Dossier d’œuvre architecture IA83002158 | Réalisé par
Corvisier Christian (Contributeur)
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie de la Carraque
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Dénominations
    batterie
  • Appellations
    batterie de la Carraque
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Construction et armement

Tour-réduit crénelée type 1846 n°3, face d'entrée, porte, parapet à bretêches.Tour-réduit crénelée type 1846 n°3, face d'entrée, porte, parapet à bretêches.

Avant la Carraque : batteries des Frérêts et de Saint-Mandrier

La batterie de la Carraque n'a d'existence propre, au plus tôt, qu'à partir de la période révolutionnaire, le toponyme apparaissant, associé à une batterie de côte, en l'an 2 de la République. Elle occupe l'emplacement d'une batterie plus ancienne dite des Frérêts ou des Frères, et il est vraisemblable que ce changement de toponyme, émergeant en même temps que l'appellation de Port-la-Montagne pour Toulon, est lié au décret de la Convention du 25 vendémiaire an 2 invitant les communes et administrations publiques à changer les noms des localités qui pouvaient rappeler les souvenirs de la royauté, de la féodalité ou de la superstition (le toponyme les Frères désignant des religieux réguliers). Dans son développement définitif, la batterie de la Carraque confine à l'ouest à l'emplacement d'une autre batterie de côte ancienne disparue, la batterie de Saint-Mandrier, qu'elle a aussi progressivement remplacée au plan défensif. Il y a donc une "pré-histoire" de cette batterie qui est celle des deux précédentes.

En 1679, date de la première tournée à Toulon de Vauban, commissaire général des fortifications, la presqu'île de Saint-Mandrier n'était pas fortifiée, seule la petite rade et son débouché sur la grande rade étant défendus par des ouvrages pérennes de défense côtière. L'idée d'une mise en défense planifiée de la presqu'île n'émerge dans les projets de Vauban qu'en 1695, liée à la menace d'une croisière anglaise en Méditerranée. Un Plan de Toulon sur lequel on a marqué les batteries des environs pour empescher le bombardement exprime la stratégie proposée par Vauban, mais celle-ci est affinée par son collaborateur et relais local Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, auteur d'une carte plus détaillée, datée du 22 mars 1695, associée à un mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon 1. Il en ressort qu'à cette date, la batterie de Saint Mandrier existe déjà, sans doute depuis peu et sous une forme sommaire, le mémoire précisant qu'elle "a été fort gastée par les mers orageuses de l'hiver dernier, et comme elle découvre bien les revers des galiottes, il est nécessaire de la rétablir, faisant un mur à l'extérieur du parapet à barbe..."

[Batterie des Frérets] 1701.[Batterie des Frérets] 1701.Le projet de Vauban prévoit pour cette batterie un armement de 10 pièces, et celui de Niquet 1 mortier et 12 canons, répartis sur deux sections (17-18). Plus à l'est, Niquet prévoit une batterie sur la pointe des Frérêts (16) et une autre, distincte (15), sur la pointe la plus voisine, chacune armée de six canons et un mortier, destinés à éloigner vers Sainte Marguerite et le cap Brun les vaisseaux voulant entrer en grande rade. A la date même du mémoire, Niquet passe marché à l'entrepreneur toulonnais Aguillon pour la construction de sept batteries le long de la côte de Saint Mandrier, celle des Frérets coûtant 5084 livres 19 sous 7 deniers, dépense est soldée par ordonnance du 31 décembre 1695.

Dans son mémoire du 19 mars 1701, accompagné d'une carte et de plans de détail 2, Vauban propose de faire construire, à la place de trois des batteries de 1695, des ouvrages pérennes avec revêtement maçonné, armés de gros canons de 48 livres ayant 14 pieds de long, capables de croiser les feux à plus de 600 toises. Celui de la pointe des Frérets, destiné à empêcher le mouillage et le bombardement depuis la rade, estimé à un coût de 59536 l., est prévu avec batterie en arc de cercle dominée à la gorge par une tour crénelée, selon un modèle proche de celui récemment réalisé (1692) au fort des Vignettes. L'état des lieux figurant sur la carte montre bien deux batteries distinctes aux Frérêts, apparemment en place (teinte rouge). Cependant, le plan de détail "du Cartier des Frérêts" à l'appui du projet de Vauban, datée du 22 juillet 1701, montre que le point coté 16 sur le plan de Niquet de 1695, soit la plus à gauche (ouest) des deux batteries, correspond à la pointe des Frérêts sur laquelle est projeté, en retombe, l'ouvrage pérenne avec tour. Sous les retombes, on constate qu'il n'existe encore aucune batterie sur la pointe en 1701, mais un emplacement vacant, sommairement préparé, pour une "batterie de 6 pièces de 24", tandis qu'une "batterie de 8 pièces de 36", achevée et fonctionnelle, formée d'un épaulement avec retours d'angles arrondis et parapet à embrasures, occupe l'emplacement correspondant au n° 15 sur le plan de 1695 ; il s'agit de la batterie construite par Aguillon moyennant 5084 livres 19s 7d. Le projet de Vauban n'est pas réalisé et la pointe des Frérêts reste inoccupée.

Le Plan de la Rade de Toulon en l'année 1703 3, non signé mais sans doute de Niquet, figure, cotée 13, la batterie de Saint-Mandrier, munie de 6 mortiers et, cotée 14, la batterie basse des Frérêts, munie de 8 pièces de 36. L'appellation batterie basse fait allusion implicitement à une batterie haute qui serait l'ouvrage maçonné avec tour projeté par Vauban.

L'état d'armement de la rade de juin 1707 est inchangé pour la batterie des Frères, commandée par un capitaine, un lieutenant et un enseigne. Elle a pour équipage un maître canonnier, douze aides et 84 matelots 4. En 1743 et 1747, le nombre de pièces de 36 s'est réduit à six.

La Carte des rades de Toulon 5 et mémoire associé de l'ingénieur François Milet de Monville daté du 9 mars 1759, précisent que la batterie des Frères (cotée 8) est abandonnée, tandis que celle de Saint-Mandrier "a été retranchée par la gorge" par un mur d'enceinte crénelé. Ce retranchement avait fait l'objet, en 1757, de l'article 13 du projet général de Toulon, avec deux tracés alternatifs, "à cornes", l'un signé Mareschal ; ce retranchement a entrainé l'expropriation d'un morceau de terrain appartenant à un sieur Jourdan 6. En mars 1768, cette batterie de Saint-Mandrier semble être la seule des sept armées en temps de guerre mentionnées dans le mémoire du sous-brigadier du génie Louis d’Aguillon 7, qui ait été ainsi consolidée et fermée à la gorge en maçonnerie. Cette pérennisation est alors proposée pour toutes les autres, au moins celles en activité. Curieusement, si le mémoire d'Aguillon ne compte pas la batterie des Frères au nombre des sept batteries armées en temps de guerre pour augmenter les défenses, dont quatre seulement sur la presqu'île, cette batterie étant abandonnée dès 1759, elle figure toutefois sur le plan joint à son mémoire.

En décembre 1770, l'armement de la batterie de Saint-Mandrier est de 8 pièces de 36 hors de service, sans affûts.8

La carte de la rade en 1783 par Rozières 9 indique les batteries de côte de : Saint-Elme, La Coudoulière, Mord'huy, Le Puy, Les Frères, Saint-Mandrier, La Vieille, précisant que cette dernière est désarmée (elle était déjà abandonnée en 1759). Dans la période révolutionnaire, en l'an 2 de la République, après la reprise de Toulon aux anglais, une inspection du front de mer faite le 1er pluviose (20 janvier 1794) par Samuel de Marescot, chef de bataillon du génie, indique que les batteries existant (armées) dans la presqu’île sont "la vieille batterie (batterie de la Vieille), la Caraque, les Frères, le Puy, le Morduy, la Coudoulière ou est un fourneau à reverbère très endommagé et la batterie du cap St Elme" 10. Il précise qu'elles "ne sont autre chose que des plate-formes, presque toutes en briques, bordées d'un petit parapet de quelques pouces seulement de hauteur (...) en bon état, mais (...) qu'il serait à propos de les enceindre de murs crénellés ainsi qu'il a été pratiqué à la batterie de la Carraque (Marescot fait ici manifestement allusion à la batterie de Saint-Mandrier, qu'il nomme la Carraque, et non à celle des Frères, sur laquelle ce toponyme va se fixer), autrement, rien n'empêche l'ennemi de faire de petites descentes et d'en venir égorger la garde, et enclouer les pièces, ou même les jeter à la mer".

Un plan de Port la Montagne et de ses environs et un mémoire associé rédigé le 16 prairial (4 juin 1794) par les commissaires nommés par le ci-devant conseil exécutif, pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs (...)11 évoque la nécessité de s'établir plus fortement dans la presqu'île de Cépet (ou"2eme disposition défensive"). En annexe, un état de situation donne un état de l'armement des batteries au 1er germinal, puis du réarmement au 15 prairial). Le plan attribue une numérotation à six ouvrages à créer ou refaire, dont deux forts de hauteur (Saint-Elme et La Croix des Signaux), et des retranchements barrant les plages, renouvelant ceux de 1695. Sont figurées sur le plan, non numérotées, la batterie de Saint-Mandrier et la batterie des Frères ; la première est mentionnée dans l'état de situation comme abandonnée, armée en l'état d'un canon de 24, réarmée de 8 canons de 36 de 2 mortiers de grande portée, et d'un four. Le mémoire ne cite pas la batterie des Frères, mais l'état de situation la mentionne sous son nouveau nom de batterie de la Carraque, armée de 4 canons de 36, avec 3 embrasures vides, puis réarmée de 7 canons de 36, 2 mortiers de grande portée, un four.

La description des batteries de côte effectuée par le citoyen Legrand, membre de la commission de l'an 3, précise que la batterie de la Carraque porte sept pièces de 36 sur affûts marins. A sa droite sont deux mortiers de 12 pouces, dont un à la Gomer et un espagnol coulé sur semelle en bronze. Elle dispose d'une caisse à rougir. Elle a un corps de garde et une poudrière adossée à la montagne et très humide, faute de doublage.

Les projets d'amélioration de la batterie de la Carraque dans la première moitié du 19e siècle

Sous le premier Empire, le comité général des fortifications organise en 1811 à la demande de Napoléon, un projet général de mise en défense des côtes à l'échelle du territoire, jusqu'aux Pays-Bas au nord, et jusqu'à l'Italie et la Dalmatie au sud-est. Durant l'année 1812, l'amélioration de la batterie de la Carraque et la mise en place d'une tour-modèle au-dessus de sa gorge, sur la hauteur de la Croix des Signaux, font l'objet de plusieurs projets et contre-projets, avec variantes, surtout s'agissant de la batterie.

L'empereur en personne, par lettre datée de Saint Cloud le 3 mai 1812, adressée au duc de Feltre, son ministre de la guerre 12 définit et ordonne le programme à mettre en oeuvre à la Carraque : "...la suppression de la batterie St Mandrier et la réunion des pièces qui s'y trouvent avec celles de la Caraque, sur une ligne de tir parallèle à cette de St Mandrier, me semblent un objet très important. Il me parait nécessaire que cette double batterie soit très étendue, de manière qu'on puisse y élever des traverses. Il faut se ménager beaucoup d'espace afin de pouvoir, en cas de besoin, augmenter le nombre des mortiers et des pièces. Je voudrais que l'on pût placer sur cette ligne de tir, 100 bouches à feu, si celà était nécessaire. La tour près de la Croix des Signaux, évaluée à 80.000fr devra être faite cette année, afin de bien protéger cette batterie (la Carraque). Alors, on pourra être sans inquiétude. Sous la protection de cette tour qui est située sur une éminence et qui défendra bien le mur crénelé, la batterie sera inattaquable. Une centaine d'hommes dans la tour et la batterie suffiront pour leur défense. Toute attaque de l'ennemi dans la presqu'île de Cépet devient alors sans objet. Il faut activer les travaux et les finir dans cette campagne, afin que l'on soit en sûreté dans la rade."

