les lier au retranchement par une double caponnière. L'ensemble de ces ouvrage est estimé à 32.000 fr., budget modeste qui permet une réalisation immédiate.

Ce programme associant une batterie de côte à une fortification d'éminence qui la surplombe, s'apparente nettement à celui mis en œuvre simultanément, par les mêmes officiers, sur la hauteur de la Croix des Signaux et à la batterie de la Carraque, ordonné par l'Empereur en personne. Cependant -et peut-être du fait de l'intérêt plus marqué de Napoléon pour le site de la Carraque, les programmes diffèrent par le médiocre degré d'ambition et d'investissement financier de celui de Saint-Elme. La batterie y est retranchée sommairement par un rempart en pierres sèches de faible élévation, au tracé tenaillé, et les deux redoutes, l'une carrée, l'autre pentagonale, entourées d'un fossé propre, fondées beaucoup moins en altitude que la tour-modèle de la Croix des Signaux, sont des ouvrages très rudimentaires, de 25m de côté, simplement formés, comme le retranchement de la batterie, d'un parapet peu élevé en pierres sèches. Elles sont enveloppées d'un chemin couvert, soit une enceinte polygonale irrégulière très sommaire, le tout avantageusement qualifiée de "camp retranché"; entre les deux redoutes règne une place d'armes d'une cinquantaine de mètres de longueur et de largeur. Le mur maigre de cette enceinte, aussi en pierres sèches, forme un redan et un épi médiocrement flanquants, et sur deux côtés (nord et ouest) de la redoute carrée deux petites "flèches" en forme de lunettes. L'entrée de cette enceinte se situe au sud-ouest, à un des angles de la partie enveloppant la redoute pentagonale, et passe par un bastionnet également en forme de lunette. L'enceinte a également deux autres issues en poterne. Le projet de communication en caponnière n'est pas réalisé. Plan & profil du camp retranché & de la batterie de St Elme. 1814.Plan & profil du camp retranché & de la batterie de St Elme. 1814.

Le 25 décembre 1813, alors que les ouvrages sont achevés, le sous-directeur des fortifications de Toulon, Joseph-Amable de Tournadre, propose pour 1814 10 une refonte complète du dispositif, d'un seul tenant de haut en bas du site, avec une redoute quadrangulaire à demi-bastions sur l'éminence, reliée à la batterie de côte par un ouvrage d'artillerie étagé en crémaillère, avec trois ressauts, l'enceinte de la batterie elle-même étant réduite en surface par suppression de l'extrémité ouest, retranchée par un mur de gorge polygonal, et divisée en deux sections par un mur de traverse. Ce "repentir", coûteux, n'est pas suivi d'effet. Par contre, une annotation (postérieure ?) à la légende du plan d'état des lieux levé en 1814, précise : "ce fort renferme 12 casemates qui ne sont pas portées dans ce plan, 1 pour l'entré, 1 pour magasin, 10 pour logement."11

Le colonel Pinot, nouveau directeur des fortifications de Toulon, dans son mémoire sur la situation de la place de Toulon en 1816 pour les projets de 1817 12, évoque le fait que l'isthme des Sablettes et la plage des Génois sont "défendus par la batterie St Elme et une espèce de camp retranché d'une disposition bizarre et d'une construction si débile qu'on ne doit en attendre qu'un très mauvais service". En sorte que " son perfectionnement dans sa disposition actuelle serait si peu en rapport avec l'importance du point qu'on ne doit pas penser à l'entreprendre, il faut le remplacer par un bon fort revêtu, dans une position telle qu'il puisse bien fermer le débouché de la presqu'île, soumettre à ses feux les deux plages et être capable de contenir une force suffisante pour coopérer efficacement avec les autres troupes de la presqu'île à empêcher l'ennemi de s'y établir. "

Aucun changement n'ayant été opéré, la commission de 1818, concentrée sur l'amélioration de la batterie de côte, estime que l’ouvrage devrait combiner des propriétés d'une redoute à celles de la batterie, ce à quoi son tracé et sa construction de 1813 sont inadaptés : le retranchement à redans est médiocrement flanqué, les bâtiments trop frêles. Seul l’escarpement côté mer est jugé efficace. Pour améliorer la défense des deux plages, principaux points de débarquement, il faudrait remplacer les deux redoutes en pierre sèche du mamelon, dites "camp retranché Saint-Elme", par une bonne et forte redoute casematée revêtue, bien terrassée et placée pour bien fermer le débouché de la presqu’île et rattachée à la batterie par une communication retranchée. Le rapport établi par le lieutenant général de Chambarlhiac le 10 octobre 1818 préconise d’élever sur la hauteur des Sablettes une redoute pour 250 hommes, estimée à 100.000 fr 13.

Les projets successifs d'un fort sur la hauteur Saint-Elme

Les choses en restent là pendant vingt ans, et, dans son avis du 18 décembre 1838, le Comité des fortifications préconise à nouveau la construction d'un fort sur la hauteur de Saint-Elme, pour une dépense estimée de 250.000 fr. dont il reste à trouver le financement. Comme dans les projets antérieurs, le fort doit constituer le réduit d’un petit camp retranché incluant la batterie, destiné à interdire la presqu’île à un ennemi débarqué au Brusc et progressant par terre.

Peu après, la loi du 25 juin 1841 accorde 4,6 millions de francs pour la défense des ports. La commission de défense des côtes de 1841 14 place au premier degré d'importance la reconstruction de la batterie -au même titre que celle de la Carraque- toujours pour défendre les Sablettes et l’anse des Génois, mais en en resserrant le développement à l'emprise de la partie centrale de celle existante, et en la dotant d'un corps de garde n°2. Le projet de la batterie semble alors prioritaire sur celui du fort.

Les relevés d'état des lieux, contresigné le 7 janvier 1845 par le colonel Edouard Picot, directeur des fortifications 15 ne montrent pas de changement depuis 1814 pour ce qui est du "camp retranché" en pierres sèches, qui semble en bon état de conservation. L'élaboration d'un premier projet pour le fort de Saint-Elme, pour 1845, est confiée par le nouveau chef du génie de Toulon, le chef de bataillon Joseph Corrèze, au jeune capitaine du génie Adolphe Séré de Rivières, alors au début de sa brillante carrière, chargé simultanément du second projet du fort de la Croix des Signaux. Le capitaine, dans son projet rendu en décembre 1844, prend en compte les données de l'ordre d'inspection formulé la même année par le lieutenant-général Daullé, selon lequel le site de Saint Elme est la clef de la défense de la presqu’île. Les plages de la Coudoulière, Cavalas et le Puits ne sont guère à craindre en vue d’un débarquement, soit en raison de leur étroitesse et des escarpements voisins, soit parce que peu fréquemment praticables. Il faut donc concentrer les efforts de défense aux abords de l’isthme, seule véritable menace. Le mamelon de Saint Elme, qui a de bonnes vues sur les Sablettes et sur la plage des génois est donc tout désigné pour l’implantation de l’ouvrage principal de la presqu'île, soit un fort capable d'accueillir une garnison de 150 hommes (ce qui est à peine plus que la capacité du petit fort proposé à la Croix des Signaux), et porteur de batteries défendant les deux plages et le mouillage.

Le chef du génie, quant à lui, a donné au capitaine des indications "pour l'occupation d'un petit mamelon peu susceptible de se prêter au système bastionné". Les préconisation du général Daullé sont donc à l'origine de la réduction du projet au seul fort, censé cumuler les fonctions de réduit défensif capable de loger des troupes et de batterie de côte. C'est la raison pour laquelle le projet ne propose pas le rétablissement de la batterie de Saint-Elme.

Le projet Séré de Rivières 1845

Le fort proposé par Séré de Rivières se superpose assez bien à l'ancien camp retranché de 1813, dont le site est propice à la construction, car on y trouve en alternance des grès durs et argileux. Il est défini par le chef du génie comme "une redoute pentagonale dont les côtés battent directement les glacis en avant". Assez spacieuse et élaborée pour mériter le qualificatif de "fort", elle flanquée aux angles de petites tours bastionnées, avec un parapet d'artillerie continu en terre dit "cavalier" sur les quatre côtés (front de tête à deux côtés 3-4-5, fronts latéraux 2-3 et 5-1), biens défilés par la contrescarpe des fossés et les glacis, et un long front de gorge crénelé (1-2), avec caserne casematée au centre. Les batteries des fronts actifs (2-3-4-5-1) permettent de contrôler les principales directions des attaques possibles : le petit côté nord et l'angle nord-ouest regardent le fort Napoléon, le grand côté ouest/nord-ouest bat l’isthme et la plage des Sablettes, le grand côté ouest/sud-ouest bat le mouillage des Sablettes, le petit côté sud / sud-est bat la plage des génois. Le front de gorge (1-2), quand à lui, fait face à la hauteur du Lazaret, mais sans capacité de tir de batterie, et sans défilement, "mais il n'y a point d'inconvénient à celà puisque la presqu'île de Cépet est à l'abri du débarquement d'un équipage de siège".

Projets pour 1845. Fortifications. Article 13. Construire un fort sur la hauteur St Elme. [Plan masse] 1845.Projets pour 1845. Fortifications. Article 13. Construire un fort sur la hauteur St Elme. [Plan masse] 1845.Pour des raisons d'orientation et de densité respective des tirs de batterie, le pentagone n'est pas symétrique : le petit côté gauche (2-3, sud) est d'un tiers plus long que le droit (5-1 nord) et fait un retour d'angle droit sur le grand côté gauche du front de tête (3-4 ouest/sud-ouest), tandis qu'au nord, le retour d'angle est obtus. De plus, les deux grands côtés du front de tête n'ont pas exactement la même longueur, le gauche étant un peu plus court que le droit. Seul le front de gorge est symétrique, et sa caserne parfaitement centrée, mais son axe n'est pas celui du front de tête.

Les tours bastionnées, conçues pour la défense du fossé, profond de 10m, ont un étage de soubassement (dit improprement rez-de-chaussée), voûté, casemate de plan en chevron avec embrasure de flanc pour un obusier de montagne, et au-dessus une plate-forme bordée d'un parapet crénelé qualifié d' "étage pour la mousquetterie pouvant être blindé (couvert) en temps de siège". L’accès à ces tours se fait par un long couloir ou poterne passant sous le parapet d'artillerie dans l'axe de l'angle de capitale, descendant en rampe et en escalier. Longues de 12 mètres, les casemates et l'étage "blindé" des tours peuvent servir de logement d'appoint pour la troupe en temps de siège, à raison de 20 hommes sur lit de camp en soubassement et 25 hommes au dessus. Les tours encadrant le front de gorge sont des demi-tours bastionnées, sans saillie flanquante sur ce front. Elles peuvent loger 30 à 35 hommes. La capacité des cinq tours, en temps de guerre, peut atteindre 165 à 200 hommes. La cour est bien défilée, et la caserne fait saillie sur la courtine crénelée du front de gorge, de façon à permettre un flanquement. Elle est conçue sur le même plan que celle de la batterie de La Carraque, soit avec trois grandes casemates transversales et deux travées de culées tripartites, cette disposition, limitée ici à un rez-de-chaussée logeable, étant directement inspiré des modèles-types de corps de garde défensifs servant de réduit de batterie alors en cours de définition d'après les travaux de la commission mixte d'armement des côtes de 1841.

