L’état lacunaire de l’édifice, le peu de documentation ancienne et les importantes restaurations menées à partir de la fin de la décennie 1960 rendent la lecture des vestiges du château de Bargème délicate. Celle-ci a encore été compliquée par le déroulement de travaux de consolidation pendant l’étude. Il est heureusement possible d’appuyer l’analyse sur des photographies, des plans et des coupes réalisées par l’archéologue Gabrielle Démians d’Archimbaud et son équipe en 1967 et 1968.
Histoire
Le cartulaire de Lérins mentionne le « castrum de Bargema » dès le deuxième quart du 11e siècle. Celui-ci se trouvait alors dans la mouvance de la famille de Castellane. Au milieu du 11e siècle, Boson, fils d’Aldabert le Fier, était seigneur de la localité de Bargème. Le castrum passa aux mains de la famille de Pontevès en 1246, lorsque Douceline de Pontevès, veuve d’Isnard II d’Agoult, céda ses terres à ses trois fils. Bargème échut à l’aîné, Foulques I. À la suite de ce changement dynastique, la seigneurie resta aux mains des Pontevès. A la fin du 14e siècle (1384-1390 env. ?), dans le contexte de la guerres d'Union d'Aix, Fouques IV (?) de Pontevès, seigneur de Bargème, Carcès et Cotignac, se vit concéder par la reine Marie de Blois, tutrice de son fils Louis, des privilèges, dont la nature exacte est inconnue, en remerciement de services rendus.
À la Révolution, Jean-César de Pontevès émigra à Nice. Ses biens, parmi lesquels se trouvait le château de Bargème, furent saisis et vendus en mai 1792. Jean-César de Pontevès rentra à Bargème en 1801, racheta le château mais n’eut pas les moyens de le restaurer. Le site resta à l’abandon jusqu’en 1965.
En 1966, Germaine de Maria, riche philanthrope cannaise qui possédait une maison dans la partie ruinée du village, finança l’excavation et la restauration des vestiges du château, avec l’accord des propriétaires. Alertée, Gabrielle Démians d’Archimbaud organisa une surveillance archéologique des travaux, qui fut limitée en raison de la rapidité de ces derniers ainsi que de la fouille que la chercheuse menait parallèlement à Rougiers. Cette surveillance aboutit à deux campagnes de relevés en 1967 et 1968. La pauvreté stratigraphique des sols, partiellement occupés jusqu’à la fin du 18e siècle, ainsi que l’étendue des restaurations menées par Germaine de Maria et son architecte avaient selon G. Démians d’Archimbaud rendu inutile toute fouille complémentaire. C’est de cette époque que datent les premières restaurations effectuées autour de la tour nord-ouest ainsi que sur les courtines ouest et sud. Les travaux prévus en 1969 ne furent pas effectués en raison d’un différend opposant la mairie aux propriétaires et mécènes du lieu. Entre cette date et 1985, des fouilles furent menées sans autorisation officielle. En juin 1985, le conservateur des fouilles donna l’autorisation à Mme Raulic, directrice du camp de Bargème, de poursuivre les travaux sur le cul-de-basse-fosse et la banquette rocheuse située entre le château et la tour nord-ouest de l'enceinte urbaine, à condition qu’ils soient placés sous surveillance1. Le château fut acheté en 2008 par la mairie de Bargème qui le revendit à un particulier en 2018.