Le rapport du Comte Dejean, inspecteur général du Génie au directeur des fortifications de Toulon, daté du 10 mai 1812 13, transmet cette intention de l'Empereur au directeur des fortifications de Toulon, en en précisant les limites. Il indique en outre que "la tour projetée près la Croix des Signaux peut voir et protéger la nouvelle batterie de la Caraque , défendre les murs crénelés qui, partant de cette tour, doivent s'appuyer aux deux extrémités de la batterie et voir en même temps les croupes des contreforts et les fonds des ravins". Dejean précise que La Croix des Signaux est élevée de 311 pieds au-dessus du sol de la batterie de la Caraque, supérieur de 83 pieds 5 pouces au niveau de la mer (...) commandement considérable, en sorte que la position de la tour projetée est trop élevée eut égard surtout à la distance, pour que le feu de son artillerie puisse avoir quelqu'influence pour la défense de la batterie et des parties extrêmes des murs crénelés (la pente du terrain est d'un pied neuf pouces par toise) (...) dans cet état de choses, il paraît difficile d'adapter à cette localité un mur crénelé tel qu'il a été désigné ci-dessus (partant de la tour) Peut-être serait-il plus convenable de fermer la batterie à sa gorge par un mur crénelé avec un bon corps de garde défensif (...) quoiqu'il en soit, la tour est l'ouvrage le plus important et le plus urgent pour se rendre maître de la position. Dejean stipule ensuite au directeur des fortifications de Toulon, qu'il a, par conséquent, à s'occuper, sur le champ, du tracé de la batterie de la Caraque et de celui de la tour des Signaux.

Lors d'une séance du comité des fortifications, 27 mai 1812, une option est envisagée au projet de l'Empereur, avec une batterie de 60 pièces et une annexe de 40 pièces en dehors du complexe de la Carraque/Croix des signaux. Un logement pour 600 hommes est à prévoir avec un magasin à poudre en conséquence. Un armement de sûreté, réduit à 20 pièces est proposé pour le temps ordinaire.

Le colonel Dianous (de La Perrotine), directeur des fortifications de Toulon, aidé de son sous-directeur Tournadre aîné, transmet, dès le 10 juillet 1812 un premier projet de la Carraque, correspondant à la batterie de cent canons d'un seul tenant, développée sur une ligne longue de 850m, à 5 ressauts (en altimétrie). L'extrémité ouest de cette batterie, vers l'entrée, empiète sur le mur de gorge crénelé de la batterie de Saint-Mandrier, dont la destruction est prévue, tandis que son extrémité est se superpose à la batterie de la Carraque (ou des Frerêts), avec un léger retrait en arrière de l'épaulement. Deux petites batteries ouvertes avec épaulement de 2 ou 3 pièces, l'une sur la pente vers le milieu du développement, l'autre, flanquante, au-dessus de l'extrémité est de la grande batterie, sont prévues pour en "éclairer les arrières ", ce que ne peut faire la tour de la Croix des Signaux, elle-même associée, dans le projet, à une lunette sur la pente, reliée par une branche pendante en caponnière. Les casernements, en trois longs bâtiments échelonnés, sont prévus pour 600 hommes, ainsi qu'un magasin à poudres d'une capacité adaptée aux 100 bouches à feu. Ces bâtiments sont abrités par leur position adossée à la pente naturelle, engagée dans une réservation rectangulaire taillée dans le roc.

L'option alternative avec batterie de 60 pièces est présentée à nouveau le 13 juillet par le directeur de l'artillerie (avec des affûts de cote plutôt que marins et des fourneaux à réverbère), et le 27 juillet par le comité. L'inquiétude vient du fait que la batterie peut être prise à revers, ou "à rouage" par les vaisseaux entrés en rade. Tant que la tour modèle et ses accessoires ne sont pas rattachés à la batterie, le réduit reste imparfait, il faut donc fermer la batterie à la gorge. Le comité envisage donc deux options : celle de la batterie de 100 pièces, réalisable si une garnison permanente est prévue, et celle de la batterie de 60 pièces avec batterie annexe près de Saint-Mandrier. La batterie principale serait complétée par la tour modèle de la Croix des signaux et par une autre tour n°2, à la place prévue pour la lunette, avec des branches reliées à la batterie. De plus, le comité demande, sur la hauteur, de prévoir un épaulement enveloppant le mausolée pyramidal érigé en 1810 à la mémoire du vice-amiral Latouche-Tréville (1745-1804), à proximité (est) du sémaphore de la Croix des Signaux.

Le 28 aout 1812, le colonel Dianous, directeur des fortifications, présente un nouveau projet (plans, mémoire) tenant compte de l'avis du comité, pour l'option de batterie de 60 pièces. La tour n°2, jugée inadaptée au site, est exclue. Le projet intègre la liaison retranchée tour-batterie, sous forme d'un chemin couvert en pente, et l'épaulement enveloppant la pyramide Latouche-Tréville, relié à la tour-modèle par une branche pendante, ce qui crée en principe un retranchement continu couvrant la gorge de la batterie à partir de son entrée (ouest) jusqu'à la pyramide, en passant par la lunette et par la tour, avec des paliers, du fait de la pente accusée du terrain. Un simple mur referme la gorge de la batterie vers l'est, entre la lunette et la petite batterie flanquante. Dans la grande batterie, longue de 450m avec trois ressauts, le casernement, de capacité inchangée, est prévu différemment, deux de ses trois casernes étant implantées en traverses sur les deux premiers ressauts, avec rampe passant dessous, le troisième placé en retour d'équerre de celui du second ressaut, en position centrale de la batterie, avec une place d'armes.

Ce projet est approuvé dans son principe par l'avis du comité des fortifications du 21 septembre, avec toutefois la demande de traiter le retranchement dévalant la pente sous la forme d'un simple mur crénelé, et d'améliorer la défense de la lunette (B), ce qui est intégré par le directeur des fortifications, qui rend les plans du projet définitif le 1er janvier 1813 14. Les casernes y sont présentées différemment : au milieu de la batterie et sur le second ressaut est placée latéralement, en enclave dans le relief du terrain, une grande caserne à deux niveaux casematés, formée de 3 ailes (une principale, dans l'axe de la batterie, et deux petits retours d'équerre, sur cour en terrasse (citerne en dessus) dominant d'un étage le chemin de ronde de la batterie. Une petite caserne reste implantée en traverse sur le premier ressaut, avec toutefois un retour d'équerre. Le magasin à poudres est niché entre les deux casernes.

[Projet Carraque et Croix des Signaux 2. Janvier 1813][Projet Carraque et Croix des Signaux 2. Janvier 1813]Lancés fin octobre 1812, les travaux se consacrent d'abord au déroquetage, à la construction des soubassements et revêtements de la batterie proprement dite, ce que montre des relevés intermédiaires du 1 juillet 1813 ; en décembre, le chantier est interrompu du fait de l'épuisement des fonds. Le 25 décembre, le sous-directeur Tournadre reformule le projet pour 1814, avec quelques variantes, pour le retranchement ouest à mur crénelé entre l'entrée de la batterie et la lunette (B), proposé avec un tracé rentrant à bastion intermédiaire, et pour l'ouvrage autour de la pyramide Latouche-Tréville, proposé plus large, en forme de lunette avec épaulement formant cavalier. Les banquettes et parapets de terre de la batterie sont achevés, ainsi que les revêtements, y compris ceux des ressauts, excepté quelques parties de parapets maigres crénelés, vers l'entrée. La petite caserne, la première après la porte, est commencée (partie du rez-de-chaussée), de même que la petite batterie flanquante de l'ouest et un petit dépôt de poudres, annexe ouest du magasin à poudres principal. En revanche, le déroquetage des emplacements respectifs de ce magasin et de la grande caserne, est à peine amorcé. Un corps de garde provisoire est en place à l'entrée, dont la porte à pont-levis n'est pas commencée, le fossé de coupure étant en cours de finition. Sur la hauteur de la Croix des Signaux, la tour-modèle (A) est montée jusqu'au niveau du premier étage. Le chemin couvert qui l'entoure, la branche pendante en caponnière (C) vers la lunette (B), leurs glacis, la contrescarpe de la lunette, sont terminés. Seul les ouvrages de la Croix des Signaux (tour, épaulement de la pyramide) ont été continué au début de 1814.

Un plan dressé vers la fin de 1814 montre l'état des lieux alors que le chantier a été durablement interrompu par l'abdication de Napoléon ; la légende de ce plan exprime en pointillé "ce qu'il y aurait encore à faire pour terminer les divers ouvrages dont l'exécution avait été ordonnée", dont "le mur crénelé qu'on devait construire pour fermer (...) la gorge de la batterie". Un mémoire rédigé en 1816 15 décrit sommairement les ouvrages inachevés de la Carraque et du camp retranché de la Croix des Signaux en précisant que "le mur crénelé qui doit joindre la batterie de la Carraque est (...) à construire", que la batterie "n'est qu'ébauchée, la majeure partie des terrassements et des rampes de son intérieur reste à faire, plusieurs établissements indispensables sont à créer".

S'agissant de Toulon et de la presqu'île de Cépet, la commission de défense des côtes, sous-ensemble de la commission générale de défense du royaume créée en 1818 16, définit nettement comme deux éléments distincts la batterie de la Caraque et le "camp retranché" de La Croix des Signaux, l'achèvement nécessaire de la batterie étant un des articles de perfectionnement du camp retranché de la Croix des Signaux. Il est préconisé de fermer la batterie, comme prévu au projet de 1812-1813, par un retranchement sur les pentes de la montagne rattaché au camp retranché de la Croix des Signaux. La commission considère que l'ouvrage est trop accolé à la pente raide et n'a presque pas de terre-plein. Il convient de rechercher à l'élargir en reportant l'épaulement plus près de l'escarpement du rivage, ce qui donnerait des crochets offrant des flanquements. Il est proposé de construire dans le roc des locaux de service, dont certains sont commencés sur le terre-plein. L'armement envisagé est de 10 pièces de 36, 10 de 24, 5 de 18, 5 de 16, avec 2 obusiers de 6 et 4 mortiers de 8 et 4 de 12.

Ces travaux d'achèvement n'étant pas ordonnés, les ouvrages inachevés de la batterie sont laissés en l'état et sans entretien pendant plus d'un quart de siècle. La nouvelle commission de défense des côtes, en 1841 17, place au premier degré d'importance l'achèvement de cette batterie, dont la position est très favorable pour défendre l'accès à la grande rade, permettant de croiser les tirs avec les batteries du cap Brun, de Lamalgue, de Saint Louis, de la croupe Lamalgue et de la Grosse Tour. L'épaulement en place sera en partie à reconstruire. L'armement devra se composer de 50 pièces, dont 5 canons de 30 et 5 obusiers de 22 à droite, 20 de 30 et 20 de 22 à gauche. Par ailleurs la batterie de la Carraque aura pour réduit le fort projeté à la Croix des Signaux, autour de la tour-modèle de 1813, fort dont elle tirera "sa principale force contre des attaques du côté de terre", ce qui suppose la réalisation du projet de liaison des deux ouvrages par le retranchement prévu dès 1812 et demandé en dernier lieu en 1818. Sur les 4, 6 millions de francs attribués à la défense de Toulon par décret du 25 juin 1841, 400.000 francs sont destinés à ce programme de principe. Le projet de fort et ce budget avaient été arrêtés par avis du comité des fortifications du 18 décembre 1838, en même temps que ceux du fort Saint-Elme, plus modestes.

Les nouveaux projets destinés à réaliser le programme proposé à La Carraque et à la Croix des Signaux ne sont mis en forme à Toulon qu'à partir de 1844, sous l'autorité du colonel Edouard Picot, directeur des fortifications, et du chef du génie Dautheville.

Les relevés d'état des lieux faits en 1843 et dessinés en avril 1844 18 ne montrent, pour ce qui est de la batterie, aucune évolution depuis 1814.

La nouvelle batterie 1845-1856

Le premier projet pour le fort (art. 25 du projet général) et la batterie (art. 26 du projet général) fut dessiné et devisé en aout 1844 par le capitaine du génie Graillet. Ce projet comporte une réduction en longueur de la batterie vers l'ouest, l'entrée et sa coupure (fossé) étant proposée nettement en arrière de son emplacement fixé en 1814. Le tracé en plan de l'escarpe est modifié, avec deux angles rentrants, dont un flanquant, pour mieux l'adapter au terrain et élargir le terre-plein, et le revêtement en grande partie remplacé par un talus de terre coulante, moins vulnérable au canon. Le flanc droit (extrémité est de la batterie) face à l'entrée de la rade est allongé, et son axe infléchi pour recevoir 5 pièces. Le projet est dessiné dans une variante à pente unique, sans ressauts ni traverses. Un long bâtiment (corps de garde et logement de personnel) est prévu peu après l'entrée, à droite, adossée à l'escarpement, et un magasin à poudres dans une anfractuosité à créer à partir de l'amorce de déroquetage faite en 1814 pour le projet de grande caserne centrale. Les deux branches tombantes de mur crénelé, de 3m de haut retranchant la batterie à la gorge et partant de la lunette inachevée de 1813 sont bordées d' un fossé de 5m de large et 3 de fond. Celle de l'ouest s'infléchit en angle saillant obtus flanqué d'une tourelle, du fait du retrait du front d'entrée de la batterie. L'ancienne lunette est remplacée par une tour réduit semblable à celle de Beaumont, sur le mont Faron, à la demande du colonel Picot.