Ce projet de caserne correspond à l'échelle de corps de garde défensif n°1 pour 60 hommes, et s'apparente d'autant plus aux modèles-type qu'il est crénelé en façade d'entrée et que le plan masse du fort propose de l'isoler par un fossé aussi du côté de la cour intérieure du fort. Cette option, en contradiction avec l'implantation de la porte du fort dans la casemate centrale de cette caserne, ce qui la prive de toute capacité à servir de réduit, n'est pas confirmée sur les plans de détails. Pour éviter de perdre de la place dans le passage, il est prévu de mettre un pont-levis "à la Poncelet"16 plutôt qu’un pont à la "Delille". Sur proposition du chef du génie, pour optimiser la capacité locative de la caserne, Séré de Rivières l'a dessinée "dans le genre de celle du Pas de la Masque" (caserne défensive sur le mont Faron, conçue aussi par lui, en 1844, et réalisée), c'est-à-dire avec "un rez-de-chaussée assez élevé pour recevoir un entresol". Pour autant, sa capacité maximum donnée par Corrèze, de 164 hommes dans les trois casemates principales, en tenant compte du passage d'entrée neutralisant le rez-de-chaussée de la casemate centrale, paraît surestimée. Par comparaison, la caserne de la Carraque, avec ses deux niveaux voûtés complets, et des dimensions comparables (encore que de moindre profondeur) a une capacité estimée de 136 à 144 hommes sur campement dans les casemates principales. Quoiqu'il en soit, ces capacités annoncées sont nettement supérieures à celles demandées a minima par le général Daullé. La façade de la caserne dessinée par Séré de Rivières, au soubassement taluté, comporte des bossages plats soulignant les angles des travées de culées et le soubassement de la porte ; l'encadrement de celle-ci est très sobre, les fenêtres des deux casemates latérales sont grandes et rectangulaires, avec chambranle, comme à la caserne défensive du Pas de la Masque.

Une cuisine et des chambres pour officiers complètent l’ensemble. Une citerne de 240m3, placée sous l’une des grandes casemates, permet de ravitailler 500 hommes pendant trois mois. La terrasse de la caserne ayant une surface de 714 m2, on peut escompter le renouvellement de la citerne une fois et demie par an. Le magasin à poudre est disposé dans la cour, adossé au revêtement intérieur des terrasses d'artillerie, au droit du front (3,4). Sa capacité est de 20 tonnes de poudre, correspondant à 200 coups pour 25 pièces.

Les variantes postérieures au projet 1846-1852

Le colonel Edouard Picot, directeur des fortifications, fait une critique en règle du projet Séré de Rivières, évalué à 340.500 fr. Tout d’abord, il estime qu’un débarquement en presqu’île aurait principalement pour objet l’attaque des batteries de côte isolées. Par conséquent, un débarquement à Cavalas, la Coudoulière ou le Puy est à prendre en considération. L’attaque de Saint-Elme serait le fait d’un corps d’armée débarquant au Brusc, hors de portée du camp de Balaguier, puissamment organisé. L’idée de donner au fort la fonction d'une batterie de côte paraît préjudiciable à l’efficacité du tir, du fait d'une distance de 230 à 290 mètres supplémentaires par rapport à la mer. La défense des fossés par de l’artillerie sous casemates dans les tours est jugée inadaptée car les fronts sont trop courts pour justifier le recours à des obusiers. Il faut préférer des bastionnets à parapets à bahut. Enfin, Picot ne trouve pas pertinente l'option du fossé entre la caserne et la cour, qui de plus entraîne un surcoût (revêtements).

En conséquence, il présente un contre-projet moins coûteux (250.000 fr), dessiné par le capitaine Pouzols. Il s’agit d'une redoute pérenne de plan carré, avec tours bastionnées aux angles, moitié moins grande que celle du projet Séré de Rivières, assise sur la moitié nord de l'ancien camp retranché de 1813, conçue comme point d’appui aux retranchements de campagne, sans vocation de batterie de côte, celle-ci étant à rétablir à son emplacement historique. Le front d'attaque, à l'ouest, fait face à l’isthme des Sablettes ; le casernement casematé qui s'y adosse juxtapose cinq casemates assez étroites mais très développées en profondeur, aux dépens de la cour. Le fond de chaque casemates dessert une embrasure à canon débouchant dans le talus en terre du parapet d'artillerie prévu sur les voûtes des casemates. La partie supérieure de ce parapet forme un cavalier, ce qui donne à l'ouvrage deux niveaux de tirs de batterie, un sous casemate, un à barbette, unidirectionnel, pour la défense de l'isthme, soit des approches terrestres. Les courtines des trois autres côtés de la cour comportent des créneaux sous niches ou arcades murales portant un chemin de ronde d'arase avec parapet à bahut. Les deux tours bastionnées du front d’attaque sont terrassées et portent un parapet en terre, celles de la gorge étant casematées et crénelées, de la même manière que celles du fort de la Croix des Signaux dans son projet définitif. Cette organisation, inspirée d’un modèle proposé par le Comité des fortifications pour le fort La Croix à Bastia, part du principe que l'ouvrage, non défendu sur ses fronts latéraux, n'a rien à craindre des coups des vaisseaux, étant couvert par l'action des batteries de côte.

Le projet Séré de Rivières est approuvé dans son principe par le comité des fortifications, sous réserve de déplacer l'assiette du fort d’une vingtaine de mètres (vers le nord) pour tenir les crêtes au plan 61,50 m. Une partie du fossé (front 4-5) est creusée dès 1846 ; cela confirme la nature du terrain, bancs de grès dur et d’argile de 0,20 à 0,60 d’épaisseur. Les bancs d’argile se décomposant à l’air, les escarpes seront nécessairement revêtues d’un placage de 0,60 m.

[Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] 1846.[Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] 1846.Le projet adapté, rédigé et dessiné par le capitaine de Jouslard le 11 mars 1846 17, conduit à une augmentation de 35.000 fr. L'emprise du fort n'est décalée que de 10 m, vers le nord, pour ne pas entraîner d'empiètement des glacis hors des limites du terrain militaire, conformément aux exigences du comité. Par ailleurs, des changements de détail sont apportés en divers points. Le plus important concerne les terrasses d'artillerie des quatre fronts actifs (2-3-4-5-1), rétractées autour de la cour, qui s'en trouve réduite, tout en augmentant l'emprise du talus du parapet, afin de dégager au pied de ce talus, sur l'arase du revêtement des courtines, un chemin de ronde d'infanterie reliant entre elles les plates-formes des tours bastionnées. L’épaisseur du parapet du front nord (5-1) est réduite à 4m. Les tours bastionnées casematées sont devenues des bastionnets terrassés, un peu plus saillants et larges, avec plates-formes bordées d'un parapet à créneaux et embrasure seulement sur les flancs. Ces plates-formes sont au même niveau que la cour intérieure du fort, celles du bastionnet d'axe (4) et des bastionnets encadrant le front de gorge (1 et 2), étant reliées à cette cour par un couloir ou poterne de plain-pied passant sous les banquettes et le parapet de la batterie. L'accès aux deux autres bastionnets (3, 5) se fait par le chemin de ronde d'infanterie des courtines.

On note aussi que les bastionnets 1 et 2 sont désormais complets et flanquants sur le front de gorge, tandis que la caserne casematée, en revanche, ne fait plus saillie au milieu de ce front. Cette position lui permet d'être mieux défilée par les parapets d'artillerie des fronts latéraux (2-3, 5-1), prolongés jusqu'au revêtement du front de gorge qui leur sert de mur de profil. La réduction de la surface de la cour engendrée à la fois par l'emprise plus importante de la caserne et par le resserrement des terrasses d'artillerie, y entraine la suppression du magasin à poudres, dont le nouvel emplacement proposé par le comité, est sous les terrasses d'artillerie des fronts de tête (3-4-5) desservi depuis la poterne du bastion d'axe (4). Par mesure d’économie, un seul magasin est proposé au lieu de deux petits. La capacité doit être pour 300 coups pour 24 pièces d’artillerie, soit 3 tonnes. Le magasin unique aurait 5m de large et 17,78m de long, avec galerie d’isolement pour éviter l’humidité.

La caserne conserve le même plan, mais elle n'est plus crénelée et, à la demande du comité des fortifications, elle comporte désormais un étage supplémentaire casematé complet, avec toit-terrasse, ce qui -excepté la présence de la porte du fort dans la casemate d'axe- accroit sa ressemblance avec celle de la Carraque. Un grand escalier à deux rampes symétriques montant de part et d'autre du passage d'entrée est proposé pour monter à l'étage. La citerne s'étend désormais sous les trois grandes casemates, et non sous une seule. Enfin, la contrescarpe des fossés n'est plus parallèle aux courtines, mais suit un tracé tenaillé parallèle aux faces des bastionnets et rentrant en angle obtus au milieu de chaque front.

Les fonds sont demandés afin de commencer les travaux de construction en 1847. Le mémoire sur les projets énonce toutefois quelques modifications que le comité a apporté au projet de 1846 18. La première, appuyée par le directeur des fortifications Picot contre l'avis du chef du génie Corrèze, est la suppression du prolongement du "cavalier", soit du parapet d'artillerie en terre, jusqu'au revêtement maçonné de gorge, qui interrompt la continuité du parapet crénelé de ce front de gorge et oblige à ménager des poternes pour accéder aux bastions 2 et 5. Ce prolongement du parapet n'ayant pour unique objet que le défilement des culées de la caserne contre les tirs des vaisseaux en position au sud-est du fort et à 800 m, son utilité parait réduite en considération du coût ajouté.

En revanche, le comité ne retient pas la proposition faite par l’inspecteur général du génie pour 1846, consistant à supprimer les bastionnets 3 et 5 parce que le flanquement des courtines est suffisamment assuré par les trois autres bastionnets. Le risque invoqué que les défenseurs se tirent les uns sur les autres n'est pas réel, l'économie réalisée se limiterait à 3200 fr. et la suppression de ces bastionnets créerait des angles de tir obliques et des angles morts. N'est pas retenue non plus l'autre proposition "économique" de l'inspecteur, à savoir de ne voûter que le rez-de-chaussée de la caserne. En effet, celle-ci n'étant plus défilée au droit des culées, le chef du génie affirme la nécessité du voûtement des deux niveaux. La citerne fera 240 m3. La capacité de la caserne sera de 180 hommes sur deux étages (lits) ou de 270 hommes en lits de camp. Le comité demande en outre de réaliser le placage des escarpes en maçonneries de moellons, et de répartir les vingt tonnes poudres dans 2 petits magasins (7,5 x 4,9 m) enterrés sous le "cavalier" des fronts de tête, avec accès dans le passage voûté ou poterne conduisant au bastion 4. Le directeur demande à ce que l’intrados de la voûte de la poterne soit bien défilé sous la crête du bastion 4 pour éviter les coups directs dans la galerie servant les magasins à poudre.

[Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] 1848.[Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] 1848.Le nouveau dessin du projet pour 1848 est confié par le chef du génie au capitaine Marc-Alphonse Pallard Desportes 19, qui travaille aussi sur le projet de la batterie de côte. A la suite de l'avis du comité du 21 aout 1847, l'assiette du fort projeté a été décalée de 13m vers sud en faisant pivoter le front sud de 7m vers l’ouest. Cette nouvelle implantation recouvre en totalité l'ancien camp retranché de 1813, le bastionnet 3 se superposant au bastionnet d'entrée de cet ouvrage, et l'angle du parapet à la gorge du bastionnet 3 se superposant au front de tête de l'ancienne redoute pentagonale, ce qui, au demeurant, tendrait à créditer la pertinence des positions apparemment hétéroclites de 1813, du point de vue des directions de tir et de la couverture des versants du terrain par l'artillerie.

Sur les nouveaux dessins, la géométrie du plan a sensiblement changé : le front latéral gauche (2-3) est moins rentrant, en retour d'angle obtus du grand côté gauche du front de tête (3-4). De plus, l'asymétrie de ce front de tête est inversée : c'est désormais le grand côté droit (4-5) qui est le plus court. Enfin, si les courtines des fronts latéraux sont presque de longueur égale, les branches du "cavalier" ou parapet d'artillerie en terre, qui les surmontent, sont devenues franchement asymétriques. Celle du front droit (5-1) est très courte, le parapet s'arrêtant aux deux tiers de la courtine ; en revanche, la branche du front gauche (2-3) règne sur toute la longueur de la courtine, jusqu'à la gorge du bastionnet 2. Pour maintenir cette longueur sans que le profil du parapet ne vienne s'appuyer sur le revêtement de gorge, disposition proscrite par le comité, les officiers du génie Corrèze et Pallard ont introduit un changement dans le plan du front de gorge : la face gauche du bastionnet 2 est étirée du triple de sa longueur initiale, pour envelopper le profil des terrasses d'artillerie en dégageant un chemin de ronde assez large. Pour équilibrer l'aspect du front de gorge, la face droite du bastionnet 1 est également rallongée, mais dans une moindre mesure. De ce fait, il s'agit désormais davantage de bastions asymétriques que de bastionnets.

