Le village de Bargème est implanté sur un éperon rocheux, détaché de la montagne de Brouis à laquelle il est relié par son côté ouest et tombant à-pic du côté nord. Il domine l’ensemble de la vallée de la Bruyère. La protection que lui confère sa position est complétée par une enceinte barrant l’éperon à l’ouest et au sud. La partie orientale du village est aujourd’hui à l’état de ruines.
Analyse historique
Un village déjà dense au milieu du Moyen Âge
Le « castrum de Bargema » est mentionné dans le cartulaire de Lérins dès la première moitié du 11e siècle. Aldebert le Fier fit alors don de cinq églises à l’abbaye – Saint-Pierre, Saint-Laurent, Sainte-Marguerite, Saint-Romain et Saint-Firmin – toutes situées sur le territoire du castrum (« in territorio predicti castri »). Toutefois, rien n’indique que le regroupement de population dont il est question se soit trouvé à l’emplacement du village actuel. La prospection réalisée en 2013 par le service archéologique du Département du Var a en effet révélé une occupation continue du site du Rouail, implanté sur l’éperon rocheux dominant au nord la rivière de l’Artuby et au sud la chapelle de Saint-Laurent, depuis l’Antiquité tardive jusqu’au premier Moyen Âge. La densité de mobilier découvert et la continuité de la présence humaine rendent possible son identification à un premier castrum, associé à l’église Saint-Laurent. En outre, les vestiges les plus anciens décelés dans le village actuel ne semblent pas antérieurs à la fin du 12e ou au début du 13e siècle. Ceux-ci consistent en l’enceinte urbaine (et plus spécifiquement la portion nord-ouest de la courtine, la tour nord-ouest et les deux portes, voir : IA83003353), la salle nord du château (voir : IA83003333) et l’église paroissiale Saint-Nicolas. Selon Yann Codou, le fait que cette dernière ne soit pas mentionnée dans l’acte de donation à l’abbaye de Lérins de la première moitié du 11e siècle incite à penser qu’il s’agit d’une construction plus récente, vraisemblablement liée à un mouvement de réorganisation du territoire et à la fondation du château. Cette hypothèse est corroborée par l’analyse du bâti, qui permet de dater l’église de la fin du 12e ou du début du suivant. Toujours selon Yann Codou, la présence d’une crypte rattrapant la pente et l’observation de l’élévation sont autant d’indices de l’absence de lieu de culte préexistant à cet emplacement.
Le castrum est ensuite mentionné à plusieurs reprises dans les sources écrites au cours du 13e siècle : entre 1232 et 1244 dans les Statuts de l’évêché de Fréjus et dans la Liste des localités du diocèse, en 1252 et en 1278 dans les Enquêtes sur les droits et revenus de Charles Ier d’Anjou en Provence. A cette dernière date, le castrum réunissait 79 feux et 5 maisons nobles, ce qui en faisait l’un des plus peuplés des environs, à l’exception sans doute de Comps (on dénombrait 21 feux à La Roque-Esclapon ; 18 à Brovès ; 18 à La Bastide d’Esclapon ; 17 à Esclapon ; 13 à Brenon). En 1315/1316, il en regroupait 80. De cette densité de population découla la présence d’une communauté urbaine organisée, attestée en 1333 – des baillis (« bajulus ») répondent à l’enquête de Leopardo da Foligno. En 1471, le procès-verbal de réaffouagement mentionne à nouveau des syndics (« scindices »).
Au cours du 14e et du 15e siècle, la population chuta et atteignit 46 feux en 1471. Bien que l’on ignore si ces chiffres comprennent également des foyers implantés en dehors de l’enceinte, ils reflètent selon toute vraisemblance l’évolution du village. Il est également notable que le nombre de foyers de la fin du 13e siècle et du début du suivant ne fut réatteint que dans les années 1720 – mais il semblerait qu’à cette dernière date ceux-ci n’aient pas été implantés uniquement au sein des murs de l'agglomération. Aucun vestige d’architecture domestique du milieu du Moyen Âge n’a toutefois été repéré – les caves voûtées visitées, à l’instar de celles du 89 rue des Ormeaux, voir : IA83003352, résistant à toute tentative de datation précise. Toutefois, la taille modeste des parcelles ainsi que leur forme traversante suggèrent une implantation médiévale du bâti.
