Dossier d’œuvre architecture IA83001463 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort de Balaguier
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune La Seyne-sur-Mer
  • Lieu-dit Pointe de Balaguier

Construction et armement

A l’origine du fort de Balaguier est la tournée d’inspection des ports et places fortes des côtes de Provence faite en 1632 et 1633 par Henri de Séguiran, premier président de la cour des comptes de Provence, sur ordre du cardinal ministre Richelieu.

En 1626, Richelieu avait fait créer à son bénéfice propre l’office de Grand maître, chef et surintendant de la navigation et commerce de France, en remplacement de la charge d’amiral de France dont il obtint la suppression l’année suivante. Cette réforme, associée à la création, toujours en 1627, du conseil de marine et des « gardes du grand maître de la navigation », futurs officiers de la marine royale, répondait à l’ambition du cardinal d’unifier sous son autorité tout le commandement maritime du royaume. L’étape suivante de cette centralisation du pouvoir fut la prise en main par Richelieu, en 1631 des charges d’Amiral de Provence (ou des mers du Levant) et d’Amiral de Bretagne. Henri de Séguiran, sieur de Bouc, ancien capitaine de galères, est lieutenant général des mers du Levant, donc lieutenant général du Grand maître de la navigation, ce qui justifie la mission qui lui fait parcourir les côtes de Provence pour déterminer un programme général en terme de défense. Il effectue cette tournée principalement du 11 janvier au 17 mars 1633 1, en compagnie du mathématicien aixois Jacques de Maretz, chargé du relevé topographique des côtes, qui donnera lieu à une carte éditée en 1641.

La « Petite tour » de Toulon, prototypes des tours-réduit côtières de Richelieu (1636).

Le rapport de Séguiran propose l’amélioration de la défense de la rade de Toulon, jusqu’alors assurée seulement par la Grosse Tour royale construite sous François Ier sur la pointe dite de la Mître ou de Pipady, contrôlant à l’est l’entrée de la petite rade : “méritant cette place que l’on y travaille incessamment jusqu’à ce qu’on l’ait réduite au point marqué par nous”. Le point marqué par Séguiran est la pointe de Balaguier, qui s’avance en vis-à-vis de la Grosse tour à 1300m de distance, marquant au sud-ouest la transition en faible étranglement entre la grande et la petite rade. La solution adoptée, et mise en œuvre dès 1634, est la construction en ce point d’une « petite tour » en pendant de la Grosse Tour, croisant ses tirs d’artillerie avec elle, équilibrant par-là la défense de l’entrée de la petite rade, contre les navires susceptible de forcer la passe.

Cette tour de Balaguier (longtemps dite « petite tour ») achevée en 1636 d’après le millésime gravé sur le linteau de sa porte, adopte un type archaïsant, néo-médiéval, qui est celui de la plupart des tours côtières génoises de la Corse (XVIe siècle) : simple tour circulaire de deux niveaux sous voûte avec plate-forme à parapets et porte haute. En l’occurrence, la tour de Balaguier, conçue pour porter des canons battant la grande et la petite rade, a une plate-forme haute d’artillerie percée d’embrasures rayonnantes, surmontée d’un chemin de ronde d’arase à parapet crénelé, pour la défense rapprochée. Ce type, dans une version souvent plus sommaire, est remis à l’honneur sur les côtes de Provence dans le cadre d’un programme ordonné par Richelieu, qui fait suite à l’expertise de Séguiran.

Il se concrétise par la construction d’une série de tours isolées ou de petits fortins, la plupart à tour-réduit, sur les côtes provençales, d’Antibes à Toulon 2. La plupart des tours-réduits étaient circulaires. Elles sont bien représentées sur les îles d’Hyères (de Port-Man, du Petit-Langoustier, de l’Eminence, de l’Estissac), où la tour Sainte-Agathe de Porquerolles, construite sous François Ier (vers 1531) fournissait un modèle antérieur. On en connaît un certain nombre d’autres : une sur le cap de La Baumette, près d’Agay, entre Cannes et Fréjus, construite en 1634, une sur la pointe sud-ouest du cap d’Antibes, face au Golfe Juan, dite « du Graillon », une au Cap de la Croix à Cannes et une autre dite du Batiguier, sur l’île Sainte-Marguerite, une à Cavalaire. La tour dite Saint-Elme construite à cette époque à l’entrée du port de Saint-Tropez peut être associée à la liste. Cette campagne de fortification du cardinal comportait aussi des redoutes à tour-réduit carrées, comme certaines de celles de Porquerolles (l’Alycastre, le Grand-Langoustier), ou sans tour-réduit, comme au Pradeau sur la presqu’île de Giens. Ce programme de fortifications côtières se trouva notoirement justifié par l’occupation des Iles de Lérins par les espagnols de septembre 1635 à mai 1637, démontrant la réalité du péril.

On ignore à quel ingénieur militaire fut confiée alors la conception, assez sommaire en vérité, de ces fortins et redoutes de côtes à tours-réduit. Les concepteurs les plus vraisemblables semblent être Jean de Bonnefons, ingénieur du roi en Provence et en Languedoc (après son père), résidant à Antibes, ou Charles-Bernard de Besançon, dit Duplessis-Besançon, dépêché en 1634 par Richelieu et son conseiller Michel Particelli d’Emery, pour statuer sur des améliorations à apporter d’urgence aux fortifications royales de Provence.

La tour de Balaguier à Toulon, qui aujourd’hui demeure la mieux conservée de toutes, la plus forte en diamètre et l’une des plus finies dans sa mise en oeuvre, peut être considérée comme le modèle, si l’on admet que son parti a été influencé par celui de la Grosse Tour de François 1er. Elle est peut-être la seule dont la porte, ménagée à l’étage, ait été équipée d’un système de défense passive aussi élaboré, comprenant un pont-levis, un segment de passerelle et un degré maçonné y montant, lui-même s’amorçant à 3m de hauteur, soit devant être complété d’une échelle mobile à son départ.

François Blondel, qui s’illustrera comme architecte, auteur d’un célèbre cours d’architecture, était aussi ingénieur ordinaire de la marine, actif dès la décennie 1640. Alors qu’il n’avait que vingt huit ans, il donna des vues cavalières de plusieurs places fortes des côtes de Provence comme Antibes, les forts Sainte-Marguerite et Saint-Honorat de Lérins ou la citadelle de Saint-Tropez, la plupart datés de 1647 3. En 1651, à la demande de Louis XIV, Blondel rédigea un rapport d’inspection sur les places de Provence qu’il avait relevées quatre ans plus tôt, rapport complété de plans avec projets d’améliorations, pour les ouvrages les plus importants. Comme l’avait fait Séguiran avant lui, le jeune ingénieur architecte commente les avantages stratégiques de la rade de Toulon et ses défauts : « son golfe est très bon et très assuré pour les armées navales, qui y font souvent de grands séjours, sans y souffrir de mal (…) la trop grande largeur de sa bouche ôte le moyen de l’empêcher (une flotte ennemie) de s’y mettre parce qu’encore que l’on ait bâti des tours (la Grosse Tour et la petite tour de Balaguier) à l’entrée...elles sont néanmoins trop éloignées » 4. Blondel propose en conséquence l’érection d’une troisième tour intermédiaire, non sur la côte mais à un emplacement à trouver sur un haut fond devant l’entrée de la petite rade : « Il faudrait nécessairement passer au pied d’elle, et peut-être de toutes trois, ce qui embarrasserait fort une armée ennemie ».5

Cette proposition n’ayant pas été suivie d’effet, la tour de 1636 demeure inchangée jusqu’en 1672, date à laquelle l’intendant de la marine de la place de Toulon, Louis Matharel, se soucie à nouveau du moyen d’améliorer la défense de la rade contre des offensives que des menaces de guerre avec la Hollande rendent prévisibles: « Il faudra donner ordre à ce que les tours soient mieux pourvues qu’elles le sont des choses nécessaires, car si les étrangers s’aperçoivent de quelque négligence de notre part en ce qui regarde la conservation de ce port et de cette rade, ce sera leur donner le moyen d’y entreprendre quelque chose » 6.

La batterie et l’enceinte adjointes à la tour, réalisations et projets 1672-1700

François Gombert, ingénieur toulonnais en charge des travaux d’aménagement de l’arsenal maritime de Toulon, par délégation du chevalier de Clerville, commissaire général des fortifications, donne, dès le printemps 1672, les plans de deux batteries basses destinées à assurer des tirs au raz de l’eau, l’une au pied de la Grosse Tour, l’autre au pied de la tour de Balaguier 7. Il conçoit aussi ex nihilo une autre batterie à tour à proximité de Balaguier, mais plus à l’intérieur de l’embouchure : le futur fort de l’Aiguillette.

Un parent direct de l’ingénieur, Jacques Gombert, entrepreneur, passe, cette même année 1672, un marché pour des « réparations à faire à la Grande tour et à la petite tour » 8. La construction de ces batteries est achevée l’été 1673, et leur plus ancienne représentation figure sur un plan de la rade de Toulon daté de 1676, dessiné par Pierre Puget pour accompagner un nouveau projet d’arsenal 9. Le plan montre aussi qu’à cette date, le fort de l’Aiguillette se limite encore en revanche à sa tour, construite d’abord, sa batterie n’étant pas commencée.

La batterie ajoutée à la tour de Balaguier selon le dessin de Gombert comporte deux ailes avec banquette et parapet d’artillerie maçonné, une rectiligne au sud (à droite en regardant la mer), percée de sept embrasures à barbette, tirant est/nord-est, et une formant enceinte à trois pans au nord (à gauche de la tour), munie de treize embrasures, tirant au nord-est et au nord-ouest. La gorge de l’ouvrage est fermée d’un mur maigre crénelé ou parapet d’infanterie adoptant un plan tenaillé irrégulier à trois redans, avec porte d’entrée flanquée d’un corps de garde dans la face gauche du redan joignant la côte ouest de l’isthme. Une petite chapelle avait été aménagée dans la batterie, comme le prouve une inscription millésimée 1672 avec croix, sur une clef d’arc de porte remployée dans la chapelle actuelle.