L'ensemble des changements aboutit à un élargissement général de la moitié gauche du fort, aux dépens de la moitié droite, ce qui permet de réintroduire le magasin à poudre (identique à celui prévu au fort du Cap Brun) à gauche de la cour, adossé à l'angle des terrasses. Ces changements affectent aussi la symétrie du front de gorge, jusque là préservée dans les projets. Le bastionnet de droite (1) y étant un tiers moins large que celui de gauche (2), la caserne n'est plus vraiment au centre ; en revanche, son axe coïncide désormais avec celui du front de tête (bastionnet 4) Le projet propose de traiter le chemin de ronde d'infanterie et les plates-formes des bastionnets avec un parapet à bahut.

Les revêtements du front de gorge ne sont plus proposés crénelés, la façade de la caserne est plus sobre, sans bossages aux angles; la porte à pont-levis est dessinée conformément aux modèles classiques du temps, avec une saillie marquée de l'encadrement, le système mécanique du pont-levis à la Poncelet ayant déjà été acheté en même temps que ceux de Malbousquet et cap Brun, par souci d'économie. Pour la caserne, le comité a préconisé de remplacer le grand escalier du passage central par deux petits aux extrémités. La capacité de la caserne est revue à la baisse : 150 hommes sur lits ordinaires ou 220 hommes sur lits de camp, sans compter les chambres d'officiers dans les petites casemates de culées. La citerne peut être limitée à un seul berceau au lieu de trois (volume ramené à 289 m3, adapté à 300 hommes pendant 7 mois. La dépense de l'exercice 1847 se limite à 3700 fr, pour des travaux de préparation du terrain.

Reconduit en 1849, mais sans début de construction, le projet de 1848 est à nouveau reconsidéré pour 1850-1851, sans en changer les grandes lignes, en tenant compte des avis du comité du 20 juin1849, et de l’inspecteur général pour la même année 20. Il s'agit d'améliorer des points de détails, des questions de dimensions et de symétrie relative, et d'adaptation optimale aux directions de tir. Une nouvelle série de dessins est rendue le 21 décembre 1849 par le capitaine Adrien-Charles Salanson, sous la direction du lieutenant colonel Bauchetet, nouveau chef du génie de Toulon.

Le calage de l'assise est encore revu, en avançant un peu vers l'ouest, et le plan du fort est agrandi d'une quinzaine de mètres dans son grand axe nord-sud, en gagnant surtout au nord. Cet agrandissement s'accompagne d'un rééquilibrage du front de tête (3-4-5), en revenant au principe des projets de 1845 et 1846, avec un côté gauche (3-4) légèrement plus court que le droit (4-5), mais presque symétrique. Le front de gorge est un peu moins asymétrique, même si la face droite du bastion 1 y reste un peu moins longue que la face gauche du bastion 2. La caserne, en revanche, est augmentée en longueur, occupant la majeure partie de la courtine entre ces deux bastions, sa capacité y gagnant deux casemates, pour satisfaire à l’avis de l’inspecteur général, qui prévoit l'intégration d'un magasin pour l’artillerie, car ce service se plaint d’avoir été oublié aux forts du cap Brun et de Malbousquet. La culée sud est consacrée au logement de six officiers, celle du nord peut loger onze sous-officiers et une cuisine. Les casemates principales ont une capacité de 160 hommes, sur des lits ordinaires. Une traverse en maçonnerie est prévue à l’extrémité de la branche droite du parapet, près de la caserne, abritant des latrines. L'augmentation de la caserne est la cause principale du surcoût entre le projet du fort en 1849, qui s'élève à 369.000fr, et celle du projet pour 1850-1851, qui atteint 484.700 fr. Sur préconisation du comité, les dimensions des bastionnets sont normalisées, avec des faces de 13m et des flancs de 6m, ce qui entraine la réduction de la taille du bastion 4, par rapport au projet précédent. Le magasin à poudres est proposé plus grand, pour 12 tonnes de poudres en barils de 50kg, car il doit être en capacité de satisfaire également aux besoins de la batterie de côte.

Le 24 décembre 1851, une conférence entre capitaines de l'artillerie et du génie tend à déterminer l'armement à prévoir pour les batteries du fort, qui n'est pas fixé mais évalué à 10 canons de 8, 12 et 16 livres, qui nécessiteront 8,4 tonnes de poudres du magasin. La terrasse sommitale de la caserne est vouée à porter des pièces de montagne de façon non permanente.

Pour l'exercice 1852-1853 21, un nouveau projet est établi, tenant compte des avis du comité du 20 mars 1850, ce qui reste possible, les travaux de construction n'ayant pas commencé. Les principales adaptations proposées du plan de 1851 sont d'ultimes ajustements au site, un angle plus aigu au milieu du front de tête, faisant gagner un peu de place dans la cour, joint à la mise en place du magasin à poudres dans cet angle de la cour, à la gorge du bastion 4, et la création d'un mur-parados refermant les extrémités des branches latérales du "cavalier" (parapets des fronts latéraux) jusque contre les culées de la caserne. La nouvelle implantation du magasin à poudres modifie la disposition de la poterne vers le bastionnet 4, qui ne peut plus partir de la cour, de plain pied : elle part désormais de la terrasse d'artillerie et ne traverse plus que le parapet, en rampe voûtée descendante. Une variable est tolérée dans la largeur des faces des bastionnets, jusque 15m, au bénéfice de celui du front de tête (4). Les revêtements d'escarpe, prévus hauts de 10m, peuvent être réalisés à l'économie en réduisant leur épaisseur, de même que les revêtement de contrescarpe, prévus en roc et pierre sèche au lieu de moellons hourdés. Il est préconisé de remplacer l'étage de la caserne par un étage de soubassement, et de supprimer les culées, tout en maintenant la capacité : 160 hommes, en majeure partie dans cinq casemates pour 28 hommes. Ces dernières adaptations procurent théoriquement une économie de 54.000 francs.

La construction du fort 1854-1858

[Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] 1854.[Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] 1854.Le projet pour 1854-1855 22, rédigé et dessiné le 21 mars 1854 par le capitaine Meunier sous la direction du colonel Revel, directeur des fortifications de Toulon et du chef du génie, intègre d'ultimes modifications issues de l’avis du comité des fortifications du 15 juin 1852, modifications cette fois définitives, le fort étant effectivement construit conformément à ces plans, à partir de 1854 (la dépense cumulée jusque l'année 1853 incluse n'étant que de 4000 fr.) On apprend des apostilles du mémoire qu'il était question un temps de conserver, en avant du front nord (5-1), une des deux flèches du retranchement en pierre sèche de 1813, en la restaurant, mais le réglage en hauteur des glacis ne l'a pas permis. L'orientation de ce front latéral 5-1 est à nouveau modifié pour que la plage ouest du Lazaret soit battue par la branche du "cavalier". Cette modification accuse, dans le plan du fort, le décalage à gauche de l'axe du front de tête (3-4-5) par rapport à celui du front de gorge (1-2), étirant la diagonale nord / sud (axe passant par la capitale des bastionnets 1 et 4, dont l'angle est aigu) et réduisant celle du nord-ouest / sud-est (axe passant par la capitale des bastions 1 et 4, dont l'angle est obtus).

Le mur-parados reliant les branches latérales du "cavalier" ou parapet d'artillerie, à la caserne sont remplacées par un retour d'équerre du parapet lui-même, relié au culées de la caserne pat un court segment de mur, ce qui complète le défilement de la cour et procure des positions de tirs vers l'est. Ce changement supprime totalement les différences de longueur entre branche gauche et branche droite du "cavalier" (fronts latéraux 2-3 et 5-1) qui caractérisaient les projet de 1848 et 1850, et permet de faire passer le retour d'équerre du parapet, des deux côtés, en retrait de la gorge des bastions 1-2, et des segments de courtines alignées à la façade extérieure de la caserne. Il n'y a donc plus de contrainte imposée à la face gauche du bastion 2. Pour autant, les bastions 1 et 2 ne redeviennent pas des bastionnets ordinaires, comme dans l'état des projets de 1846-1847 : leurs faces participant du front de gorge restent plus longues que celles participant des fronts latéraux, mais cette longueur est équivalente sur les deux bastions, la contrainte n'existant plus. De ce fait, le front de gorge peut recouvrer la symétrie que lui donnaient les projets de 1845 et 1846, la caserne étant bien centrée.

En revanche, un changement nouveau altère un peu cette symétrie reconquise : la porte du fort, invariablement prévue au centre de la caserne depuis la proposition de Séré de Rivières en 1845 jusqu'en 1852, est déplacée immédiatement à côté, dans le court segment de courtine qui la relie au bastion de gauche (2), comme la porte du fort de la Croix des Signaux de 1853 est à gauche de la tour-modèle de 1813. Ce changement libère la casemate centrale pour le casernement. Le premier niveau casematé régnant en soubassement, conformément à l'avis du comité de 1850, la délibération du même comité du 15 juin 1852 a arrêté de retrancher la façade postérieure de la cour du fort par un fossé, dans lequel les casemates basses, affectées aux magasins, logement du concierge, corps de garde, salle de police, cuisine, peuvent prendre jour. La porte de la caserne, au rez-de-chaussée, c'est à dire au niveau du casernement, s'ouvre toujours dans la casemate d'axe, au centre de la façade sur cour. Elle est proposée avec un pont-levis, à l'imitation des portes des réduits de batteries de type 1846 ou des casernes défensives (bien qu'elle ne soit pas crénelée).

En 1854 est réalisé le déblai complet du fossé des courtines 2-3 et 3-4, et le déblai partiel de celui des autres côtés ; les parapets du cavalier sont massés, la poterne vers le bastion 4 réalisée, les glacis sont en partie réglés. En 1855 sont faits les déblais de la caserne, de la citerne, de l’emplacement du magasin à poudre, et les maçonneries des escarpes sont commencées. La construction des escarpes et contrescarpes est programmée pour 1856 et achevée l'année suivante. Il est proposé d’élever les maçonneries de revêtement sur toute l’étendue de l’enceinte pour ne pas laisser le roc à l’air. L'essentiel des bâtiments du fort, la caserne, le magasin à poudres (d'une contenance finale de 18 tonnes) sont construits en 1857, et le chantier se termine en 1858 par les couronnements. Dans l'état réalisé, la terrasse des trois bastionnets du front de tête est surmontée d'un épais cavalier comportant aussi deux faces et deux flancs, bordé d'un parapet en terre profilé en glacis, mais adapté au tir d'infanterie, ses flancs sont retroussés pour dégager et laisser accessibles ceux du bastion proprement dit, bordés plus bas d'un parapet crénelé.

