HISTORIQUE
Entre 1919 et 1928, l´aménagement de la passe de Jonquières en chenal navigable, en prolongement du canal de Marseille au Rhône (Référence : IA13004128), entraîne la disparition de l´îlot du Plan de Meyran et des deux ponts - dont le pont du Roi (Référence : IA13004503) - qui reliaient l'îlot aux quartiers de l´Ile et de Jonquières. Le canal ainsi élargi est franchi par un pont tournant (Référence : IA13004054) mis en service en 1929 (COURTOT, GIRARD, MONNIER, p. 66). Ce dernier s´avère rapidement inadapté au trafic croissant des années 1930 et de l´après-guerre. La traversée de Martigues devient un ''goulot d´étranglement'' car elle ne s´effectue que par cet ouvrage et le pont tournant de Ferrières (Référence : IA13004091). La circulation automobile de la R.N. 568 devient de plus en plus intense en raison de l´industrialisation de la région de l´étang de Berre et de l´étang de Caronte qui a pour conséquence un accroissement de la population. Le flux routier est freiné par les deux points de franchissement trop étroits, et se trouve de plus en plus fréquemment bloqué quand les ponts doivent laisser passer le trafic fluvial durant des manœuvres trop longues (idem, p. 68).
Dès 1948, une décision ministérielle entérine un projet de réaménagement de la traversée de Martigues comprenant la déviation de la R.N. 568, mais il n´est pas mené à bien. Ce projet réapparaît en 1955 (AD Bouches-du-Rhône : 2S 10/4). Il s´agit de concevoir un ouvrage pouvant convenir à la navigation et permettant de contourner quelque peu le centre ville de Martigues. La solution finalement retenue est un passage à l´est, en bordure de l´étang. ''Il rend possible en outre le recalibrage de la passe de Martigues à 55 m de largeur et une disposition parfaitement symétrique des murs de quais''. Par ailleurs, la Commission des Sites intervient afin que le nouvel ouvrage ''ait un aspect très satisfaisant et s´inscrive au mieux dans le site de Martigues''. En effet, il risque de ''barrer la perspective vers l´étang. Une étude complète du projet a donc conduit vers un type de pont assez léger, aussi plat que possible, de façon à dégager suffisamment les vues'' (COUPRIE, ESCUDIER, p. 34).
En 1956, des habitants de Martigues signent une pétition demandant l´installation d'une passerelle mobile pour piétons sur le canal de Jonquières. Cette requête est motivée par le fait que le nouveau pont mobile de Martigues devrait se situer à 150 m à l´est de l´ouvrage de 1929 (AD Bouches-du-Rhône : 2S 10/4). Ce vœu n´a jamais été accompli.
En 1957, on procède à l´étude d´un nouveau pont qui comporte deux volées ayant, en position fermée, l´aspect général d´un pont en arc à tablier supérieur, tous les mécanismes étant logés à l´intérieur des caissons-piles. Mais ce projet de pont de Martigues n´est pas financé sur l´exercice 1958 et les crédits sont engagés à partir de 1959. En mars 1959, les travaux sont confiés principalement aux entreprises Joya-Chabert et Daydé (AD Bouches-du-Rhône : 1937W 432). Le service des Ponts et Chaussées prévoit l´achèvement de l´ouvrage pour la fin de l'année 1961 ; il entre en service en 1962 (AD Bouches-du-Rhône : 2S 10/4). ''Le projet a été étudié successivement sous la direction de M. Couteaud, ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées et directeur du port de Marseille et Annexes, puis par de nombreux ingénieurs : MM. Thorel et Castre Saint-Martin, en particulier, ingénieurs des Ponts et Chaussées au Service maritime des Bouches-du-Rhône, ainsi que M. Masson, ingénieur des Ponts et Chaussées à Marrakech, qui était alors ingénieur des Travaux publics de l'Etat (TPE) chargé du Bureau d´études. M. Arbus, au titre de conseiller technique, a bien voulu s´associer à la mise au point architecturale de l´ouvrage''. L´entreprise Joya-Chabert a conduit les travaux de fondation, l´infrastructure, les ouvrages de garde et les dragages, les Entreprises des Grands Travaux Hydrauliques ont effectué les travaux de superstructures et les Etablissements Daydé, la charpente métallique et les mécanismes. Les garde-corps ont été exécutés par les Etablissements Borderel et Robert et leur éclairage par l´Entreprise Noël Aîné et Pellegrini. Les chaussées d´accès ont été réalisées par l´Entreprise Fernandez et, enfin, les revêtements spéciaux du pont par la SACER (COUPRIE, ESCUDIER, p. 42).
