SYNTHÈSE HISTORIQUE :
Dans le cadre du développement industriel et urbain des régions de Fos et de l´étang de Berre, une autoroute est construite entre Marseille et Martigues. Cette autoroute établit d´abord la jonction entre Marseille et Fos, grâce à la R.N. 568 ; elle renforce aussi la position de Martigues dans la région (RONCAYOLO, BLAIS, p. 58-59). La section la plus urgente est celle qui évite le goulet d´étranglement de Martigues grâce à un ouvrage d´art franchissant le canal de Caronte (Référence : IA13004127), à l´ouest de la ville. Il faut que cet ouvrage soit suffisamment haut pour dégager une passe suffisante pour les navires de grande taille (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 78). Des critères esthétiques sont également définis. Selon Georges Corbière, ingénieur à la Direction départementale de l´Equipement (DDE), responsable du suivi du chantier : ''Il a été décidé d´un profil en long afin que le viaduc n´écrase pas le paysage. Sa longueur de 900 m n´est justifiée que par la nécessité de dégager les vues...'' (MAISONNEUVE, DEL BALDO, ENTRESSANGLE, p. 27-28).
L´appel d´offre a été lancé début 1968, le marché a été signé le 23 décembre 1968 par le Directeur départemental de l´Équipement avec le Groupement des Entreprises Boussiron-Compagnie Française d'Entreprises Métalliques (CFEM) piloté par la Compagnie Française d´Entreprises (DROIN, CORBIÈRE, p. 23).
Selon Jean-Claude Foucriat, concepteur du viaduc chez la CFEM, le choix de la solution d´un pont à béquilles a trouvé son origine dans un ouvrage de ce type construit au Luxembourg quelques années auparavant, le pont de la Grande Duchesse Charlotte, qui a servi de modèle à celui de Martigues (DEL BALDO, DEUFF, CARNAROLI, p. 28).
Les travaux ont commencé le premier semestre 1969 et se sont terminés en mai 1972 (DROIN, CORBIÈRE, p. 29). Trois ouvriers ont trouvé la mort sur le chantier. L´inauguration a eu lieu le 23 juin 1972 (DEL BALDO, DEUFF, CARNAROLI, p. 22 et p. 27).
''Le coût global de l´ensemble, en prix de base de mai 1968, est d´environ 31 millions de francs qui peuvent se décomposer sommairement de la façon suivante : 6 millions pour les remblais d´approche et les fondations, 3,5 millions pour les piles et les culées, 6,5 millions pour le tablier en béton précontraint, 15 millions pour le viaduc métallique'' (DROIN, CORBIÈRE, p. 29).
Le viaduc autoroutier de Caronte est un ouvrage moderne par ses caractéristiques et par les innovations techniques de sa mise en oeuvre. Un système inédit a été mis en place pour la réalisation des travées des viaducs d´accès : l´autolanceur conçu par la société Boussiron. Il s´agit d´un coffrage mobile, reposant sur trois piles. Un bec télescopique permettait, lorsqu´une portion était coulée et durcie, d´aller accrocher l´ensemble à la pile suivante et de ''l´auto-haler'' pour pouvoir couler la travée d´après. Autre innovation pour l´époque : les calculs concernant la résistance des matériaux avaient été faits sur ordinateur (MAISONNEUVE, DEL BALDO, ENTRESSANGLE, p. 31 ; Travaux, n° 442).
L'ouvrage métallique est entièrement soudé. La poutre-caisson a été soudée sur berge, à partir d´éléments fabriqués dans les usines de la CFEM, en trois tronçons de 100 m. Chaque tronçon de rive a été lancé sur deux barges, amené par flottaison à l´aplomb de son emplacement définitif et posé sur des palées provisoires (Travaux, n° 442). ''Les tronçons de raccordement tablier-béquille et les béquilles [...] ont été confectionnés entièrement à l´usine de Rouen et transportés par voie maritime jusqu´à Martigues, via Gibraltar'' (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 79).
L´arche métallique a été hissée d´un bloc grâce à deux tours provisoires installées dans la passe. Ce levage a été réalisé à l'aide de deux portiques en treillis métalliques de 55 m de hauteur reposant sur des dalles en béton armé fondées sur pieux et implantées de part et d´autre des massifs de fondation des béquilles (MAISONNEUVE, DEL BALDO, ENTRESSANGLE, p. 31 ; Travaux, n° 442).
Le maître d´œuvre en était la Direction départementale de l´Equipement des Bouches-du-Rhône (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 81). Les entreprises responsables des travaux ont été : la Compagnie Française d'Entreprises, la Compagnie Française d'Entreprises Métalliques (CFEM) et la Société des Entreprises Boussiron. Le concepteur du projet était Jean-Claude Foucriat, chef du bureau d´études ''ponts et ouvrages spéciaux'' de la CFEM. Les sous-traitants officiels sont : les entreprises Guintoli et Pelier pour les terrassements ; France Paroi pour les fondations spéciales ; l´entreprise Mure pour la fourniture et la pose d´acier béton armé ; Procédé Iga-France pour le coffrage glissant ; les entreprises Pichon et Jean Lefebvre pour l´équipement des tabliers ; SIF pour les chapes ; L'Antirouille pour la peinture ; enfin, la CFEM a confié l´étude et la réalisation de l´équipement nécessaire au levage du tablier à la Société des Usines Quiri et Compagnie de Strasbourg-Schiltigheim. Les fournisseurs principaux sont, Usinor pour l´acier, Cipec pour la précontrainte et les appuis, Lafarge pour les ciments, Pozzolithp et Sika pour les adjuvants, Freitag pour la peinture (DROIN, CORBIÈRE, p. 30 ; Travaux, n° 443 ; DEL BALDO, DEUFF, CARNAROLI, p. 28).