Un nouveau projet, gardant toute la longueur de la batterie existante, et le principe de ressauts, est confié par le colonel Picot et par le nouveau chef du génie de Toulon, le chef de bataillon Joseph Corrèze, au jeune capitaine du génie Adolphe Séré de Rivières, alors au début de sa brillante carrière, et qui, à la même époque, travaille aussi, entre autres, au projet du fort du Cap Brun. Son plan de projet daté du 7 janvier 1845 19 propose aussi une modification de tracé en plan des escarpes et leur remplacement partiel par des talus à terre coulante (sauf aux deux extrémités), ce qui le différencie peu du projet précédent. L'extrémité est et le flanc droit sont également plus développés, mais ils sont en plus surmontés d'une petite batterie haute, à l'emplacement qu'occupait celle de 1813. Les différences de ce projet tiennent, en particulier, à la mise en place d'une série de sept traverses à peu près équidistantes, la première se confondant avec le corps de garde d'entrée, à étage (logement pour 16 hommes, magasin aux vivres, citerne de 200 m3, celle creusée en 1813). Les six autres traverses, abritant des magasins de batterie (pour affûts), utilisables comme hébergement de troupe, remplacent les ressauts antérieurs et répondent à la nécessité de se protéger des tirs d'enfilade. Un second corps de garde, crénelé et flanquant, pour 34 hommes, est prévu à l'autre extrémité de la batterie, au bout du flanc droit à la retombée du mur de retranchement crénelé est. Le magasin à poudre est proposé immédiatement à côté de la porte de la batterie. Les murs crénelés de retranchement partant de la tour-réduit remplaçant la lunette inachevée de 1813 sont prévus sans fossé.

Les apostilles du chef du génie au mémoire exposant le projet 20, donnent diverses précisions descriptives, notamment sur l'état des lieux : "le développement de la batterie est d'environ 400m sur lesquels il y a environ 300m d'escarpe revêtue en maçonnerie très soignée de 2m d'épaisseur avec contreforts. Ses lignes de feu et ses terre-pleins se trouvent dans la direction des vaisseaux venant du large; on a eu soin de lui donner de droite à gauche une pente de 15m environ, et pour rendre les ricochets plus difficiles on a réparti cette pente en cinq ressauts horizontaux (trois en réalité) par suite de cette pente, la hauteur des escarpes est variable: elle est de 5,50m à 8m vers le bas des ressauts et de 1 à 2m vers le haut. La position de cette batterie sur la pente rapide d'une montagne a forcé de tailler son emplacement dans le roc qui forme en arrière et à la distance de 10m de la crête du parapet un escarpement fort dangereux pour les défenseurs. C'est là un inconvénient grave (...) il pourra être grandement diminué (...) en taillant cet escarpement suivant un talus au tiers." Le directeur des fortifications avait préconisé d'avancer le revêtement d'une partie des escarpes, pour obtenir "un terre-plein plus large en évitant de déblayer le roc en arrière", de réduire à 9m la pente totale de la batterie comprise entre les ressauts extrêmes, de prévoir deux corps de garde, un adossé au premier ressaut, l'autre à droite de la batterie (ce qui a été suivi), et un magasin à poudres de 20.000kg au moins, à placer dans une excavation qui existe à l'extrémité gauche de la batterie.

Le chef du génie estime que la suppression des escarpes de 1812 ne permet d'élargir à 10m le terre-plein qu'au milieu de la batterie. Ailleurs la largeur demeure de 10m. Il n'y a donc pas avantage à remplacer la bonne maçonnerie par des talus à terre coulante. La maçonnerie n'est faible, et menaçant ruine, que vers le flanc de l'extrémité droite, c'est à dire dans le secteur ou se trouvait la batterie des Frères avant 1812.

Le directeur propose de modifier à l'économie le projet Séré de Rivières en ne conservant que deux des six traverses ordinaires, les 2eme et 5eme, et de supprimer la petite batterie haute du flanc droit. Sur ce flanc, le corps de garde crénelé peut être remplacé par une tourelle.

Le 16 avril 1845, le comité des fortifications ayant placé, contre l'avis du colonel Picot, la construction du fort Saint-Elme, point capital de la défense de la presqu'île, en priorité sur celle du fort de la Croix des Signaux, l'exécution du projet Séré de Rivières est ajourné, y compris pour la batterie de la Carraque. Toutefois, des travaux de déblais ont été mis en route, et le chantier consomme 52.000 fr en 1846.

L'étude du projet à représenter pour l'ensemble en 1847 est confiée par le chef du génie Corrèze au capitaine Ramet. Si la conception du fort est alors radicalement reconsidérée, en revanche, le projet Ramet, daté du 27 avril 1847 21 reprend, pour la Carraque, l'essentiel de celui de Séré de Rivières, en intégrant des adaptations de détail issues des préconisations de la hiérarchie.

Les revêtements maçonnés de 1813 sont conservés assez largement, excepté dans le second quart du développement des escarpes, en partant de l'entrée, où le terre plein est élargi en reportant l'escarpe en avant, et le redan ou angle rentrant flanquant maintenu. Le nombre de traverses ordinaires est réduit de six à cinq, ce qui répartit les 50 emplacements de tirs en 7 sections d'artillerie. Le corps de garde et le magasin à poudres du secteur de l'entrée (celui où le terre-plein est d'origine le plus large) sont prévus au même emplacement, le corps de garde étant agrandi à l'échelle d'une caserne (toujours en position de traverse). La principale modification tient au tracé des murs crénelés du retranchement ou coupure de gorge, prévus à redans flanquants, avec bastionnet et non plus tourelle à l'angle du front d'entrée de la batterie, et à la forme de la tour remplaçant la lunette de 1813, au départ de ces deux murs.

Cette tour-réduit intermédiaire du camp retranché est désormais prévue selon un des plans-types de réduits de batterie de côte fixés en 1846 par la commission de 1845 chargée de réviser les conclusions de la commission mixte d'armement des côtes, de la Corse et des îles, instituée en 1841. Il s'agit du plus petit modèle-type, la tour crénelée n° 3, d'une capacité de 20 hommes. Cette tour cubique est prévue incluse dans l'enceinte de la contrescarpe du fossé de l'ancienne lunette pentagonale, sans changement de plan de cette enceinte. Dans le même ordre d'adaptation, il faut noter que le corps de garde situé à l'entrée de la batterie, renommé "caserne" sur le plan général, est qualifié de "corps de garde n°1" sur les feuilles de plan de détail du projet 22, sa conception générale s'inspirant aussi du plan-type d'une des trois tailles de réduits de batterie de côte, corps de garde crénelés, alternative moins "verticale" et moins robuste aux tours crénelés, également fixée en 1846. Il s'agit du plus grand modèle, adapté à 60 hommes. La seule différence en plan avec le modèle-type est l'absence de fossé, l'élévation se démarquant aussi par l'intention de lui donner un étage, en profitant de l'adossement à un ressaut de la batterie haut de 6m, pour en doubler la capacité.

Les apostilles du chef du génie et du directeur précisent que la limitation des déblais de roc, ont été moins considérables que prévu. Les casemates pouvant servir de logements sont à exclure dans les deux dernières traverses à droite car trop encastrés dans le sol, sont à prévoir de grands magasins de batterie. Les autres traverses doivent en revanche abriter des logements pour 50 hommes et des petits magasins dans les autres traverses. L'addition de la capacité des logements de traverses, du corps de garde de gauche (144 hommes) du corps de garde de droite (extrémité est, flanquant), non détaillé en plan (40 hommes, selon le modèle n°2 de 1846) aboutit à un total de 234 hommes, proche du chiffre ambitionné de 250 hommes de garnison. La terrasse du corps de garde de droite formera poste d'observation.

L'épaulement de la batterie devra être prolongé autour de ce corps de garde car il est battu depuis le meilleur mouillage des vaisseaux pour l'enfilade de la batterie. Le comité des fortification, qui a accordé 130.000 francs, prescrit de remplacer le corps de garde n°1 de gauche (entrée), supposé imposer trop de déblais, par un n° 2 à exécuter immédiatement, mais en réalité rien n'est changé, ce corps de garde occupant un emplacement préparé en 1813, ce qui limite le coût. Le magasin à poudre, prévu dans un axe perpendiculaire à celui du projet de 1845, est couvert jusqu'à l'intrados par l'épaulement en arrière duquel il est placé. Il comprend deux niveaux (5,6 x 11,7 m) capable de contenir 28,2 t en barils sur 3 rangs au rez de chaussée et sur deux rangs à l'étage. La batterie haute au dessus du flanc de droite est encore jugée superflue, et l'exécution du corps de garde de ce côté à ajourner. en revanche, celle du corps de garde de gauche (entrée) étant à accorder, avec deux niveaux voûtés en briques de 3,75 m sous clef, pouvant loger 96 hommes sur lit ou 144 sur campement, et dans les culées, 12 petites chambres pour officier, sous-officiers, magasins, 1 cuisine, 2 escaliers.

Le mémoire sur les projets de 1848 et le plan associé donne idée de l'avancement des travaux 23. La dépense, en 1846 et 1847 cumulés s'élève à 137.100 fr., le solde à consommer étant de 185.000 fr. Certains changements décidés en cours d'exercice ont entraîné des surcoûts identifiés : l'implantation de la tour type 1846 n° 3 à l'emplacement de l'ancienne lunette, a été un peu modifiée pour la placer 4m plus bas sur la pente, à l'abri et à la gorge (soit au nord, face à la rade) d'une batterie d'appoint en forme de lunette, aménagée dans le fossé de l'ancienne lunette de 1813. L'organisation de l'entrée de la batterie a été conçue avec un pont-levis à la Poncelet24, et on a renoncé à placer le magasin à poudre à côté de cette entrée, face à la caserne, position insuffisamment protégée par le mur de courtine. En revanche, dans ce secteur, le plan projeté de l'angle nord-ouest de la batterie et de son front d'entrée a été modifié pour lui donner une forme de bastion en conservant les faces et le flanc droit du revêtement de 1813, qui était flanquant sur le front de mer. Conformément aux instructions de l’inspecteur du génie, le magasin à poudre est désormais placé dans un creux de la montagne à l’arrière de la batterie entre les 2è et 3è traverses, c'est-à-dire l'emplacement prévu en 1844. Sa capacité est de 19,2 tonnes. Les petits magasins sous traverses procurent 4,8 tonnes, soit un total de 24 tonnes. Les besoins réglementaires pour 25 canons et 25 obusiers sont de 43,25 tonnes. Le déficit n’est pas préoccupant car la batterie est facile à approvisionner. Le magasin sera conforme à l’instruction du 1er juillet 1847, hauteur sous clef de 2,95m.

La question des logements est à nouveau soulevée : la caserne en construction peut loger 136 hommes et 16 officiers, les 2e et 3e traverses ont une capacité cumulée de 39 hommes 22. Un manque à gagner de 59 places doit être compensé satisfait au moyen de deux corps de gardes placés à chaque extrémité (la caserne n'est plus considérée comme un corps de garde crénelé n° 1). Le comité des fortification a fixé l'implantation du corps de garde de droite dans la batterie haute flanquante, mais l'inspecteur des fortifications a préconisé un emplacement entre deux traverses de la moitié droite, à l'emplacement du petit dépôt de poudres construit en 1813. Sa contenance serait de 36 hommes, son organisation proche de celle d'un corps de garde crénelé n° 2 ; pour réduire les déblais à faire, la largeur serait réduite au bénéfice de la longueur augmentée. Une capacité augmentée à 74 hommes permettrait de se passer du corps de garde supplémentaire prévu à l’ouest, en hauteur, à la gorge du bastionnet raccordant le front d'entrée à la "coupure" ouest, emplacement trop exposé. Le plan de la caserne réalisée est intéressant, car il évoque à la fois celui d'un corps de garde crénelé n°1 de 1845, et celui d'un corps de garde défensif n°1, modèle-type conçu en 1845, mais jamais réalisé, car remplacé par le modèle-type de 1846.