Analyse architecturale
Description des vestiges
Le château se trouve au sommet et au centre du promontoire rocheux sur lequel est implanté le village de Bargème, ce qui lui confère une grande visibilité. Du côté nord, il est protégé par le versant abrupt de la falaise qui assure une invulnérabilité presque totale à cette partie de l’édifice. Son flanc occidental est défendu par l’enceinte du village, qui est renforcée à cet endroit par une tour à gorge ouverte (voir IA83003354). Le logis quadrangulaire cantonné de tours est précédé à l’est par deux basses-cours successives dont une partie des murs est conservée (C, D). Depuis l'est, on accédait à la basse-cour extérieure par un portail ouvrant sur le passage entre le cimetière et l’église paroissiale. Cet espace est protégé par une tour demi-hors-œuvre flanquant le mur oriental et ouverte d’une bouche à feu visant l’intérieur du cimetière. La partie orientale de cette basse-cour est bordée au nord par un bâtiment de communs s’élevant sur trois niveaux – un sous-sol, un rez-de-chaussée où se trouvaient des écuries et un grenier –, bordé à l'ouest par un autre corps de bâtiment. La restauration profonde de cet ensemble n’en permet pas l’étude détaillée. Les limites sud et ouest de cette basse-cour extérieure ne sont pas connues avec précision. Mais la carte des frontières de l'est dressée entre 1768 et 1774 laisse penser qu'à cette époque elle s'étendait jusqu'à la section occidentale de l'enceinte urbaine et sa tour à gorge ouverte. Cette hypothèse est corroborée par le fait qu'en 1843 le château et les parcelles qui lui sont attenantes du côté occidental (la tour à gorge ouverte et la bande de rocher la reliant au corps de logis) appartenaient au même propriétaire, le marquis de Bargème.
Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille, 17764-1778. Plan de masse et de situation du château de Bargème.
Plan de masse et de situation du château et de ses abords d'après le cadastre de 1842, section C, feuille 5.
La basse-cour intérieure est bordée au nord par un corps de bâtiment (B) dont le plan approche le carré (environ 5,95 m X 5,50). Bien qu’il flanque le logis (A), il est légèrement désaxé par rapport à celui-ci. La partie inférieure du parement extérieur de son mur occidental est composée de pierres à bossage, disposées en lits réguliers. Ces cinq lits sont surmontés d’une maçonnerie de moellon de calcaire en moyen appareil, qui se mêle à du moellon de calcaire jaune à mesure de l’élévation. La hauteur du mur est et les chaînes d’angle dessinent une tour. Le pan de mur oriental de cette dernière se prolonge au sud par les vestiges d’un encadrement de porte en plein-cintre, dont le piédroit droit se trouve au droit de la chaîne d’angle sud. La pièce occidentale de cet édifice était couverte de deux voûtes en berceau reposant sur une corniche en quart-de-rond et dont le fantôme est encore lisible dans le mur nord. Les parois internes étaient revêtues de larges dalles de calcaire blanc, dont seul le lit inférieur subsistait avant restauration.
[Château de Bargème pendant les restaurations, corps de bâtiment flanquant l'est du corps de logis, vu depuis le sud], [vers 1967].
[Château de Bargème avant dégagement complet des vestiges, vue d'ensemble depuis l'est], [vers 1962].
Les diverses parties composant le corps de logis (A) sont implantées de manière à utiliser les ressauts rocheux à peine régularisés, qui servent de socles aux différents niveaux du bâtiment. On y accède du côté est et de plain-pied (R0) par une porte surmontée de deux archères cruciformes (a1) – l’archère nord est intégralement conservée tandis que l’archère sud est une reconstitution à partir d’un jambage subsistant dans le mur. La porte débouche sur un long couloir dallé (2) – un sondage effectué en 1968 dans son mur nord laisse supposer qu’il était voûté –, conduisant à l’ouest à une salle aveugle couverte d’une voûte en plein cintre et creusée dans le rocher qui affleure dans sa partie nord (3) et à l’est à un couloir plus étroit, également voûté en plein-cintre (6). Ce dernier mène à un escalier descendant au niveau de soubassement (R-1), occupé par deux pièces séparées par un mur de refend et qui étaient couvertes d’une voûte en berceau, soutenue par des arcs doubleaux – le départ de l’un d’eux est encore visible contre le mur nord (7, 8). Selon G. Démians d’Archimbaud, les substructions dégagées désignent des caves, des magasins et des réserves. Les pièces de l’étage de soubassement étaient surmontées d’une salle, accessible depuis le couloir dallé par une porte (2). Le départ d’arcade visible dans le mur nord de la salle, à l’ouest de la porte donnant sur le couloir, laisse supposer que cette pièce était couverte d’une charpente sur arcs diaphragmes. G. Démians d’Archimbaud a en outre observé les vestiges d’un second arc transversal en pierre de taille à l’est de la porte qui ne sont plus visibles. Selon l’archéologue, les traces d’une cheminée au foyer de briques existaient avant la restauration dans la paroi orientale, au rez-de-chaussée, à proximité de la tour pleine (T1).