En février et mars 1679, Vauban, fraîchement promu commissaire général des fortifications en remplacement du chevalier de Clerville, est envoyé à Toulon par Colbert, secrétaire d’Etat à la marine, compétent à ce titre pour les places fortes portuaires. L’objet principal de l’expertise de Vauban est de conduire à bonne fin le projet de l’arsenal, d’autant moins fixé qu’il a progressé en ambition. A cette occasion, il s’intéresse à son tour à la rade « …la plus belle et la plus excellente de la mer Méditerranée, de l’aveu de toutes les nations » 10 et en décrit les ouvrages de défense, de manière plutôt flatteuse, qui n’appelle pas de grosses transformations: “La tour de Balaguier ... ne laisse pas d’être fort grande, belle et bien achevée, sa batterie basse contre la mer fait plusieurs angles et contient 21 pièces de canon sur différentes faces qui, la plupart, croisent leurs feux avec ceux de la Grosse Tour. Du côté de terre elle n’est fermée que par un petit mur de 2 pieds d’épaisseur sur 10 de hauteur, percé de créneaux à la hauteur de l’homme ; cette clôture fait trois petits angles tenaillés assez mal formés ; mon avis est de le reformer du côté de terre et de la bastionner comme une petite corne, menant son revêtement de 12 à 15 pieds de haut et le percer après de créneaux, mais si élevés que l’ennemi ne s’en puisse servir contre ceux de dedans comme il pourrait faire de ceux qui y sont à présent et du surplus l’isoler entièrement pour éviter toute surprise”.

Ce projet initial, non suivi d’effet pour Balaguier, n’est amendé par son auteur que quatorze ans plus tard, en mars 1693 11. Cette « addition » au projet de 1679 comporte non moins de neuf articles pour améliorer la batterie et la tour de Balaguier, les principaux consistant à :

-refaire la plate-forme de la tour après avoir renforcé la voûte afin qu’elle soit véritablement à l’épreuve de la bombe.

-faire une guérite en haut du parapet de la tour.

-réaménager la salle voûtée en y créant un entresol,

-assécher et ventiler les locaux souterrains,

-relever le niveau de la batterie et lui donner un tracé contournant la tour,

-démolir l’enceinte et les petits locaux qui y sont accolés, reconstruire l’enceinte de façon plus efficace et la compléter de locaux de service.

En janvier 1694, Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, dessine, précise et chiffre le projet de réaménagement de Balaguier, conformément aux dispositions proposées par Vauban en 1679 et en 1693. Il propose de rehausser le niveau des batteries jusque 15 à 16 pieds (5 mètres) au-dessus du niveau de la mer, en reconstruisant le parapet à embrasures, et en établissant des rampes à canon courbes pour desservir les banquettes rehaussées. La gorge de l’ouvrage est radicalement modifiée : à la place des deux redans et demi du front de terre est proposé, selon le principe évoqué dès 1679, un front bastionné précédé d’un fossé à contrescarpe, avec courtine encadrée de deux demi-bastions et percée en son centre d’une porte monumentale à pont-levis. Un bâtiment pourvu d’un étage, pour le logements de la garnison et les magasins, est prévu en adossement de la courtine, traversé par le passage d’entrée. Le couronnement de la tour serait modifié en remblayant de terres l’étage d’artillerie à ciel ouvert, afin de mettre la voûte en dessous à l’épreuve des bombes (tout en maintenant l’ouverture zénithale), et en remplaçant le parapet d’infanterie sur chemin de ronde qui règne au-dessus par un parapet d’artillerie de plain-pied avec le sol sur terrasse rapportée.

Ce projet restera dans les cartons.

En 1695, en prévention d’une croisière anglaise en Méditerranée, l’armement de la place est augmenté ; la batterie de Balaguier est alors pourvue de 25 canons, calibres de 36, 24 et 12 livres 12, ce que confirme un plan de la rade gravé cette même année chez Nicolas de Fer, qui mentionne en outre deux mortiers.

Les projets non réalisés de Vauban

Vauban rédige en mars 1701 une deuxième et dernière « addition » à son projet de 1679, accompagné de dessins établis dès le 25 décembre 1700, sans doute par Niquet 13. Fort de son expérience, il adopte un ton moins enthousiaste pour décrire les défenses de Toulon, et décoche sans ambages des critiques radicales sur les faiblesses de conception de la batterie de Balaguier: « Il n’y a point de batterie plus mal faite que celle-ci, car outre que partie des embrasures ne sont pas bien tournées, qu’elles sont trop basses et mal espacées, le dedans est tellement plongé des hauteurs prochaines que dix mousquetaires à terre seraient capables de la faire abandonner et d’en chasser tout ce qui serait dedans ; la tour même est mal bâtie et ne lui fournit pas les couverts ni toute la protection dont elle a besoin, cependant elle occupe une situation non moins nécessaire que très avantageuse à l’entrée de la rade quand elle sera mieux fortifiée”. L’enceinte est “dirigée à l’aventure sans défense qui vaille où tout est plongé et vu d’écharpe ou d’enfilade de la hauteur prochaine”.

Tirant les conséquences de ces critiques, Vauban donne un projet de refonte de l’ensemble entièrement renouvelé, inspiré des batteries à tour qu’il faisait édifier ex nihilo, principalement sur les côtes de l’Atlantique et de la Manche, comme le Fort Chapus ou la tour de Camaret. En Provence, à Toulon même, ce modèle-type a connu un unique avatar réalisé, le fort des Vignettes, fruit de la collaboration Vauban/Niquet et bâti en trois ans à partir de 1692 sous la direction de l’ingénieur Cauchy de Chaumont. Ces ouvrages comportent une tour généralement haute et élancée 14, et Vauban prévoit de rehausser celle de Balaguier du double de sa hauteur, avec étage supplémentaire voûté portant plate-forme bordée d’un parapet d’artillerie à huit embrasures, le tout desservi par une tourelle d’escalier en vis hors-œuvre terminée en guette, dont la cage serait plus ample que celle de l’escalier existant. Une variante du projet propose de couvrir la plate-forme d’un comble conique. Ainsi dessinée, la tour rehaussée aurait ressemblé, si ces modifications avaient été réalisées, à celles bâties en Normandie et en Bretagne sous l’autorité de Vauban par l’ingénieur Benjamin de Combes, directeur des fortifications de Normandie entre 1694 et 1701 (La Hougue, Tatihou, les Ebihens, Le Tréport) ; ce modèle avait pour antécédent celui du fort de Socoa à Saint-Jean-de-Luz, conçu et commencé en 1693 par François Ferry, directeur des fortifications des côtes océanes.

C’est dans le projet de reconstruction complète de la batterie basse, que Vauban reprend le plus nettement le modèle-type abouti réalisé au Chapus et à Camaret, adoptant un plan semi-circulaire outrepassé pour la batterie proprement dite, munie d’un fort parapet de 6 pieds d’épaisseur percée de quinze embrasures rayonnantes, fermée par un front de gorge rentrant qui accueille la porte d’entrée. A la différence du modèle-type évoqué, l’implantation de la batterie ne place pas la tour en saillie au milieu du front de gorge, ce qui adextre l’entrée, mais dans l’aire intérieure, comme dans une enceinte ou chemise. Cette variante a aussi pour source un modèle de batterie entièrement circulaire à tour centrale que Vauban avait dessiné dès 1685 et fait construire à l’identique en trois exemplaires, d’une part sur un cap de chacune des deux îles bretonnes d’Houat et d’Hoedic, d’autre part sur l’île du Pilier, voisine de l’île de Noirmoutier. Ces trois ouvrages disparus avaient été réalisés, à la différence du projet du Gourjan, près d’Antibes, conçu par Vauban en 1693 pour un site de haut fond et présenté à nouveau, avec dessins, en novembre 1700 ; l’ouvrage projeté de Gourjan ne se distinguait des trois batteries de l’Atlantique que par le plan carré de la tour centrale. Ces batteries circulaires étaient toutefois des ouvrages insulaires, d’où l’absence d’un front de gorge devant se défendre du côté terre, ce qui n’est pas le cas à Balaguier, comme l’explique Vauban : “Toute grosse batterie de mer attachée à la terre doit être présupposée un fort à l’égard de la terre, capable de soutenir contre les entreprises de ce côté et de protéger ceux qui la servent, car il serait ridicule de s’imaginer qu’une armée navale entreprenne d’entrer dans la rade de Toulon et d’y mouiller au mépris de ces batteries ... Il est bien plus vraisemblable que si une armée navale était en état d’opérer quelque chose de considérable contre Toulon, elle commencerait par mettre du monde à terre qui viendrait attaquer les batteries par les derrières, ce qui serait bientôt fait en l’état qu’elles sont présentement”.

Du projet antérieur dessiné par Niquet en 1694, Vauban reprend donc, en l’améliorant et le rendant parfaitement symétrique, le principe du front de gorge bastionné retranché par un fossé de 6 toises de large, avec pont dormant et pont-levis. Le bâtiment voûté à l’épreuve adossé à ce front et abritant casernes, magasins et locaux de service, sous une terrasse, est plus ample, solide et haut que celui de 1694, et concerne la totalité du front, demi-bastions compris ; il s’apparente dans son principe au « cornichon » ajouté par Vauban et Niquet au château de Guillaumes en Haute-Provence.

Ce dernier projet de Vauban ne sera pas plus exécuté que les précédents, la tour faisant seulement l’objet d’un chantier de grosse réparation, consistant à remplacer le plancher autour d’un pilier central creux qui séparait l’étage de soubassement dit improprement « souterrain » de l’étage unique voûté en coupole, par une voûte annulaire autour d’un pilier central massif. Cette modification, justifiée par la dégradation du plancher, était prévue dans le projet de Vauban ; sa mise en œuvre, par l’entrepreneur toulonnais César Aguillon, est achevée en mai 1702, date de la quittance, d’un montant de 1444 livres 15.

Quelques mois plus tard, le 22 novembre 1702, Antoine Niquet présente un projet de réparation d’une partie du parapet d’artillerie de la batterie, attenante à la tour, dans l’aile droite à trois pans, partie mentionnée comme ruinée sur le plan du projet 16. Cette reprise propose l’arrondissement des deux angles du pan concerné, permettant de percer une embrasure dans cette partie courbe, donc d’accroître les angles de tir. Toutefois, le parapet est réparé à l’identique de son état antérieur.

L’été 1707, lors du siège de Toulon par les troupes du duc de Savoie et la flotte anglaise, la batterie de Balaguier est armée de vingt cinq canons (quatre de 36 livres, cinq de 24, six de 18 et dix de 12) et d’un mortier de 12 pouces. La garnison, composée d’un enseigne, d’un maître et un second maître, de quatorze aides et de cent cinquante matelots, est commandée par le capitaine Caffaro et le capitaine de brûlot Du Revest.

