I. Origine et formation du site à l’Epoque Moderne
Selon Jean-Claude Poteur, l’écart de Saint-Barnabé se serait formé par l’installation d’habitants provenant du lieu-dit de Courmes, à environ cinq kilomètres au sud-ouest, après avoir déserté cette partie du territoire à la fin du Moyen Age (voir le dossier de présentation de la commune de Coursegoules : IA00128023). Une petite communauté s’y serait organisée de manière semi-dispersée, avec un noyau groupé à proximité de la chapelle Saint-Barnabé, dont l’existence est attestée au moins depuis 1667 (référence du dossier : IA00128105). En 1719, le nombre d’habitants de ce lieu-dit est connu grâce à la visite pastorale de l’évêque de Vence qui précise que « douze famille restent pour l’année dans ce lieu », insinuant que ce nombre est inférieur à une période précédente. Jean-Claude Poteur explique cette décroissance par le repeuplement du hameau de Courmes au 18e siècle.
Vue prise du sud-ouest. Au premier plan, la chapelle Saint-Barnabé.Vue prise du sud. En face, l'îlot nord ; à gauche, l'îlot sud ; à droite, la chapelle Saint-Barnabé.
La carte des frontières Est de la France, levée par les ingénieurs militaires entre 1764 et 1778, figure ce hameau avec quelques constructions et une église au carrefour de plusieurs chemins reliant Coursegoules, Gréolières, Courmes, Tourrettes et Vence. Les deux îlots au nord de cet axe apparaissent déjà à cette époque (à gauche de l’église).
Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille. [Détail de la feuille 192_57 : hameau de Saint-Barnabé et de Nogaret au sud-ouest]. Carte de France dite carte de Cassini [n° 168, feuille 147, 1780 : Saint-Barnabé].
À la Révolution, la commune de Courmes est créée ce qui occasionne la perte de la partie sud-ouest du territoire de Coursegoules. Le chemin reliant Gréolières à Vence marque la nouvelle limite territoriale, coupant le cœur de l’écart de Saint-Barnabé en deux entités communales.
II. Développement de l'écart depuis la levée du cadastre napoléonien en 1841
En 1841, le cadastre napoléonien figure 9 constructions au cœur de Saint-Barnabé, 7 à proximité, pour la partie rattachée à la commune de Coursegoules, selon la répartition suivante :
Bastide | 2 |
Maison | 4 |
Bergerie | 1 |
Écurie et grenier | 3 |
Cabanon | / |
Masure | 1 |
Chapelle | 1 |
Four à pain | 1 |
Puits | 3 |
La partie du hameau rattachée à Courmes comprend trois parcelles bâties (non étudiée) indiquées sur le cadastre napoléonien levé en 1833, section A3.
Plan de masse et de situation de l'écart de Saint-Barnabé d'après le cadastre de 1841 (section E, 4ème feuille). Plan de masse et de situation de l'écart de Saint-Barnabé d'après le cadastre de 1841 (section E, 4ème feuille). Détail du cœur du "hameau de Saint-Barnabé" à l'ouest.
À proximité de l’église de l'écart de Saint-Barnabé, deux îlots de plusieurs bâtiments se développent. À l'origine, chaque îlot était probablement constitué d'une ferme avec ses dépendances agricole (entrepôt agricole, enclos, aire à battre), agrandies et/ou divisées en plusieurs parcelles au cours du temps.
Ilot sud. Elévations nord, ancienne ferme à droite (1841 E4 287) ; maison à gauche (1841 E4 286).
A équidistance du cœur du hameau de Saint-Barnabé et de celui de Nougueiret, une ferme (1841 E4 297) avec un enclos (1841 E4 274) et une aire à battre (1841 E4 272) s’est implantée. Elle est rattaché au lieu-dit de Saint-Barnabé. Enfin, on trouve au sud-est du territoire un entrepôt agricole isolé désigné comme une bergerie avec son enclos (1841 E4 313-314).
Entrepôt agricole avec enclos pastoral isolé (1841 E4 313, 314). Vue d'ensemble prise du sud.
Quelques aménagements utilitaires dans le hameau sont à signaler : un four à pain (1841 E4 289), trois puits (1841 E4 278) et une chapelle (1841 E4 295).
Au cours du 19e siècle et dans le premier tiers du 20e siècle, l’organisation générale de l’écart de Saint-Barnabé ne change pas, même si le nombre de parcelles bâties passe de 10 à 30.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1935 (section E, 4ème feuille).