Suspendus en 1849 faute d'allocation de fonds, les travaux de la batterie se poursuivent en 1850, sous la direction du lieutenant colonel Bauchetet, chef du génie 25. La construction des coupures, c'est-à-dire des murs crénelés du retranchement de gorge est renvoyée à 1851, celle de la tour crénelée type 1846 n° 3 en haut étant aussi différée. Le mur crénelé du flanc droit du bastionnet entre coupure et front d'entrée est à remplacer par un parapet à couronnement plongeant. La terrasse de la caserne doit être bitumée rapidement, car elle n'est pas hors d'eau, et ses casemates sont déjà en partie occupées. La batterie est en partie armée, il importe de construire le magasin à poudre en 1850 ; sa contenance n’a pas été arrêtée, mais elle pourrait être de 12 tonnes, ce qui, complété par la capacité des magasins sous traverses (8 tonnes) et de ceux de la Croix des Signaux (25 tonnes), répondrait aux exigences de l'armement.

En 1851, le magasin à poudre reste à construire ; sa capacité est fixée à 25 tonnes par décision commune du génie et de l'artillerie, ce qui lui donne des proportions allongées. Son défilement est augmenté par une surprofondeur de 1m, la réservation taillée dans le rocher sera à revêtir. Il est construit en 1852-1853. La construction des deux coupures n’est pas achevée en 1853 par manque de crédits ; un bastionnet intermédiaire carré à été ajouté à chacun des deux murs crénelés, pour en assurer le flanquement coupure. La tour crénelée n° 3 reste à construire, elle le sera en 1854 (millésime). le solde des travaux est estimé à 58.650 fr, pour une dépense de 290 120 fr depuis 1846.

Achevée seulement en 1856, la batterie de la Carraque, y compris la tour, aura coûté 329.238 fr. Elle ne comporte en définitive que quatre traverses A-B-C-D. Le corps de garde de droite (est) n'a été réalisé à aucun des deux emplacements prévus, l'appoint à la capacité de logement de la caserne n'étant assuré que par les casemates logeables des traverses B et C et par la tour crénelée. Le petit dépôt de poudres de 1813 a été conservé. La branche principale gauche (ouest) de la coupure de retranchement, ou mur crénelé, est finalement bordée d'un fossé, qui enveloppe aussi la tour crénelée n° 3, le chemin en laçets entre batterie et fort passant sur ce fossé à côté de la tour à la faveur d'un petit pont-levis.

A cette époque, l'ancienne batterie de Saint-Mandrier existe toujours à 300m de l'entrée de la batterie de la Carraque, déclassée, désarmée et abandonnée. Elle sera par la suite rasée, préalablement à la construction de la jetée de Saint-Mandrier, partant de son emplacement, jetée dont le feu est mis en service en 1884. En 1867, une route militaire côtière est projetée à travers la batterie de la Carraque, passant au-dessus du magasin à poudres et traversant la branche est du mur crénelé ou coupure ; elle n'est pas réalisée. Le 15 février de l'année suivante, le lieutenant colonel Salanson, commandant du génie et directeur des fortifications par intérim propose le remplacement de la terrasse de la caserne de la Carraque par une toiture à faible pente reposant sur des fermes en maçonnerie.

Transformations et réarmement : 1872-1939

Atlas des bâtiments militaires. Batterie centrale de la Carraque et batterie sud-est. 1904. Détail : le plan de position.Atlas des bâtiments militaires. Batterie centrale de la Carraque et batterie sud-est. 1904. Détail : le plan de position.A partir de 1872, la réforme de la batterie est d'actualité. La commission de défense des côtes de 1873 26 évoque un armement théorique de 44 pièces : 4 canons de 27 cm rayés, 25 canons de 30 livres rayés, 15 obusiers de 22 cm lisses, réduit en réalité aux 25 canons de 30 rayés et à 25 obusiers de 22 lisses. Une batterie basse de gros calibre entre la Carraque et l’hôpital de Saint-Mandrier qui ne serait pas exposée comme la Carraque aux coups venant de l’entrée de la grande rade, serait préférable. La Commission de 1876 27, annonce l'étude d'une batterie basse de rupture à la Carraque, armée de 4 canons de 32cm, qui serait complétée dans la batterie en place, de 3 pièces de 24 cm à droite (sud-est) et de 5 canons de 30 livres sur la longue branche. Cet armement est entériné par le plan de défense de la rade de Toulon de 1876 approuvé le 4 avril 1877 28.

La batterie de rupture, ouverte, est construite en 1881-1882 en avant, à gauche (en front de mer) et en léger contrebas de l'entrée de la batterie en place, partant de la contrescarpe du fossé. Elle comporte deux sections compactes de pièces de 32cm en ressaut l'une sur l'autre (2 pièces modèle 1870 d'une part et deux autres modèle 1870-79, sur affûts à pivot avancé modèle 1882), servies par deux magasins en traverse. Son équipement complétée, à droite du chemin d'accès à la porte de la batterie principale, dans la pente du terrain, par un hangar aux projectiles et un magasin à poudres en caverne. L'ensemble a coûté 90.500 fr.

La même année 1881, le magasin à poudres de la batterie principale a été réorganisé selon les directives d’enterrement des modèles 1868 et 1874, pour mieux le mettre à l’épreuve des progrès de l’artillerie : son couloir d’isolement à ciel ouvert est voûté, et son toit remplacé par une banquette de terre. L'armement de la batterie a été redistribué, entre la "batterie centrale" (ou longue branche), composée d'une batterie de 5 pièces de 30 livres sur le saillant ou bastion central, et la "batterie sud-est" de la Carraque. Cette dernière, réorganisée à neuf entre 1881 et 1885 sur l'extrémité est et son flanc, moyennant 44.000fr., est considérée comme un sous-ensemble autonome. Son armement, vers 1890, est composé de 3 pièces de 24 cm modèle 1870 l'une sur affût à pivot central modèle 1883, les deux autres sur affûts à pivot avant modèle 1882. Ces trois sections d'artillerie sont séparées par deux traverses, une sur chaque face du bastion, conformément aux dispositions générales posées par la circulaire du 18 mars 1876 pour les batteries de côte 29, selon lesquelles les pièces doivent être placées à barbette sur des plates-formes de maçonnerie séparées par des traverses-abris, une par pièce ou, au plus, par deux pièces.

En 1899, une batterie de 47 mm à tir rapide sur affûts à crinoline est installée face à la rade dans la batterie centrale, sur la face droite du bastion d'angle nord-ouest, à droite de la façade de la caserne. Un projecteur électrique est installé en contrebas, au débouché du fossé du front d'entrée, dans un souterrain sous l'angle de capitale du bastion. Un autre projecteur sous niche-abri casematée, est aménagé sur la rive rocheuse naturelle, en contrebas de l'escape de la batterie centrale, pour éclairer les tirs des cinq pièces de 30.

A cette époque, l'ancien petit dépôt de poudres, seul bâtiment remontant à 1813, est utilisé comme corps de garde entre batterie centrale et batterie sud-est.

Durant cette même période, entre 1890 et 1903, les pentes du terrain à la gorge de la batterie centrale, desservis par le chemin en lacets reliant la batterie à la tour crénelée n° 3, reçoivent divers aménagements. Le premier, en 1893, est un épaulement en terre construit vers le haut de la pente pour une "batterie légère" de six canons de 90mm, qui était déjà déclassée vers 1901. D'autre part, à mi-pente, à l'abri du mur crénelé ou coupure ouest, sont installés un poste photo-électrique (pour feu chercheur de 0,90m) avec salle des machines, un poste de commande de lancement pour la ligne extérieure de torpilles de fond, un poste télémétrique, le tout complété d'une citerne. Plus bas, la gorge du bastionnet d'angle accueille une citerne pour le personnel de la défense sous-marine 30.

De 1901 à 1903, la batterie centrale et la batterie sud-est sont réformées pour accueillir des canons de 65mm, quatre dans la première, remplaçant les pièces de 30 livres, deux dans la seconde. Cette batterie dite désormais " de la Carraque est", n'ayant plus de tirs d'artillerie vers le sud, est complétée d'un poste de direction de tir, d'un poste d'observation et, à la gorge, dans la pente du terrain, d'un magasin à poudres en caverne avec monte-charge. Par ailleurs, un poste de projecteur est construit à proximité et en contrebas.

En 1939, à l'heure de l'entrée en guerre, l'armement de la batterie ne se compose plus en tout et pour tout que de deux pièces de 75 mm, modèle 1897, implantées dans la batterie de la Carraque-est. Elle compte au nombre de celles que l'amirauté française classe en 3e position opérationnelle, c'est-à-dire en réserve, simplement gardiennées. En octobre 1940, La Carraque-est fait partie des batteries de côte "désarmées armistice", c'est-à-dire dont les culasses des pièces ont été démontées et les munitions stockées. Elle est une des rares qui n'ait pas été réarmée en novembre 1942, étant sans doute jugée en double emploi avec les pièces de la Croix des Signaux. Elle ne joue apparemment aucun rôle actif durant l'occupation italienne, puis allemande, et n'est pas visée par les bombardements d'août 1944, ce qui ne l'empêche sans doute pas de subir des dommages collatéraux des raids sur la Croix des Signaux.

Déclassée après guerre mais demeurée dans le parc foncier de la Marine, la batterie a été traversée par une route militaire côtière qui réalisait, avec près d'un siècle de retard le projet de route inabouti de 1867. L'ancienne partie orientale de la batterie, dite de la Carraque-est, traversée par cette route, a été détruite à l'occasion. Un bâtiment neuf en ciment et toit en tuiles mécaniques a été construit dans les années 1950 sur l'ancienne deuxième section d'artillerie.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

La batterie est installée au pied du versant nord, en pente raide, de la hauteur de La Croix des Signaux. Son développement longitudinal, est-ouest parallèle à la côte, s'étendait sur environ 450m à une altitude croissante d'ouest (côté de l'entrée) en est, variant de 13m au dessus de la mer (seuil d'entrée de la porte de la batterie et rez-de-chaussée de la caserne), à 28m (sol dans la moitié est de la batterie). S'ajoutait, en avant de l'entrée, la batterie de rupture de 1881. Les murs crénelés de "coupure" qui retranchaient la batterie principale à la gorge, gravissent la pente du versant en convergeant vers la tour-type crénelée 1846 n° 3, fondée à 110m d'altitude, elle-même dominée par le fort de La Croix des Signaux (121m d'altitude).

La route d'accès, à partir de l'hôpital de Saint-Mandrier, traverse une zone dense d'infrastructures (entrepôts, ateliers) de construction récente, avant d'aborder la porte de la batterie, et se poursuit à l'intérieur, à l'emplacement de la "rue du rempart" qui desservait la gorge des anciennes plates-formes d'artillerie, et comporte des segments en rampe plus ou moins douce au droit des ressauts de la batterie. La route actuelle se continue à l'est au-delà des limites de l'ancienne batterie, en route côtière militaire.

Il reste aujourd’hui, des infrastructures et des aménagements de la batterie, la moitié ouest de l'escarpe de 1813 refondue en 1848-1854, entrée et caserne comprises, ainsi que la majeure partie des deux murs de coupure tombants, la tour et les restes du chemin en lacets gravissant la pente pour relier la batterie à la tour. En revanche, la batterie de rupture de 1881, à l'ouest, détruite, a cédé la place à des maisons, et la moitié est de la batterie principale, dite "batterie sud-est" ou "la Carraque-est" a pratiquement disparu, à l'exception de quelques vestiges d'aménagements de la batterie de 65mm de 1901-1903 subsistant au bord de la route, en sorte que l'ancienne batterie fermée est aujourd'hui largement ouverte à l'est.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre

L'état actuel, incomplet, mutilé et remanié, de la batterie de la Carraque, est en outre devenu peu lisible du fait du couvert boisé important qui a envahi le versant de la Croix des Signaux et la partie détruite de l'est. Il en ressort une impression générale de confusion et de manque d'unité des restes des différents sous-ensembles, qui apparaissent comme des "morceaux" d'une inégale qualité en termes de conservation, de représentativité et d'intégrité. Il convient, par commodité, de définir d'abord ces différents sous-ensembles et les décrire successivement en replaçant dans leur contexte ce qui reste de leurs aménagements ou bâtiments.