Les décisions prises en conseil de guerre le 11 juillet à l’approche de l’armée savoyarde, tenant compte de l’insuffisance numérique des défenseurs, paraissent défaitistes et résignées, surtout dictées par le souci d’empêcher l’ennemi de retourner les fortifications de la rade contre la place : « On ôtera incessamment les canons des batteries de Balaguier et de l’Aiguillette qui regardent la ville et on les jettera à la mer ... On conservera les tours de Balaguier et Grosse tour et les forts de St Louis et de l’Aiguillette, et lorsque l’armée ennemie de terre sera à quatre lieues de Toulon, on ôtera les poudres et munitions des autres batteries qui défendent l’entrée des rades et l’on jettera les canons à la mer ou on les enclouera » 17 . L’armée de secours du maréchal de Tessé prenant de vitesse les troupes savoyardes, l’avis du conseil de guerre est moins radical et systématique : “n’étant pas à propos de laisser aux ennemis le canon qui est dans les batteries qui défendent l’entrée de la rade, nous avons requis M. le marquis de Langeron de faire jeter les canons à la mer dès aujourd’hui ... à l’exception de ceux du château de Ste Marguerite, des tours de St Louis, grosse tour et tour de Balaguier et du fort de l’Aiguillette18.

Le 22 août, l’ennemi bat en retraite sans que la batterie de Balaguier ait eu à combattre, les attaques principales, surtout terrestres, ayant par contre atteint la batterie des Vignettes ou fort Saint-Louis. Son rôle, comme celui des deux autres batteries de l’entrée de la petite rade, aura été avant tout dissuasif.

Les remaniements du XVIIIe siècle

En avril 1743, Milet de Monville, directeur des fortifications de Toulon, inspecte les ouvrages de la rade de Toulon et des îles d’Hyères 19, alors que la guerre de succession d’Autriche fait peser de nouvelles menaces sur le secteur. La batterie de Balaguier est médiocrement entretenue, sans autres résidents permanents qu’un gardien ; les tensions politiques concrétisées par des agressions de la flotte anglaise sur des navires français ou espagnols portent à y loger au coup par coup des détachements de soldats et de canonniers.

Une nouvelle tournée d’inspection des côtes de Provence de Fréjus aux bouches du Rhône est rapportée par Milet de Monville en 1747. La description de Balaguier précise que la salle d’étage de la tour peut loger dix huit hommes sur des lits de camp, la chambre basse annulaire pouvant en héberger vingt autres, près de la citerne, voisinant avec un magasin pour l’artillerie. Pendant la période troublée immédiatement antérieure (projet d’invasion avorté des savoyards en 1746), les embrasures de la plate-forme de la tour étaient armées de cinq canons de 18 livres, la batterie en accueillant six de 36 livres et sept de 24, faute de pouvoir utiliser certains postes de tirs tombant en ruine. Un avant-corps précédé d’un escalier axial donnant accès à la porte haute de la tour et servant de fosse à son pont-levis fait l’objet d’un projet d’utilisation complémentaire pour deux magasins d’artillerie séparés par un plancher. La garnison déclarée en temps de paix se compose d’un capitaine, un sergent et dix huit hommes.

Un mémoire général sur la défense de Toulon daté du 1 mars 1768 et signé de l’ingénieur Aguillon 20, propose pour la première fois d’élever une redoute sur la hauteur qui domine les revers de Balaguier et l’Aiguillette de façon à les garantir d’une attaque venant de la terre. Ce projet, repris par la suite, n’aboutira pas sous cette forme, mais se concrétisera différemment au XIXe siècle par la création de plusieurs ouvrages échelonnés sur les hauteurs, un fort (Napoléon) et deux batteries.

Un état des lieux des batteries de la rade, établi le 14 décembre 1770 par quatre ingénieurs 21, précise que la batterie de Balaguier est armée de six canons de 36 livres en bon état et de huit pièces hors service, de différents calibres. Les plates-formes en maçonnerie et le pavé nécessitent réparations et ragréages.

Quelques années plus tard, Charles-François-Marie d’Aumale, directeur des fortifications de Basse Provence, fait de nouveaux constats dans son projet général annuel daté du 28 novembre 1774 22. Il s’émeut à son tour de la position des forts de Balaguier et l’Aiguillette, commandés par les hauteurs voisines sans ouvrage d’appui, et propose non plus une, mais deux redoutes, en pierres sèches, placées sur ces hauteurs, à l’arrière de chacun des deux forts. La communication côtière entre les deux forts, et de ces forts vers la localité la plus proche, est très négligée, donc très incommode, et on observe que les hommes de la garnison permanente des forts n’ont aucun lieu de culte suffisamment proche pour assister aux offices dominicaux. D’où le projet de faire édifier une chapelle dans l’enceinte de Balaguier que d’Aumale avance “en me flattant qu’elle ne peut être désapprouvée”... Estimée à 3175 livres, la construction de cette chapelle est réalisée en 1776 pour un montant un peu inférieur de 3111 livres et 3 deniers 23.

Le plan du fort, dit « tour de Balaguier », joint au projet d’Aumale pour 1775, confirmé par les plans de l’Atlas établi la même année par le même d’Aumale, 24 montre, outre la chapelle au chœur occidenté, projetée en adossement du mur crénelé du front de gorge, de notables modifications alors déjà apportées au tracé en plan de ce même front de gorge. Les deux pans rentrants, donnant sur l’eau, qui ferment à la gorge l’aile gauche de la batterie, n’ont guère changé, si ce n’est par la reconstruction partielle du bâtiment adossé au pan gauche, qui a été agrandi et régularisé. En revanche le front de terre, qui ferme à la gorge l’aile droite de la batterie, a été reconstruit en supprimant les redans irréguliers, pour leur substituer non pas le front bastionné en « corne » jadis proposé par Vauban, mais deux longs pans rentrants en tenaille. Cette modification importante comporte le transfert de la porte du fort dans l’angle rentrant de ces deux pans, porte solidement bâtie, avec arcade dans un encadrement à entablement appareillé à bossages un sur deux, et équipée d’un pont-levis franchissant une petite fosse spécialement ménagée au-devant. On note toutefois, à l’emplacement de la porte primitive, le maintien d’un étroit passage (poterne ?) entre murs existants, dont un remployé comme mur ouest de la chapelle, proche du bâtiment des magasins (ce passage disparaît par la suite). Les autres modifications et adjonctions dont atteste ce plan concernent le secteur intermédiaire entre les deux ailes de la batterie, désormais formellement séparées par un mur de refend qui part de l’avant-corps devant la porte de la tour et aboutit à l’angle rentrant des deux pans du mur de gorge donnant sur l’eau. A ce mur, côté aile gauche de la batterie, sont adossés un magasin à poudres et un petit magasin annexe. L’avant-corps de la porte de la tour est modifié, par suppression du pont-levis et déplacement de son escalier d’accès, non plus axial mais rampant en arc-de-cercle contre la tour, côté aile gauche de la batterie. Ce dernier changement correspond à un article du projet proposé en 1747 par Milet de Monville, ce qui porte à croire que l’ensemble des remaniements observés a été réalisé après cette date, mais il est difficile de préciser davantage, faute de document formel ou de millésime 25. On notera en outre que la chapelle de 1776 avait sans doute été précédée par une chapelle plus petite, qui peut correspondre à l’un des bâtiments qui s’adossaient au front de gorge à redans ; cette chapelle aura été démolie lors de la reconstruction de ce front de gorge, sans être remplacée, ce qui expliquerait la pierre millésimée 1672, avec croix de consécration, réemployée à la clef de l’arc de la porte de la chapelle actuelle, porte d’ailleurs ouverte à l’ouest, soit à l’opposé de la porte de 1776.

Du siège de Toulon de 1793 à l’agrandissement de la batterie en 1846-1847

Durant la période révolutionnaire, en 1793, la flotte anglo-espagnole entre dans la rade de Toulon, et les compagnies débarquées, grossies de troupes napolitaines et piémontaises, bien accueillies par les toulonnais, prennent position dans la plupart des ouvrages de défense, et s’emploient à renforcer les défenses sur les hauteurs de Malbousquet et du Caire, cette dernière surplombant Balaguier et l’Aiguillette. Une redoute de campagne anglaise, dite Mulgrave, armée de 20 pièces d’artillerie et abritant 800 hommes, est construite sur la hauteur du Caire, ce secteur défensif étant alors surnommé le Petit Gibraltar. En décembre 1793, l’armée républicaine reprend les forts Balaguier et de l’Aiguillette, et le jeune capitaine Bonaparte, qui avait remplacé le chef de l’artillerie Dommartin, décline la proposition faite par son aide de camp Marmont de placer l’artillerie disponible sur les batteries basses de ces deux forts pour bloquer la rade, que les coalisés anglo-espagnols n’avaient pas évacuée ; la raison invoquée est le risque de chutes de pierres encouru par les canonniers au cas ou les feux ennemis ruineraient les tours.

Le 23 brumaire an 3 (14 novembre 1794) le comité de salut public nomme une commission pour visiter les défenses côtières entre Marseille et Savone 26. A propos du fort Balaguier, il y est constaté que la plate-forme de la tour n’a plus que deux canons de 12 livres, sur affûts marins, dans les embrasures du côté est. L’aile droite de la batterie est armée de six pièces de 36 livres sur affûts marins et d’un obusier de 8 pouces ; elle est équipée en outre, côté gorge, d’un fourneau à réverbère pour rougir les boulets. L’aile gauche compte sept canons de 36 et quatre de 24 sur affûts marins, ainsi que deux mortiers, l’un de 8 pouces, l’autre, en bronze, de 12 pouces. Elle abrite aussi, sous un petit hangar, une caisse à rougir les boulets, le magasin à poudre, celui aux fers coulés et celui d’artillerie. La garnison comprend alors trente et un canonnier du 9eme bataillon de la Drôme, commandés par un capitaine 27.

A l’époque romantique, la silhouette du fort tente les dessinateurs, étant perçue comme un motif pittoresque ; un dessin de Constant Bourgeois lithographié en 1818 par Delpech montre qu’à cette époque, le parapet haut de la tour, au-dessus du cordon, prend du côté de la mer l’apparence d’une solide balustrade à jour en bois. Il s’agit peut-être d’une interprétation abusive de l’artiste, car un relevé du génie fait la même année 28 montre un parapet crénelé ordinaire, il est vrai seulement indiqué pour la moitié de la tour faisant face à la terre ; la moitié du parapet côté mer, où le tir d’infanterie à courte portée se justifiait moins, avait peut-être été remplacée par ce garde-corps à jour.