Armement

En 1869, le plan de répartition de l’artillerie terrestre optimale sur les ouvrages de fortification de Toulon donne un croquis de principe de l'armement du fort Saint-Elme (avec numérotation différente des fronts, inverse aux aiguilles d'une montre :1-5 pour le front de gorge, 2-3-4 pour le front de tête) 23. La face droite du front de tête est armée de deux obusiers de 16cm pour enfiler l'isthme des Sablettes, la face gauche de deux obusiers de 12 pour soutenir la batterie de Saint-Elme et battre le mouillage, l'angle nord-ouest, d'un obusier de 16 pour battre les abords de l'isthme des Sablettes, le front latéral nord d'un canon de 12 de siège pour battre les versants sud de la presqu'île de Balaguier, la face latérale sud d'un obusier de 12 pour battre la plage des génois. Enfin, le retour d'angle du parapet à l'est, au dessus du bastion gauche de front de gorge, est armé de deux canons de 12 de siège pour battre la presqu'île de Cépet. Cette répartition correspond bien aux dix pièces et au calibres projetés en décembre 1851. L'armement indiqué est théorique, probablement pas en place en 1869, ce dont attestent deux rapports de la Commission de défense du littoral de 1872 et 1873 24, qui constatent que le fort Saint-Elme n'est pas armé, ce à quoi il doit être remédié, en plaçant à court terme quatre obusiers de 22cm sur le front sud du fort pour battre la plage des Sablettes, qui doit être aussi contrebattue par les forts du Caire (Napoléon) et de Six-Fours. La commission est d’avis de supprimer les batteries de Saint Elme et de Fabrégas, susceptibles de destruction rapide. Elle propose d’édifier, en cas de besoin, un ouvrage de campagne côté terre de l’isthme pour résister contre une troupe débarquée.

Cette évolution fait suite à une redéfinition de la défense des côtes, objet d’une Instruction du 30 mai 1872 25. Les progrès parallèles de la flotte de guerre à vapeur et de l’artillerie à longue portée, désormais rayée (ce qui décuplait portée utile et précision à l’impact), ouvre la voie à une nouvelle génération de batterie de côte, implantée désormais en altitude, donc potentiellement sur des forts de hauteur (ce qui était jugé inefficace en 1845) et armée avec des pièces d’artillerie de marine.

Au Cap Brun, les terrasses du fort sont ainsi armées de douze canons en décembre 1873, finalement sans abandon de la batterie de côte (pourtant envisagée en 1876), et avec création, en 1878, d'une batterie haute ouverte devant la porte du fort. Dans la presqu'île de Saint-Mandrier, le fort de la Croix des Signaux, d'abord réarmé, est complété, aussi en 1878, d'une batterie extérieure beaucoup plus importante, qui le remplace dans la fonction de batterie de côte d'altitude, sans disqualifier la batterie de la Carraque, à son pied, augmentée d'une batterie de rupture. Au sein de ces réorganisations, l'armement du fort Saint-Elme, moins important que celui du fort du Cap Brun, n'entraîne finalement pas la suppression de la batterie de côte de Saint-Elme, pourtant prévue par le plan de défense de la rade de Toulon de 1876, approuvé le 4 avril 1877 26: cette batterie jugée vulnérable est réorganisée et renforcée en 1877-1878. Les batteries des dessus du fort ne sont pas non plus augmentées d'une batterie extérieure contiguë, au même niveau, ce à quoi la topographie du site ne se prête d'ailleurs pas.

Le croquis de répartition de l'armement du fort en 1869 porte un légendage manuscrit, probablement ajouté en 1876, qui donne d'autres précisions : l'armement de sûreté doit se composer de six pièces, protégées par trois traverses abris et par une traverse pleine, et l'armement de défense de treize pièces, ce qui nécessite deux autres traverses pleines. Le "cavalier" ou parapet d'artillerie du fort avait été construit sans traverses en 1858. L' Etat d’armement transitoire de la place de Toulon établi conjointement par les services de l'artillerie et du génie le 7 janvier 1874 27, précise que la branche droite du cavalier bat la rade au nord avec deux canons rayés de 8 de campagne, la face droite du front de tête bat les Moulières avec 3 canons rayés de 12 de campagne, la face gauche battant les Sablettes avec un canon de 24 ou 27 de marine, et la plage de Fabrégas, avec deux obusiers rayés de 22 cm. Enfin, la branche latérale gauche bat le large avec 2 obusiers de côte rayés de 22. Il est demandé d'établir une traverse pleine sur le parapet de la face droite du front de tête pour se défiler des vues de la mer, et une autre traverse sur la face gauche, pour se couvrir des vues de Fabrégas.

Les nouvelles normes spécifiques aux batteries de côte sont posées en principe par une circulaire du 18 mars 1876 28. Les pièces doivent être placées à barbette sur des plates-formes de maçonnerie séparées par des traverses-abris, une par pièce ou, au plus, par deux pièces, ce qui correspond à ce que propose le légendage manuscrit ajouté en 1876 sur le croquis d'armement du fort de 1869. Selon le type de batterie, les calibres oscillent de 16 cm à 32 cm. Les deux traverses demandées en janvier 1874 pour le fort Saint-Elme ont été réalisées à la suite, avant les nouvelles normes de 1876 : elles figurent sur une feuille d'atlas des bâtiments militaires datée du 27 septembre 1875, consacrée au casernement du fort Saint Elme, et sur une autre feuille d'atlas, non datée mais de peu postérieure (vers 1878-1880), figurant les dessus du fort 29. Il s'agit, à gauche, d'une traverse-abri casematée, et à droite, d'une traverse pleine. L'armement indiqué (proposé mais non réalisé ?) sur le plan des dessus ne concerne que des canons de 8 répartis sur le côté droit du fort, en deux sections d'artillerie, de part et d'autre de la traverse pleine : deux canons entre le bastionnet d'axe (4) et cette traverse, cinq canons à droite de la traverse, dont trois sur la face droite du front de tête, un au-dessus de l'angle et du bastionnet nord-ouest (5), un sur la branche latérale nord.

L'Atlas de batteries de côte de 1881 crédite le fort Saint Elme de six obusiers de 22cm sur affûts marins, servis par 12 canonniers et 36 auxiliaires, ce qui correspond à l'état d’armement du fort constaté par le rapport de la commission du 28 novembre 1876 30. Le plan d'atlas non daté (c. 1878-1880) figurant les dessus du fort, indique en pointillé la présence d'un petit magasin (à poudres ou à munitions?) enterré, avec sas, sous le retour d'équerre de la branche gauche du parapet, à côté de la caserne et du mur-parados, faisant pendant avec les latrines du fort, situées au bout du retour d'équerre de la branche droite du parapet. La feuille d'atlas du 27 septembre 1875 consacrée au casernement du fort donne un détail des latrines, du magasin à poudres de 1857, mais pas de ce magasin enterré. Il a donc été construit plus tard, vraisemblablement vers 1878-1880, époque à laquelle l'enterrement des magasins était préconisé (modèles de magasins à poudres de 1868 et 1874) pour mieux les mettre à l’épreuve des progrès de l’artillerie. La batterie de huit pièces (de 19 et de 24cm) de la Croix des Signaux, construite à neuf en 1878 à côté du fort, comporte un grand magasin enterré de ce type.

En revanche, c'est à une date un peu plus tardive qu'est aussi enterré le magasin à poudres principal du fort, construit en 1857 au fond de la cour, à l'arrière du bastionnet 4, avec couloir d'isolement à ciel ouvert cerné d'un simple mur. Il n'est pas encore enterré sur le plan des dessus sur lequel figure le petit magasin annexe, vers 1878-1880. Par comparaison, on peut mentionner que l'enterrement d'un magasin à poudres préexistant avec toit et mur d'isolement (en voûtant le couloir d'isolement) a été effectué en 1878 à la batterie basse de Lamalgue, et en 1881, sur la presqu'île de Saint Mandrier, à la batterie de la Carraque, s'agissant d'un magasin construit en 1852-1853. Il est donc logique, à défaut de preuves documentaires et de millésime, de situer l'enterrement du magasin principal du fort Saint-Elme en 1881 environ. L'entrée du magasin enterré est placée en face de la porte de la caserne.

Après cette période, le fort, à la différence de la batterie de Saint-Elme, ne subit pas de remaniements importants. Des bâtiments annexes légers sont construits à l'usage de la garnison vers les années 1900, dont un, principalement, dans la cour, deux magasins souterrains sont creusés dans l'escarpe du front de gorge entre les deux guerres, les parapets en terre et la traverse pleine sont écrêtés. Cependant, le fort, déclassé dès le début du XXe siècle, utilisé comme centre de vacances de jeunes après la seconde guerre, est, dans l'ensemble, assez largement "fossilisé".

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Le fort occupe le sommet d'une une éminence naturelle modérée qui termine l'isthme de Saint-Mandrier, en face de l'enfilade de la plage des Sablettes ; il domine au nord le cap Saint-Elme et la batterie de côte, à 33m d'altitude, c'est-à-dire seulement 12m plus haut que la batterie, pour une distance de 160m de l'une à l'autre. L'accès actuel au fort à partir de l'actuelle route départementale 18 (voie rapide), qui borde la rive nord de l'isthme en entrant dans la presqu'île, se fait en empruntant l'ancien tracé parallèle de la départementale, dit "route de Saint-Mandrier", au nord de l'éminence, et en prenant à droite une route en montée dite "ancien chemin du fort", qui arrive au fort parallèlement au fossé du front de gorge. Avant le début du XXe siècle, la partie nord du chemin, accès principal actuel, n'existait pas, et on montait au fort par la partie sud de ce chemin, à partir du chemin côtier qui passait entre la batterie et le fort.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre

Le fort Saint-Elme est le plus grand des deux forts bastionnés construits sur la presqu'île de Saint-Mandrier dans la décennie 1850. La comparaison avec l'autre fort, celui de la Croix des Signaux, fait aussi ressortir un plan plus classique pour un ouvrage de la génération 1840-1850, libéré de toute contrainte d'intégration de constructions antérieures, et donc sans véritable stratification chronologique. A la croix des Signaux, l'intégration d'une tour-modèle de 1813 et la relative exiguïté d'un plan centré forçant à intégrer des locaux casematés en soubassement, rendent l'architecture du fort plus complexe. Rien de tel au fort Saint-Elme, qui présente en revanche une belle unité architecturale.

Le plan du fort est un pentagone bastionné tendant à une certaine régularité, plus développé en largeur (axe nord-sud) qu'en profondeur. Cette régularité relative le différencie de deux autres forts bastionnés contemporains de la place forte de Toulon, également pentagonaux, le fort Saint-Antoine du Mont Faron et le fort du Cap Brun, qui présentent cependant, le second surtout, de nettes analogies dans leur organisation défensive. Les bastions, par leurs dimensions assez réduites, doivent être de préférence plus précisément qualifiés de bastionnets.

Le long front de gorge, face à l'est (115m sans compter la saillie des bastionnets 1 et 2), forme la base du pentagone, deux courtines latérales assez courtes (en moyenne 30m entre flancs de bastions) en forment les côtés, le tout complété par un front de tête (3-4-5) presque symétrique, face à l'ouest, composé de deux courtines plus longues (en moyenne 56m entre flancs de bastions) se joignant en angle obtus au droit du bastionnet 4.

Comme il a été dit dans le développement qui précède sur l'évolution du projet architectural, la géométrie idéale de ce pentagone subit une distorsion, liée à des impératifs d'orientations de tirs, du fait d'un décalage à gauche du front de tête par rapport au front de gorge, l'axe de capitale du bastionnet 4 étant décalé d'environ 14m à gauche de l'axe de la caserne qui occupe le centre du front de gorge. La déformation évoquée engendre, on l'a vu, un étirement de la diagonale nord / sud, passant par la capitale des bastionnets 1 et 3, dont l'angle de capitale est aigu (170m d'angle de bastion à angle de bastion) et réduisant par contrecoup celle du nord-ouest / sud-est passant par la capitale des bastionnets 2 et 5, dont l'angle est obtus (148m d'angle de bastion à angle de bastion).