Plan simplifié du château de Bargème. La numérotation des différents espaces renvoie au texte.
Coupe AA' [château de Bargème], 1968. Coupe nord-sud.
[Château de Bargème pendant les travaux de restauration, portail d'entrée dans le corps de logis vu de l'extérieur], [vers 1967].
[Château de Bargème, grenier du rez-de-chaussée, vue vers l'ouest], [vers 1967].
Etage de soubassement vu depuis l'est, tour sud-ouest et courtine ouest, vers 1967.
Le couloir dallé du rez-de-chaussée (2) dessert au nord un large escalier de quinze degrés, couverts de belles dalles calcaires – en 1968 uniquement conservées sur les premières marches, aujourd’hui restaurées – montant vers les niveaux supérieurs (R1, R2). Du premier étage (R1) ne subsistent que les parties nord et ouest. Au nord se trouve une grande salle (1) occupant presque toute la longueur de la construction (35 m de long pour 3 de large) et divisée transversalement par deux minces murs de refend. Son niveau de sol se situe en contrebas de la partie centrale du château – un palier d’accès la dessert à la 10e marche de l’escalier. Cette grande salle semble avoir été également atteignable par un petit escalier (9) élevé le long du mur oriental du bâtiment, à l’extérieur de celui-ci. Elle présente un parement extérieur en grand appareil de calcaire blanc, qui se poursuit dans un axe différend vers l’ouest. Son parement intérieur, partiellement conservé, est constitué de pierres de moyen appareil, à l'exception du mur ouest, où alternent des lits d'épaisseurs irrégulières mêlant des pierres relativement plates avec des moellons plus hauts posés sur champ. Les photographies des années 1960 et la coupe est-ouest réalisée sous la direction de G. Démians d’Archimbaud montrent un retrait taillé, portant une corniche sur laquelle repose une série de niches, dont la fonction n'a pas été éclaircie.
Coupe CC' [château de Bargème], 1968. Coupe est-ouest, R1.
[Château de Bargème pendant les travaux de restauration, grande salle nord et tour nord-ouest, vues depuis l'est], [vers 1967].
[Château de Bargème pendant les travaux de restauration, grande salle nord, parement intérieur du mur sud de la salle, degré d'accès depuis le corridor], [vers 1967].