Une commission d’armement des côtes, de la Corse et des îles est instaurée le 11 février 1841, pour reconsidérer de façon globale l’artillerie et les capacités défensives des batteries de côte. Les travaux de cette commission conduiront à la programmation d’un projet d’une ampleur sans précédent, mis en œuvre à partir de 1846, sur la base d’une typologie normalisée de batteries de côte pour les ouvrages neufs ou largement refaits, appliquée à l’ensemble des côtes du territoire national. Les batteries côtières les plus complexes et solides parmi celles qui existent déjà sont conservées et simplement améliorées.

Dans ce cadre, la position stratégique du fort Balaguier face à l‘entrée de la grande rade est classée par la commission au premier degré d’importance 29. La tour constitue un réduit de batterie répondant aux mêmes besoins que les réduits défensifs des ouvrages neufs, mais sa proximité des positions de tir gêne les servants d’artillerie et sa hauteur les expose à des éclats de pierre très dangereux en cas de canonnade d’un ennemi dans ses murs. Pour remédier à cet inconvénient, la commission d’armement des côtes propose de tronquer la tour à une hauteur totale n’excédant pas 10 mètres, tout en rehaussant les batteries à un niveau équivalent. De plus, l’aile droite de la batterie, mal conçue pour battre le large, doit être réorganisée et allongée de 30m, tandis qu’on propose de remanier l’aile gauche de telle sorte qu’elle ne puisse être retournée, en cas de prise, contre le fond de la rade, soit contre le port de Toulon. La commission propose d’améliorer la défense rapprochée du front de gorge contre la terre, en le retranchant plus fortement, selon un principe jadis défendu par Vauban. L’armement proposé pour la batterie ainsi adaptée est de huit canons de 30 livres et neuf obusiers de 22 cm.

L’examen de ces préconisations est soumis au chef du génie de la place de Toulon, le chef de bataillon Corrèze, qui intègre la refonte du fort de Balaguier au projet pour l’exercice 1845-1846 30. L’une des difficultés est l’importance du personnel (85 hommes) qu’impose le service de la batterie et de ses 17 pièces d’artillerie, la capacité du logement disponible étant de 65 hommes. L’hypothèse de construire sur la hauteur voisine une tour crénelée de type n°2 de 1846 (adaptée à 40 hommes), proposée par la commission, est écartée par le chef du génie, qui propose la construction d’un bâtiment adossé à la gorge de l’aile droite de la batterie, cette aile droite étant rallongée non plus de 30, mais de 56 m. Cette modification radicale permettrait de placer 14 pièces d’artillerie sur cette aile droite, à une distance suffisante de la tour, pour que les éclats de pierre en cas de canonnade ne soient plus à même de blesser les servants d’artillerie. Ainsi, il n’est plus nécessaire de déraser la tour. Le chef du génie, en opposition à l’avis de la commission, propose d’exhausser et de terrasser l’aile gauche de la batterie pour couvrir le magasin à poudre, tout en y plaçant quelques pièces tournées vers le fond de la petite rade.

Le front de terre, considérablement rallongé par l’accroissement de l’aile droite, doit être reconstruit sous la forme d’un front bastionné composé d’un mur crénelé élevé de 7 à 8 mètres, précédé d’un fossé inondé par la mer, avec porte d’entrée dans l’axe. La hauteur de ce front, aux défenses capables de s’opposer à une attaque d’infanterie rapprochée, est évidemment insuffisante pour former parados couvrant les batteries, l’ouvrage étant commandé et plongé de très près par les hauteurs voisine du cap. Toutefois la présence d’autres ouvrages assurant les arrières sur ces hauteurs, particulièrement le fort Napoléon, rend improbable une attaque sérieuse côté cap.

Les travaux de remaniement de Balaguier, programmés au sein du programme approuvé par la loi du 10 juillet 1845, et au moyen d’un crédit global de 1 285 000 francs pour les ouvrages de défense des côtes, débutent en 1846, et sont achevés l’année suivante, pour un coût de 63 243 francs 31. L’aile droite de la batterie est bien rallongée, conformément au premier projet, mais sur une moindre longueur, avec un tracé brisé légèrement rentrant qui améliore la couverture de la rade par l’artillerie ; elle est fortement rehaussée et terrassée pour accueillir les pièces en barbette sur une grosse banquette bordée d’un parapet en terre qui remplace l’ancien parapet maçonné à embrasure. L’aile gauche est rehaussée et terrassée selon le même principe, mais seulement dans ses deux pans faisant face à l’entrée de la petite rade et à la Grosse Tour, son long pan regardant le port de Toulon et l’Aiguillette demeurant un parapet bas, conformément au souci de ne pas fournir à l’ennemi, en cas de prise, une batterie contre Toulon. La nouvelle disposition de cette batterie de l’aile gauche impose le changement de l’escalier d’accès à la porte de la tour, qui monte désormais le long du mur nord du mur de refend à l’abri de l’avant-corps, et donne accès aussi à la banquette de la batterie, qui règne au même niveau que la porte de la tour. La reconstruction du front de gorge est moins radicale et ambitieuse, soit plus économique, que dans le projet, adaptée au rallongement plus limité de l’aile droite. L’extrémité droite de ce front de terre est bien dotée d’un demi-bastion, mais celui-ci n’a pas pour symétrique à gauche un autre bastion construit en avant du redan ancien abritant la chapelle et le bâtiment primitif : c’est ce redan, conservé, qui fait directement pendant au demi-bastion neuf. Par contre, la belle porte à bossages construite après 1747 est démolie, la nouvelle courtine étant lancée en avant de son emplacement. Autre économie : on renonce au fossé de retranchement et au pont-levis, la nouvelle porte du fort, très simple, étant de plain-pied avec le chemin du littoral.

Ainsi réaménagé, l’ouvrage peut recevoir douze pièces sur l’aile droite (huit tournées vers la grande rade, trois vers l’anse des Sablettes, et une en capitale), trois pièces sur affûts marins sur la plate-forme de la tour, et deux pièces sur l’aile gauche.

En 1849, un projet complémentaire 32 propose d’installer une petite tour crénelée carrée formant vigie sur le rebord de la table rocheuse qui domine immédiatement le fort et le chemin côtier qui le dessert. Il ne sera pas suivi d’exécution.

Du rationalisme militaire au patrimonial

Un état de l’armement de la batterie de Balaguier daté du 1 mars 1854 énumère deux canons de 36 livres et huit obusiers de 22 cm en batterie (dont trois sur affût marin, le reste sur affût à chassis bois nouveau modèle), six canons de 36 et un obusier à pied d’œuvre. Le magasin d’artillerie contient sept affûts nouveau modèle pour canons et trois pour obusiers 33.

Quelques années plus tard, en 1858, le lieutenant-colonel Long, chef du génie, présente un nouveau projet 34 comportant des remaniements considérables, dont un article proposant, comme la commission d’armement des côtes de 1841, de tronquer la tour au ras du sol de l’étage, au-dessus de la voûte annulaire du souterrain, tout en alignant les batteries des deux ailes au même niveau que la tour ainsi arasée. Ce principe de batterie haute est étendu au long pan nord de l’aile gauche, regardant le port, qu’il est prévu de reconstruire en avant de son implantation, sur un enrochement, pour allonger d’autant le pan ouest. Il est proposé également de rallonger encore l’aile droite, comme dans la variante non exécutée du projet de 1846 (allongement de 56m au lieu de 30). Ainsi l’ensemble pourrait recevoir vingt-trois pièces d’artillerie. Dans l’aire intérieure agrandie de l’aile gauche de la batterie, le magasin à poudres serait entouré d’un mur d’isolement, après suppression du mur de refend entre les deux ailes. De nouveaux magasins seraient adossés au mur de soutènement intérieur du nouveau pan nord de la batterie de l’aile gauche. Le principe de déraser la tour inspire des réserves, plus encore qu’en 1846, réserves formulées notamment par le général Chauchard, responsable de la tournée d’inspection de 1857 qui avait précédé la rédaction du projet. Il plaide en faveur de sa conservation, imposant une variante au projet, en mettant en avant des arguments liés à la symbolique architecturale : « Ces deux tours (de Balaguier et de l’Aiguillette) ont l’air de deux sentinelles avancées protégeant Toulon ... l’aspect de la tour de Balaguier qui a une apparence formidable doit avoir une certaine influence morale sur l’ennemi ». Le colonel Bichot, directeur des fortifications, tranche la question dans le sens de la conservation de la tour : “comment admettre que sur des motifs d’intérêts de détail contestables on se résoudra à détruire un ouvrage de bonne apparence, de construction solide, renfermant des locaux très utiles à la défense de la batterie en même temps qu’il lui sert de réduit”.35 Le projet, qui fait l’objet d’une variante « en conservant la tour » dessinée par Long le 23 aout 1858 à la demande du directeur Bichot, et comporte vingt et un emplacements de tir d’artillerie 36, n’est réalisé sous aucune de ses deux formes.

En 1860, la batterie de Balaguier est toujours armée des 17 pièces d’artilleries de l’état refondu en 1846.

En 1861, une coursive métallique découverte avec platelage en chêne est mise en place contre la tour pour améliorer la communication piétonne entre les banquettes des deux ailes de batteries, en traversant l’avant-corps de la tour 37.

L’ère des grands remaniements est révolue, et le fort Balaguier ne fera plus désormais l’objet que de retouches et adaptations ponctuelles. En effet, les nouvelles normes imposées pour la défense des côtes après 1870 par l’artillerie rayée et la flotte cuirassée à vapeur rendent plus ou moins obsolètes les batteries actualisées à partir de 1846.

Le rapport de la commission de défense du littoral pour le 5e arrondissement (Toulon et environs) rédigé le 4 mars 1873 signale dans la batterie de Balaguier quinze canons dont douze de 36 livres lisses (non rayés), qu’il est recommandé de protéger par un blindage. En 1876, une sous-commission propose d’y ajouter quatre pièces cuirassées de gros calibre (32 cm), malgré l’inadaptation des structures en place, mais très peu après, la loi du 5 février 1877 entraîne le déclassement des forts de Balaguier et de l’Aiguillette, dont les fortifications sont avantageusement remplacées simultanément par celles de nouvelles batteries édifiées plus haut aux abords, dont une immédiatement au-dessus de l’Aiguillette.