Du début de l’époque moderne à 1843 : stabilité relative de la population et aménagements
Les chiffres de la population villageoise et paroissiale deviennent plus précis à partir du début du 18e siècle sans qu’il soit toujours aisé de déterminer si ceux-ci concernent uniquement le village ou le territoire paroissial dans son intégralité. Malgré cette ambiguïté, quelques conclusions peuvent être tirées. Le nombre de feux à Bargème étant quasiment égal entre 1471 (46 feux) et 1698 (47 feux), on devine que les 16e et 17e siècle constituèrent pour l'agglomération une période de stabilité démographique relative – ou de hausse et de baisse successives. Les 30 édifices ruinés mentionnés dans le rapport du délégué-député de la viguerie de Draguignan établi en 1698 et cité par Maurice Perrier, dont une partie au moins devait se situer dans le village, montrent que la densité du peuplement intra muros était alors loin d’avoir retrouvé son maximum. Toutefois, 10 ans plus tard, en 1708, le cadastre par confronts ne mentionne plus que 5 ruines ainsi qu’un nombre de maisons en élévation équivalent à celui de 1698, ce qui suggère un abandon définitif des vestiges précédemment cités. Une partie des parcelles de jardins tracées sur le plan cadastral de 1842, notamment celles situées à l’est du village, ont donc pu avoir accueilli à une époque antérieure (fin du 13e siècle ? 16-17e siècle ?) des maisons dont il ne reste pas de trace. En 1708 et en 1843, le nombre de maisons comptées dans le village est quasiment identique – 54 et 56. Le changement significatif entre ces deux périodes réside sans doute dans le fait qu’au début du 18e siècle, la majorité des habitants de Bargème tenait sa résidence principale au village tandis que le recensement de 1841 atteste que seul un quart d’entre eux vivait alors dans l’agglomération, tendance qui tend à s’accentuer tout au long du 19e siècle.
Maisons | Ruines | Feux | Habitants | |
16981 | 56 | 30 | 47 | |
1708 | 54 | 5 | ||
1841 | 29 | 105 | ||
1843 | 56 | 5 | ||
1851 | 28 | 96 |
L’analyse du bâti conservé révèle de nombreuses traces de l’époque moderne. Du 16e siècle ont été repérés une petite fenêtre chanfreinée à appui mouluré, ouverte dans le mur occidental de la maison de la parcelle C 868, ainsi que deux encadrements de portes à arc segmentaire – l’un sur la façade nord de la maison de la parcelle C 853, l’autre portant la date 1557 sur la façade nord de la maison de la parcelle C 891 (voir : IA83003349). L’implantation de cette dernière contre le mur de la fortification d’agglomération pourrait suggérer une densification du bâti intramuros à cette période, densification restée toute relative dans la mesure où seules 3 à 4 maisons furent adossées à la courtine. Des encadrements de portes en plein-cintre à arêtes vives datant du 17e ou du début du 18e siècle s’observent en plus grand nombre (environ 12), témoignant d’un certain dynamisme architectural à cette période.
Maison du 79 rue des ormeaux (parcelle C 853), façade nord, puis presbytère, puis école.
Porte gauche de la façade sud de la maison du 45 rue des roses trémières (parcelle C 853), 17e-18e siècle.
Porte nord de la maison du 31 rue de l'amitié (C 862), 17e-18e siècle
Les rues ou passages couverts par des habitations à la fin du Moyen Âge ou à l’époque moderne sont les témoins d’une urbanisation relativement resserrée. Quatre sont conservés dans la partie occidentale du village – un escalier sous la maison de la parcelle C 854 reliant la rue des ormeaux à la rue des roses trémières (voir : IA83003352), un escalier coudé sous la terrasse de la maison de la parcelle C 853, une maison adossée à la porte de la Garde (C 802 ; voir IA83003355) et une pièce enjambant la rue des ormeaux (C 820, voir : IA83003350). Ces deux derniers passages sont couverts d’un plancher borné de part et d’autre par deux arcades en pierre de taille soutenues par des impostes saillants. Les vestiges d’un cinquième passage couvert s’observent à l’est de l’agglomération. Le cadastre par confronts dressé vers 1708 mentionne quant à lui un « arc » confrontant la « maison commune », l’ « arc de Ponchet » ainsi que la maison adossée à la porte de la Garde, tandis que le plan cadastral dressé en 1842 figure deux passages disparus, aux parcelles C 1201 et C 1185.