Les trois bastions, ou bastionnets, du front de tête (3-4-5) se tiennent à peu près au maximum des dimensions préconisées, soit des flancs de 6,50m pour des faces de 15m. Les flancs des bastions du front de gorge sont plus courts (4,50m), et leurs faces participant de ce front, sont beaucoup plus longues (30m pour la face gauche du bastionnet 2 et 28m pour la face droite du bastionnet 1). L’ouverture d’angle rentrant des flancs sur les courtines est constante pour tous les bastions, légèrement obtuse mais proche de l'angle droit, conforme à la norme en vigueur dans la fortification bastionnée depuis la fin du XVIIe siècle. Le front de gorge, occupé en son centre par la façade de la caserne, longue de 47m, donne une impression de symétrie parfaite dans sa géométrie -sinon dans ses aménagements, puisque la porte du fort est décentrée- mais cette impression est un peu faussée. En effet, le cumul de la face du bastion 1 et du segment de courtine attenant, à droite de la caserne, est moins long de 3m que celui de la courtine de gauche et du bastion 2, mais sur une longueur totale développée de 130m, ce décalage est imperceptible. Front de gorge : fossé, façade extérieure de la caserne, bastionnet 1.Front de gorge : fossé, façade extérieure de la caserne, bastionnet 1.

La hauteur des escarpes, du fond du fossé à la crête des parapets d'infanterie des chemins de ronde, est de 10m, et le nivellement à l'horizontale des arases de ce parapet couronnées d'une tablette profilée en glacis, est pratiquement constant, excepté sur les bastionnets du front de tête, dont les parapets, compliqués par la présence d'une sorte de cavalier, sont légèrement pendants vers l'extérieur. Les parements ordinaire de ces revêtements d'escarpe, hors de la caserne du front de gorge, sont réalisés en blocage de moellons de pierre grise claire dure, sommairement équarris tête dressée, relativement calibrés, mis en œuvre avec soin. Les angles sont chaînés en pierre de taille blanche harpée.

L'enceinte du fort est retranchée d’un fossé à contrescarpe revêtue, de tracé tenaillé, à angles rentrants obtus au milieu des courtines, angles saillants arrondis à la capitale des bastions. Le revêtement de cette contrescarpe est monté en blocage plus sommaire dans sa mise en œuvre que celui de l'escarpe, et ne part pas partout du fond du fossé, la roche naturelle ayant été par endroit laissée affleurante et non ravalée en partie inférieure. Cette contrescarpe est pratiquement aussi haute que l'escarpe devant le front de tête, ce qui assurait à celui-ci un bon défilement, mais sa hauteur décroît progressivement devant les fronts latéraux (2-3, 5-1) pour se réduire à 5m sur le front de gorge, c'est-à-dire le rez-de-chaussée du seuil de la porte du fort. Ce fait valorise la monumentalité de la façade extérieure de la caserne au détriment de son défilement.

L’organisation défensive du fort est focalisée sur les batteries d’artillerie, c'est à dire sur le cavalier, comme aux forts du grand Saint Antoine et du Cap Brun. Ce cavalier est aujourd'hui très écrêté, déformé, en partie dérasé. Il enveloppe la cour et borde les courtines sur quatre côtés (2-3,3-4, 4-5, 5-1), se prolongeant sur le front de gorge par des retours, à la gorge des bastions 1 et 2, qui s'arrêtent à 6-7m seulement des culées de la caserne. Le parapet de ce cavalier, comportait en outre deux pans coupés, au droit de la gorge des bastions 3 et 5. On montait au cavalier depuis la cour par deux rampes de roulage, l'une au revers de la branche gauche (2-3, l'autre au revers de la face droite du front de tête (4-5). Elles desservaient le chemin de ronde intérieur, 3m au-dessus de la cour, entouré par les banquettes de tir portant les canons, 1m plus haut, à la faveur d'un mur de genouillère, la crête du parapet en légère pente vers l'extérieur, régnant 1,50m au plus haut au-dessus de ces banquettes, soit 5,50m au-dessus de la cour, ce qui suffisait à défiler la façade arrière de la caserne, haute de 6,10m au-dessus de la même cour.

Les larges talus versants des parapets, qui seuls subsistent encore reconnaissables, dégagent à leur pied un étroit chemin de ronde d'infanterie périphérique courant sur l’arase des courtines et débouchant à la gorge des bastionnets, ou, bordant leurs flancs et faces dans le cas des bastions 1 et 2, plus grands et sans cloisonnement interne. Le parapet maçonné maigre bordant ce chemin de ronde est en moyenne peu élevé (c. 1,30m) et n'est pas crénelé, excepté au droit des flancs des bastionnets. Cette disposition s'explique parce que le chemin de ronde, aujourd'hui mal conservé, déformé et élargi, comportait initialement un mur à bahut, induisant une partition en deux niveaux, le plus haut immédiatement derrière le parapet maçonné du revêtement, soit sur le bahut, permettant de tirer ou de lancer des projectiles par-dessus le parapet, le second en léger contrebas (1m) permettant une circulation de service mieux abritée, au pied du talus du cavalier.

Front de tête : revêtement d'escarpe, courtine 4-5 vue du flanc du bastionnet 5, fossé et contrescarpe.Front de tête : revêtement d'escarpe, courtine 4-5 vue du flanc du bastionnet 5, fossé et contrescarpe.

A ce système de chemin de ronde avec mur à bahut est liée la configuration très particulière et complexe des trois bastionnets du front de tête (3-4-5). Comme on l'a indiqué dans le développement sur l'historique du projet et de la construction, ces trois bastionnets ont -comme le chemin de ronde des courtines, en mieux conservée- une structure interne bipartite, à deux niveaux, mais ces deux niveaux sont actifs, voués à la défense rapprochée par le tir d'infanterie. Le niveau bas se limite aux deux flancs de chaque bastionnet, bordés d'un parapet maigre percé de trois créneaux en montée du chemin de ronde vers l'angle d'épaule, à contre-pente du léger pendage de la tablette.

Le sol de ce flanc partait du niveau bas du chemin de ronde des courtines, et il fallait, depuis le niveau haut du chemin de ronde sur le bahut, y redescendre par une volée d'escalier. De ce point bas, on remontait dans le flanc, en rampe, pour desservir les créneaux de flanquement, puis en escalier, jusqu'à l'angle d'épaule et au parapet non crénelé des faces. Le second niveau de défense est dans la partie centrale du bastionnet, qui, cloisonnée de ces flancs bas et rampants, forme une sorte de cavalier d'infanterie, composé d'un petit chemin de ronde tant sur les faces que sur les flancs, régnant 2,30m plus haut que l'aire intérieure du bastionnet, et que le chemin de ronde inférieur des courtines. Deux petites rampes maçonnées y donnent accès, et le parapet qui le borde est constitué d'une masse de terre très épaisse profilée en glacis, se terminant en haut des arases des faces du bastion par une tablette plate, à l'identique d'un parapet d'artillerie, en sorte que l'on peut s'étonner que cet aménagement n'ait pas été conçu pour le canon (comme c'est le cas pour les parapets épais de deux des bastions du fort du Cap Brun). Ce dispositif inusité n'apportait guère de plus-value à la défense rapprochée, sauf à démontrer les avantages d'un étagement des tirs de flanquement au fusil de rempart, mais il donnait aux faces de ces bastionnets une résistance aux tirs d'artillerie ennemie que n'aurait pas eu un parapet maçonné maigre ordinaire, crénelé ou non.

Front de tête : intérieur du cavalier d'infanterie du bastionnet central 4, vu en plongée depuis la gorge.Front de tête : intérieur du cavalier d'infanterie du bastionnet central 4, vu en plongée depuis la gorge.

Le cavalier d'infanterie du bastionnet 3 est un peu différent des autres, du fait de l'angle de capitale aigu et du plan aussi profond qu'étroit dudit bastion : il est plus exigu et plus refermé à la gorge, les deux rampes y étant remplacées par des escaliers. De plus, la plate-forme régnant à la gorge de ce bastionnet, au pied du pan coupé d'angle du cavalier, est plus spacieuse que dans les deux autres cas, formant une petite place d'armes. Après coup (c'est-à-dire après l'état documenté par le plan du fort vers 1878-1880), un mur de traverse coudé a été construit en travers de cette place d'armes, entre la gorge du cavalier d'infanterie du bastionnet et le talus de terre du grand cavalier du fort, mur percé d'une arcade permettant la continuité du passage sur le chemin de ronde tout en l'étranglant. Un dispositif semblable existe aussi à la gorge du cavalier d'infanterie du bastionnet 5. Il sert aujourd'hui de support à une passerelle métallique construite après guerre pour traverser le fossé du fort. Le fort du Grand Saint-Antoine, sur le Faron, montre plusieurs exemples de murs de traverses du même type, notamment entre le parapet maçonné d'une courtine et le talus d'un grand cavalier d'artillerie, mais dans ce cas, il s'agit d'une disposition d'origine remontant à 1844.

Au revers du front de gorge, le chemin de ronde périphérique inférieur débouche dans l'aire intérieure décloisonnée des bastions 1 et 2 (aujourd'hui en partie encombrée par des bâtiments parasites), au pied du talus des retours du cavalier. Ce chemin de ronde reste élargi comme une cour au revers des courts segments de courtine entre les bastions et la caserne, et nettement dissocié du chemin de ronde haut sur mur à bahut, qui fait partie du revêtement maçonné des bastions et des courtines, gagnant en hauteur sur celles-ci à la faveur d'escaliers.

Le chemin de ronde d'infanterie périphérique, on l'a vu, était mis en communication transversale avec la terrasse du grand cavalier d'artillerie, par une poterne voûtée plongeant vers la gorge du bastionnet 4. Ce dispositif existe encore, mais il est masqué depuis l'intérieur du fort par la masse couvrante de terre rapportée vers 1881 sur le magasin à poudre de 1857. Du fait de cet enterrement, le magasin n'est plus décelable de la cour du fort que par sa porte alors créé en enclave dans le flanc du revêtement en terre, encadrée de deux murets de profil évasés. Porte d'entrée du magasin à poudre enterré, au centre de la cour, et traverse-abri de la courtine 4-5.Porte d'entrée du magasin à poudre enterré, au centre de la cour, et traverse-abri de la courtine 4-5.C'est une large arcade couverte d'un arc plein-cintre à claveaux en pierre de taille blanche saillant un sur deux, dont la facture soignée contraste avec le parement des murs de façade et de profil qui l'accueillent, parement grossier en opus incertum, typique des décennies 1880-1890. Le magasin lui-même (non visité), desservi par un vestibule voûté qui fait suite à l'arcade d'entrée, se limite à l'ancienne salle de stockage des poudres, voutée en berceau brisé. Le couloir d'isolement voûté n'a pas été aménagé (comme à la batterie de la Carraque) entre les murs du magasin et ceux de l'ancienne enceinte d'isolement, cette zone étant entièrement comblée; ils sont réservés dans la salle elle-même, par la construction de murs diaphragme maigres en briques sous les retombées de la voûte, selon une formule employée en 1878 pour le magasin à poudres neuf de la batterie de la Croix des Signaux. Ici comme dans les autres magasins de cette génération, un créneau à lampe est aménagé dans le mur de fond du magasin, desservi depuis la branche postérieure du couloir d'isolement, avec cheminée d'aération au-dessus.

A l'arrière de ce magasin à poudres enterré, subsiste la traverse pleine de la face droite, ou courtine 4-6, du front de tête du grand cavalier, traverse construite vers 1878. Il en reste le mur de profil, parementé en pierre calcaire dure ébauchée, équarrie et assisée. La porte percée dans ce mur vers un magasin de traverses a été remaniée tardivement (2e guerre mondiale) Le passage entre ce mur de profil et la masse couvrante de l'enterrement du magasin à poudres donne lieu à un autre mur de profil recoupant cette masse couvrante, construit en opus incertum grossier.

La seconde traverse, celle de la face gauche du front de tête du grand cavalier, également construite vers 1878, est une grosse traverse-abri, assez bien conservée. Sa façade d'entrée actuelle a sans doute été refaite, en retrait de celle d'origine, vers 1881, car elle ne correspond pas à la disposition indiquée sur le plan du fort datable de 1878-1880, mais ressemble à la façade de la porte du magasin à poudre enterré, avec sa grande arcade plein-cintre à claveaux en pierre de taille (grès roux) extradossés en escalier et ses deux murs de profil évasés en opus incertum. L'abri, ancien magasin d'artillerie, un peu surhaussé du sol de la terrasse du cavalier, est une casemate voutée en berceau au gabarit de l'arcade d'entrée, revêtue d'un enduit couvrant. Elle est refermée, sous l'arcade d'entrée, d'un mur léger du XXe siècle, avec porte centrale encadrée symétriquement de fenestrons carrés.