Toutefois, le fort de Balaguier n’est pas abandonné pour autant par l’armée, ses locaux étant en partie rétrocédés par le génie à l’usage de l’artillerie. De fait, il est réarmé en 1899 d’une artillerie légère remplaçant les canons de la génération antérieure : deux groupes de quatre canons Hotchkiss sur affût crinoline (fixe, à pivot) de 47 mm à tir rapide, sont répartis entre l’aile gauche et l’aile droite de la batterie. C’est sans doute à cette occasion qu’un passage est creusé en travers de la banquette de l’aile gauche de la batterie, depuis la rampe, pour desservir un abri casematé établi sous le parapet. Le nouvel armement et l’aménagement des banquettes (socles à niches à munitions, dérasement partiel du parapet) pour le recevoir représentent une dépense de 7057 francs 38 ; les canons sont parfaitement visibles sur les photographies des années 1900-1920, notamment celles éditées en cartes postales. A cette époque, les bâtiments du fort sont utilisés comme casernement pour l’infanterie de marine ; ils accueillent en 1916 des prisonniers allemands employés sur le chantier de réparation navale. Le magasin à poudres semble avoir été ruiné après cette période, par l’effet d’une explosion.

En 1923, la Marine, cherchant à rentabiliser le fort, qui constitue une charge de peu d’utilité, tout en se déchargeant de son entretien, le loue à un particulier qui y aménage une résidence avec jardin « méditerranéen » pittoresque. Après cinq ans de tractations, la commune de La Seyne obtint de la direction départementale des domaines un bail de location du fort le 1er septembre 1970 pour y installer un musée municipal. L’aménagement de ce musée, illustrant à la fois les thèmes de la marine, du bagne (partie installée dans la chapelle restaurée en 1977) et de l’histoire locale, a conservé le principe du désordre pittoresque inauguré par le jardin de 1923, dont la végétation luxuriante et le mobilier masquent quelque peu la nature même du fort, ouvrage défensif avant tout. Le fort a été inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté du 17 mars 1975.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

L’ouvrage de Balaguier, malgré son qualificatif de fort, assez tardif (XIXe s), n’est à proprement parler qu’une batterie de côte à tour-réduit. Toutefois, le qualificatif de fort doit prévaloir, parce qu’il synthétise la complexité historique et typologique d’un ensemble qui, bien que peu étendu, comporte une batterie plus qu’il ne se réduit à une batterie, à la différence des batteries de côte construites dans le voisinage dans les décennies 1860-1880.

Vue générale lointaine depuis la grande passe (ouest).Vue générale lointaine depuis la grande passe (ouest).

Il est implanté sur la pointe de Balaguier, la plus méridionale des deux pointes du cap de Balaguier, séparées par une petite anse ou baie (la pointe du nord est celle de l’Aiguillette). Le cap de Balaguier forme le côté ouest de l’étranglement de la rade de Toulon séparant grande rade et petite rade.

L’enceinte délimite une surface assez restreinte, de plan polygonal très irrégulier, étirée en longueur du sud-ouest au nord-est pour donner au front de mer, portant la batterie proprement dite, un développement maximum. Ce front de mer, et la tour qui l’intercepte, sont fondés sur des rochers de très haut fond ou affleurants, en sorte que les murs sont en contact direct avec la mer. Le front de terre est fondé sur la frange basse rocheuse du littoral, pratiquement au niveau de la mer, zone remblayée anciennement pour ne pas être inondée et porter le chemin côtier d’accès aux batteries (Balaguier et l’Eguilette) depuis Toulon, actuelle route (dite « corniche ») du tour du cap entre La Seyne et Tamaris. Ainsi placé, ce front de terre, qui n’a jamais eu de fossé, est immédiatement dominé par l’escarpement rocheux du cap, retaillé en partie en front de carrière pour dégager le passage de la route. Des quais pour la pêche ont été aménagés au XXe siècle sur les rochers bas le long des flancs de la batterie en gagnant un peu sur la mer.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Le plan général de l’enceinte, dans l’état actuel fixé en 1846-1847, est long de 118m pour 53m de largeur maximum (et 26m de largeur minimum), hors-oeuvre. Il comporte douze pans très inégaux, séparés par sept angles saillants et cinq angles rentrants.

Six pans concernent le front de mer, répartis trois et trois de part et d’autre de la saillie d’un segment du cylindre de la tour-réduit, et occupés par la batterie d’artillerie. Dans l’aile gauche de la batterie, ces trois pans forment une saillie en étrave dans la mer et enveloppent d’assez près la tour, selon le plan défini en 1676 par Gombert, tandis que l’aile droite se compose d’une longue face, parallèle à la côte, et d’un flanc. La face de 1676 a été prolongée de 26m en 1846 par un pan en très léger retour d’angle, suivi d’un flanc en retour d’angle droit. La batterie se continue sur ce flanc, ce qui n’était pas le cas du flanc très court qui existait 26m en arrière dans l’état antérieur, simple pan de mur d’enceinte. En revanche, on rappellera que dans l’état actuel de l’aile gauche, la batterie telle que réaménagée en 1846-1847 concerne exclusivement les deux pans en étrave attenants à la tour, et s’interrompt sur l’amorce du long pan nord, répartition différente de celle créée en 1676 et maintenue jusqu’en 1846, dans laquelle la batterie s’étendait à tout ce long pan faisant face au fond de la rade.

La batterie de l’aile droite surplombe le niveau de la mer de 8m à la crête du parapet (excepté la partie médiane du parapet rabaissée d’un peu moins d’un mètre en 1899), de 6,50m au sol de la banquette (et de 5,50m à la tablette du revêtement, qui règne sur l’ensemble du front). Elle est constituée d’un rempart de terre large de 18m, revêtement extérieur compris. Le fort parapet en terre (7m d’épaisseur), profilé en glacis, est soutenu vers la banquette par un muret, tandis que cette banquette, desservie par une rampe à canon en terre aboutissant dans l’angle entre face et front, domine la cour en talus de terre non revêtue. La rampe dessert au passage, à gauche, une tranchée traversant la banquette pour accéder à un abri casematé logé sous le parapet, aménagement sans doute créé en 1899.

Le profil de la banquette à son extrémité nord, vers la tour, est soutenu par un mur biais partant de cette tour et dégageant une petite cour intérieure au pied de la tour, limitée au nord par le mur de refend qui isole l’aile gauche de la batterie ; cette petite cour de plan grossièrement pentagonal dessert les bâtiments militaires adossés à l’épi du front de gorge (chapelle, magasins) et l’avant-corps de la tour. La tour et son bâtiment d'accès, vus de la cour centrale.La tour et son bâtiment d'accès, vus de la cour centrale.

La batterie de l’aile gauche est haute de 7, 25m à la crête du parapet, de 5 m au sol de la banquette, et fermée à la gorge par un mur partant de la tour, qui soutient la banquette et le profil du parapet. Il n’existe pour cette batterie aucune rampe à canon, mais seulement une passerelle d’accès piéton métallique liée à l’escalier d’accès à la porte de la tour, en sorte qu’on devait y monter les pièces d’artillerie à l’aide d’un treuil. Le mur de soutènement de la batterie domine l’aire intérieure de l’aile gauche, au nord du mur de refend, qui forme une cour assez spacieuse de plan trapézoïdal presque rectangulaire (actuellement jardin), dans laquelle s’élève, appuyé au mur de refend, le magasin à poudres aujourd’hui très ruiné (il était intact en 1903).

La communication entre les cours de chacune des deux ailes de l’ouvrage est assurée par une porte de gabarit charretier ménagée d’origine dans le mur de refend (c. 1747)

Le mur du long pan nord de l’aile gauche, qui limite un côté de cette cour a conservé l’épaisseur (3m) et la hauteur (3, 50m au-dessus de la mer) du parapet de la batterie primitive de 1676 ; par contre, il n’a plus ses embrasures à barbette d’origine, qui ont été rebouchées sans laisser de traces bien nettes, du fait de la reprise des parements ; les canons en batterie aujourd’hui présentés sur ce mur évoquent de façon peu réaliste (ils ne sont pas abrités derrière le parapet, mais posés dessus) une disposition supprimée lors du programme de 1846. Il n’existe qu’un témoin encore bien lisible, bien que muré, des anciennes embrasures de la batterie de 1676, dans le revêtement de l’aile gauche de la batterie : c’était l’unique embrasure du court pan sud, attenant à la tour.

Sur les banquettes, ne sont actuellement conservés que les socles en béton et plaques de fer des huit canons pivotants Hotchkiss de 1899.

Les six pans du front de terre ou de gorge, murs d’enceinte crénelés relativement maigres, se composent, dans la partie formant la gorge de l’aile droite de la batterie, de la courtine d’entrée avec porte centrée, et d’un demi-bastion d’angle, l’un et l’autre construits en 1846-1847. La partie gauche du front, à la gorge de la cour de la tour et de l’aile gauche de la batterie, comporte un redan ou épi saillant (faisant plus ou moins pendant au demi-bastion sans pour autant flanquer correctement la courtine), auquel sont adossés les magasins et la chapelle, puis d’un mur de clôture en retour d’angle « tenaillé » de l’épi, joignant en angle aigu le pan nord de l’aile gauche de la batterie. Ce mur et le pan attenant de l’épi donnaient directement sur l’eau de la petite anse à l’origine ; depuis, un terre-plein limité à une rive étroite jusqu’au début du XXe siècle, a gagné sur la mer de ce côté.

Cette partie gauche du front de gorge du fort est une relique des ouvrages de 1672, finalement peu remaniés. Elle est percée d’une série non régulière de créneaux de fusillade d’origine : cinq dans le pan sud de l’épi (dont un transformé en porte de service vers 1926), huit dans le pan de l’enceinte fermant la cour de l’aile gauche de la batterie.

Les parties du mur d’enceinte du front de terre qui avaient été réédifiées dans la partie droite après 1747 sur un plan en tenaille, dont la belle porte à pont-levis, ont entièrement disparu, remplacés par la courtine crénelée de 1846, implantée en avant. Dix-huit créneaux de fusillade très rapprochés percent cette courtine, répartis à raison de neuf de part et d’autre de la porte actuelle du fort, ménagée dans l’axe. Cette porte, de gabarit charretier, débouche à l’intérieur dans une courette de dégagement, vis-à-vis du départ de la rampe à canons, qui monte à droite vers la banquette de l’aile droite de la batterie. Tournant à droite en entrant, au pied de la rampe, on accède au flanc du demi-bastion du front de terre (au pied du talus du retour sud de la batterie), percé de trois créneaux de fusillade flanquant les approches de la porte. Ce flanc est actuellement en grande partie masqué à l’extérieur (comme le débouché de deux créneaux de la courtine) par un petit bâtiment de plan carré bâti en adossement vers le milieu du XXe siècle pour abriter un transformateur électrique. Courtine crénelée du front de gorge et (premier plan) demi-bastion d'angle.Courtine crénelée du front de gorge et (premier plan) demi-bastion d'angle.