Cette grande salle conduisait à un ensemble de constructions qui occupaient l’extrémité nord-ouest du château et que G. Démians d’Archimbaud jugeait en 1968 dégagées et restaurées trop rapidement. La difficulté actuelle de lire ces vestiges semblant pour partie peu authentiques nous conduit à reporter une partie de la description de l’archéologue : « Une tour au tracé circulaire (T3), à l’appareil irrégulier présentant dans les parties hautes de nombreux remplois en pierre de taille, enveloppait des substructions : base d’un mur primitif (?) qui semblait être conservée jusqu’à la hauteur d’un ressaut de pierres restées en surplomb (?) à l’intérieur de la tour. Ce « mur » paraissait, au moins sa partie supérieure, être lié à une construction latérale servant de base à la paroi orientale de la tour – construction évidée actuellement dans sa partie supérieure afin d’enrober une cheminée établie ainsi entre la tour et la grande salle précédemment décrite. Cet épais massif de maçonnerie effectuait – autant qu’il est possible d’en juger – un retour brutal vers le sud, se trouvant ainsi dans le prolongement du mur occidental du château, auquel il était probablement relié primitivement. Un décrochement existe cependant actuellement, correspondant à l’implantation d’un massif extérieur, accolé à la tour et à la paroi occidentale du château. Cette construction forme une avancée rectangulaire difficilement explicable si aucune ouverture n’existait à cet emplacement : il est possible de supposer l’existence d’un passage conduisant vers les remparts du castrum. L’état des murailles éventrées à ce niveau laisse ce point incertain. Le maître d’œuvre actuel, concluant à l’existence de citernes à cet emplacement, décida d’obturer cette ouverture, laissant subsister 2 archères à hauteur du 1er étage. Il transforma la structure interne de la tour pour y établir un escalier et s’efforça de rétablir le parement latéral courbe de la paroi enrobant la cheminée, stabilisant l’ensemble de façon assez curieuse. De telles restaurations rendent difficile l’interprétation de cette partie du château. »
Les quatre tours cantonnant le logis sont de factures différentes. Les tours sud (T1 et T2) ont un fruit marqué. La tour sud-est (T1) est pleine et offre un parement extérieur soigné, composé en partie inférieure d’un grand appareil de pierres calcaire et en partie supérieure de moyen à petit appareil disposé en lits réguliers. La tour sud-ouest (T2) renfermait deux pièces hautes qui communiquaient avec les étages supérieurs du logis (R1, R2). Son fruit et l’assise qui le surmonte présentent la même mise en œuvre que la tour sud-est (T1), tandis que le reste de l’élévation est formé de moellons de différents matériaux, disposés de manière irrégulière. La tour nord-ouest (T3) est édifiée en partie avec du petit moellon, en partie avec des blocs de calcaire blanc, taillés en moyen appareil, de dimension similaire à ceux du parement intérieur de la salle nord, manifestement utilisés en remploi. La tour nord-est (T4) est bâtie en petit moellon non assisé et non équarri.
Tour sud-est et église Saint-Nicolas, vers 1962.
[Château de Bargème, tours et courtine nord dominant l'à-pic], [vers 1967].
Essai de phasage chronologique
Les vestiges les plus anciens semblent correspondre à la grande salle, implantée sur la strate rocheuse la plus haute, en bordure du précipice (1). Le décalage chronologique entre la construction de cette partie de l'édifice et les autres espaces se perçoit à travers l'écart du niveau de sol entre cette pièce et le corridor qui la dessert (R1) ainsi que par la rupture de maçonnerie entre le mur oriental de cette salle et le reste du mur oriental du corps de logis. Les parements intérieur et extérieur de cette salle sont proches de ceux de la tour nord-ouest de l’enceinte urbaine (voir IA83003354). Cela pourrait attester une date de construction rapprochée entre ces deux édifices. S’il apparaît en effet douteux de faire remonter cette grande salle au 2e quart du 11e siècle, époque de la première mention du castrum de Bargème, la mise en œuvre laisse supposer une datation du 13e ou du 14e siècle. Le décalage de niveaux entre cet espace et le reste du château plaide également pour une chronologie décalée.
Le corps de bâtiment flanquant le logis à l’est (B) présente lui aussi des éléments d’ancienneté. Les pierres à bossage des lits inférieurs ainsi que la maçonnerie de moellons de moyen appareil du parement extérieur sont les indices d’une datation du 13e ou du 14e siècle, peu ou prou contemporaine de la grande salle (1) et qui correspond donc à l’établissement du rez-de-chaussée du corps de bâtiment (B). Il est difficile de déterminer si l’encadrement de porte en plein-cintre qui donnait accès à la basse-cour intérieure appartient à la même phase de construction – la mise en œuvre des blocs, ciselés sur environ 2 cm, ne contredit toutefois pas l’hypothèse de la contemporanéité. Cet édifice en rez-de-chaussée semble avoir été surélevé en tour dans un second temps – maçonnerie de moellon de calcaire jaune mêlé à des moellons de calcaire blanc en moyen appareil en remploi (?), chaînés en calcaire blanc. La fonction de cet édifice, et en particulier de la salle orientale de son rez-de-chaussée, qui était couverte par deux voûtes en plein-cintre séparées d’un mur de refend, reste incertaine. Jean-Claude Poteur y a vu une citerne à bassin de décantation, en raison de la présence d’un trou d’écoulement que nous n’avons pu observer. Il est toutefois possible de supposer que le niveau inférieur de cet ouvrage avancé a servi de lieu de stockage.
