Construction et armement
La batterie de la Piastre, établie sur la pointe la plus avancée de la moitié ouest de la presqu'île de Saint-Mandrier, au nord, face à la grande rade, n'est construite qu'en 1861, sous la dénomination initiale de batterie du Lazaret, reprise de celle du cap, et faisant référence au Lazaret de quarantaine de la marine, occupant depuis 1657 un emplacement tout proche à l'ouest.
La batterie crée en 1861 a alors pour mission de remplacer fonctionnellement une autre batterie d'ancienne fondation, la bien nommée batterie de la Vieille, implantée sur la pointe voisine, à l'est/sud-est, à moins de 200m de distance. Il n'est donc pas indifférent, à cet égard, d'évoquer succinctement l'histoire de cette batterie de la Vieille, qui a aujourd'hui entièrement disparu, pour rappeler l'évolution de la stratégie d'occupation des côtes de la presqu'île par des batteries, depuis Vauban, et en particulier de cette partie de la côte nord.
La batterie de la Vieille
L'idée d'une mise en défense planifiée de la presqu'île n'émerge dans les projets de Vauban qu'en 1695, liée à la menace d'une croisière anglaise en Méditerranée. La stratégie proposée l'illustre commissaire général des fortifications est affinée par son collaborateur et relais local Antoine Niquet directeur des fortifications de Provence, auteur d'une carte détaillée, datée du 22 mars 1695, figurant toutes les batteries projetées ou existantes, associée à un mémoire sur l'état des batteries à faire et à réparer sur la côte des rades de Toulon 1. La carte figure sur la pointe de la Vieille un projet de batterie avec épaulement de plan en fer à cheval, dite batterie 19. On notera que, sur cette carte, l'appellation de "pointe de la Vieille" est attribuée à l'actuelle pointe de la Piastre, alias du Lazaret, tandis que l'actuelle pointe de la Vieille, est appelée pointe d'Armecoeur. Le mémoire précise que l'occupation de cette pointe a pour objet de défendre les approches de l'anse en fort retrait qui sépare les deux moitiés est ou ouest de la presqu'île, dite le Creux Saint-Georges : "pour empêcher les ennemis de se servir du Creux Saint Georges pour retirer leurs galers (...) et aussi pour voir de revers leurs vaisseaux qui voudroient tenter quelque entreprise dans la petite rade, faire la batterie 19". Cette batterie est prévue pour un armement de neuf pièces. A la date même du mémoire, Niquet passe marché à l'entrepreneur toulonnais Aguillon pour la construction de sept batteries le long de la côte de Saint-Mandrier.
Dans son mémoire du 19 mars 1701, accompagné d'une carte et de plans de détail 2, Vauban propose de faire construire, à la place de trois des batteries de 1695, des ouvrages pérennes avec revêtement maçonné, armés de gros canons de 48 livres ayant 14 pieds de long, capables de croiser les feux à plus de 600 toises. Pour la pointe de la Vieille, dite alors, de manière assez explicite, d'Armecreux (sic), il propose une batterie maçonnée en arc de cercle avec front de gorge en corne à casernement casematé, et une variante avec front de gorge en couronné, sans caserne mais avec un magasin à poudres. Aucun de ces projets n'est réalisé.
Le Plan de la Rade de Toulon en l'année 1703 3, non signé mais sans doute de Niquet, figure, sur le même emplacement, cotée 12, la batterie du Creux Saint-Georges (donc désignée par ce qu'elle a mission de défendre), munie de 7 pièces de 36.
Carte des rades de Toulon, 1759.La Carte des rades de Toulon 4 et le mémoire associé de l'ingénieur François Milet de Monville daté du 9 mars 1759, précisent que la batterie de la Vieille (cotée 10) est abandonnée. Elle ne figure plus sur le plan de la rade accompagnant le Mémoire sur la ville de Toulon... par Louis d'Aguillon, daté du 1er mars 1768 5. La carte de la rade en 1783 par Rozières 6 indique les batteries de côte de : Saint-Elme, La Coudoulière, Mord'huy, Le Puy, Les Frères, Saint-Mandrier, La Vieille, précisant que cette dernière est désarmée. Dans la période révolutionnaire, en l'an 2 de la République, après la reprise de Toulon aux anglais, une inspection du front de mer faite le 1er pluviose (20 janvier 1794) par Samuel de Marescot, chef de bataillon du génie, indique que les batteries existant (armées) dans la presqu’île sont "la vieille batterie (batterie de la Vieille), la Caraque, les Frères, le Puy, le Morduy, la Coudoulière (...) et la batterie du cap St Elme" 7. A la suite, une commission d'experts composée des sieurs Locquin, Thévenard, Toufaire et Pierron, examine l'état de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la Montagne (nouveau nom de Toulon à partir de la Convention), pour augmenter la défense de ce port par des ouvrages extérieurs (...), et évoque la nécessité de s'établir plus fortement dans la presqu'île de Cépet (= de Saint-Mandrier), qualifiée de 2eme disposition défensive 8. Le tableau de répartition ou État de situation de l'armement des batteries au 1er germinal, puis du réarmement au 15 prairial, daté du 18 prairial an 2, indique la batterie de la Vieille comme abandonnée depuis longtemps étant trop basse, et ne projette pas son réarmement. En revanche, la ligne suivante est consacrée à une batterie projetée à la pointe du Lazaret, à 60 pieds au dessus de la mer, qu'il est question d'armer de douze pièces de 36, de deux mortiers à grande portée et d'équiper d'un fourneau à boulets. Le plan, daté du 16 prairial, figure cette batterie projetée sous le n° 5, un peu en arrière et au-dessus du cap, qualifiée de batterie retranchée sur la hauteur du Lazaret. Une autre carte, postérieure d'un an, exposant le projet de la 3e année républicaine, signée du directeur des fortifications Garavague 9, confirme ce projet, la batterie retranchée y étant cotée C, et qualifiée de fort de moindre capacité (par comparaison avec ceux proposés à la Croix des Signaux et à Saint-Elme), mais rien n'est réalisé à la suite, ni au Lazaret, ni à la Vieille.