En tournant à gauche après la porte du fort, on passe au pied du talus de l’aile droite de la batterie, abordant à gauche la chapelle du fort (1776), bâtiment rectangulaire de trois travées (définies par les fenêtres hautes du mur gouttereau sur cour) orienté sud-est/nord-ouest, initialement bâti en adossement du mur d’enceinte du front de terre.

Depuis la démolition, en 1846, de la majeure partie de ce front de terre au tracé tenaillé refait en 1747, la chapelle fait saillie de la moitié de sa longueur dans l’aire intérieure du fort, l’autre moitié restant adossée à une face de l’épi. On notera à cet égard que la partie conservée en 1846 du front tenaillé se limite strictement à l’épi ou redan qui, lui, date entièrement de 1672, à l’exclusion du prolongement de 1747, détruit ; autrement dit, la courtine de 1846 est revenue à l’implantation de la face nord du redan médian du front de gorge primitif de 1672. La façade sud-est de la chapelle conserve sa porte d’entrée de 1776, entièrement murée à une date inconnue, postérieure au milieu du XIXe siècle, tandis que dans le mur-pignon opposé, auquel s’adossait l’autel au moins jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, est ménagée la porte actuelle, dont la clef de l’arc millésimée 1672, et peut-être l’encadrement complet, sont en réemploi d’une chapelle antérieure construite en même temps que l’enceinte initiale de la batterie. La question de l’identification et la localisation de cette première chapelle pose problème, faute de mentions formelles sur les documents antérieurs à 1747, époque supposée de sa suppression ; la conservation de l’encadrement de sa porte et son remontage, non pas en 1776, mais à une date tardive (la porte actuelle nord-ouest n’existe pas encore en 1849) sont des circonstances non moins mystérieuses.

Autre point énigmatique, la porte piétonne percée dans le mur de l’épi au ras du mur-pignon nord-ouest de l’ancienne chapelle : cette porte, actuelle entrée de service aménagée sans doute après 1926, occupe l’emplacement de la porte principale de l’enceinte primitive de 1672, qui n’a pas laissé de traces évidentes dans le mur. Aucune porte n’existe à cet endroit sur les relevés du génie et les photographies entre le début du XIXe siècle et le début du XXe siècle (créneau à son emplacement), mais on y remarque, sur les plans de 1775, dès avant la construction de la chapelle, une issue étroite encadrée côté cour de deux murs perpendiculaires à l’enceinte dont un remployé pour le mur-pignon nord-ouest de la chapelle.

Dans la cour centrale, le bâtiment sur cour en simple rez-de-chaussée, couvert en appentis, qui s’adosse au pan nord de l’épi, remonte dans son principe à la construction initiale de l’enceinte de la batterie de 1672, mais il a été reconstruit sans doute après 1747 sous sa forme actuelle, comportant quatre petites pièces (au lieu de trois), séparées par des murs de refend. La plus grande des quatre, dans l’angle de l’épi, abritait au XVIIIe siècle le logement du garde de batterie, les trois autres, sans doute conçues pour loger des hommes (elles étaient équipées chacune d’une cheminée), sont utilisées comme magasin en 1775. En 1849, le logement du gardien est déplacé dans une des petites travées, les autres étant affectées l’une a un corps de garde, les deux autres à des logements pour 14 hommes de troupe. A cette même date, la chapelle, désaffectée depuis la Révolution et non rétablie, est mise à la disposition du casernement, pour loger dans la nef de 17 à 30 hommes. L’ancien chœur, séparé par un mur de refend, est utilisé comme cuisine.

Toujours dans la cour centrale s’élève, sur deux niveaux, le bâtiment carré formant avant-corps à la tour, primitivement conçu pour servir de sas sur fosse devant le pont-levis de la porte de la tour avec degré d’accès axial hors-œuvre. Tel que transformé après 1747, ce bâtiment abrite deux pièces inégales au rez-de-chaussée, à usage de magasins (vivres, artillerie), avec porte d’accès de plain pied, et deux pièces égales à l’étage, l’une servant de vestibule, l’autre, avec cheminée, de chambre de sous-officier. Le vestibule est traversé depuis 1861 par la coursive en balcon métallique accrochée au mur circulaire de la tour pour relier entre elles les banquettes des deux batteries.

Dans la cour de l’aile gauche de la batterie, le petit magasin à poudres, de plan carré, est construit sans doute après 1747, en phase avec le mur de refend entre les deux cours, auquel il est attenant par un côté. Il adopte un modèle-type simplifié, à un seul niveau, avec porte d’entrée surmontée d’une fenêtre haute dans le mur-pignon, avec deux vantaux. Toutefois l’état de ruine actuel est si avancé (voûte, toit, pignons entièrement détruits, mur gouttereau sur cour en ruines) qu’on ne plus juger des autres dispositions.

La tour, construite en 1636 comme un édifice isolé, est un cylindre sensiblement tronconique dans son tiers inférieur, jusqu’au cordon, presque vertical au-dessus, de 20m de diamètre hors-œuvre à la base. Le raccordement des murs et parapets maçonnés de la batterie de 1672 de part et d’autre du corps de cette tour laissent un quart environ de sa circonférence en saillie hors-œuvre, le pied baigné par la mer. Pilier central de la voûte de l'étage de soubassement de la tour.Pilier central de la voûte de l'étage de soubassement de la tour.

De la base ( sol de la cour) jusqu’au chaperon du parapet d’infanterie, la tour est haute de 17m. Son élévation interne comporte deux niveaux voûtés de 11, 30m de diamètre :

- Un étage de soubassement presque aveugle et sans accès de plain-pied, bas couvert d’une voûte annulaire (3m de hauteur sous voûte) portant sur un pilier central de 2m de diamètre. Une petite citerne voûtée de plan trapézoïdal est ménagée dans le sous-sol de cet étage, contre le mur, côté mer. On l’a vu, la voûte annulaire a été établie en 1702 à la place d’un plancher, et constitue le seul article exécuté des projets d’amélioration proposés par Vauban. Un unique soupirail percé côté mer a posteriori ventile cet étage.

- Le premier étage tient intégralement sous une voûte en coupole. S’y ouvre de plain-pied la porte de la tour, ménagée immédiatement sous le cordon extérieur, son seuil régnant 6m au-dessus du sol de la cour. Cet étage est ventilé de deux soupiraux percés bas et montant dans l’épaisseur murale pour déboucher en jour carré au-dessus du cordon. Ces soupiraux, et un troisième condamné, ne sont pas d’origine, mais sans doute repercés après 1747, en remplacement d’un ou deux soupiraux d’origine ménagés plus haut dans la voûte : un, figurant sur les coupes de Niquet au-dessus de la porte (nord-ouest), n’a pas laissé de traces, d’un autre, les traces du débouché muré restent lisibles dans le parement extérieur au sud.

Cet étage, destiné à loger des hommes de troupe, est équipé d’une cheminée murale d’origine, incorporée dans le mur vers l’ouest, qui semble avoir été équipée d’un petit four dans le foyer.

Les deux étages voûtés sont reliés entre eux par un escalier rampant contre le mur circulaire, traversant la voûte annulaire à la faveur d’une trémie. Le premier étage communique aux deux étages de défense supérieurs à ciel ouvert, par un petit escalier en vis mural qui se termine en guérite cylindrique couverte d’une coupole dominant le parapet crénelé. Dans la voûte en coupole du premier étage, un oculus zénithal est surmonté d’un lanternon cylindrique à trois jours, couvert d’une coupole, comme la guérite de l’escalier en vis. Ce lanternon règne au milieu de la plate-forme dallée du second étage à ciel ouvert. Plate-forme de la tour, avec lanternon central et tourelle de l'escalier.Plate-forme de la tour, avec lanternon central et tourelle de l'escalier.

Ce second étage, de 12,40m de diamètre, est enveloppé d’un mur de 3m d’épaisseur formant parapet d’artillerie, conçu pour une batterie de huit embrasures multidirectionnelles, à peu près équidistantes (espacement plus important au droit de l’escalier en vis). Les deux embrasures regardant vers le cap, soit vers le front de gorge de la batterie, moins utiles que les autres pour la défense lointaine, sont aménagées en réduit voûté refermé vers la plate-forme par un mur-diaphragme percé d’une porte, qui les rend impropres à recevoir des canons. Ce remaniement, pour l’une des deux embrasures, va jusqu’à la suppression de la bouche extérieure, remplacée par un simple jour ; il est assez précoce, antérieur à 1775.

Sur l’arase du parapet d’artillerie est aménagé un chemin de ronde desservant les créneaux de fusillade d’un parapet d’infanterie épais de 0,50m, et trois bretèches ou guérites couvertes et fermées réparties à intervalle régulier sur le circuit, dont une, plus particulièrement justifiée, au-dessus de la porte d’entrée. Celle dominant la mer, pouvait servir de latrines, ces commodités faisant plutôt défaut par ailleurs dans l’économie de cette tour et de la batterie. L’ensemble de ce couronnement doit être considéré comme appartenant au parti d’origine, même s’il a été en partie refait postérieurement.

Structure et mise en œuvre

Les maçonneries de la tour, murs et voûtes, sont mises en œuvre avec soin, mais sans luxe. Les parements sont dressés en blocage de moellons de calcaire dur de tout venant, plutôt petits, à joints gras, destinés à recevoir un enduit couvrant. La pierre de taille est réservée au cordon, au bandeau plat qui marque la base du parapet d’infanterie crénelé, à l’encadrement extérieur des embrasures, à ceux des portes, aux trois consoles de mâchicoulis à trois ressaut des bretèches, au cordon qui couronne celles-ci. Partie haute de la tour : embrasures, parapet crénelé, bretèches.Partie haute de la tour : embrasures, parapet crénelé, bretèches.

On remarque en outre le traitement plus raffiné et savant de l’escalier en vis, dont le noyau affecte, malgré un diamètre assez petit, une élévation hélicoïdale ménageant un vide central. Le débouché de cet escalier sur la plate-forme du 2e étage forme un étroit avant corps en pierre de taille bien appareillée, avec porte cintrée, comme celle qui dessert le chemin de ronde crénelé. La plate-forme elle-même se caractérise par son dallage en cercles concentriques parfaitement appareillé, légèrement pentu à partir du centre. Un caniveau périphérique qui y est ménagé au ras des murs, semble permettre une collecte des eaux pluviales par conduit mural jusqu’à la citerne. Si la guérite cylindrique de la vis est bâtie en blocage, coupole comprise, le lanternon emploie de la pierre de taille en encadrement de ses baies, couvertes en arc surbaissé enduit. Les deux coupoles comportent une corniche moulurée. Les trois bretèches, aujourd’hui couvertes en appentis d’une dalle de béton, l’étaient autrefois d’un dôme de plan rectangulaire assez élancé, avec boule d’amortissement. Vers 1900, un seul de ces dômes, celui de la bretèche sur la porte, existait encore.