-Le premier sous-ensemble -le plus important et le moins bien conservé- est la batterie proprement dite, c'est-à-dire le long front de mer portant le parapet de terre sur lequel étaient disposés les cinquante pièces, dans l'état réalisé, en 1848-1854, y compris les retours d'angle des extrémités, front d'entrée à l'ouest et flanc ouest.

-Le second sous-ensemble est formé par les deux murs d'enceinte partant de ces extrémités pour gravir le versant en convergeant, et la tour crénelée type 1846 n° 3 à laquelle ces murs aboutissent.

-On peut enfin définir un troisième sous-ensemble, aussi à l'arrière de la batterie, moins organisé mais ayant laissé des vestiges, à savoir le chemin montant en lacets et les différents bâtiments et équipements tardifs (1890-1903) qu'il desservait au passage.

La batterie

Le plan du front de mer de la batterie, dans son état définitif réalisé en 1848-1854, s'apparentait lointainement à un front bastionné, densément occupé par six sections d'artillerie totalisant cinquante pièces, sections séparées par quatre traverses-abri et un angle en ressaut.

Enceinte de la batterie, front d'entrée, courtine crénelée et bastion 1, à l'angle nord-ouest.Enceinte de la batterie, front d'entrée, courtine crénelée et bastion 1, à l'angle nord-ouest.

L'angle nord-ouest de la batterie est occupé par un bastion carré à flancs peu saillants coté 1 sur le plan de 1848 du projet en cours d'exécution. Toujours en place, il flanque le front d'entrée d'une part et un segment du front de mer d'autre part. Le haut revêtement (8m au maximum, sans le parapet) des deux faces de ce bastion, de son flanc droit, et celui du segment du front de mer formant courtine, remontent à la construction de 1813. Ils sont parementés en blocage soigné de gros moellons sommairement calibrés, les encoignures étant en pierre de taille ; l'escarpe, légèrement talutée, se termine par un cordon qui porte le parapet d'infanterie crénelé, avec tablette de couvrement et encadrement des fentes des créneaux en pierre de taille. Le flanc gauche et la courtine du front d'entrée avec sa porte (aujourd'hui détruite), qui n'avaient pas été réalisés en 1813, datent de 1851, de même que la totalité du parapet crénelé. Le parapet de la face droite du bastion a cédé place à un parapet d'artillerie en terre en 1899, pour l'adapter à de la batterie de 47 (dispositions disparues sans laisser de traces significatives). Le front de mer forme à la suite une courtine sur laquelle s'appuie, au ras du flanc droit du bastion 1, le mur-pignon nord de la caserne, puis le parapet en terre (déblayé) de la première section d'artillerie, pour quatre pièces.

Le niveau du sol passe de +13m, dans le bastion 1 et sur la place d'armes devant la caserne, à +19m dans la première section, le rez-de-chaussée de la caserne étant entièrement adossé à ce premier ressaut de 6m que la route compense en formant une rampe. A la suite de la courtine de la première section, limitée par une traverse-abri dévolue à un magasin de batterie pour affuts - traverse conservée mais sans son revêtement en terre-, le front de mer est flanqué d'un large bastion plat, coté 2 sur le plan de 1848, et créé à cette date. Ce bastion, dont le flanc droit est plus saillant que le gauche et forme deux pans, abritait deux sections d'artillerie séparés par une grosse traverse casematée destinée à un logement de troupe, traverse également conservée sans son revêtement en terre. La deuxième section contenait six pièces, dont une flanquante à gauche, la troisième huit pièces, dont quatre flanquantes à droite, vers l'entrée de la rade. Batterie, traverse-abri entre 1ère et 2e section d'artillerie, extérieur.Batterie, traverse-abri entre 1ère et 2e section d'artillerie, extérieur.

C'est cette troisième section d'artillerie qui avait été réorganisée en 1881 lors de la réforme de la batterie, pour recevoir les quatre pièces de 30 auxquelles se réduisait alors l'armement de la partie médiane du front de mer 31. Dans l'état actuel, les positions de tir, 1854 ou 1899, de ces trois premières sections, ont été effacées sans laisser de traces, la seconde section étant occupée par le bâtiment des années 1950, la troisième accueillant un chenil.

A la suite du bastion plat n°2, après un second ressaut sans traverse, s'étendait la seconde moitié du front de mer de la batterie, un peu plus longue que la première, comportant trois sections d'artillerie séparées par deux traverses-abri, la cinquième et la sixième plus longues que les précédentes. La sixième et dernière section d'artillerie, située sur l'angle nord-est de la batterie, formait un grand bastion coté 3 en 1848, à angle de capitale obtus, terminé par un long flanc droit crénelé regardant au sud, vers la hauteur. La batterie se répartissait sur les deux faces de ce bastion, l'une regardant au au nord, en continuité des autres sections, l'autre regardant au nord-est.

C'est ce grand bastion 3 qui avait été réorganisé en 1882 pour constituer la "batterie sud-est" ou batterie de 65 de la Carraque. L'ensemble des parapets, traverses, emplacements de tir, et même revêtements d'escarpe de ces trois dernières sections, a aujourd'hui disparu, sans doute par rasement et déblai vers les pentes naturelles de la côte, en contrebas. Il en reste des bâtiments de service et aménagements : principalement, du côté de la hauteur, à la gorge de la 4eme section, le grand magasin à poudres construit en 1852-1853 en enclave dans le versant rocheux et réorganisé en 1881, et, à la gorge de la 5eme section, le petit magasin ou dépôt de poudres, seul bâtiment réalisé de la batterie de 1813, utilisé comme petit corps de garde depuis au moins la fin du XIXe siècle. De la sixième section, bastion 3 ou plutôt de la "batterie de 65 de la Carraque est", restent apparents, correspondant à l'ancien angle de capitale du bastion, les pivots des deux pièces de 65mm et, à leur gauche (sous l'ancien parapet de la face gauche), le petit poste de direction de tir et le poste d'observation sous dalle de blindage béton, avec couloir souterrain intermédiaire courbe. Le magasin en caverne de 1901 existe sans doute encore dans le versant naturel, mais il est devenu inaccessible. Batterie, 6e section d'artillerie ou batterie de 65, poste d'observation, extérieur, toit.Batterie, 6e section d'artillerie ou batterie de 65, poste d'observation, extérieur, toit.

Les bâtiments militaires de la batterie

Le premier de ces bâtiments est la caserne à deux niveaux, implantée dans la cour ou place d'armes d'entrée, adossée dans son grand axe au premier ressaut de 6m de haut. Ses élévations extérieures, terminées par une corniche continue, sont revêtues d'un enduit couvrant plusieurs fois refait, qui ne laisse apparentes que les pierres de taille des encoignures et chambranles de baies, badigeonnées en blanc. Le rez-de-chaussée est de plain-pied avec la cour, et l'étage règne avec la première section d'artillerie de 1854. Comme on l'a mentionné, le mur-pignon nord de ce bâtiment s'appuie directement sur la courtine du front de mer, tandis que celui du sud est bordé par la rampe qui compense le dénivelé du ressaut. Ainsi implanté, sur les fondations amorcées (dont une citerne) de la "petite caserne" du projet de 1813, ce bâtiment était évidemment trop contraint pour satisfaire aux dispositions normatives des "corps de garde crénelé n°1" modèle 1845 ou modèle 1846 dont son plan et son couvrement en toit-terrasse plat s'inspire. En effet, ces modèles-type de réduits de batterie, à niveau unique, sont défensifs, conçus pour être isolés par un fossé. La caserne de la Carraque n'a repris de ces modèles que la distribution intérieure, en ajoutant un étage et en éliminant l'appareil défensif. Sa façade postérieure et son mur-pignon sud sont cependant isolés de la première section de batterie et de la rampe par une coupure, sorte de petit fossé doublé à l'arrière (où il est incomplet) d'un passage longeant le mur de profil (conservé) du parapet de batterie (déblayé).

Conformément au modèle de corps de garde n°3, les volumes internes, également revêtus d'un enduit couvrant et peint, juxtaposent trois grandes casemates transversales de casernement, qui, au rez-de-chaussée, sont voûtées en berceau surbaissé. Adaptées à 14 ou 18 hommes de troupe, ces casemates sont encadrées de part et d'autre par des travées de culées composées de trois petites casemates voûtées dans un axe perpendiculaire. Ce dispositif des culées contrebutant les casemates principales est également une constante des corps de casernes, défensifs ou non, normalisés dans la décennie 1840. Caserne, casemate du rez-de-chaussée, voûtée en berceau surbaissé.Caserne, casemate du rez-de-chaussée, voûtée en berceau surbaissé.

L'étage se différencie du rez-de-chaussée par son mode de couvrement inhabituel qui, pour chacune des trois grandes casemates, substitue aux classiques voûtes, une série de six arcs-diaphragmes juxtaposés portant des voûtains très surbaissés. Ce système, fut sans doute choisi pour sa plus grande légèreté, la terrasse de la caserne n'étant pas conçue pour porter des pièces d'artillerie (à la différence de celle des corps de garde défensifs), mais il assurait manifestement moins bien l'étanchéité des casemates. Le projet de toit présenté en 1868 en atteste, pour autant, il ne semble pas avoir été réalisé, les problèmes d'étanchéité ayant sans doute pu être réglés par une chape de bitume.

Les façades, sur lesquelles les travées de culées forment une légère saillie (qui correspondent à un épaississement du mur), sont percées de simples fenêtres et portes-fenêtres rectangulaires, seules deux des trois petites casemates de la culée nord, face à la rade, étant crénelées. Dans l'état actuel, les cinq baies du rez-de-chaussée sur cour sont traitées en porte fenêtres, au lieu de trois dans l'état primitif.

On entre au rez-de-chaussée depuis la cour par la porte de la grande casemate centrale, la distribution entre casemates étant assurée par des portes percées en enfilade au milieu des murs de refend. On pouvait aussi entrer directement de la cour dans les petites casemates des culées, celle de gauche (nord) en entrant étant dévolue à la cuisine, suivie du local de la pompe de la citerne (située en-dessous) et d'un magasin au vivres. Les casemates de la culée de droite (sud) étaient affectées à des chambres de sous-officiers.

On entrait à l'étage, sans communication verticale interne avec le rez-de-chaussée, par une porte passant de la rampe à la casemate centrale de la culée sud, par l'intermédiaire d'un court escalier sur une arche franchissant la coupure. Cet accès est aujourd'hui supprimé, remplacé par une petite terrasse sur un local ajouté dans la coupure ; de même, l'angle sud-est du mur-pignon ou culée de droite est enveloppé d'un avant-corps ajouté (dans les années 1950 ?) pour créer un corps de garde/conciergerie à l'étage et un escalier reliant entre eux les deux niveaux. Les petites casemates de cette culée étaient dévolues au logement du gardien de batterie. D'après le plan de l'étage en 1868, pour le projet de toit, on entrait aussi par une porte de plain-pied, au milieu de la façade arrière, dans la grande casemate médiane du casernement, bien que les relevés d'un atlas des bâtiments militaires de 1874 n'indique que des fenêtres de ce côté. Actuellement, deux des trois fenêtres de casemates sont transformées en porte. Deux des petites casemates de la culée nord servaient de chambres de sous-officiers, la troisième de salle de police. Caserne, façade postérieure,  vue du ressaut de la 1ere section d'artillerie.Caserne, façade postérieure, vue du ressaut de la 1ere section d'artillerie.

La première traverse-abri, dont les reins de la voûte sont entièrement dégarnis de leur banquette de terre, n'abrite qu'un magasin de batterie. C'est une petite casemate voûtée en berceau (encore enduite) sans prise de jour mais avec cheminée d'aération au fond, n'ayant qu'une porte d'entrée à encadrement en pierre de taille couvert d'un arc plein-cintre dans le mur de profil en blocage donnant sur la route (rue du rempart).

La seconde traverse-abri, plus grande, également dégarnie de ses terres, a été parasitée extérieurement par des petits bâtiments adossés. Son volume interne voûté en berceau (voûte en blocage aujourd'hui décapée de son enduit ) est divisé intérieurement par un mur de refend en deux parties inégales : au sud, vers la route, un petit magasin de dépôt de poudre, aveugle, avec porte dans le mur de profil et créneau de ventilation en chicane, au nord, une casemate de casernement percée seulement sur son grand côté ouest, qui forme un mur de façade avec porte encadrée symétriquement de deux fenêtres, couvertes d'un arc plein-cintre. Le mur opposé est aveugle, car il était enterré, et le mur du petit côté nord l'était aussi, mais a été percé d'une fenêtre dans les années 1950. La casemate était équipée d'un conduit de cheminée à ses deux extrémités, sans doute pour brancher un poêle et non pour ventiler.