Un autre magasin enterré, celui figuré sur le plan de 1878-1880, sous le retour de la branche gauche du cavalier au revers du front de gorge et de son bastion 2, n'a pu être visité, car il abrite un local technique sécurisé. On peut cependant parfaitement voir sa porte d'entrée dans le mur d'appui du talus du cavalier, parementé en blocage, haut de 3m à cet endroit. Elle est encadrée en pierre de taille de grès gris bouchardée, couverte d'un arc segmentaire à claveaux extradossés en escalier, et surmontée d'un ancien jour condamné, également couvert en arc segmentaire. L'arc de la porte et le jour sont surmontés d'un larmier en ciment. Le plan de 1878-1880 permet de préciser que la porte débouche dans le sas par un petit côté, que la salle de stockage du magasin est à gauche en entrant dans le sas, et que son grand axe est parallèle au revêtement du talus du retour du cavalier, donc au front de gorge du fort.

La porte à pont-levis du fort s'insère dans le court segment de courtine qui règne, à gauche de la caserne, entre le mur de culée de celle-ci et le flanc gauche du bastion 2. Calée à un mètre de la caserne, donc dans une position assez contrainte, cette porte ne fait pas moins l'objet d'un traitement monumental encore qu' à échelle modeste, composant un encadrement architecturé vertical couronné d’une corniche et d'un attique, se détachant en relief ou en avant-corps sur la courtine. Au niveau de la porte, le plan de la courtine est en léger retrait de celui de la façade de la caserne, du fait du fruit qui affecte son élévation, absent de celle de la caserne. Le relief du frontispice de la porte, plus important que celui de la caserne, compense ce retrait et permet de bien détacher le morceau d'architecture, dont la qualité s'affirme aussi par le choix de mise en œuvre, employant exclusivement de la belle pierre de taille de calcaire blanc dur en assises réglées, impeccablement appareillée. Porte à pont-levis du fort, façade d'entrée.Porte à pont-levis du fort, façade d'entrée.

L'ordonnance de la façade est très sobre : l’arcade d’entrée, couverte en plein-cintre, avec claveaux en partie à crossettes extradossés en escalier, est inscrite en retrait de nu dans un tableau rectangulaire destiné à l'encastrement du tablier du pont en position levée. Ce tableau est constitué sur les côtés par le relief d'une paire de dosserets ou pilastres plaqués sans chapiteaux, et au-dessus, par la saillie de la corniche, ce qui est une simplification du modèle classique dans lequel le tableau d'encastrement du tablier est entouré, et non directement formé, par un encadrement ordonnancé. Selon une disposition très classique, la saillie du soubassement de cette porte, de plan vertical, rattrape le fruit de la courtine, pour s'annuler au fond du fossé, la transition avec le niveau du seuil de la porte étant soulignée par un cordon. Toutefois, le soubassement de la porte du fort Saint-Elme propose une variation originale dans laquelle les seuls pilastres, et ressauts latéraux de l'avant-corps sont construits en pierre de taille blanche et amortis par un cordon, la partie de mur intermédiaire, sous le seuil de la porte, reprenant le fruit et le parement en moellons rustique de la courtine. On note en outre que le soubassement des pilastres n'a pas de fruit, mais s'élargit progressivement jusqu'au fond du fossé.

Pour procurer au mécanisme du pont-levis " à la Poncelet"31 un sas couvert d'une profondeur suffisante, le bâti de la porte monumentale forme aussi un avant-corps sur la face intérieure de la courtine, à la manière d'un pavillon d'entrée sans toit, couvert en terrasse. Du coté gauche, soit à partir du bastion 1, la courtine est doublée en épaisseur par un escalier et un segment de chemin de ronde adossés, plus large que le chemin de ronde sur bahut ordinaire. Cette surépaisseur de la courtine va buter contre la face latérale du pavillon de la porte, annulant sa saillie de ce côté, excepté en partie supérieure.

Le corps postérieur du pavillon, très sobre, est percé d'une seconde arcade couverte en plein-cintre, avec claveaux en partie arasés à l'horizontale (les cinq du haut) en partie en escalier, arcade au-dessus de laquelle un bandeau plat continue le registre de la corniche de la façade extérieure. L'arcade elle même forme un chambranle plat extradossé, les chaines d'angle marquant aussi un léger relief qui exclut les harpages. Tous ces éléments sont en pierre de taille blanche, ce côté de la porte employant aussi, pour le parement ordinaire, l'appareil de grès gris plus petit (deux assises pour une assise de pierre blanche), non réglé et plus rustique en finition, qui caractérise les parements ordinaires des façades de la caserne.

Le sas de la porte, entre les deux arcades, est couvert d'une voûte en berceau, et abrite le mécanisme du pont-levis « à la Poncelet » (en usage depuis 1820), facile à intégrer dans un sas peu profond. Deux grandes niches renfoncées dans les murs latéraux incorporent un piédroit terminé par une assise en console qui porte, de chaque côté du sas, l'axe de rotation commun à la poulie de la chaîne de levage du tablier et à sa large roue de guidage à six rayons. Les chaînes passent toujours par la courte fente réservée dans le tiers supérieur des dosserets de la façade d'entrée, caractéristique du système Poncelet; elles restent fixées au tablier du pont-levis, bien que le levage ne soit plus possible. L'arcade postérieure du sas est pourvue d'une grille en fer mise en place assez récemment, mais une large feuillure d'origine prouve que cette arcade était munie de vantaux ouvrant vers l'intérieur du sas, qui pouvaient s'effacer sur les côtés sans gêner le mécanisme du pont-levis, celui-ci étant entièrement inclus dans les niches latérales. En façade extérieure l'inscription "FORT SAINT ELME" est gravée et peinte en noir sur la seconde assise de l'attique, tandis que le millésime 1857 est gravé au-dessus de la clef de l'arcade postérieure. Cette répartition, et la conception du sas de la porte, sont semblables à celles de la porte du fort de la Croix des Signaux, millésimée 1854.

L'arcade postérieure du sas franchie, le passage d'entrée monte en rampe vers la cour intérieure du fort, desservant au passage, à gauche, le chemin de ronde inférieur vers le bastion 1, et, à droite, le fossé d'isolement de la caserne, qui borde la culée gauche de celle-ci. Ce fond du fossé de la caserne règne de plain pied avec l'étage de soubassement de cette caserne et avec le seuil de la porte à pont-levis, à la cote d'altitude 30,50m, c'est-à-dire a minima 2,50m plus bas que le sol de la cour (altitude 33m à 33,40m). La cote d'altitude 31m est d'ailleurs inscrite dans la montée, en tête du muret garde-corps qui borde la rampe et la sépare, à droite, du fossé de la caserne.

Passage d'entrée de la porte à la cour, mur-parados à arcade entre grand cavalier et culée gauche de la caserne.Passage d'entrée de la porte à la cour, mur-parados à arcade entre grand cavalier et culée gauche de la caserne.

Le mur-parados qui joint la culée de la caserne au haut mur de profil du retour du grand cavalier d'artillerie, est implanté plus haut sur la montée, et percé de deux arcades inégales, une pour le passage de la rampe d'accès à la cour, l'autre, plus petite, pour le passage du fossé d'isolement de la caserne. La mise en œuvre des maçonneries de ce mur et de ses arcades est identique à celle de la façade postérieure du sas de la porte à pont-levis, qu'on vient de décrire.

Ce dispositif des deux arcades inégales est reproduit symétriquement dans le mur-parados de droite (nord), bien que la grande arcade ne soit pas liée, de ce côté, à une rampe d'accès de porte ou de poterne. Elle met simplement en communication la cour du fort avec le chemin de ronde périphérique, ce qui est aussi la fonction annexe de l'arcade du mur-parados de gauche. Il faut rappeler que ce chemin de ronde d'infanterie enveloppant par l'extérieur le pied des talus du cavalier, n'a que trois issues: la poterne du front de tête qui le relie à la terrasse du cavalier (et non à la cour) au droit de la gorge du bastionnet 4, et ces deux arcades. On notera que les latrines du fort sont aménagées à côté de la grande arcade du mur parados de droite, sous le parapet en terre du retour du cavalier, leurs portes d'accès étant percées, l'une dans le haut mur de profil de ce parapet, les deux autres dans le revêtement extérieur de ce même retour, à un emplacement symétrique à celui de l'entrée du magasin enterré sous le retour gauche du cavalier.

La caserne adopte un plan-type qui semble s'être fixé en 1845, pour les casernes défensives de forts, comme celui des corps de garde crénelés servant de réduit des batterie de côtes s'est fixé en 1846. Avant ces dates, le même type de plan avait déjà été proposé dans différents projets, car la fécondité particulière de la décennie 1840, en termes de constructions militaires, notamment dans les secteurs littoraux, faisait ressentir fortement la nécessité de définir des normes. La caserne du fort Saint Elme présente à cet égard de nettes ressemblances avec celle du fort du Cap Brun, construite dix ans plus tôt conformément à un projet dessiné par le capitaine Séré de Rivières. Dans le cas du fort Saint-Elme, la caserne est le résultat de l'application de normes alors bien installées, et de nombreux compromis ; il serait vain d'y rechercher la paternité d'un officier du génie en particulier, moins encore Séré de Rivières qu'un des autres signataires des projets successifs, de 1845 à 1853. Quoiqu'il en soit, les analogies avec la caserne du Cap Brun, au-delà du plan-type dans son principe, sont nombreuses : implantation au milieu du front de gorge d'un fort bastionné pentagonal avec haut cavalier d'artillerie couvrant, échelle de dimensionnement, partitionnement en deux niveaux casematés sous toit terrasse, nombre de casemates, etc. La principale différence tient à la moindre hauteur de l'élévation, le premier niveau logeable de la caserne du Cap Brun étant en rez-de-cour et non en soubassement.

Caserne, façade sur la cour retranchée par un fossé d'isolement de l'étage de soubassement.Caserne, façade sur la cour retranchée par un fossé d'isolement de l'étage de soubassement.

Longue de 47m, pour une profondeur ou épaisseur de 17m, la caserne du fort Saint Elme comporte, sur deux niveaux (étage de soubassement et rez-de-cour) cinq grandes casemates médianes transversales voûtées en berceau segmentaire, prenant jour par une fenêtre d'axe dans les deux grandes façades. Larges de 5,50m, profondes de 15,20m, leur hauteur sous voûte varie de 4m au rez-de-cour, à 3m à l'étage de soubassement, le berceau des voûtes étant par conséquent plus surbaissé en soubassement. Cette série principale de grandes casemates de logement de soldats est contrebutée aux deux extrémités par les trois petites casemates perpendiculaires des travées de culées, voûtées en berceau plein au niveau 2, surbaissé au niveau 1. Ces petites casemates prennent jour d'un seul côté, dans les façades des culées, soit les petits côtés de la caserne. Toutes les voûtes sont construites en blocage de pierre dure non équarries, ce qui est révélé dans l'état actuel de certaines casemates, par la chute ou par le piquage d'un enduit couvrant plusieurs fois repris et repeint jusque dans les années 1970.

Les murs latéraux des culées, participant des deux grandes façades (sur cour et sur le grand fossé du front de gorge) sont deux à trois fois plus épais (2,30m) que les autres murs de façade ou de refend, aux dépens du volume intérieur, et ils sont aveugles. La vocation de cette surépaisseur est d'absorber la poussée des voûtes des casemates de culées. Ces murs épaissis sont en très léger relief sur le nu des deux grandes façades, créant une animation simulant des pavillons, aux deux extrémités, le décrochement de nu y étant souligné par des chaînages en pierre de taille blanche.