Les embrasures, à double ébrasement « à la française », large vers l’intérieur, bouche plus étroite au-dehors, sont voûtées en berceau segmentaire. Les portes rectangulaires ménagées dans le mur diaphragme qui referme deux des embrasures, offrent, sur une assise du jambage, un renflement soigneusement réservé à la taille pour recevoir le pêne de la serrure du vantail. Le chemin de ronde est revêtu de dalles formant un débord vers le volume interne, qui ne portait aucun garde-corps, l’actuel, en fer forgé, ne datant que du XXe siècle.

La porte de la tour est couverte au dehors d’un simple linteau sur lequel est incisé le millésime 1636. Immédiatement au-dessus de ce linteau et en-dessous du cordon, un jour étroit conserve en place, sur une tige-pivot, la poulie de bois à gorge sur laquelle jouait la corde de levage du tablier ou planchette du pont-levis. A peine plus grand que la porte, le tablier venait se plaquer contre elle en position levée, sans feuillure d’encastrement. En position basse, il reposait (indirectement, vue la portée) sur le mur de refend de l’avant-corps d’entrée de la tour. Ce mur de refend a dû être à l’origine une pile libre, précédée d’une tablette dormante portant sur le seuil du degré d’accès axial, le dispositif, degré exclu, ayant été enveloppé après coup dans des murs latéraux formant avant-corps à ciel ouvert bordé d’un garde-corps qui s’étendait au degré. Lorsque cet avant-corps, dont la largeur et l’utilité demeurent inexpliquées, a été transformé en un bâtiment couvert à deux niveaux, après 1747, le pont-levis a été supprimé et remplacé par l’actuel plancher fixe du vestibule.

La brique est très peu employée dans la tour, peut-être en partie pour les voûtes et coupoles, ce que l’enduit qui les couvre empêche de vérifier, mais aussi pour l’encadrement des portes des bretèches.

Les murs, ou revêtements, des fronts de mer de la batterie se caractérisent par l’emploi d’un parement en pierre de taille blanche de moyen appareil dans la partie inférieure, correspondant aux ouvrages construits en 1672, qui étaient recoupés d’embrasures. La surélévation et les parties du revêtement entièrement réalisées en 1846-1847 sont parementées généralement de manière plus sommaire, en moellons équarris de plus petit gabarit, la pierre de taille étant réservée aux encoignures et aux tablettes, assez épaisses. On notera cependant un traitement plus élaboré du parement de certaines parties, comme l’extension de l’aile droite et son flanc, dont les pierres, soigneusement disposées en assises régulières, ne sont pas ravalées mais traitées quasiment en bossage rustique peu saillant. D’autre part, le mur de gorge de l’aile gauche de la batterie, y compris le profil du parapet, est réalisé en bel appareil moyen de pierre de taille, particulièrement soigné, avec une belle gargouille moulurée en forme de demi canon. Par contre, le mur de soutènement du profil de la batterie de l’aile droite, pourtant contemporain, est médiocrement construit et enduit, sa tablette seule étant en pierre de taille.

Revêtement du flanc de l'aile droite de la batterie reconstruite en 1846.Revêtement du flanc de l'aile droite de la batterie reconstruite en 1846.

Le parement ordinaire des murs du front de terre et des bâtiments militaires adossés est en blocage de moellons de tout-venant, plus irrégulier dans les ouvrages et bâtiments des XVIIe et XVIIIe siècle que sur la courtine et le demi-bastion de 1846. Là encore, la pierre de taille est réservée aux encoignures et aux encadrements de baies (assez négligés pour les créneaux de 1672, à ébrasement extérieur couvert d’une voûte plate).

La porte d’origine (murée) de la chapelle de 1775 offre un bel encadrement à pilastres sobres et arc segmentaire, tandis que ses fenêtres hautes cintrées sont pauvrement encadrées en briques.

La porte de communication entre les deux cours, dans le mur de refend (vers 1747) est une grande arcade en plein-cintre très sobre, encadrée en pierres de taille, avec arrière-voussure ordinaire en berceau.

La porte du fort, de 1846, fait l’objet d’un soin plus particulier : son arcade extérieure est soulignée d’un bandeau saillant, avec bases, pierres de sommier et de clef de l’arc plein-cintre en relief sur les nus. L’arrière-voussure, du type dit « de Marseille », et son encadrement saillant, sont encore plus soignés en termes de stéréotomie.

La série des créneaux de fusillade de la courtine et du demi bastion de 1846 se distingue très nettement par un encadrement en briques ébrasé à l’extérieur en « trémie » (en redans dégressifs) et couverts en plein-cintre. L’encadrement extérieur est traité en imitation d’assises et de claveaux de pierre saillant un sur deux, chaque registre comptant trois épaisseurs de briques.

Les toitures des bâtiments, très simples, sont revêtues de tuiles-canal. On ne repère pas de menuiseries anciennes remarquables dans l’ensemble des bâtiments et de la tour.

Le fer, forgé ou de fonderie, est employé pour la coursive-balcon établie en 1861 entre les deux batteries, bien visible sur la tour depuis la cour centrale, pour des garde-corps d’âge incertain (mur de gorge de l’aile gauche de la batterie, chemin de ronde de la tour), et pour les plaques de fermeture des positions de tir sur pivot de 1899.

Les terres du rempart des batteries sont à peu près toutes en place et conservées dans leur profil, sauf pour celles du parapet de l’aile gauche de la batterie, qui ont été déblayées.

Vue verticale de l'escalier en vis de la tour.Vue verticale de l'escalier en vis de la tour.

1Compte rendu de l’expertise de Séguiran dans N.-C. Fabri de Peiresc, Histoire abrégée de la Provence, ms de 1637 édition scientifique par J. Ferrier et M. Feuillas, Avignon, 1982, p. 295. L’historien et humaniste Nicolas-Claude Fabri de Peiresc connaissait bien Henri de Séguiran, qui avait épousé sa demi-sœur Suzanne Fabri de Callas en 1615.2”[le cardinal] fit faire les fortifications de Sainte Marguerite...de Graillon...de Cavalaire, de Gapeau, de Pradeau...de Balaguier, de Portecroz...et autres le long de la côte et dans les îles...” Honoré Bouche, La chorographie ou description de Provence et histoire du même pays, Toulon, 1664, p. 895.3Ces vues et plans sont conservées pour la plupart dans la série Va (topographie de la France, par départements) du cabinet des Estampes de la Bnf, dispersées dans ce vaste fond fourre-tout.4Cité par B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit, aimablement communiqué par l’auteur), d’après le Ms. Blondel « les plans, profils et devis de l’estat des places maritimes de Provence »Vincennes, SHD, service historique de la Marine.5Cité par B. Cros, Citadelles d’Azur, Aix en Provence, 1998, p. 49, d’après le Ms. Blondel « les plans, profils et devis de l’estat des places maritimes de Provence » Vincennes, SHD, service historique de la Marine.6Arch. Nat. B314, f° 90, Lettre du 11 mars 1672, Cité par B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit), et « Le fort de l’Aiguillette de Louis XIV à nos jours », Revue de la société des amis du Vieux Toulon et de sa région, n° 130, 2008, p. 107, note 2.7Arch. Nat. B314, f° 157 Lettre du 24 mai 1672, voir B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit)8B. Cros, « Le fort de l’Aiguillette de Louis XIV à nos jours », Revue de la société des amis du Vieux Toulon et de sa région, n° 130, 2008, p. 107, note 4.9B. Cros, « Le fort de l’Aiguillette de Louis XIV à nos jours », Op. Cit, p. 80.10Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 1 n°1bis. Mémoire sur les réparations les plus nécessaires des fortifications de Toulon, forts et batteries d’alentour de sa rade ... Vauban, 10 mars 167911 Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 1 n°19 Adition du premier mars 1693, au projet de Toulon de 167912Les calibres exprimés en livres indiquent le poids du boulet.13Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 1 n°36 Deuxième adition au projet des fortiffications de Toulon du 19 mars 1701, et copie 1842 (colonel d’Artois) du plan du 25 décembre 1700 à Toulon, Service Historique de la Marine, 2K1 3 n° 26 et à la Seyne, musée Balaguier.14C. Corvisier, « reprises et citations des formes de l’architecture militaire médiévale dans la fortification de Vauban », in C. Corvisier et I. Warmoës, « L’art de fortifier de Vauban (…) » ; Actes du colloque international « Vauban, architecte de la modernité ? » tenu à Besançon les 11-13 octobre 2007,( Th. Martin et M. Virol dir. ) Cahiers de la MSHE Ledoux, n° 11, Presses Universitaires de Franche Comté, Besançon, 2008, (voir p. 124-130).15Toulon, Service Historique de la Marine, 1L 248 f°5 v° ; voir B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit)16Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 2 n°5.17Arch. Nat. B3 150 f°88 Résultat du conseil tenu le 12 juillet 1707. Cité par B. Cros, « Le fort de l’Aiguillette de Louis XIV à nos jours », Op. cit, p. 108, note 24.18Arch. Nat. B3 150 f°130 Lettre de l’intendant de Vauvré, du 12 juillet 1707. Cité par B. Cros, « Le fort de l’Aiguillette de Louis XIV à nos jours », Op. cit, p. 89 et note 26.19Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 4, Section 2 Carton 1 n°29 Memoire sur partie de la côte de Provence depuis la passe de l’est de la rade des iles d’Hyeres, jusques a Toulon, 20 avril 174320Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 4, n°22 Mémoire sur la ville de Toulon, son objet relativement à une deffensive simple en Provence, ses fortifications anciennes & de terre & de mer, ...21Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 5 n° 6 Etat actuel des batteries des rades de Toulon suivant la visite qui en a été faite par MM. de Champorcin, de Vialis, Boullement et Imbert le 14 Xbre 177022 Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 5 n° 20 Raisons sur lesquelles est fondée la demande des ouvrages nouveaux dans l’extrait du projet général pour mettre la place dans l’état désirable, 28 novembre 1774.23Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art. 8, section 1, carton 5 n° 23 Extrait du projet général des ouvrages.24Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 5, plan n° 20 ; Bibliothèque du Génie, Atlas des places fortes n° 64 : Toulon et ses forts extérieurs, d’Aumale, 1775, pl. 17,18, 20.25Un plan conservé dans le fond Marine des Archives Nationales (port de Toulon, cote 3JJ 203), montre l’état des lieux avant l’adjonction de la chapelle, mais ce plan n’est pas daté.26Toulon, Service Historique de la Marine, 4 A 1, Commission du septième arrondissement des côtes, 23 brumaire an 3. (information Bernard Cros)27B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit)28Toulon, Service Historique de la Marine, 4 B 1, n° 1 (communiqué par B. Cros)29Toulon, Service Historique de la Marine, 4B ex-Art. 1 n° 44, Projet de défense des côtes du 5° arrondissement maritime. Copie de la direction d’artillerie de Toulon. (communiqué par B. Cros)30Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 33, projets 1846, plan n° 331B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit)32Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 36, projets pour 1849, plan n° 2, 11 Fevrier 1849.33Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 38 Etat de situation du matériel d’artillerie existant sur les forts et batteries des ports et rades à l’époque du 1er mars 1854.34Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1, carton 4035Cité par B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit)36Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1, carton 40, n° 1137Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1,carton 4238Plan du fort de Balaguier daté du 1er janvier 1902, Toulon, archives du service d’infrastructure de la défense. Voir aussi B. Cros, Historique sommaire du fort Balaguier, 2002 (inédit). Je remercie ici Bernard Cros pour m’avoir communiqué ses notes et des reproductions des plans conservés dans les fonds d’archives des services de la défense de Toulon.