Le magasin à poudre, réalisé conformément au projet de janvier 1852, pour une capacité de 25 tonnes, est de plain-pied avec la route et enclavé dans une réservation taillée dans le roc, qui dégageait autour un couloir d'isolement à ciel ouvert assez large, arrondi aux angles dans la partie taillée. Ce couloir, délimité par un revêtement ou mur d'enceinte, se poursuivait du côté de la route, ou le mur faisait saillie sur l'escarpement naturel, percé d'une porte dans un petit côté. Le magasin proprement dit, dépourvu de contreforts (comme souvent à cette génération), était couvert d'un toit en bâtière, prévu en 1852 directement posé à bain de mortier sur les maçonneries épaissies des reins de la voûte, et finalement surhaussé à la faveur d'un surcroît des murs gouttereaux. Le mur d'enceinte ou d'isolement, formant revêtement du front de taille rocheux, était suffisamment élevé du côté de la hauteur, et sur les deux petits côtés, où il était rampant en appentis, pour défiler entièrement le toit du magasin. Après son achèvement, le magasin avait reçu un paratonnerre réglementaire, conforme aux instructions de 1854 (académie des sciences) avec liaison à la terre, donnant lieu au creusement, dans la branche nord du couloir d'isolement, d'un puits de terre avec branche de souterrain horizontale en retour passant sous la route.

L'état actuel du magasin résulte de la réorganisation qu'il a subi en 1881, conforme aux directives de 1874 prescrivant l'enterrement des toits et le voûtement des couloirs d'isolement, avec terres au-dessus. Batterie, magasin à poudre enterré, vue extérieure du côté de l'entrée.Batterie, magasin à poudre enterré, vue extérieure du côté de l'entrée.

A l'extérieur, la partie du mur d'isolement faisant saillie sur l'escarpement naturel aménagé, a été modifiée pour augmenter cette saillie du double de ce qu'elle était, en réduisant d'autant la largeur du passage desservant la batterie (rue du rempart). Cette partie de mur est devenue un revêtement (en opus incertum de moellons de tout venant) ou muret d'appui du gros merlon de terre profilé en talus, qui ensevelit et surmonte le magasin. Les angles de ce mur sont arrondis et l'angle du côté de l'entrée est aigu, car la façade d'entrée de l'enveloppe (petit côté ouest), seule visible de l'extérieur, affecte un plan légèrement rentrant. Cependant, la porte du mur d'enveloppe est au même emplacement qu'avant la refonte de 1881, et sa large arcade cintrée encadrée en pierre de taille avec claveaux saillant un sur deux, est probablement celle de 1853. Cette porte latérale donne accès à un sas voûté qui distribue, d'une part, en face, la branche nord du couloir d'isolement, casematé en 1881, d'autre part, à droite, en chicane, un autre sas, à ciel ouvert, régnant devant la porte du magasin proprement dit, ou salle des poudres. Les maçonneries, très soignées, emploient majoritairement la pierre de taille appareillée pour les encadrements de baies, plinthes, jambages, encoignures, et ponctuellement de la brique, le parement ordinaire étant en blocage. D'après les plans de la batterie de 1903 et 1904, ce sas d'entrée était lui aussi couvert par les terres du merlon de 1881, et surmonté d'une grande cheminée d'aération et de prise de second jour (sans ce dispositif, du fait de la position enclavée du magasin, la fenêtre de la salle des poudres aurait été aveuglée par l'enterrement) ; c'est donc la ruine de cette cheminée qui a entrainé la découverture actuelle. La salle des poudres, revêtue d'un enduit couvrant, est pourvue d'un plancher en bois doublant le sol en pierre qui porte sur un vide technique voûté en deux vaisseaux, disposition non prévue sur les dessins de projet jusqu'en 1851, mais attestée par un relevé de 1874. La porte d'entrée, les fenêtres hautes des deux murs-pignons (dont une au-dessus de la porte), avec volets des deux côtés, ont gardé leur disposition de 1852, de même que les huit évents en chicane des murs gouttereaux. Par contre la galerie d'isolement périphérique voûtée en berceau en 1881, est trois fois moins large que ne l'était le couloir d'isolement à ciel ouvert de 1853 qu'elle remplace. La voûte comporte des lunettes au droit du débouché des évents de la salle, pour ne pas les obturer. Le puits de mise à la terre du paratonnerre est inclus dans une niche ménagée dans la paroi de la branche nord du couloir. La branche est, à l'arrière du magasin, comporte deux segments de voûte rampante convergeant au centre sur une large cheminée d'aération et de prise de second jour, dont le boisseau central en briques est monté en encorbellement sur une arche, au service de la fenêtre postérieure de la salle des poudres, qu'il coffre. Sous l'arche de ce boisseau, encadré de deux conduits latéraux de ventilation, un créneau à lampe a été percé en 1881 dans l'ancien mur-pignon du magasin pour éclairer la salle des poudres.

Batterie, magasin à poudre enterré, couloir ou galerie d'isolement voûté.Batterie, magasin à poudre enterré, couloir ou galerie d'isolement voûté. Batterie, ancien dépôt de poudres de 1813, vue extérieure.Batterie, ancien dépôt de poudres de 1813, vue extérieure.

Le petit magasin de dépôt de poudres de 1813, construit rustiquement en blocage de pierres non équarries, a conservé sa chambre sous voûte en berceau enduite, dont les reins portent la maçonnerie des deux versants de l'ancien toit, sur lesquelles les tuiles étaient directement posées à bain de mortier. Elles sont aujourd'hui remplacées par une chape de ciment. L'utilisation tardive de ce petit magasin, jadis aveugle, en corps de garde d'appoint, a entraîné l'agrandissement de sa porte, dans le mur-pignon ouest, et la percée d'une petite fenêtre dans le mur gouttereau nord.

A l'extérieur des escarpes de la batterie, face à la mer, est conservé le souterrain de garage ou abri de jour du projecteur électrique, au service de la batterie de rupture, formant une niche profonde voûtée en berceau s'enfonçant sous l'angle de capitale du bastion 1 (nord-ouest), dans l'axe de cet angle, avec façade en pierre de taille blanche soignée en saillie hors-œuvre occupée par l'arcade d'entrée du garage souterrain. Cette arcade est munies de ses portes de fer, mais les rails sur lesquelles glissait le wagonnet portant le projecteur, ont disparu. Plus à l'est, en contrebas du bastion 2, subsiste la niche d'abri, beaucoup moins profonde, du second projecteur, poste d'éclairage de la batterie centrale. Sa façade se borne à une arcade en pierre de taille blanche, le revêtement intérieur étant en opus incertum de moellons gréseux.

Les murs d'enceinte pendants et la tour crénelée type 1846

Si le mur crénelé de la branche pendante orientale du retranchement n'est conservé que dans sa moitié supérieure, envahie par le taillis, celui de la branche ouest, du côté de l'entrée de la batterie, est bien conservé dans sa totalité, mais délabré par endroits. Il s'amorce à l'angle du front d'entrée de la batterie, immédiatement à côté de l'emplacement de la porte à pont-levis de la batterie, aujourd'hui détruite, par un court segment fortement rampant, et par le bastionnet d'angle, petit ouvrage terrassé. Le revêtement et le parapet crénelé de l'ensemble du mur d'enceinte continuent ceux du front d'entrée et du bastion 1 (nord-ouest) de la batterie, y compris dans l'emploi du cordon, et dans la mise en œuvre soignée de la tablette et des créneaux, encadrés en pierre de taille à l'extérieur. L'élévation principale du mur pendant est donnée par son escarpe, obtenue par creusement d'un fossé vers l'extérieur, car, du côté intérieur du retranchement, cette élévation se limite à celle du parapet. Sur le flanc droit du bastionnet, le parapet crénelé s'interrompt pour céder place à un simple muret bas, qui permettait de placer une pièce d'artillerie de défense rapprochée prenant en enfilade le fossé du front d'entrée jusqu'à la mer. Le parapet du flanc gauche, en revanche, comporte le même crénelage, que partout ailleurs, dans un rythme plus serré, avec ébrasement intérieur encadré en briques, tranchant avec la maçonnerie ordinaire en blocage.

Enceinte du retranchement de gorge, branche pendante ouest, détail de parapet crénelé.Enceinte du retranchement de gorge, branche pendante ouest, détail de parapet crénelé.

A mi-longueur, la branche ouest du mur crénelé comporte un retrait d'alignement, créé par deux redans flanquants en faible saillie, encadrant symétriquement un autre bastionnet, deux fois plus petit que celui de l'angle mur/front d'entrée. Dans les parties supérieures du mur crénelé, y compris le bastionnet, les ébrasements des créneaux ne sont plus encadrés en brique, mais en simple blocage. La tablette, a été en partie déposée et remplacée par un rampant en blocage.

La partie pendante, ou rampante, du mur, se termine en partie supérieure à quelques mètres de la tour-réduit crénelée type 1846 n°3, avec le dernier lacet du chemin montant de la batterie. A cet endroit, le chemin sort de l'enceinte du retranchement par un portail encadré de piliers en pierre de taille percé dans le mur crénelé, après avoir desservi au passage, à gauche, le pont-levis de la porte de la tour-réduit. La tour étant entièrement enveloppée de son fossé, le mur crénelé, tant la branche est que la branche ouest, s'arrête à la contrescarpe de ce fossé et cède place, de chaque côté à un haut batardeau avec chaperon et dame en pierre de taille, qui joint les murs de la tour. Les piliers du portail comportaient manifestement des vantaux mais pas de pont-levis, le tablier du pont pouvant être détruit en cas d'urgence. Tour-réduit crénelée type 1846 n°3 encadrée des deux batardeaux la reliant à l'enceinte du retranchement.Tour-réduit crénelée type 1846 n°3 encadrée des deux batardeaux la reliant à l'enceinte du retranchement.

A l'extérieur de ce portail et de ce pont, le chemin passait à l'intérieur de l'épaulement de la batterie d'appoint (détruite) qui enveloppait la tour, face au fort de la Croix des Signaux, assurant l'auto-défense du retranchement de la Carraque dans sa partie haute, et sortait de cette batterie par une coupure dans l'épaulement, pour monter vers le fort par une rampe en caponnière.

La tour est pour l'essentiel conforme au modèle-type de réduits de batterie de côte n°3 de 1846, version tour crénelée, capable de loger 20 hommes, en principe pour le service d'une batterie de quatre pièces. Ce personnel ne pouvait servir que la batterie d'appoint qui enveloppait la tour face au fort de la Croix des Signaux, assurant l'auto-défense du retranchement de la Carraque dans sa partie haute. Il est intéressant de préciser que les tours réalisées sont beaucoup moins nombreuses que leur alternative, les corps de garde crénelés .

Le plan de base est un rectangle de 10,97m X 13,18m hors œuvre au fond du fossé, pour une élévation totale d'une dizaine de mètres, les parois murales étant très légèrement talutés jusqu'au cordon qui, dans le cas de cette tour de la Carraque, fait transition avec le parapet (en principe, le modèle-type ne comporte pas de cordon, mais sa présence ici s'explique sans doute par une volonté implicite d'imiter la tour-modèle 1811 toute voisine). Millésimé 1854 au-dessus de la porte, au centre du petit côté nord, cette tour-réduit de batterie à deux niveaux voûtés (un étage de soubassement et un rez-de-chaussée) est classiquement surmontée d’une plate-forme à parapet crénelé ponctué de deux bretèches par côté. Sa distribution intérieure comporte, sur chaque niveau, deux grandes casemates de casernement transversales voûtées en berceau segmentaire, la hauteur sous voûte de l'étage de soubassement étant inférieure d'un tiers à celle du rez-de-chaussée. Du côté de l'entrée seulement, ces casemates sont complétées par une travée de culée tripartite, c'est à dire subdivisée classiquement en trois petites casemates dont les voûtes en berceau contrebutent perpendiculairement celles des grandes casemates. L'ensemble des locaux, entièrement revêtu d'un enduit couvrant, est desservi par une circulation axiale en corridor traversant les murs de refend. Ce corridor, au rez-de-chaussée, part de la porte de la tour. La circulation verticale est assurée par un escalier tournant dans une partie épaissie du mur, comme autour d'un noyau central massif, couvert d'une voûte rampante en brique enduite, logée dans la travée de culée à droite en entrant.