La différence d'élévation intérieure d'un niveau à l'autre, est présente aussi à la caserne du Cap Brun mais n'y affecte pas l'aspect des fenêtres. Dans le cas de la caserne de Saint Elme, en revanche, les fenêtres du rez-de-cour sont hautes, à encadrement rectangulaire de proportions verticale, avec embrasure partant du sol et allège maigre, tandis que celles de l'étage de soubassement sont de proportions à peu près carrées, pour ce qui est de la grande façade sur cour (où elles donnent dans le fossé d'isolement) et des façades des culées. Dans la façade extérieure, sur le grand fossé, ces fenêtres de l'étage de soubassement se réduisent encore en hauteur de jour, devenant un fenestron de proportions horizontales, sans embrasure au sol vers l'intérieur. Toutes les fenêtres sont encadrées en pierre de taille blanche, avec harpage et plate-bande de couvrement épaisse. La pierre de taille de cette nature est par ailleurs réservée aux encoignures (chaînes d'angle harpées), à un bandeau courant à hauteur de l'appui des fenêtres du rez-de-cour, à une plinthe en bas des façades et à une corniche en haut, portant un muret attique. On a déjà décrit, à propos de la porte du fort, le parement mixte contrasté créé par l'assemblage de ces éléments encadrants en pierre de taille blanche et des parements ordinaires en petit à moyen appareil (deux assises pour une assise de pierre blanche) de grès gris-vert, soigneusement équarri et assisé, mais d'aspect plus rustique. Caserne, façade extérieure sur le fossé du front de gorge.Caserne, façade extérieure sur le fossé du front de gorge.

Il existe une nette différence de monumentalité entre la façade sur cour et la façade extérieure dominant le fossé du front de gorge. La seconde présente un aspect imposant, car elle est bien dégagée des vues par la largeur du fossé, et par la moindre hauteur de la contrescarpe, réduite de ce côté à 5m en moyenne (le fond du fossé n'est pas parfaitement plan, mais légèrement déclive du nord au sud). De plus, à l'élévation propre des étages casematés, dont l'étage de soubassement, soit 9m, s'ajoute en sous-œuvre celle du revêtement d'escarpe du fossé habillant le socle rocheux, soit 5m, ce qui donne une élévation murale totale de 14m, certes très inférieure à celle de la façade sur fossé de la caserne du Cap Brun, et somme toute assez modérée en proportion de la longueur du bâtiment, mais tout de même monumentale. Cet effet est renforcé par l'austérité des lignes de cette façade, par la dimension réduite et la position un peu surhaussée des fenêtres de l'étage de soubassement, et par le choix remarquable, jamais mentionné dans les projets, d'un appareil à bossages rustiques pour le parement courant du socle ou revêtement d'escarpe, choix habituellement réservé depuis le XVIe siècle à des revêtements de courtines ou de bastions. Il faut préciser que les chaînes d'angle en pierre de taille blanche délimitant les travées de culées en légère saillie, se continuent dans ce revêtement de socle, et sont elles-mêmes traitées en bossage, tabulaire.

Par contraste, la grande façade opposée, vue de la cour du fort et de son cavalier, semble réduite à une longue bande horizontale, c'est-à-dire à son seul second niveau, du fait de l'enfoncement du premier dans le petit fossé d'isolement de la caserne. On a vu que les impératifs du défilement avaient invité à placer le premier niveau casematé sous le niveau de la cour intérieure du fort et non au dessus, à la différence du choix fait au fort du Cap Brun. Le fossé d'isolement, bordé d'une contrescarpe revêtue, avec muret garde-corps, arrondie aux angles, est assez modeste, large de 3m et profond de 2,50m, devant la façade à laquelle il fait écran. Sa principale justification semble avoir été de permettre la prise de jour des cinq casemates de soubassement de ce côté, au lieu de les enterrer, mais il s'apparente aussi à un retranchement défensif intérieur, à vrai dire peu justifié, la caserne n'étant pas du type caserne défensive crénelée, et le fossé disparaissant au fil du dénivelé devant les façades de culées.

Cette ambiguïté quand à l'aspect défensif se manifeste principalement dans la porte de la caserne, ménagée au centre de la façade sur cour, et dans l'axe de la casemate centrale du rez-de-cour. Cette porte devait nécessairement être précédée d'une passerelle franchissant le fossé d'isolement, mais il aurait pu s'agir d'une passerelle dormante. Or, l'encadrement, peu différent à première vue de celui d'une fenêtre, a été traité comme celui d'une porte de corps de garde crénelé de batterie de côte, avec feuillure extérieure élargie offrant un tableau d'encastrement pour la planchette d'un pont-levis piétonnier. Le système de levage était assurément rudimentaire, simples cordes jouant sur des poulies sous l'arrière-voussure, car la relative minceur du mur de façade n'offrait aucune possibilité de sas. La planchette, longue d'un peu plus de 2m, retombait sur une culée en saillie dans le fossé, desservant latéralement deux volées opposées d'escaliers adossées à la contrescarpe et descendant dans le fossé. L'ensemble de ce dispositif défensif un peu anecdotique est aujourd'hui supprimé ou modifié (les volées d'escalier existent encore), et peu lisible de l'intérieur. Cette porte à pont-levis donne accès à une casemate de casernement ordinaire, les avis du comité des fortifications ayant dissuadé d'y établir, dans le tiers postérieur du volume, le grand escalier central commun à nombre de casernes de ce type, en l'occurrence jugé trop encombrant.

Cour du fort, bâtiments XXe s, façade et fossé d'isolement de la caserne, passerelle d'accès.Cour du fort, bâtiments XXe s, façade et fossé d'isolement de la caserne, passerelle d'accès.

La distribution interne des cinq grande casemates se fait par une communication longitudinale en corridor passant au milieu des murs de refend, de part et d’autre de laquelle pouvaient être établies des cloisons non pérennes définissant deux chambrées de soldats par casemate. Le plan d'état des lieux en 1875 montre qu'à cette date, la majeure partie des casemates reste décloisonnée. Les rares cloisonnements correspondent à la réservation de demi-casemates dans une casemate du soubassement, pour le concierge et pour la salle de police, les autres casemates de ce niveau étant des magasins (vivres, artillerie) et le recoupement de deux autres, au rez-de-cour, dont une réservée pour une chambre de sous-officiers. Dans l'état actuel, presque toutes les casemates sont recloisonnées.

Les trois casemates de culées communiquent entre elles à partir de celle du centre, qui est aménagée en cage d'escalier, en recoupant la voûte en berceau surbaissé du soubassement. Dans d'autres caserne du même type (et dans les corps de garde crénelés 1846), il n'y a d'escalier que dans une des culées, ce qui a été doublé ici faute d'un grand escalier au milieu de la caserne. Ces deux petits escaliers à volées droites et repos sur vide central, à marches monolithe engagées dans les murs de la cage, existent encore, peu modifiés dans leur forme, mais altérés dans son second œuvre : changement de sa rampe en fer, mise en peinture et carrelage des dessus de marches. On note le fait qu'à l'étage de soubassement, la fenêtre de la casemate servant de cage d'escalier, semble avoir été dès l'origine remplacée une porte de service (c'est déjà le cas sur les plans de 1875) donnant de plain-pied vers le chemin de ronde bas et vers la rampe et la porte d'entrée du fort. Ces deux issues basses vers l'extérieur, à chaque extrémité, incompatibles avec une conception éventuellement défensive du programme de la caserne, renforcent l'incohérence du choix d'un pont-levis pour la porte principale sur cour. Les autres casemates de culées étaient utilisées, au niveau 1 (soubassement) pour un corps de garde, une loge de concierge, une cuisine, un magasin du génie, et, au niveau 2 (rez-de-cour) pour des chambres d'officiers, de sergent major et fourrier.

Caserne, porte de communication de la travée de l'escalier à une casemate latérale de la culée gauche.Caserne, porte de communication de la travée de l'escalier à une casemate latérale de la culée gauche.L'intérieur actuel de la caserne, très réaménagé et recloisonné dans l'après guerre pour l'usage de centre de vacances, présente peu de détails architectoniques intéressants, et pratiquement plus de menuiseries anciennes. A peine peut-on mentionner les petites portes cintrées communiquant aux casemates de culées depuis l'escalier, au niveau 2n, cintrées avec arrière-voussure "de Marseille"32, et un vantail de porte uni, peut-être d'origine.

La plate-forme supérieure de la caserne n'est accessible que par le prolongement élargi du chemin de ronde hauts "sur bahut" des petites courtines du front de gorge, en passant par des échelles au-dessus du sas de la porte du fort. Elle est intéressante par ce qu'elle a conservé son revêtement d'origine pavé en grosses dalles de terre cuite, formant sur chaque moitié de la caserne quatre plans triangulaires en très légère pente versante convergente, la pointe des deux groupes de quatre triangles convergent en un point bas ou une gouttière verticale descend, dans l'épaisseur du mur de refend entre casemates principales et casemates de culées, jusque dans deux citernes localisées sous les culées (et non sous les casemates principales centrales, comme il était projeté).

Caserne , plate-forme sommitale pavée en terre cuite.Caserne , plate-forme sommitale pavée en terre cuite.

1Vincennes, SHD, 1 VH 1831, 1679-1701, n° 23, 25. Malheureusement, la numérotation des ouvrages sur la carte de Vauban ne correspond pas à celle de la carte et du mémoire de Niquet.2Vincennes, SHD, 1VH 1831, 1679-1701, n° 263Vincennes, SHD, 1 VH 1839 1791-1793, n° 30 annexe 54Vincennes, SHD, 1 VH 1840 1799-1811.5Vincennes, SHD, 1 VH 1841 1812-1813. n° 26Vincennes, SHD, 1 VH 1841 1812-1813, n° 127Vincennes, SHD, 1 VH 1841 1812-1813, mémoire n° 328Vincennes, SHD, 1 VH 1842, 1814-1818, n°1.9Vincennes, SHD, 1 VH 1841, 1812-1813, Etat estimatif n°42, feuille de plan n°4.10Vincennes, SHD, 1 VH 1841, 1812-1813.11Vincennes, SHD, 1 VH 1842, 1814-1818.12Vincennes, SHD, 1 VH 1842, 1814-1818.13Commission de défense, Chapitre 10, Frontière de la Méditerranée des Alpes aux Pyrénées, Vincennes, SHD, Ancien Art 4 sect. 2 / 1, Carton 9 n° 314Toulon, SHD 4B1 47 n° 44.15Vincennes, SHD, 1 VH 1862, 1844-1845.16Système à contrepoids conçu vers 1820 par le général Jean Victor Poncelet. Le contrepoids des chaînes agissant sur le tablier est formé d'un chapelet de lourds maillons qui descend dans une fosse à mesure que le tablier se relève. Au fur et à mesure que le chapelet descend dans la fosse, les maillons inférieurs se déposent les uns après les autres sur le sol de celle-ci, diminuant ainsi progressivement la masse du contrepoids. Ce procédé, avec ou sans variante, équipe tous les ouvrages construits ou modernisés entre 1840 et 1875.17Vincennes, SHD, 1 VH 1863, 1846.18Vincennes, SHD, 1 VH 1864, 1847.19Vincennes, SHD, 1 VH 1865, 1848.20Vincennes, SHD, 1 VH 1867, 1850-1851.21Vincennes, SHD, 1 VH 1867, 1852-1853.22Vincennes, SHD, 1 VH 1868, 1854-1855.23Vincennes, SHD, 1 VH 1876, 1868-1869.24Rapports de 1872 rendu le 6 mars et rapport du 22 décembre 1873. Toulon, SHD 4B1 22, n° 27525Instruction destinée à guider les Commissions mixtes d’officiers de l’artillerie, du génie et de la marine qui devront, dans chaque arrondissement maritime, procéder à la révision de l’armement du littoral., Commission de défense des côtes. SHDV ancien article 13 (cote précise non notée)26Rapport de la commission … sur un nouveau plan d’ensemble de la défense du port de Toulon. Vincennes, SHM DD² 104527Vincennes, SHD, 1 VH 1879, 1872-1873.28Instruction sur la rédaction des projets de batteries de côtes, par le général de division Farre, inspecteur permanent des travaux de défense littorale. Vincennes, SHD, Ancien article 13 n° 28.Voir aussi La défense des côtes, cours professé par M. l’ingénieur en chef Nicolas, Ecole d’application de l’artillerie navale, 1921.29Vincennes, SHD, EG Nice Toulon, art. 2 / 8915, feuille d'atlas n° 63 (1874) et n° 25 (1880)30Vincennes, SHD, Marine DD² 104531Système à contrepoids conçu vers 1820 par le général Jean Victor Poncelet. Le contrepoids des chaînes agissant sur le tablier est formé d'un chapelet de lourds maillons qui descend dans une fosse à mesure que le tablier se relève. Au fur et à mesure que le chapelet descend dans la fosse, les maillons inférieurs se déposent les uns après les autres sur le sol de celle-ci, diminuant ainsi progressivement la masse du contrepoids. Ce procédé, avec ou sans variante, équipe tous les ouvrages construits ou modernisés entre 1840 et 1875.32Une arrière-voussure est une sorte de petite voûte pratiquée à l'ouverture d'une baie pour lui donner de l'évasement et la raccorder avec une autre partie de l'architecture. On nomme arrière-voussure de Marseille celle dont l'arc est surbaissé (arc segmentaire).