L'origine du fort est la tour construite en 1636 (date gravée sur le linteau de la porte), dans le cadre du programme de défense des côtes lancé par Richelieu. L'ingénieur concepteur est inconnu : probablement Jean de Bonnefons ou Charles-Bernard de Besançon, dit Duplessis-Besançon.

François Gombert, ingénieur toulonnais en charge des travaux d’aménagement de l’arsenal maritime de Toulon, conçoit en 1672 le projet de 2 batteries basses à construire aux pieds des tours de Toulon et de Balaguier. Les travaux sont réalisés en 1672-73 par Jacques Gombert, entrepreneur.

En 1679, 1693 et 1701, Vauban conçoit 3 projet de remaniement, qui ne seront pas réalisés. L'entrepreneur toulonnais César Aguillon, réalise en mai 1702 des travaux de réparation. Entre 1747 et 1775, sont réalisés d'importants travaux de remaniement : reconstruction du front de terre en supprimant les redans irréguliers, pour leur substituer deux longs pans rentrants en tenaille, transfert de la porte du fort dans l’angle rentrant de ces deux pans, porte équipée d’un pont-levis, construction d'un magasin à poudres et d'un petit magasin annexe. L’avant-corps de la porte de la tour est modifié, par suppression du pont-levis et déplacement de son escalier d’accès. En 1776 une nouvelle chapelle est construite.

En 1846-1847, nouveaux remaniements : l’aile droite de la batterie est rallongée, elle est fortement rehaussée et terrassée pour accueillir les pièces en barbette sur une grosse banquette bordée d’un parapet en terre qui remplace l’ancien parapet maçonné à embrasure. L’aile gauche est rehaussée et terrassée, l'escalier d'accès à la porte de la tour est déplacé. L’extrémité droite du front de terre est dotée d’un demi-bastion.

Le fort est déclassé en 1877, les locaux sont en partie rétrocédés par le génie à l’usage de l’artillerie. Le fort est réarmé en 1899. Début 20e siècle, les bâtiments du fort sont utilisés comme casernement pour l’infanterie de marine, ils sont loués à un particulier en 1923, puis à la commune de La Seyne à partir de 1970 qui y installe un musée municipal. Le fort est inscrit au titre des Monuments historiques en 1975.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 17e siècle
    • Principale : 3e quart 17e siècle
    • Principale : 3e quart 18e siècle
    • Principale : 2e quart 19e siècle
    • Secondaire : 1er quart 18e siècle
  • Dates
    • 1636, porte la date
    • 1672, porte la date, daté par source
    • 1846, daté par source
  • Auteur(s)

Edifice de plan polygonal, comprenant une enceinte irrégulière, une tour et une cour centrale. Le bâtiment carré formant avant-corps à la tour abrite deux pièces inégales au rez-de-chaussée, à usage de magasins (vivres, artillerie), avec porte d’accès de plain pied, et deux pièces égales à l’étage, l’une servant de vestibule, l’autre, avec cheminée, de chambre de sous-officier. Dans la cour de l’aile gauche de la batterie, un petit magasin à poudres, de plan carré, adopte un modèle-type simplifié, à un seul niveau, avec porte d’entrée surmontée d’une fenêtre haute dans le mur-pignon, avec deux vantaux.

La tour est un cylindre sensiblement tronconique dans son tiers inférieur. Son élévation interne comporte deux niveaux voûtés : un étage de soubassement presque aveugle et sans accès de plain-pied, bas couvert d’une voûte annulaire et un rez-de-chaussée surélevé voûté en coupole. Cet étage, destiné à loger des hommes de troupe, est équipé d’une cheminée murale d’origine, incorporée dans le mur vers l’ouest, qui semble avoir été équipée d’un petit four dans le foyer. Les deux étages voûtés sont reliés entre eux par un escalier rampant contre le mur circulaire, traversant la voûte annulaire à la faveur d’une trémie. Le rez-de-chaussée surélevé communique aux deux étages de défense supérieurs, à ciel ouvert, par un petit escalier en vis mural à noyau hélicoïdal ajouré. Le dernier niveau est enveloppé d’un mur formant parapet d’artillerie, sur l’arase du parapet d’artillerie est aménagé un chemin de ronde.

La maçonnerie est en moellons de calcaire enduits avec encadrements en pierre de taille. Les parements extérieurs du front de mer sont en pierre de taille de moyen appareil, ainsi que le mur de gorge de l'aile gauche de la batterie. Le parement ordinaire des murs du front de terre et des bâtiments militaires adossés est en blocage de moellons de tout-venant. Les bâtiments ont des toits à longs pans couverts en tuile creuse.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • calcaire moyen appareil
  • Toits
    tuile creuse, calcaire en couverture
  • Étages
    étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé
  • Couvrements
    • coupole
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Couvertures
    • terrasse
    • toit à longs pans
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis avec jour en maçonnerie
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant suspendu, en maçonnerie
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Protections
    inscrit MH, 1975/03/17
  • Référence MH

Documents d'archives

  • LE PRESTRE DE VAUBAN Sébastien. Mémoire sur les réparations plus nécessaires des fortifications de Toulon,... et dessein d'un arsenal de marine... 10 mars 1679. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8, carton 1 (1 VH 1831), n°1bis.

  • LE PRESTRE DE VAUBAN Sébastien. Addition au mémoire de 1679 sur les réparations à faire aux fortifications de Toulon, 1er mars 1693. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 1 n°19.

  • LE PRESTRE DE VAUBAN Sébastien. Deuxième adition au projet des fortiffications de Toulon, 19 mars 1701. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1831 n° 36. Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 1 n°36

  • Réparations à la tour Balaguier, 1702, quittance des travaux. Service Historique de la Défense, Toulon : 1L 248 f°5 v°

  • NIQUET ANTOINE. Projet de réparation du parapet de la tour Balaguier par Antoine Niquet, 1702. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, sect.1, carton 2 n°5.

  • MILET DE MONVILLE. Mémoire sur partie de la côte de Provence depuis la passe de l'est de la rade des iles d’Hyeres, jusques a Toulon, 20 avril 1743. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 4, Section 2 Carton 1 n°29.

  • Etat actuel des batteries des rades de Toulon suivant la visite qui en a été faite par MM. de Champorcin, de Vialis, Boullement et Imbert le 14 Xbre 1770. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 5 n° 6

  • Raisons sur lesquelles est fondée la demande des ouvrages nouveaux dans l’extrait du projet général pour mettre la place [de Toulon] dans l’état désirable, 28 novembre 1774. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 5 n° 20

  • Extrait du projet général des ouvrages des la place de Toulon, 1776. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art. 8, section 1, carton 5 n° 23

  • Commission du septième arrondissement des côtes comprises entre Marseille et Savone, créée par arrêté du Comité de salut public en date du 23 Brumaire an 3. [14 novembre 1794]. Service Historique de la Défense, Toulon : 4 A 1 440.

  • Projet de défense des côtes du 5° arrondissement maritime. 1841. Service Historique de la Défense, Toulon, 4B ex-Art. 1 n° 44.

  • LONG, lieutenant-colonel. Projet pour le fort Balaguier, 1858. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1, carton 40.

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    P. 27-29, 49, 53, 110-111.
  • CROS, Bernard. Historique sommaire du fort Balaguier. 2002. Inédit.

  • CROS, Bernard. Le fort de l'Aiguillette de Louis XIV à nos jours. Dans : Revue de la société des amis du Vieux Toulon et de sa région, n°130, 2008, p.77-109.

  • RIBIERE, Hélène, ADGE, M., CATARINA, D. et al. La route des fortifications en Méditerranée, les étoiles de Vauban. Paris, 2007, 184 p.

    P. 140-143.
  • TRUTTMANN, Philippe. Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France (1634-1914). Thionville, 1993.

    P. 16, 29.

Documents figurés

  • Topographie de la France. Série de cartes gravées des XVIIe et XVIIIe siècles issues en partie des collections Marolles et Gaignières. Bibliothèque nationale de France, Paris : Va. Département des Estampes et de la Photographie.

  • [Plan du port de Toulon.] / Dessin, sd (XVIIIe siècle). Archives nationales, Paris : Fonds de la Marine, 3 JJ 203.

  • Plan de la tour de Balaguier et de ses batteries basses. / Dessin aquarellé, 1702. Par Niquet. Service Historique de la Défense, Vincennes : Série 1 V ; section 2, carton 1, n° 29.

  • Plan et profil d'une chapelle dans la tour de Balaguier... / Dessin, plume et lavis, 1775. Par Charles François Marie d'Aumale, Directeur des fortifications de Toulon et de Basse-Provence. Service Historique de la Défense, Vincennes : Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 5, plan n° 20.

  • Plan des forts de la rade [de Toulon]. / Dessin, non daté, milieu XVIIIe siècle. Musée des Plans Reliefs, Paris : A 125.

  • Plan-relief de la tour Balaguier. 1800. Musée des Plans Reliefs, Paris.

  • Plan, coupe, élévation en 1818. / Dessin. Service Historique de la Défense, Toulon : 4B1, n° 1.

  • [Projets pour le fort Balaguier pour 1846]. / Dessin, 1846. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 33, plan n° 3.

    Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 33, plan n° 3.
  • [Projets pour le fort Balaguier pour 1849]. / Dessin, 11 février 1849. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 36, plan n° 2.

  • Fort de Balaguier, 1er janvier 1903. / Dessin. Service Historique de la Défense, Toulon.

Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2011
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