L’enceinte urbaine complétait les défenses naturelles de Bargème sur les côtés ouest, sud et est du village, implanté sur un promontoire rocheux au flanc nord extrêmement abrupt. Son tracé suit la configuration du rocher.
Indigence des sources écrites et analyse du bâti
Dans l’état actuel de nos recherches, une seule source écrite apporte des indications historiques sur la fortification de Bargème. Un document résumant les droits et les devoirs de la communauté à l’égard du seigneur, rédigé en avril 1406 et connu par une copie de 1688, mentionne des « murailles ». Le texte stipule que le seigneur est tenu de pourvoir à la troisième et quatrième parts de l’entretien des murailles, sans davantage de précisions. Ce document fournit donc surtout un terminus ante quem pouvant être situé en 1406.
Les vestiges en élévation fournissent quelques indices chronologiques. Ils se composent d’une tour à gorge ouverte marquant l’angle nord-ouest de l’enceinte, d’une porte au sud-ouest, dite « porte de la Garde », et d’une porte au sud-est, dite « porte du Levant ». Un fragment de courtine, mesurant 1,70 m d'épaisseur, descend de la tour nord-ouest. Interrompue par le passage du chemin de Pontevès, la courtine se poursuit entre les parcelles C 798 et C 805 - avec une épaisseur de 1,50 m, où elle est percée de quatre archères à fente courte. L'effondrement partiel de son parement interne dévoile un fourrage de mortier de terre et de moellons, dont certains sont disposés en opus spicatum. Il s'agit de la section semblant présenter le plus haut degré d'authenticité. Entre celle-ci et la porte du Levant se déploie une longue portion de mur édifiée en moellons de moyen appareil, par endroits fortement remaniée et écroulée en son milieu. Elle sert de mur de soutènement aux jardins du village qui la surmontent. Après la porte du Levant, la courtine ne subsiste plus qu’à l’état de vestiges.
[Flanc occidental de la fortification d'agglomération de Bargème, vue de l'extérieur, vers 1967.]
Porte sud-est, dite porte du Levant.
Les portes de la Garde et du Levant présentent un modèle et des dimensions similaires, qui pourraient marquer leur contemporanéité. La présence de bossages sur la partie haute des chaînes d’angle de la porte du Levant ainsi que la forme en tiers-point des arcades des deux portes attestent une datation du 13e ou du 14e siècle. Le soin de la mise en œuvre de la tour nord-ouest, dont le parement extérieur est composé de moellons de calcaire équarris et disposés en assises régulières où alternent par endroits blocs rectangulaires allongés et fins blocs verticaux, ainsi que l’archère du pan occidental, couverte d’un linteau à coussinets et de degrés inversés, plaident également pour une datation du 13e ou du 14e siècle. Le pan de courtine naissant à l’angle sud-est de la tour et se poursuivant au sud du chemin de Pontevès est édifié avec des moellons de même module que ceux de la tour, mais ses assises sont dépourvues de blocs verticaux. La liaison entre la courtine et la tour nord-ouest, propre du côté intérieur, ainsi que la similitude des modules employés laissent penser que la date de construction des deux éléments est contemporaine, sinon proche – la jonction du côté extérieur a fait l’objet d’une restauration. Une rupture de maçonnerie s'observe au milieu du fragment de courtine situé au sud du chemin de Pontevès. Toutefois, le module similaire des moellons et des archères situés de part et d'autre de cette rupture suggère davantage une pause brève dans le chantier qu'un décalage chronologique important. L'hypothèse d'une différence de maîtrise d'ouvrage peut être émise dans la mesure où la portion nord, directement reliée à la tour nord-ouest, est topographiquement liée au château - la tour nord-ouest appartient encore au marquis de Bargème en 1843 - et pourrait procéder d'un financement seigneurial. En outre, la mise en oeuvre extrêmement soignée de ce fragment de courtine doit être relevée. La section commençant après la rupture de maçonnerie pourrait quant à elle avoir été édifiée aux frais de la communauté villageoise. L'hypothèse de ce double financement expliquerait qu'en 1406 la communauté comme le seigneur sont tenus de pourvoir aux réparations de la muraille.
Une enceinte remaniée par endroits
Bien que l’enceinte urbaine soit encore très lisible et visible dans le paysage, elle a fait l’objet de quelques remaniements qui n’ont pas affecté son tracé originel. La portion sud-est du mur de courtine subsistant a ainsi été largement reconstruite. La carte des frontières de l'est de la France, dressée entre 1768 et 1774, montre que la brèche du mur d'enceinte située immédiatement au sud de la tour nord-ouest avait déjà été effectuée. La seconde ouverture, également située dans la portion occidentale du mur et menant à la place de la fontaine, est postérieure à la première mais antérieure à 1842, date du premier plan cadastral.
L’implantation de maisons contre et à l’est de la porte de la Garde a entraîné la fermeture de cette dernière. Les maisons (IA83003346, IA83003349) prennent appui contre la courtine qui est conservée et dont l’épaisseur comme le parement intérieur s’observe dans les étages de soubassement. Le segment de courtine situé à l’est de la seconde maison (IA83003346, parcelle C 890) est coiffé de quatre corbeaux partiellement conservés, vestiges d’une ancienne bretèche ou ancien couronnement d’une des portes utilisé en remploi.
Porte de la Garde et maisons enjambant le rempart, vue depuis le sud.
Flanc sud du mur d'enceinte, corbeaux constituant les vestiges d'une ancienne bretèche ou utilisés en remploi à l'est de la maison du 20 rue de l'amitié.
L’arcade intérieure de la porte du Levant a été réédifiée au cours de la décennie 1960, lorsque Germaine de Maria contribua à la restauration du village.
Photographe Inventaire général.