Les locaux du soubassement, subdivisés par des cloisons pérennes en dur isolant le corridor. étaient affectés, ceux de droite à un magasin à vivres, un magasin à poudres (seul décloisonné du corridor) et ceux de gauche deux magasins d'artillerie. Les portes cintrées, des casemates de culée ont encore leurs vantaux de bois. La casemate faisant pendant à celle de l'escalier, qui était utilisée pour la cuisine, surmonte la citerne et permettait d'y puiser. Les casemates de ce niveau de soubassement prennent jour dans le fossé par un à deux soupiraux bas placés, dans les murs des grands côtés (casemates principales) ou dans le mur de façade (casemates de culées). Seul le magasin à poudres est aveugle, équipé classiquement de deux évents en chicane.

Tour-réduit crénelée type 1846 n°3, casemate de casernement du rez-de-chaussée, jours et créneaux.Tour-réduit crénelée type 1846 n°3, casemate de casernement du rez-de-chaussée, jours et créneaux.

Au rez-de-chaussée, les grandes casemates servaient au logement de la troupe, la casemate de culée qui fait pendant à celle de l'escalier, de l'autre côté du vestibule d'entrée étant la loge du gardien de batterie. Les casemates prennent jour assez largement par des baies percées sur deux niveaux dans les grands côtés (deux par grande casemate) et dans le petit côté opposé à l'entrée (quatre dans la grande casemate de fond). Ces baies se répartissent en deux niveaux ou registres : créneaux de fusillade à ébrasement extérieur (en trémie) en bas, fenêtre cintrée au-dessus. Celles des casemates de culées, avec large fenêtre demi-circulaire, ont été percées a posteriori (après 1874) dans le mur de façade.

La porte est conforme au modèle-type : arcade d’entrée en pierre de taille couverte d'un arc plein-cintre, inscrite en retrait dans le tableau rectangulaire d’effacement du tablier du pont-levis, suivie de deux sas successifs séparés par une arcade (en briques) plus basse avec fenestrons au tympan, munie de vantaux intermédiaire (actuellement, porte en fer et carrelage de sol du XXe s). Le premier sas abritait dans des niches latérales les poulies et les contrepoids des chaînes du pont-levis, le second, à usage de vestibule, dessert au passage, latéralement, les casemates de culées (portes cintrées à vantaux conservés). Un créneau-judas percé dans un angle de ces casemate de culée défendait le premier sas.

Tour-réduit crénelée type 1846 n°3, élévation extérieure de la porte à pont-levis avec sas.Tour-réduit crénelée type 1846 n°3, élévation extérieure de la porte à pont-levis avec sas.

Le haut parapet de la plate-forme alterne les bretèches en pierre de taille blanche sur trois consoles, percées chacune de trois petits créneaux, avec des créneaux (deux par grand côté, près des angles) et des embrasures (une au milieu de chaque face). Ces embrasures de la plate-forme, évoquant plus une grande fenêtre à chambranle qu'une canonnière, étaient susceptibles d’accueillir, de manière optionnelle, des pièces de plus petit calibre et de moins longue portée que celles de la batterie, par exemple des obusiers de 15 ou de 16cm. Dans l'état actuel, toutes les bretèches sont en ruines. Vers l'intérieur de la plate-forme, tous les encadrements : portes d'accès aux bretèches, créneaux, embrasures, porte cintrée de la guérite abritant le débouché de l'escalier, sont encadrées en briques.

Le chemin en lacets gravissant la pente abrupte entre la tour-réduit et la batterie de la Carraque est largement effacé du paysage actuel, faute d'entretien, la végétation s'étant développée à ses dépens. Son départ, au droit de l'ancienne seconde section d'artillerie, peu après le première traverse-abri, est aujourd'hui impraticable, et on ne reconnait plus son premier virage à droite au dessus de la façade du magasin à poudres. En revanche, le second virage, à gauche, et la première moitié de la longue montée en écharpe qui lui fait suite, sont mieux conservées. C'est dans ce secteur que subsistent les ruines des bâtiments et infrastructures crées vers 1899-1901 au service du poste de commande de lancement de torpilles. Dans le virage, le poste photo-électrique n'existe plus, mais la citerne immédiatement voisine, est reconnaissable à son revêtement en blocage émergeant du terrain, étayé de contreforts. Citerne sur le versant du retranchement.Citerne sur le versant du retranchement.

Un peu plus haut, le chemin dessert à droite, en retour d'angle aigu la sente d'accès au poste de torpille. Ce bâtiment enfoncé dans le terrain naturel pour assurer son défilement, entouré de trois renforts-boucliers de plan arrondi en pierres sèches, est encore en place, mais tombe en ruines. Il se compose d'une salle principale du poste de commande, abritant le piédestal en briques qui portait les instruments de visée, adossée à une sorte de galerie ou hangar bas couverte en appentis, qui fait en partie retour d'équerre. L'angle rentrant de ce retour d'équerre est occupé par une cour encaissée dans le terrain, aux murs enduits en ciment (sauf ceux extérieurs aux bâtiments, en pierre sèche) permettant la prise de jour de la salle de commande. La galerie prend également jour sur une cour anglaise allongée, sa façade étant percée d'une série de fenêtres et porte encadrées en briques. Le toit en appentis (et celui de la salle de commande, qui le prolonge, à deux versants) porte sur des voûtains en briques séparés par des chevrons en fer. La couverture semble avoir été en tuiles creuses, d'aspect traditionnel, comme les maçonneries des murs, en blocage et brique, enduites.

Au-dessus de ce bâtiment dont les dispositions trahissent peu la fonction, subsistent les ruines précaires du petit poste télémétrique, simple guérite carrée également bâtie en matériaux traditionnels, et non en ciment armé.

1Vincennes, SHD, 1 VH 1831 1679-1701, n° 23, 25. Malheureusement, la numérotation des ouvrages sur la carte de Vauban ne correspond pas à celle de la carte et du mémoire de Niquet.2Vincennes, SHD, Art. 8 carton 1 (1 VH 1831) 1679-1701 n° 36, feuille 103Vincennes, SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1832) 1702-1747, n° 7, 17034Arch. Nat. Marine G 2315Vincennes, SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833) 1748-1763 n° 23, 17596Vincennes, SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833) 1748-1763 n° 177Mémoire sur la ville de Toulon , 1er mars 1768 Vincennes SHD, Art. 8 sect 1 carton 4 (1 VH 1834), 1764-1769 n° 22.8Etat actuel des batteries des rades de Toulon, suivant la visite qui en a été faite par MM de Champorcin, de Vialis, Boullement et Imbert, le 14 Xbre 1770 Vincennes, SHD, carton 5 (1 VH 1835) 1770-1777 n° 69Vincennes, SHD, Art. 8 carton 7 (1 VH 1837) 1780-1785 n° 610Vincennes, SHD, 1V H 1839 1791-1793, n° 26.11Vincennes, SHD, Art. 8 carton 9 (1 VH 1839) 1791-179312Vincennes, SHD, 1 VH 1841 1812-1813, n° 1213Vincennes, SHD, Art. 8 carton 11 (1 VH 1841) 1812-1813, n° 15 14Vincennes, SHD, Art. 8 carton 11 (1 VH 1841) 1812-1813, mémoires et plans n° 21 à 3015Vincennes, SHD, Art. 8 carton 12 (1 VH 1842) 1814-1818, mémoires et plans n° 21 et 4616Atlas des batteries de côte, 1818, Toulon, SHD 4B1 1 bis17Toulon, SHD 4B1 47 n° 44.18Vincennes, SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1862), 1844-1845.19Vincennes, SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1862)1844-1845, plans n° 31,32, 3320Vincennes, SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1862), 1844-1845, plan n° 35 supplément au mémoire n° 19.21Vincennes, SHD, Art. 8 carton 34 (1 VH 1864), 1847, plan n° 15.22Vincennes, SHD, Art. 8 carton 34 (1 VH 1864), 1847, plan n° 19.23Vincennes, SHD, Art. 8 carton 35 (1 VH 1865), 1848.24Ce système est conçu vers 1820 par le général mathématicien Jean Victor Poncelet. Le contrepoids des chaînes agissant sur le tablier est formé d'un chapelet de lourds maillons qui descend dans une fosse à mesure que le tablier se relève. La manœuvre est facile dans un espace restreint. Ce système est un des plus répandus entre 1875 et 1914.25Vincennes, SHD, Art. 8 carton 37 (1 VH 1867), 1852-53 n°1-226Toulon, SHD, 4B1 22.27Vincennes, SHD Marine DD² 104528Rapport de la commission … sur un nouveau plan d’ensemble de la défense du port de Toulon. Vincennes, SHD Marine DD² 104529Instruction sur la rédaction des projets de batteries de côtes, par le général de division Farre, inspecteur permanent des travaux de défense littorale. Vincennes, SHD, Ancien article 13 n° 28.30Feuilles d'atlas, juin 1904 Toulon, SHD, 2K² 235 plan 6, et 1903-1911, Toulon ESID, domaines.31Remplacées par 4 pièces de 65 en 1899.

La batterie de la Carraque succède en 1812-1814 à une batterie plus ancienne, sommaire, fondée dès 1696 par Antoine Niquet, adjoint de Vauban pour la Provence, et nommée batterie des Frérêts. Une autre batterie voisine ancienne, dite de Saint-Mandrier, a également été remplacée, mais non absorbée, par la nouvelle batterie. Le toponyme de la Carraque remplace celui des Frérêts dès l'an 2 de la République, c'est-à-dire avant la reconstruction/refondation radicale de la batterie de côte. En 1812, l'empereur en personne, par lettre adressé au duc de Feltre, son ministre de la guerre, définit et ordonne la construction à La Carraque d'une très grande batterie de 100 bouches à feu face au nord, battant les rades, dont l'arrière doit être protégé par une tour-modèle à construire sur la hauteur de la Croix des Signaux.

Le projet d'ensemble du "camp retranché" de la Croix des Signaux et de la Carraque est élaboré par les colonels Dianous et Tournadre, respectivement directeur et sous-directeur des fortifications de Toulon. La nouvelle batterie de la Caraque est prévue retranchée à la gorge par un mur crénelé définissant une aire triangulaire à flanc de pente, dont le sommet doit être occupé par une lunette pentagonale, elle-même reliée à la tour-modèle par une communication en caponnière. Deux partis alternatifs sont proposés pour la batterie, l'un conforme aux vues de l'empereur, l'autre réduit à un épaulement 60 pièces, qui est privilégié. Une petite caserne est prévue derrière le front d'entrée, à l'ouest. La construction est lancée dès 1812 mais interrompue en 1814 dans un état inachevé et inutilisable. La tour est achevée, mais les murs devant la relier à la batterie ne sont pas commencés.

En 1841, la commission de défense des côtes place au premier degré d'importance l'achèvement de la batterie, et la mise en place, à la Croix des Signaux, d'un fort, pour servir de réduit à la batterie, en réalisation du projet de liaison des deux ouvrages par un mur de retranchement, dit "coupure".

Les nouveaux ouvrages font l'objet de plusieurs projets évolutifs entre 1844 et 1848, rédigés successivement par les capitaines du génie Graillet, Séré de Rivières, Pingault, et Ramet, sous l'autorité du chef du génie Joseph Corrèze et du directeur des fortifications Édouard Picot. La batterie est organisée pour 50 pièces réparties en 7 (puis 6) sections d'artillerie séparées par des traverses. L'ancienne lunette amorcée en 1814 en haut du retranchement avorté est remplacée par une tour réduit, qui fait l'objet de plusieurs variantes, la dernière adoptant un des modèle-type de réduits de batteries fixés en 1846, soit une tour crénelée n°3, pour 20 hommes. Une caserne est établie à l'entrée de la batterie, sur les fondements de celle amorcée en 1813, et un magasin à poudre est niché à la gorge de l'épaulement. Les travaux de construction s'étalent de 1846 à 1856.