Les deux archères (a1 et a2) en place dans les courtines ouest et est fournissent un indice sur l’établissement des murs extérieurs du logis carré (A) par ailleurs fortement restaurés – en particulier à l’ouest et au sud. Leur croisillon ainsi que leur ébrasement triangulaire convergent vers une datation du 14e ou du début du 15e siècle. La première archère (a1) surmonte la porte d’entrée du logis – son pendant sud est une reconstitution du 20e siècle à partir d’un piédroit subsistant. La forme de la porte, couverte d’un arc surbaissé, reconstitué par les restaurateurs des années 1960 mais visible sur les photographies prises avant travaux, corrobore cette datation. La seconde archère (a2) se trouve approximativement au milieu de la courtine ouest – les fentes de tir se trouvant au débouché du couloir 6 sont des reconstitutions récentes. Alors que la première protège le logis d’assaillants qui auraient réussi à pénétrer dans la basse-cour intérieure, la seconde permet d’atteindre des attaquants arrivant de l’ouest. Si ces deux archères semblent dater les courtines et donc le plan quadrangulaire du logis, rien n’indique si les murs enserraient déjà les pièces dont les vestiges sont visibles aujourd’hui (2 à 8) ou si seul le corps de logis A existait au moment de leur construction. Dans le premier cas, le corps de logis primitif (1) aurait été inclus dans un vaste logis de plan quadrangulaire, peut-être cantonné de tours rondes, au 14e ou au début du 15e siècle.
[Château de Bargème, portail oriental vu depuis le nord-est], [vers 1967].
[Château de Bargème, archère originale surmontant le portail intérieur, ébrasement intérieur], [vers 1967].
[Château de Bargème, mur occidental du corps de logis, vestiges de fenêtres et d'une archère, tour sud-est à l'arrière-plan, vers 1962].
[Château de Bargème pendant les travaux de restauration, archère de la courtine occidentale], [vers 1967].
Du fait de la mauvaise conservation des murs de courtine, il apparaît hasardeux de statuer sur la contemporanéité de ces murs avec les tours d’angle qui présentent des dispositions et des mises en œuvre variées. La tour nord-est (T4) est décalée par rapport aux trois autres et à l’angle du bâtiment, sans doute pour tenir compte de la présence de la grande salle (1) lui préexistant. G. Démians d’Archimbaud émet l’hypothèse d’une restauration tardive. La similarité de la mise en œuvre des assises inférieures des tours sud (T1, T2) permet de conclure à leur contemporanéité. La tour sud-ouest (T2) a en revanche été presque entièrement reconstruite à une date ultérieure qu’une pierre utilisée en remploi et portant la date « 153… » permet de placer après les années 1530. Ces importants travaux pourraient constituer l’achèvement d’un chantier jamais abouti ou des réparations faisant suite à des destructions (guerres de religions ?). On peut également émettre l’hypothèse qu’ils répondirent au besoin de créer des pièces à l’intérieur d’une tour évidée (R1, R2).
Le mur d’enceinte de la basse-cour extérieure, édifiée en moellons non assisés et non équarris, pourrait dater de l’époque moderne. Cela est corroboré par la présence dans la tour semi-circulaire flanquant le mur oriental d’une canonnière à la française. L’écurie-grange située au nord de cette basse-cour pourrait dater du 17e ou du 18e siècle. Elle est en tout cas antérieure à 1768-1774, car représentée sur la carte des frontières est de la France. Cette dernière laisse deviner qu’à cette époque la basse-cour extérieure s’étendait sur tout le pan nord-ouest du castrum, incluant la tour nord-ouest de l’enceinte urbaine qui appartenait encore aux propriétaires du château en 1843, selon les états de section du cadastre ancien.