Passage couvert, sous la terrasse de la parcelle C 853.
Passage couvert, entre la rue des ormeaux et la rue des roses trémières, vu depuis le haut ; à gauche porte d'accès au premier étage de soubassement de la maison du 79 rue des ormeaux, parcelle C 853.
Passage couvert dans la partie orientale du village entre deux édifices ruinés (parcelles C 849 et C 997), vu depuis l'est.
Les quelques aménagement et équipements collectifs conservés à Bargème semblent dater du 17e siècle. En effet, la fontaine et le « réservoir du seigneur » qui lui est lié (voir : IA83002159) sont mentionnés dans le cadastre de 1708, de même que la place, actuellement place de la fontaine. On peut émettre l’hypothèse que le terrassement de cette dernière, située au cœur du village, recouvrant le réservoir et permettant un accès dégagé à la fontaine, est concomitant à la construction ou à la rénovation de la fontaine. Son aménagement pourrait également être lié au percement du mur de courtine occidental de la fortification d’agglomération. Le four à pain communal fut quant à lui réédifié en 1808 sous la maison commune (voir : IA83003350).
Rempart du Château de Bargème (Var). [La place du village et la fontaine], [1er quart 20e siècle].
Fontaine-abreuvoir de la place du village.
Malgré la densité urbaine relative, une seule baie boutiquière a été repérée. Il s’agit d’une arcade large en pierre calcaire, percée dans la façade sud de la maison située à la parcelle C 862 et datant vraisemblablement de la période moderne. Dans le cadastre par confronts de 1708, seul un « boutigon » (boutique) est mentionné. En 1788, dans sa Description historique, géographique et topographique des villes, bourgs,…, Achard précise qu’il n’y a « aucune espèce de commerce » à Bargème.
Baie boutiquière ouvrant au sud de la maison du 31 rue de l'amitié (C 862), 17e-18e siècle
Le long déclin du village du milieu du 19e au milieu du 20e siècle
Les états de section du cadastre de 1842 dénombrent dans le village 56 maisons, chiffre qui n’a que peu évolué par rapport à celui de 1708. En revanche, le recensement de population effectué en 1841 n’atteste la présence que de 29 foyers et de 105 habitants, ce qui ne correspond qu’à 26 % de la population communale totale. Une partie des maisons qui sont encore en élévation en 1842 sont donc soit désertées, soit ne constituent plus les habitations principales de leurs propriétaires, installés plus près des terres agricoles. Le nombre de ménages implantés dans le village diminua ensuite inexorablement tout au long du 19e siècle, à l’exception d’une légère remontée entre 1851 et 1861. Le processus s’accéléra d’abord à partir de la décennie 1880, puis au début du 20e siècle. En 1891, on comptait 41 maisons encore en élévation mais seulement 25 foyers installés dans le village (30 % de la population communale totale) ; en 1911, 18 maisons encore en élévation pour 12 foyers installés dans le village (18 % de la population communale totale) ; en 1931, il ne restait plus que 3 foyers et 11 habitants, soit 9 % de la population communale totale. Une carte postale de la fin du 19e ou du début du 20e siècle montre que la plupart des maisons conservées en élévation étaient alors regroupées dans la partie occidentale du village, tandis que seule une petite dizaine de bâtiments subsistaient à l’est. L’Indicateur du Var de l’année 1892, cité par Maurice Perrier, expose que « le village n’est composé que de quelques vieilles maisons, d’une petite place soutenue par de grands murs et servant de jeu de boules. […] Les habitants désertent progressivement pour des pays plus doux ou pour se répandre dans les hameaux mieux exposés de la plaine. »
Habitants de la commune | Ménages de la commune | Habitants du village | Ménages du village | Maisons du village (si nombre différent des ménages) | % de la population du village par rapport à la population communale | |
1836 | 434 | |||||
1841 | 408 | 98 | 105 | 29 | 26% | |
1846 | 404 | 98 | 96 | 28 | 24% | |
1851 | 407 | 102 | 104 | 30 | 26% | |
1856 | 398 | 99 | 31 | 25% | ||
1861 | 384 | 97 | 33 | 25% | ||
1866 | 360 | 105 | 32 | 29% | ||
1872 | 353 | 96 | 30 | 27% | ||
1876 | 351 | 90 | 30 | 26% | ||
1881 | 334 | 90 | 72 | 23 | 22% | |
1886 | 299 | 84 | 56 | 19 | 19% | |
1891 | 294 | 75 | 89 | 25 | 41 | 30% |
1896 | 275 | 72 | 64 | 18 | 23% | |
1901 | 248 | 68 | 51 | 17 | 21% | |
1906 | 222 | 63 | 43 | 13 | 19% | |
1911 | 212 | 55 | 38 | 12 | 18 | 18% |
1921 | 173 | 49 | 25 | 9 | 14% | |
1926 | 158 | 45 | 20 | 7 | 13% | |
1931 | 124 | 33 | 11 | 3 | 9% |
Evolution de la population de Bargème et de son village au 19e et au début du 20e siècle
Malgré l’abandon progressif du village par ses habitants, les institutions communales y demeurèrent. Une école fut installée à Bargème en 1837 dans un ancien bâtiment agricole attenant à la mairie (parcelle 2024 C 818). De 1882 à 1885, des tractations avec le conseil de fabrique furent entreprises pour intervertir l’école et le presbytère (voir : IA83003415), afin que les enfants puissent bénéficier d’un espace plus grand et du jardin du curé. A défaut d’un accord, le mur nord fut reculé afin d’agrandir la salle de classe en 1885. L’école fut transférée en 1931 dans l’ancien presbytère désaffecté, avant de fermer ses portes en 1955.