En 1873, la batterie comporte 44 pièces (canons de 30 livres et canons de 22cm). Une batterie basse de rupture pour canons de 32cm est construite en avant de la batterie en 1881, date à laquelle le magasin à poudre est enterré. La batterie et son armement sont réformés en 1885, en 1899 (pièces de 47mm), puis en 1903 (pièces de 65mm). Un poste photo-électrique est installé sur la pente du retranchement, et un magasin en caverne dans la partie est de la batterie. Déclassée après 1945, la batterie a subi d'importantes démolitions, surtout vers l'est.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 19e siècle, 3e quart 19e siècle, 3e quart 19e siècle, 2e quart 20e siècle , daté par travaux historiques
  • Dates
    • 1854, porte la date
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Dianous de la Perrotine Alexandre de
      Dianous de la Perrotine Alexandre de

      Directeur des fortifications de Toulon autour de 1812-1813.

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    • Auteur :
      Picot Edouard
      Picot Edouard

      Colonel du Génie, directeur des fortifications de Toulon à partir de 1840. Dessine l'extension nord-ouest de l'enceinte de Toulon en 1845, et des modifications au fort Lamalgue en 1846. Supervise la conception ou l'évolution de plusieurs ouvrages de la presqu'île de Saint-Mandrier, dont le fort de la Croix des Signaux.

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    • Auteur :
      Tournadre Jean-Joseph-Amable , dit(e) dit Tournadre aîné
      Tournadre Jean-Joseph-Amable

      Chef, puis colonel du Génie en 1837. Sous-directeur des fortifications de Toulon autour de 1812. Supervise les travaux du fort de la Croix des Signaux, du fort Saint-Elme, des batteries de la Carraque et de Marégau.

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    • Auteur :
      Corrèze Joseph
      Corrèze Joseph

      Chef du Génie à Toulon en 1845, lieutenant colonel en 1848. Collaboration ou direction de plusieurs chantiers de la place de Toulon :

      - 1843-1848 : remaniement du fort Malbousquet

      - 1845 : caserne du Pas de la Masque

      - 1846 : remaniement du fort Lamalgue

      - 1844-1848 : batterie de la Carraque et fort de la Croix des Signaux

      - 1846-1849 : remaniement de la batterie basse du Cap Brun et de la batterie de la Cride

      - 1861 : 2e enceinte de Toulon

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    • Auteur :
      Séré de Rivières Raymond Adolphe
      Séré de Rivières Raymond Adolphe

      Ingénieur militaire, général du Génie, directeur du Service du Génie au ministère de la Guerre de 1874 à 1880. Il a conçu le nouveau système de fortification français qui porte son nom : une défense basée sur des places à forts détachés (éloignés des villes) formant une ceinture défensive où chaque élément couvre les intervalles et où les forts peuvent se défendre mutuellement.

      Alors jeune capitaine nommé à la chefferie de Toulon en 1843, il est l'auteur des plans de la caserne du Pas de la Masque et du fort du Cap-Brun. Entre 1844 et 1848, il collabore aux plans du fort de la Croix des Signaux, du fort Saint-Elme et de la batterie de la Carraque sur la presqu'île de Saint-Mandrier.

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    • Auteur :
      Pingault
      Pingault

      Capitaine du Génie à Toulon entre 1844 et 1848. Contribue à l'achèvement de la batterie de la Carraque à Saint-Mandrier.

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    • Auteur :
      Ramet
      Ramet

      Capitaine du Génie à Toulon entre 1844 et 1848. Contribue à l'achèvement de la batterie de la Carraque et du fort de la Croix des Signaux à Saint-Mandrier.

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    • Auteur :
      Graillet
      Graillet

      Capitaine du Génie actif à Toulon entre 1844 et 1848.

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La batterie règne au pied du versant nord, en pente raide, de la hauteur de La Croix des Signaux. Son développement longitudinal, est-ouest parallèle à la côte, s'étendait sur environ 450m à une altitude croissante d'ouest en est, variant de 13m (seuil d'entrée de la porte de la batterie et rez-de-chaussée de la caserne), à 28m (sol dans la moitié est de la batterie), étagée en ressauts. S'ajoutait, en avant de l'entrée, la batterie de rupture de 1881, aujourd'hui détruite.

Il reste aujourd’hui, des infrastructures et aménagements de la batterie, la moitié ouest de l'escarpe de 1813 refondue en 1848-1854, front d'entrée et caserne comprises, le magasin à poudres, deux magasins de traverses, ainsi que la majeure partie des deux murs de coupure tombants, la tour-réduit à laquelle ces murs aboutissent, et les restes du chemin en lacets gravissant la pente pour relier la batterie à la tour. La moitié est de la batterie a pratiquement disparu, à l'exception de quelques vestiges d'aménagements de la batterie de 65mm de 1903 subsistant au bord de la route, qui traverse l'ancienne batterie fermée, aujourd'hui largement ouverte à l'est.

Le plan du front de mer s'apparentait lointainement à un front bastionné, densément occupé par six sections d'artillerie totalisant cinquante pièces, sections séparées par quatre traverses-abri et un angle en ressaut. L'angle nord-est de la batterie est occupé par un bastion carré qui flanque le front d'entrée, courtine crénelée dans laquelle s'ouvrait la porte à pont-levis, aujourd'hui disparue. Le haut revêtement (8m sans le parapet crénelé) de ce bastion remonte à la construction de 1813. La caserne est adossée au premier ressaut de 6m entre cour d'entrée et première section d'artillerie, ressaut que la route compense en rampe. Ses deux niveaux juxtaposent trois grandes casemates de casernement voûtées en berceau surbaissé encadrées par des travées de culées tripartites, selon les normes de la décennie 1840. Cependant, les casemates de l'étage ne sont pas voûtées mais couvertes de six arcs-diaphragmes portant le toit-terrasse sur des voûtains.

Le magasin à poudres, enclavé dans le relief rocheux à la gorge de la batterie, était primitivement (1853) à ciel ouvert et entouré d'un mur d'isolement. Depuis sa mise aux normes en 1881, il est couvert d'un gros merlon de terre, et enveloppé d’un couloir d’isolement voûté avec sas d’entrée et cheminée de ventilation à l'opposé.

Les autres locaux casematés, tous voûtés en berceau, sont un petit magasin de dépôt de poudres remontant à 1813, et deux magasins de traverses-abri des années 1850, dégarnis de leurs terres. Sous le revêtement du front de mer sont ménagées deux niches en garage, anciens abris de jour des projecteurs, feux chercheurs des batteries (1899-1901).

Le mur crénelé de la branche pendante ouest du retranchement de gorge, entièrement conservé, à la différence de celui de l'est, est flanqué à mi-longueur d'un bastionnet encadré de deux redans, et, en bas, d'un autre bastionnet flanquant l'ancienne porte détruite. Millésimée 1854 au-dessus de la porte, ceinte d'un fossé, la tour est conforme au modèle-type de réduits de batterie de côte n°3 de 1846, version tour crénelée, capable de loger 20 hommes, en principe pour le service d'une batterie de quatre pièces (la batterie d'appoint qui enveloppait la tour face au fort de la Croix des Signaux, pour l'auto-défense de la Carraque dans sa partie haute). Le plan de la tour est un rectangle de 10,97m X 13,18m, pour une élévation totale d'une dizaine de mètres abritant deux niveaux voûtés (soubassement de magasins et rez-de-chaussée de logement) surmontés d’une plate-forme à parapet crénelé ponctué de deux bretèches par côté. A chaque niveau, deux casemates sont complétées par une travée de culée tripartite, la porte à pont-levis étant au centre de la culée du rez-de-chaussée. L'escalier rampe en demi-cercle dans une partie épaissie du mur de la travée de culée à droite en entrant. Les casemates prennent jour par des soupiraux (soubassement) et par des créneaux surmontés d'une fenêtre cintrée.

Un autre sous-ensemble de la batterie, aussi à l'arrière de la batterie, est constitué du chemin montant en lacets jusqu'à la tour et des bâtiments et équipements tardifs (1890-1903) qu'il desservait au passage. Certains subsistent en ruines, comme une citerne, et surtout l'ancien poste de torpille et un poste télémétrique.

  • Murs
    • calcaire moellon
    • pierre pierre de taille
    • brique
  • Toits
    ciment en couverture, zinc en couverture, terre en couverture
  • Plans
    système bastionné
  • Étages
    1 étage carré, étage de soubassement
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant
  • Typologies
    batterie fermée
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Ensemble incomplètement conservé et remanié, excepté la tour-réduit haute, les murs de coupure et le magasin à poudre.

Intérêt patrimonial assez marqué, en dépit des destructions, surtout en considérant la complémentarité avec le fort de la Croix des Signaux. La tour-réduit de 1854 de la Carraque, proche du fort, et les murs de coupure crénelés offrent de bons exemples d'un dispositif de retranchement exemplaire et peu commun de cette génération.

Documents d'archives

  • NIQUET, Antoine. Mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon, 22 mars 1695. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831 n°23, 25.

  • LE PRESTRE DE VAUBAN Sébastien. Deuxième adition au projet des fortiffications de Toulon, 19 mars 1701. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831 n° 36. Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 1 n°36

  • Projet de défense des côtes du 5° arrondissement maritime. 1841. Service Historique de la Défense, Toulon, 4B ex-Art. 1 n° 44.

  • Deuxième projet pour la batterie de la Carraque, mémoire et apostilles du chef du génie, 1845. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 32 (1 VH 1862), 1844-1845, plan n° 35 supplément au mémoire n° 19.

  • [Batterie de la Carraque. Mémoire sur les projets de 1848]. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 35 (1 VH 1865), 1848.

  • Commission mixte de révision des défenses du littoral dans le 5e arrondissement maritime. Rapport du 6 mars1873. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 B 1 22.

  • Rapport de la Commission de révision de l'armement du littoral du 5e arrondissement sur un nouveau plan d'ensemble de la défense du port de Toulon. 28 novembre 1876. Service Historique de la Défense, Vincennes : DD2 1045.

Documents figurés

  • [Carte des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon] / Dessin, plume et aquarelle, signé Antoine Niquet, 22 mars 1695. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831 1679-1701, n°25.

  • [Batterie des Frérets]. / Dessin aquarellé, dans "Deuxième adition au projet des fortiffications de Toulon", 19 mars 1701, signé Vauban. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831, Art 8, sect.1, carton 1 n°36, feuille 10.

  • Batterie de Saint-Mandrier. / Dessin aquarellé, 1757. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1833.

  • Carte des rades de Toulon. / Dessin, plume et aquarelle, par Nicolas François Milet de Montville, 9 mars 1759. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 3 (1 VH 1833) 1748-1763 n° 23, 1759.

  • Second Plan de la nouvelle batterie de la Carraque...[projet 1. juillet 1812]. / Dessin, plume et encre, juillet 1812. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1841.

  • Second Plan de la nouvelle batterie de la Carraque...[projet 2. Août 1812]. / Dessin, plume et encre, août 1812. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1841.

  • [Projet Carraque et Croix des Signaux 2. Janvier 1813]. / Dessin, plume et encre, janvier 1813. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1841.

  • Plan & profils de la grande batterie de la Carraque et des ouvrages construits sur la hauteur de la Croix des Signaux dans la presqu'île de Cépet. 1814. / Dessin, plume et encre, 1814. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1842.

  • [Relevé d'état des lieux en 1843 de la batterie de la Carraque]. / Dessin, 1844. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8, carton 32 1 VH 1862 1844-1845.

  • [Premier projet pour la batterie de la Carraque.] / Dessin, par le capitaine du Génie Graillet, août 1844. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 32 (1 VH 1862)1844-1845.

  • [Deuxième projet pour la batterie de la Carraque.] / Dessin, par Adolphe Séré de Rivières, 7 janvier 1845. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 carton 32 (1 VH 1862)1844-1845, plans n° 31,32, 33.

  • Projets pour 1847. Fortifications article 10 (Défense des côtes). Terminer la Batterie de la Carraque. / Dessin, encre et lavis, par le capitaine du Génie Ramet, 27 avril 1847. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1864, art. 8, carton 34, plans n°15 et 19.

  • Atlas des bâtiments militaires. Place de Toulon. Batterie du Cap Cépet. Caserne de la Carraque. Caserne casematée du fort de la Croix des Signaux. [Plans, coupes]. / Dessin, plume et lavis, 1874. Service Historique de la Défense, Vincennes : 4V 251.

  • Atlas des bâtiments militaires. Batterie centrale de la Carraque et batterie sud-est. / Dessin, plume et lavis, 25 juin 1904. Service Historique de la Défense, Toulon : 2K² 235, plan n°6.

Date(s) d'enquête : 2015; Date(s) de rédaction : 2016
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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