En 1812, la hauteur de Saint-Elme est jugée importante à occuper par l'empereur lui-même. La construction, soit d'une tour-modèle (comme celle réalisée à la Croix des Signaux), soit d'une redoute-modèle (comme le "fort Napoléon" de La Seyne), y est envisagée. Pourtant, en 1813, le projet est revu à la baisse, et seul un ouvrage sommaire en pierres sèches, composé de deux petites redoutes et un retranchement, est construit sur ordre du maréchal Masséna, par les colonels Dianous et Tournadre, respectivement directeur et sous-directeur des fortifications de Toulon.

En décembre 1838, le Comité des fortifications préconise à nouveau la construction d'un véritable fort sur la hauteur de Saint-Elme, que la commission de défense des côtes de 1841 place au premier degré d'importance. Le premier projet, en 1845, est confiée par le nouveau chef du génie de Toulon, le chef de bataillon Joseph Corrèze, au jeune capitaine du génie Adolphe Séré de Rivières, alors au début de sa brillante carrière. Contrairement au cas du fort du Cap Brun, dont Séré de Rivières donne en 1848 le plan définitif, après d'autres études, le projet du fort Saint-Elme fait l'objet de quatre variantes postérieures successives dessinées par autant de capitaines du génie différents, jusqu'en 1852 (dès 1846, le projet Séré est adapté et redessiné par la capitaine du Génie de Jouslard) . Cependant, la conception générale du fort, de plan pentagonal bastionné, avec caserne casematée au centre du front de gorge et cavalier d'artillerie sur les deux faces du front de tête et les deux flancs, reste celle du premier projet.

L'agrandissement des bastionnets, l'augmentation de la longueur de la caserne et le placement de la porte non plus au centre de celle-ci, mais à côté, sont les principales modifications apportées par les projets Pallard-Desportes (1848), Salanson (1849), et Meunier (1852). La largeur du fort et le calage de son assiette sont également plusieurs fois reconsidérés. Le chantier de déblai de l'assiette, puis de construction, est mené à bien de 1854 à 1858. L'armement théorique optimal du fort, défini en 1851 et confirmé en 1869, est de 10 canons de calibres 12 et 16cm.

En 1872 et 1873, le fort n'est pas armé et doit l'être de deux obusiers de 22cm. Deux traverses sont construites sur son cavalier en 1874, et les nouvelles normes de la fortification répondant aux progrès de l'artillerie, font ajouter un magasin souterrain et enterrer le magasin à poudres d'origine, entre 1878 et 1881.

L'Atlas de batteries de côte de 1881 crédite le fort Saint Elme de six obusiers de 22cm sur affûts marins, servis par 12 canonniers et 36 auxiliaires, ce qui correspond à l'état d’armement du fort constaté par le rapport de la commission du 28 novembre 1876. Déclassé dès le début du XXe siècle, utilisé comme centre de vacances de jeunes après la seconde guerre, le fort est, dans l'ensemble, assez largement "fossilisé".

La hauteur de Saint-Elme, à 33m d'altitude, était occupée par un ouvrage antérieur en pierre sèche, peu étendu, de plan irrégulier, détruit pour préparer l'assiette du fort. Celui-ci forme un pentagone bastionné, plus large (axe nord-sud, 115m pris au front de gorge) que profond, tendant à la régularité, voire à la symétrie. Ce trait le différencie de deux autres forts bastionnés contemporains de la place forte de Toulon, également pentagonaux, le fort Saint-Antoine du Mont Faron et le fort du Cap Brun. La géométrie idéale du pentagone subit une distorsion, liée à des impératifs d'orientations de tirs, décalant à gauche le front de tête par rapport au front de gorge.

Les trois bastionnets du front de tête (3-4-5) ont des flancs de 6,50m pour des faces de 15m. Les flancs des bastions du front de gorge sont plus courts (4,50m), et leurs faces participant de ce front, sont beaucoup plus longues (30m pour la face gauche du bastion 2 et 28m pour la face droite du bastion 1). La hauteur des escarpes, du fond du fossé à la crête des parapets d'infanterie des chemins de ronde, est de 10m, et le nivellement à l'horizontale des arases de ce parapet couronnées d'une tablette profilée en glacis, est pratiquement constant. La contrescarpe est pratiquement aussi haute que l'escarpe devant le front de tête, assurant à celui-ci un bon défilement, mais sa hauteur décroît progressivement devant les fronts latéraux (2-3, 5-1) pour se réduire à 5m sur le front de gorge, c'est-à-dire le rez-de-chaussée du seuil de la porte du fort, ce qui valorise la monumentalité de la façade extérieure de la caserne au détriment de son défilement.

L’organisation défensive du fort est focalisée sur les batteries d’artillerie, autrement dites cavaliers, comme aux forts du grand Saint Antoine et du Cap Brun. Encore muni de ses deux traverses rajoutées, ce cavalier enveloppe la cour et borde les courtines sur quatre côtés, se prolongeant sur le front de gorge par des retours, qui s'arrêtent à 6-7m seulement des culées de la caserne. On y montait depuis la cour par deux rampes de roulage, qui desservaient le chemin de ronde intérieur. Les talus versants des parapets dégagent à leur pied un étroit chemin de ronde d'infanterie périphérique courant sur l’arase des courtines et débouchant à la gorge des bastionnets, bordé d'un parapet maçonné maigre, bas et non crénelé, excepté au droit des flancs des bastionnets.

Les trois bastionnets du front de tête (3-4-5) ont une structure interne complexe, à deux niveaux actifs, voués à la défense rapprochée par le tir d'infanterie : niveau bas limité aux deux flancs, second niveau bordé d'un parapet en terre sur les faces. Le chemin de ronde d'infanterie périphérique communiquait avec la terrasse du cavalier d'artillerie, par une poterne voûtée plongeant vers la gorge du bastionnet 4. Ce dispositif est masqué depuis l'intérieur du fort par la masse couvrante de terre rapportée vers 1881 sur le magasin à poudre de 1857, situé à cet emplacement central.

Non défensive, la caserne est d’un type classique de la période, très proche de celle du fort du Cap Brun, rectangulaire (47mX17m), à deux niveaux de cinq casemates transversales et travées de culées tripartites, sous toit-terrasse. La façade intérieure est retranchée de la cour par un petit fossé d'isolement, la façade extérieure, dégagée sur le fossé du fort, est plus monumentale avec son socle en pierre de taille à bossages rustiques.

La porte du fort, à gauche de la caserne, à façade sobre soulignée de dosserets, est équipée d'un pont-levis "à la Poncelet", dont le mécanisme est abrité dans un sas voûté au revers de la façade. La rampe qui fait suite débouche sur la cour du fort sous une arcade percée dans un mur-parados.

  • Murs
    • calcaire moellon
    • calcaire pierre de taille
    • brique
    • grès pierre de taille
  • Toits
    ciment en couverture, terre en couverture
  • Plans
    système bastionné
  • Étages
    1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier droit
    • escalier dans-oeuvre : escalier droit
  • Autres organes de circulation
    rampe d'accès
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Ensemble très bien conservé, excepté les banquettes du cavalier. Assez bien entretenu.

Fort bastionné très homogène représentatif de l'architecture militaire de la décennie 1840, bien représentée par ailleurs à Toulon. Moins remanié que les forts du Cap Brun et Saint-Antoine.

Documents d'archives

  • Note explicative des bases des projets présentés pour la défense des presqu'îles Cépet et Balaguier. Par le Colonel Dianous de la Perrotine. 1er janvier 1813. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1841 1812-1813, mémoire n° 32.

  • [Projet de fort St-Elme pour 1854-1855]. Par le Capitaine Meunier, 21 mars 1854. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1868, 1854-1855.

    Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1868, 1854-1855.
  • Commission mixte de révision des défenses du littoral dans le 5e arrondissement maritime. Rapport du 6 mars 1873. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 B1 22 n° 275.

    Rapport de la Commission mixte de révision de la défense du littoral 1873

  • Rapport de la Commission de révision de l'armement du littoral du 5e arrondissement sur un nouveau plan d'ensemble de la défense du port de Toulon. 28 novembre 1876. Service Historique de la Défense, Vincennes : DD2 1045.

Documents figurés

  • Carte des rades de Toulon. / Dessin aquarellé, attribué à Vauban, 1695. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831, plan n°23.

  • Plans et profils des batteries et retranchements à construire dans la hauteur de St Elme et de la fermeture à la gorge des batteries de ce nom ordonné par S. Ex. le prince d'Esling. / Dessin, signé le chef de bataillon du Génie Tournadre, 1er juillet 1813. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1841, 1812-1813, Etat estimatif n°42, feuille de plan n°4.

  • Plan & profil du camp retranché & de la batterie de St Elme. / Dessin à la plume, 1814. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1842.

  • Projets pour 1845. Fortifications. Article 13. Construire un fort sur la hauteur St Elme. [Plan masse] / Dessin aquarellé, signé Séré de Rivières, janvier 1845. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1862.

  • Projets pour 1845. Fortifications. Article 13. Construire un fort sur la hauteur St Elme. [Détails : plan et élévation de la caserne, plans, profils] / Dessin aquarellé, signé Séré de Rivières, janvier 1845. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1862.

  • [Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] / Dessin, encre et lavis, par le capitaine Jouslard, 11 mars 1846. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1863, 1846.

  • [Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] / Dessin, encre et lavis, par le capitaine Marc-Alphonse Pallard Desportes, 1848. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1865.

  • [Projet pour le fort Saint-Elme. Plan masse.] / Dessin, encre et lavis, par le capitaine Meunier, 21 mars 1854. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1868.

  • Casernement du fort Saint-Elme. [Plans, coupes, élévation de la caserne, plan d'ensemble fort et batterie Saint-Elme, plan et coupe du corps de garde de la batterie Saint-Elme]. / Dessin, encre et lavis, 27 septembre 1875. Service Historique de la Défense, Vincennes : EG Nice Toulon, art. 2 / 8915, feuille d'atlas des bâtiments militaires n° 63.

  • Fort Saint-Elme. [Plan des dessus.] / Dessin, encre et lavis, vers 1878-1880. Service Historique de la Défense, Vincennes : EG Nice Toulon, art. 2 / 8915, feuille d'atlas des bâtiments militaires n° 25.

Date d'enquête 2015 ; Date(s) de rédaction 2016
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