L´inauguration a eu lieu le 23 mars 1962 en présence du ministre des transports et des travaux publics, M. Buron, de M. Rieubon, député de la circonscription, M. Francis Turcan, maire de la ville, le préfet Haas Picart, M. Betons, président de la chambre de commerce de Marseille (Le Provençal, 10 janvier 1996). ''L´ouvrage, ouvert à la circulation le 24 mars 1962, a coûté près de 14 millions de francs'' (COUPRIE, ESCUDIER, p. 41).
''La circulation routière, qui plafonnait à 10 000 véhicules par jour en février 1962, atteignait, dès le mois de mai de la même année, 14 000 véhicules'' (ibidem). Dans ce domaine, le pont levant a atteint son degré de saturation en quelques années seulement, avec jusqu´à 30 000 véhicules quotidiennement, mais côté canal, il est toujours aussi efficace (Le Provençal, 10 janvier 1996).
L´ouvrage est la propriété du Port autonome de Marseille depuis 1966 (reportage sur le pont levant).
Depuis le milieu des années 2000, on observe une baisse considérable des passages de navires commerciaux vers l´étang de Berre depuis que Total et Schell multiplient les pipelines qui aboutissent à Lavera. ''Les traversées du chenal de Caronte par les navires de commerce se font de plus en plus rares. Le passage des pétroliers, gaziers, ravitailleurs et incluant quelques barges (chargées d´un gros convoi), remorqueurs et chalutiers allant vers l´étang a réduit de plus de la moitié depuis 1998. Plus que 424 passages recensés à ce jour pour l´année 2005 [...] contre 1358 passages en 1998. En ce qui concerne la catégorie des particuliers, la fréquentation du chenal n´a que peu varié [...]. Elle se chiffre entre 2500 et 2800 passages [en 2005]. Cette catégorie inclut les voiliers d´estivants et ceux installés aux ports de Saint-Chamas, Istres et Martigues'' (idem).
''Pour les navires de commerce, le coût de passage au pont levant est compris dans les Droits de Port (taxes fixées selon le navire, le type et poids de la marchandise) qui incluent tous les investissements d´infrastructures, du chenal avec l´amortissement des services généraux comme celui de la Capitainerie de Port de Bouc. Ces taxes sont récupérées par les Douanes qui les reversent à leur tour au Port Autonome de Marseille. Pour les bateaux de plaisance, la prestation est gratuite'' (idem).
DESCRIPTION
Le pont ouvrant de Jonquières est situé à l´extrémité est de la Passe de Jonquières (canal Galliffet) à Martigues. Il relie le quartier de Jonquières à la pointe de l´Ile en longeant l´étang de Berre.
Le pont a 55 m d´ouverture. Il comporte deux volées levantes de 28,50 m de portée en console et 13,30 m de portée pour la culasse. Chaque volée a 11,40 m de largeur hors tout, pèse environ 220 tonnes sans contrepoids et 500 tonnes une fois lestée. En effet, chacune est équilibrée par un contrepoids.