Ce nombre s’explique d'abord par l’agrandissement des fermes de l’îlot nord du hameau (1935 E 222, 223, 226 et 797). Par ailleurs, certaines propriétés ont été divisées en plusieurs lots : la ferme de l’îlot sud de Saint-Barnabé est divisée en cinq parcelles (1841 E4 287 devient 1935 E 228, 229, 230, 232 et 233) ; celle au nord-est est partagée en trois bâtiments (1841 E4 297 devient 1935 E 257, 258 et 259). La chapelle a également été agrandie d’une travée vers l’ouest.
Chapelle Saint-Barnabé. Vue d'ensemble prise du sud.
Plusieurs maisons sont couvertes d’enduits colorés et agrémentés de décors (encadrements peints, fausses chaînes d’angle peintes). C’est par exemple le cas d’une maison de l’îlot sud de Saint-Barnabé (1841 E4 286).
L’habitat, très réduit, s’est globalement maintenu jusqu’à aujourd’hui. Neuf constructions ont été ajoutées après 1935, au moins à partir de la seconde moitié du 20 siècle.
III. Origine du toponyme
L’écart de Saint-Barnabé tire son nom du saint éponyme, notamment invoqué contre la grêle, protégeant ainsi les récoltes de blé qui occupent une large part du territoire coursegoulois. La fête en son honneur se déroule le 11 juin à la chapelle Saint-Barnabé. Elle est suivie, le lendemain, d’une procession avec une statue reliquaire le représentant, reliant le hameau au village de Coursegoules, afin de s’assurer les bonnes récoltes1. Ce romérage est toujours célébré chaque année.
IV. Economie rurale et vie quotidienne
Le plateau de Saint-Barnabé, en bordure duquel s’est formé l’écart agricole éponyme, a favorisé une économie rurale basée sur l’agropastoralisme. Les données du cadastre de 1841 rendent compte de la répartition foncière des propriétés non bâties et témoignent de cette tendance à l’échelle de l’écart. À cette époque, le territoire compte 21 hectares de surfaces cultivées, tandis qu'environ 17 hectares sont des zones de pâturages extensifs. La culture du blé dominait le paysage agricole, pratiquée au fonds des dolines, ou sur des terrasses de cultures. Celles-ci sont particulièrement visibles sur l'adret de Saint-Barnabé au nord de l'écart avec des murs de soutènement en pierre sèche.
En complément de ces terres labourables, quelques « jardins secs » sont indiqués sur le cadastre. Délimités par des murs en pierre sèche, ils permettaient une culture vivrière de légumes et légumineuses.
Jusqu’au 20 siècle, les habitants de l’écart vivaient en autosuffisance grâce à un cheptel de taille modeste mais varié (moutons, chèvres, animaux de bât) et en cultivant les terrains à proximité. Les enclos pastoraux de taille moyenne observés sur le territoire semblent confirmer cette tendance (entre 180 et 290 mètres carrés). Jusqu’à nos jours, les troupeaux se densifient progressivement tandis que la proportion des espaces cultivés décroit.
V. Ressources
Le plateau karstique sur lequel s’est développé l’écart de Saint-Barnabé offre peu de ressources en matière première. La roche calcaire est le matériau principal pour la construction et se décline à travers différentes mises en œuvres (pierre sèche, maçonnerie liée au mortier). Pour le bois, les ressources sont très limitées : en 1841, seule une parcelle de bois d’une superficie de 2 168 mètres carrés existait à proximité de Saint-Barnabé, au lieu-dit de Nougueiret.
Concernant l’alimentation en eau, la zone de Saint-Barnabé est dépourvue de source ce qui a probablement impacté le développement de l’habitat. Pour pallier ces difficultés, les maisons et fermes se sont dotées de citernes alimentées par les eaux de pluies récupérées depuis les toitures des bâtiments. Pour une ferme située au sein de l’îlot sud de Saint-Barnabé (1841 E4 278), cette installation est directement mentionnée dans l’état des sections. Pour les autres ce n’est pas le cas. C’est seulement en 2000 que l’eau courante est arrivée jusqu’à cet écart.
Par ailleurs, trois puits sont signalés sur une parcelle à l’ouest du lieu-dit (1841 E4 278). Leur présence explique le nom donné à la petite voie rurale, le sentier des Puits, qui relie les lieux-dits de Saint-Barnabé et de Nougueiret.