DESCRIPTION
Le viaduc autoroutier de Martigues permet à l´autoroute A. 55 de franchir le canal de Caronte (Référence : IA13004127) entre le pont levant de Jonquières (Référence : IA13004083) et le pont tournant ferroviaire (Référence : IA13004081) ; il est situé sur l´axe Marseille / Fos / Martigues et permet l´évitement de cette dernière commune.
D´une longueur totale de 874 m entre culées, le pont comprend deux parties bien distinctes dans leur conception : un ouvrage principal métallique sur le Rhône et deux viaducs d´accès composés de deux ouvrages jumelés en béton. Le viaduc comporte en tout seize travées portées par treize piles de béton coulées en continu et deux béquilles (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 78).
L´ouvrage central en acier, long de 300 m entre piles culées, repose sur des béquilles, également en acier, inclinées. La portée de l´arc entre appuis des béquilles est de 210 m, ce qui permet de dégager un gabarit de navigation de 45 m de haut et de 205 m de large (ibidem).
''Le tablier est réalisé par une dalle orthotrope de 30 m de large constituée par une tôle de 12 mm raidie [...] reposant sur un caisson rectangulaire de 10,60 m, de 3,50 à 6 m de hauteur avec cadres formant entretoises tous les 4,05 m ; de part et d´autre de ce caisson, le platelage du tablier, en encorbellements de 9,70 m, est supporté par des consoles d´entretoise par couvre-joints et boulons''. Le tablier est relié aux béquilles par des tronçons de raccordement en acier. Les béquilles mesurent 57 m de long, pour un poids de 205 tonnes chacune. Elles sont ''constituées par un caisson fermé rectangulaire de dimensions dégressives vers le bas de 10,60 m à 2 m et de 4 m à 1,5 m. Elles prennent appui sur des massifs en béton armé'' fondés à 15 m de profondeur et coulés à l´abri de batardeaux en parois moulées (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 78-79 ; Travaux, n° 442).
Les deux viaducs d´accès sont chacun constitués par deux tabliers en béton précontraint à deux poutres sous-chaussée. Le viaduc du côté nord (direction Port-de-Bouc), long de 260 m, comporte six travées continues, dont la première est longue de près de 35 m et les autres de 45 m. Le viaduc du côté sud (vers Martigues), long de 315 m, comporte sept travées continues, dont six de 45 m de longueur et celle de rive de 44,50 m.
''Les piles sont fondées : pour les cinq appuis les plus proches de la passe, sur des pieux de 1,50 m de diamètre, de 18,50 m de longueur maximum, ancrés de 6 m dans les marnes ; pour les autres appuis, sur des semelles superficielles en béton armé'' (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 97).
''Les tabliers, en béton précontraint, sont de conception originale et constituent la première réalisation en France de ce type d´ouvrage. Ils comportent un hourdis sous chaussée d´épaisseur variable transversalement solidaire de deux nervures''. L´originalité de conception du hourdis ''réside dans le principe de sa section transversale qui constitue un portique spatial ouvert sans aucune liaison transversale s´opposant aux déformations du système qui garde le maximum de souplesse. La suppression de toutes les entretoises en effet, permet de réduire sensiblement les efforts transversaux notamment les moments de torsion dans les nervures sur appui. Les seules réactions transversales imposées proviennent des appareils d´appui qui sont conçus en néoprène plus téflon pour n´entraver qu´au minimum les éléments porteurs. Le principe de cette solution, breveté par le Docteur Ingénieur H. Homberg et qui a fait l´objet de nombreuses réalisations en Allemagne, présente des avantages certains : simplicité des formes, donc simplification de l´exécution'' (ibidem, p. 98).
Les deux chaussées d´autoroute sont portées par des tabliers indépendants dont la largeur utile varie de 14 m en partie courante à 19 m maximum en arrivant sur les culées.
Chaque chaussée est large de 14 à 19 m et comporte trois voies de circulation, mais une exploitation à quatre files peut être envisagée le cas échéant.
Les chaussées sont protégées par des garde-corps métalliques composés de trois tubes fixés sur des montants distants de 2,05 m. En outre, un séparateur central en béton, de 1 m de largeur et de 0,87 m de hauteur, est disposé dans l´axe longitudinal de l´ouvrage métallique et à la jonction des deux demi-ouvrages des viaducs d´accès (DROIN, CORBIÈRE, p. 23).
Le viaduc de Martigues est relié par deux échangeurs au réseau existant : la R.N. 568 et la voie de desserte de la ZUP au nord, le chemin départemental n° 49 E au sud (POIRSON, FOUCRIAT, p. 257).
L´ouvrage répond aux contraintes de départ : intégration au paysage grâce à son profil fin et élégant, dégagement d´une passe navigable suffisante, et prise en compte du risque sismique.
Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour répondre aux contraintes sismiques. ''Un jeu est possible entre la partie béton et la partie métallique, grâce à d´énormes pistons à huile installés horizontalement, ce qui permet d´absorber les phénomènes de dilatation et aussi les mouvements dus à une éventuelle secousse sismique. [...] L´acier haute résistance peut supporter une contrainte de 13 kg/mm2'' (MAISONNEUVE, DEL BALDO, ENTRESSANGLE, p. 31). Quant aux piles, elles sont calculées pour résister aux efforts correspondants transversalement et longitudinalement, grâce à la souplesse de leur béton (Bulletin annuel AFPC, 1971-1972, p. 99).