I. Origine et formation du site à l’Epoque moderne
L’écart de Nougueiret s’est probablement développé au cours de l’Epoque moderne, de manière concomitante à celui tout proche de Saint-Barnabé, situé à seulement 500 mètres au sud-ouest (référence du dossier : IA06004416). La date portée la plus ancienne relevée sur l’une des constructions rattachées à cet écart remonte au début du 18e siècle, 16 IE 1733, et se situe sur le linteau d’une porte de la ferme située dans la partie sud de l’écart (référence du dossier : IA06004412).
Ferme de l'îlot sud (1841 E4 342 à 349). Inscription sur un linteau de porte :16 IE 1733.
Le « hameau de Nogaret » est mentionné en tant que tel à compter de la seconde moitié du 18e siècle, sur la carte des frontières Est de la France, levée par les ingénieurs militaires entre 1764 et 1778. Cela suggère ainsi qu’il existe déjà un regroupement d’habitat à cette époque. Sur la carte de Cassini levée en 1780, l’écart de Nougueiret n’est pas indiqué, les bâtiments qui s’y trouvent sont englobés avec le hameau de Saint-Barnabé, ce qui montre bien leur interdépendance.
II. Développement de l'écart depuis la levée du cadastre napoléonien en 1841
En 1841, le cadastre napoléonien figure 8 constructions à Nougueiret, selon la répartition suivante :
Bastide | 3 |
Écurie et grenier | 4 |
Cabanon | 1 |
La lecture du cadastre napoléonien montre qu’il s’agit d’un écart agricole correspondant historiquement à trois fermes et plusieurs entrepôts agricoles agglomérés, ensemble bâti regroupé en deux îlots disjoints (référence des dossiers : IA06004412 et IA06004413).
Plan de situation de l'écart de Nougueiret d'après le cadastre de 1841 (section E, 4ème feuille). A proximité à l'ouest, l'écart de Saint-Barnabé.Plan de masse de l'écart de Nougueiret d'après le cadastre de 1841 (section E, 4ème feuille).
L’état des sections indique que les bâtiments de ce domaine agricole sont répartis entre plusieurs propriétaires forains, c'est-à-dire étrangers à la commune (un réside à Biot à 22 kilomètres, les trois autres à Tourrettes à 9 kilomètres). Il est donc probable qu’à cette époque, ces bâtiments soient occupés par des métayers qui exploitent les terrains alentours pour le compte de ces propriétaires.
Au cours du 19e siècle et dans le premier tiers du 20e siècle, l’organisation générale de l’écart change peu, seules quelques extensions de bâtiments sont à relever ainsi que la construction d’un entrepôt agricole au centre du hameau (référence du dossier : IA06004415). En revanche, les matrices cadastrales indiquent que la propriété de ces bâtiments a été transféré à des habitants du hameau ou de celui de Saint-Barnabé. Vers 1933, la famille Isnard rassemble la totalité des parcelles de ce quartier agricole et exploite l’ensemble comme une seule ferme depuis. Seul le logis de la ferme située au sud de l’écart est encore occupé, ceux des fermes au nord ont depuis été convertis en dépendances agricoles.
III. Origine du toponyme
Le toponyme de Nougueiret fait référence à un lieu complanté de noix1, ce que confirme la mention de plusieurs noyers encadastrés en 1841 à proximité immédiate de certains bâtiments agricoles (1841 E4 346 et 1841 E4 348), et la présence actuelle de ce type d’arbres sur la propriété.
IV. Economie rurale et vie quotidienne
Ferme de l'îlot sud (1841 E4 342 à 349). Vue d'ensemble prise du sud-est Fermes de l'îlot nord (1841 E4 352 à 358). Vue d'ensemble prise du sud.
Comme pour l’écart de Saint-Barnabé, l’économie rurale du hameau de Nougueiret s’est développée autour de l’agropastoralisme. Les données du cadastre de 1841 relatives aux propriétés non bâties témoignent de l’équilibre entre activités pastorales et agricoles à cette époque : le territoire compte 17 hectares de surfaces cultivées, tandis qu'environ 22 hectares sont des zones de pâturages extensifs. Des "carraires" réservées au passage des troupeaux sont indiquées sur le cadastre et réglementent le pastoralisme. La culture du blé dominait le paysage agricole. Les dolines, assez nombreuses en raison de la nature karstique du terrain, constituent des espaces privilégiés pour les cultures avec un sol humide et argileux particulièrement fertile. Elles sont fréquemment entourées de pierriers pour empêcher les troupeaux d’y accéder (exemples : 1841 E4 315, 335, 336, 341). En complément de ces terres labourables, quelques « jardins secs » sont indiqués sur le cadastre, au cœur de l’écart. Délimités par des murs en pierre sèche, ils permettaient une culture vivrière de légumes et légumineuses.