La distribution en 1792
L’inventaire des biens mobiliers de Jean-César de Pontevès, établi en mai 1792 et motivé par la fuite de ce dernier à Nice, offre une idée claire des meubles qui se trouvaient alors dans le château ainsi que des grands principes de la distribution de celui-ci (cf annexe et plans ci-dessous). À la fin du 18e siècle, 5 niveaux étaient habités – le dernier étant vraisemblablement un étage sous comble occupé par les chambres des domestiques. Les principaux organes de distribution sont constitués du corridor du rez-de-chaussée (2), répliqué au premier et au deuxième étage (R1, R2). Un escalier situé dans la partie orientale du château, naissant à proximité de l’entrée, distribuait les étages. Deux escaliers « dérobés » dont la localisation est douteuse sont également mentionnés. Le niveau de soubassement (R-1) accueillait des espaces de stockage (« greniers »). Le rez-de-chaussée (R0) était dévolu aux fonctions domestiques : on y trouvait un « grenier servant de chambre des provisions », une cuisine, un four et une cave – la localisation de ces deux derniers éléments reste incertaine. Un entresol, situé entre R0 et R1, également complexe à situer, accueillait une boulangerie et un appartement. Les appartements nobles se trouvaient au premier étage (R1). La grande salle et la « chambre de Mr. de Pontevès » occupaient les vastes pièces méridionales, dont on imagine aisément la vue imprenable sur la campagne environnante. Un cabinet, situé dans la tour sud-ouest (T2) jouxtait la chambre seigneuriale. Deux cuisines se trouvaient à ce niveau : l’une mitoyenne de la chambre seigneuriale, l’autre dite à côté de la grande salle. Le deuxième étage carré (R2) accueillait sept chambres : 3 du côté sud, 3 du côté nord et une sur le couchant. La « chambre du commandant » occupait une pièce située entre le premier et le deuxième étage carré, peut-être dans le corps de bâtiment oriental (B), si tant est que les étages de celui-ci communiquaient avec le corps de logis (A).
Une petite et une grande cours bordaient le château. La première pourrait être la basse-cour intérieure, la seconde la basse-cour extérieure. Dans la petite cour se trouvait « une petite chapelle servant de caves ». Cette chapelle pouvait se trouver dans le corps de bâtiment B (pièce ouest que nous n’avons pu observer ?) ou dans un corps de bâtiment aujourd’hui disparu qui aurait longé le mur méridional de cette basse-cour, dans lequel de petites baies sont conservées.
Restitution de la distribution du château en 1792 à partir de l'inventaire du mobilier de César de Pontevès, R-1, sur fond de relevé 1968.
Restitution de la distribution du château en 1792 à partir de l'inventaire du mobilier de César de Pontevès, R0, sur fond de relevé 1968.
Restitution de la distribution du château en 1792 à partir de l'inventaire du mobilier de César de Pontevès, R1, sur fond de relevé 1968.
Restitution de la distribution du château en 1792 à partir de l'inventaire du mobilier de César de Pontevès, R2, sur fond de relevé 1968.
Restitution de la distribution du château en 1792 à partir de l'inventaire du mobilier de César de Pontevès, basses-cours orientales, sur fond de relevé 1968.
Conclusion
L’aspect extérieur du château de Bargème, en particulier son plan carré cantonné de tours rondes, apparaît caractéristique des résidences seigneuriales de Provence. L’analyse montre toutefois que ce plan s’est constitué progressivement à partir d’une grande salle, datant possiblement du Moyen Âge central, implantée au bord du précipice et dont on ignore l’élévation. Il apparaît en revanche incertain de rapprocher celle-ci du logis seigneurial associé au castrum mentionné dès le 11e siècle.
Photographe Inventaire général.