Du fait de l’emplacement de l’agglomération, perchée sur un éperon rocheux, la question de l’accès à l’eau fut au cœur des préoccupations des édiles municipaux au 19e et au début du 20e siècle. Outre l’entretien régulier de la fontaine et de son canal, le projet de construire une citerne alimentant le village fut élaboré à partir de 1888 en raison de la déviation d’une des deux sources qui alimentait la fontaine. Il ne vit cependant jamais le jour.
Bargème - Vue générale (Sud), [avant 1914].
Maison du 45 rue des roses trémières (parcelle C 853), façade sud, puis presbytère, puis école.
La renaissance des années 1960
En 1960, il ne restait plus que deux foyers installés dans l’agglomération et toute la partie orientale était en ruines. Le village fut classé au titre des sites le 15 avril 1964, ce qui ne suscita dans un premier temps pas de résistance. Parallèlement, Germaine de Maria, riche philanthrope cannaise, s’installa à Bargème, dont elle se prit d’affection. En plus de relever les ruines de ce qui allait devenir sa maison (20 montée du Levant, parcelle C 830), elle contribua financièrement à la rénovation générale du village : restauration du château et de la porte du Levant (voir IA83003333 et IA83003356), enterrement des réseaux, consolidation des terrasses. Toutefois, en 1966, le périmètre de protection engendré par le classement du site, empêchant la construction de lotissements et la création d’industries, suscita des résistances parmi les habitants, ce qui entraîna la démission du conseil municipal. L’affaire s’apaisa progressivement et la population réaugmenta légèrement jusqu’aux années 1980. En 1954, la commune comptait 55 habitants ; en 1981, elle en comptait 77.
A partir des années 1980, sept maisons ruinées furent réédifiées. Parmi les chantiers notables, la maison s’élevant sur les parcelles C 807 et C 808, reconstruite au cours de la décennie 1980 et au début de la suivante, se distingue. Ses abords firent l’objet d’un traitement paysager : aménagement de terrasses et plantation de cyprès. Une maison ne s’appuyant pas sur un emplacement préexistant fut adossée à l’extérieur de la courtine sud en 2015 (10 route du château, parcelles C 799-C 801). Les travaux les plus récents, débutés en 2022, transformèrent l’ancienne écurie du château en une habitation. Le pittoresque du village de Bargème continue donc d’attirer.
Maison, 20 montée du Levant (C 830), réédifiée par Germaine de Maria au cours de la décennie 1960.
Analyse urbaine et architecturale
Le village de Bargème est implanté sur un contrefort de la montagne du Brouis, détaché de cette dernière. Ce contrefort tombe à-pic du côté nord et descend de manière raide vers le sud. Cet emplacement perché confère au village une position surplombante par rapport à la vallée de la Bruère qui s’étend au sud, tout en le rendant facilement défendable. De fait, à l’ouest, au sud et à l’est, l’agglomération est protégée par un mur d’enceinte qui dessine un périmètre en forme d’amande s’étirant d’est en ouest dont elle n’a jamais franchi les limites. Cette fortification d’agglomération est ouverte de deux portes, au sud-ouest et au sud-est. Deux accès ont été percés dans la portion occidentale de la courtine. Le château, l’église et le cimetière occupent la partie haute du village.