Ancienne doline cultivée (1841 E4 315).
La part des sols cultivés décroît progressivement en faveur des pâturages extensifs au début du 20e siècle, avec 13 hectares de terrains cultivés en 1913 et 26 hectares de pâturages extensifs. Au milieu du 20e siècle, cette culture du blé est toujours pratiquée et le troupeau ovin compte environ 200 bêtes (témoignage oral). Depuis la fin des années 1990, l’activité s’est exclusivement tournée vers l’élevage, conduisant à un abandon des terrains labourables. Les enclos ont été couverts pour augmenter la superficie des bergeries. Ce phénomène de déprise agricole s’est fait plus tardivement que sur le reste du territoire Coursegoulois, probablement car le domaine est toujours resté en activité et qu’il a été conservée par la même famille. Aujourd’hui, l’exploitation comprend un cheptel de 600 ovins. Il s’agit de l’unique regroupement agricole ancien encore en activité sur le territoire de Coursegoules.
Dans l’architecture, l’agropastoralisme se reflète à travers la multifonctionnalité des bâtiments (ferme et entrepôt agricole avec bergerie, étable, remise, resserre, fenil, séchoir), mais aussi par l’association de plusieurs aménagements agricoles à un même emplacement. Aire à battre, enclos pastoral, cabane ou entrepôt agricole se côtoient ainsi fréquemment. Par exemple, la parcelle 1833 E4 331 est indiquée comme une aire à battre de 1 520 mètres carrés, elle inclue également un enclos de 100 mètres carrés (1841 E4 332) et un cabanon de 6 mètres carrés (1841 E4 333), l’ensemble entouré au sud et à l’ouest par deux parcelles de pâturages (1841 E4 337 et 338), au nord et à l’est par deux parcelles labourables (1841 E4 330 et 334).
Parmi ces constructions à usage agricole, il convient de signaler un élément que le cadastre ne mentionne pas : les cabanes-pierriers en pierre sèche. Un exemple a pu être observé au lieu-dit de Nougueiret, le long d’un chemin traversant une parcelle labourable (1841 E4 323). Les pierres calcaires dégagées du champ cultivé sont ainsi empilées de manière soignée, les lauzes étant sélectionnées pour former une chaîne d’angle. Sur une face du pierrier, une niche d'abri, formant une micro-cabane, a été aménagée avec une ouverture rectangulaire. Ses piédroits sont en moellons équarris posés à plat et le linteau est constitué d’une large lauze.
Cabane-pierrier (non cadastrée, situé sur la parcelle 1841 E4 323). Vue d'ensemble prise du sud.Cabane-pierrier (non cadastrée, situé sur la parcelle 1841 E4 323). Angle nord-est.
Aire à battre | Enclos pastoraux | Cabane | Cabane-pierrier |
3 | 5 | 1 | 1 |
Ce passé agropastoral se reflète également à travers le mobilier agricole conservé dans les fermes de l'écart de Nougueiret (référence du dossier : IM06002479).
V. Ressources
Elles sont de même type que pour le hameau de Saint-Barnabé, les deux écarts étant très proches. Ainsi, la roche calcaire est le matériau principal pour la construction et se décline à travers différentes mises en œuvres (pierre sèche, maçonnerie liée au mortier). Si les ressources en bois sont aujourd’hui très limitées, elles ont pu être plus denses jusqu'au 18e siècle, comme le sous-entend le toponyme du Nougueiret, mais aussi la présence de charpentes robustes et de plancher dans les constructions. En 1841, seule une parcelle de bois d’une superficie de 2 168 mètres carrés existait au lieu-dit de Nougueiret.
Concernant l’alimentation en eau, la zone de Saint-Barnabé et de Nougueiret est dépourvue de source. Pour pallier ces difficultés, les fermes se sont dotées de citernes alimentées par les eaux de pluies récupérées depuis les toitures des bâtiments. Le hameau compte deux anciennes citernes (1841 E4 344 et 1935 E4 276) et deux récentes (fin du 20e siècle). C’est seulement en 2000 que l’eau courante est arrivée jusqu’à cet écart.