Pour l´infrastructure générale de l´ouvrage, la solution adoptée est celle ''d´une poutre en acier à dalle orthotrope, c´est-à-dire dont le tablier est [fait d´une] tôle convenablement raidie'' d´une épaisseur de 16 mm, renforcée par une série de profilés. Cette tôle sert à ''supporter les charges roulantes et constitue la membrure supérieure de la poutre''. Le tablier repose directement sur quinze longerons soutenus par des entretoises. Ainsi, l´ouvrage présente une révolution technique : le rivetage est remplacé par la soudure, les charpentes métalliques sont remplacées par des tôles grâce à la mise au point d´aciers de haute résistance. L´emploi de la tôle et du soudage correspond à la technique du ''mécano-soudé'' qui permet l´allègement des structures et un effort esthétique.
Les fondations du pont sont constituées de chaque côté de la passe par un caisson creux à air comprimé en béton armé formant culée, destiné à contenir le contrepoids et les mécanismes. Les caissons-culées sont protégés des chocs par des ouvrages de garde. Ils sont revêtus de moellons provenant des carrières de Saint-Martin-de-Belle-Roche (Saône-et-Loire), en pierre calcaire dure de couleur jaune.
La largeur du tablier hors tout est de 11,40 m, celle de la chaussée de 7 m ; les trottoirs ont 2 m de largeur utile chacun. Ils sont bordés de garde-corps qui contiennent ''dans la main courante, le dispositif d´éclairage : une ligne continue de tubes fluorescents courants alimentés en 220 volts''.
Deux rampes réglées à 6 % donnent accès à l´ouvrage.
(AD Bouches-du-Rhône : 1937W 432 ; MAISONNEUVE, DEL BALDO, ENTRESSANGLE, p. 30 ; COUPRIE, ESCUDIER, p. 35 et p. 39-41).
En cas de séisme, le pont levant supporte une contrainte de 13 kg/mm2 (MAISONNEUVE, DEL BALDO, ENTRESSANGLE, p. 31).
La commande de l´ouvrage et de tous ses accessoires est centralisée dans la vigie de la maison pontière, grâce aux armoires électriques et au pupitre de commande. Un homme seul peut manœuvrer le pont. Il est en liaison radio avec les navires qui passent et des caméras de contrôle lui permettent de suivre le processus. ''Un système de feux verts, oranges et rouges indique aux bateaux la marche à suivre pendant les opérations. Des barrières arrêtent [le cas échéant] la circulation automobile et le passage des piétons. Quand le pont est vide, l´employé déclenche le levage du pont. [...] Alors s´effectue la levée de deux volées''. Trois moteurs électriques, un de 40 chevaux et deux de 9 chevaux (dont un de secours) tirent chaque volée. ''La manœuvre du pont comporte plusieurs phases : décalage, basculement, verrouillage''. ''La levée est opérée en 2 mn maximum. Le feu passe au vert et les bateaux peuvent s´engager''. En cas de panne, les moteurs de secours peuvent lever les volées en 10 mn à l´aide d´un groupe électrogène. Dans le cas où il faudrait stopper la manœuvre, le pontier peut appuyer sur un bouton d´urgence placé sur le pupitre qui coupe la force électrique (COUPRIE, ESCUDIER, p. 35 et p. 37-38 ; reportage sur le pont levant).
La manœuvre totale comportant l´ouverture et la fermeture du pont durent 8 à 10 mn (Le Provençal, 11 janvier 1996).
''Six ouvriers professionnels se relaient 24 heures sur 24 et 365 jours par an''. Ceci tant pour ''l´exploitation (inspections quotidiennes pour prévenir des anomalies éventuelles) du pont que pour les manœuvres''.
Il y a de 0 à 6 ouvertures du pont par jour (reportage sur le pont levant).
Henri Daydé, ingénieur des Arts et Métiers, entra en 1868 à l'usine "Lebrun Pillé", atelier de construction de machines et chaudières à vapeur. L'entreprise se développe très vite et la raison sociale "Lebrun Daydé Pillé" est déposée en 1886, pour devenir "Établissement Daydé" en 1909. À cette date, l'entreprise a acquis une renommée mondiale grâce à de nombreuses réalisations (ponts métalliques).