La clôture, dont le tracé est en partie déterminé par les contraintes topographiques, ainsi que la pente du socle calcaire sur lequel le village est fondé, ont engendré une certaine densité bâtie propre aux villages provençaux assis en hauteur. Bien que l’est du village soit ruiné, celle-ci reste lisible dans la partie occidentale. Les rues se déploient en éventail, de manière continue, sur des axes est-ouest qui suivent les courbes de niveau et épousent les strates du rocher. Ces rues parallèles présentent en moyenne un écart de niveau de 5 mètres entre elles. Les maisons implantées sur un parcellaire traversant possèdent donc un à deux étages de soubassements. Deux escaliers parallèles à la pente permettant de passer directement d’une rue à l’autre sont encore empruntables entre la rue des ormeaux et la rue des roses trémières. Tous deux sont couverts, l’un d’une habitation, l’autre d’une terrasse. Deux passages enjambant les rues sont conservés, l’un au niveau de la mairie, l’autre, en partie ruiné, dans l’est du village. La trame du parcellaire est rompue à l’ouest de l’agglomération par une place de forme rectangulaire sur laquelle est implantée la fontaine et sous laquelle a été aménagée une citerne voûtée en plein-cintre. La présence de jardins intra-muros contre la courtine sud de la fortification d’agglomération mais aussi à l’est du village montre que la densité du parcellaire est restée relative.
Coupe nord-sud du village de Bargème.
Une vingtaine de maisons subsistent dans un état relativement authentique à l’ouest du village. Toutes sont édifiées en moellon de calcaire et couvertes de tuiles creuses. Du fait de la pente du terrain, elles disposent d’un double accès : à l’étage de soubassement au sud et au rez-de-chaussée surélevé au nord. Le faible nombre de visites effectuées ainsi que les remaniements intérieurs ne permettent pas d’établir avec précision les fonctions des différentes parties, ni de préciser la distribution. Les quelques observations réalisées tendent à montrer que l’étage inférieur des maisons (premier ou second niveau de soubassement) ne communiquait pas forcément avec les niveaux supérieurs. Ce niveau inférieur, souvent dépourvu de fenêtre, était dévolu à des fonctions de stockage ou d’étable. Trois baies fenières ouvrant sur les premiers étages sont identifiables sur les façades nord des maisons du 87-91 rue des ormeaux. Les cadastres permettent toutefois de quantifier avec davantage de précision la cohabitation des fonctions agricoles et d’habitation au sein du village. Le cadastre par confronts établi en 1708 recense 40 maisons, 9 maisons, étables et fenières, 1 maison et fenière, 4 maisons et étables, 6 étables et fenières, 1 étable, fenière et boutique, 5 étables, 6 fenières, 4 bâtiments et 5 édifices ruinés (« cazal »). La maison sans dépendance agricole constitue donc le cas le plus courant au début du 18e siècle. Les états de section de 1843 se révèlent moins précis sur la coexistence des fonctions agricoles et d’habitation dans un même édifice : 56 maisons, 5 édifices ruinés (« masures » et « emplacements »), 11 écuries-greniers, 2 boutiques et 2 loges à cochons sont répertoriés. Toutefois, la présence à proximité immédiate du village, à l’ouest, de plusieurs aires à battre, dont une aire collective appartenant à la commune, suggère que des fonctions agricoles se maintenaient autour du village.
Conclusion
Le village de Bargème présente donc les caractéristiques topographiques et architecturales des villages provençaux trouvant leur origine au Moyen Âge, bien que la densité urbaine prévue par l’enceinte édifiée au 13e ou au 14e siècle n’ait semble-t-il jamais été atteinte, et ce malgré la construction de quelques passages couverts et de maisons adossées à la courtine. Malgré cela, à la fin du 13e siècle, le village avait atteint une population suffisante pour ne pas être abandonné au 14e siècle comme certaines agglomérations de la région. Ce n’est qu’au milieu du 20e siècle qu’il faillit connaître ce sort. Son charme pittoresque, attirant touristes et résidents saisonniers, le sauva néanmoins et entraîna restaurations et reconstructions plus ou moins fidèles aux dispositions originelles.
Photographe au service régional de l'Inventaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1970 à 2006.