Sous le premier Empire, le comité général des fortifications organise en 1811 à la demande de Napoléon, un projet général de mise en défense des côtes à l'échelle du territoire, jusqu'aux Pays-Bas au nord, et jusqu'à l'Italie et la Dalmatie au sud-est. A cette occasion, une partie des batteries de la presqu'île de Saint-Mandrier est maintenue en service, celle de la Carraque fait l'objet d'un projet ambitieux, mais celle de la Vieille ne figure plus sur les cartes.
Trente ans plus tard, la commission de défense des côtes de 184110 lance un programme général de remise aux normes des batteries de côte, en plaçant au premier degré d'importance, dans la presqu'île de Saint-Mandrier, celles de Saint-Elme et de La Carraque, mais en formulant des préconisations générales pour toutes, à quelques exceptions près. La batterie de la Vieille n'est pas jugée utile à rétablir dans un premier temps. Le colonel Edouard Picot, directeur des fortifications de Toulon, et le chef du génie Dautheville, bientôt remplacé par le chef de bataillon Joseph Corrèze, sont chargés, à partir de 1843, de travailler aux projets de reconstruction ou de réorganisation des ouvrages de défenses, tant forts que batteries. Les cartes générales dressées à cette époque montrent que la batterie de la Vieille est la seule qui ne soit composée que d'un simple épaulement, sans aucun bâtiment d'accompagnement à la gorge, réduit ou magasin. Pour autant, la priorité est donnée à la remise aux normes des batteries de la côte sud et sud-est de la presqu'île : la batterie de la Coudoulière, au sud, est la première à faire l'objet d'une réorganisation complète, en 1848-1847, et aussi la première dans laquelle est construit un réduit défensif correspondant aux modèles-type défini en 1846 et décliné en deux catégories, tour (à deux niveaux voûtés) ou corps de garde crénelé (un niveau voûté). D'autres batteries font l'objet de projets qui tardent à aboutir : à Mord'huy, un projet limité de 1849 est ajourné, et ne cède place qu'en 1858 à un nouveau projet, avec corps de garde crénelé type 1846, n° 3, qui est exécuté en 1860.
Le projet de rétablissement de la batterie de la Vieille n'est demandé qu'en 1853, par une commission spéciale, qui préconise un armement de six bouches à feu, appuyé d'un réduit. Les dessins et le devis, signés du capitaine Quiou, sous la direction du chef du génie de Toulon, le colonel Antoine Long, ne date que du 20 avril 1858, comme celui de Mord'huy : ils comportent la réfection complète, à neuf, de l'épaulement, sans remploi de l'ancien (jugé trop étroit et trop en avant sur le cap), pour 60.000 fr, et la mise en place d'un corps de garde crénelé type 1846, dont les dimensions sont celles du modèle n° 2, mais adaptées à un effectif réduit à 30 hommes, répondant au service de six pièces, pour 25.000 fr 11. Ce projet est révisé le 7 février 1860 en simplifiant la forme du nouvel épaulement, dont le coût estimé est baissé à 40.000fr. Il est approuvé par le directeur des fortifications, il n'est pas suivi d'exécution. En effet, une option alternative est préférée dès 1860, assez proche de ce qui était proposé en 1794 : l'établissement, au titre des projets supplémentaires pour 1861, d'une nouvelle batterie à construire ex nihilo sur le cap du Lazaret, armée des six pièces qui étaient envisagées pour la batterie de la Vieille, cette dernière se trouvant, par contrecoup, définitivement abandonnée.
La batterie du Lazaret, puis de la Piastre
Le projet de la batterie du Lazaret est rapidement conçu, à l'économie ; le dessin, signé du lieutenant du génie J. Meynot, sous la direction du colonel Long, est daté du 20 février 1861 12. Le coût estimé indiqué est de 7000 fr. ; sans doute faut-il lire 70.000fr, s'agissant d'un épaulement à créer, d'un volume comparable à celui de l'épaulement proposé en 1858 pour le batterie de la Vieille. Il comporte deux branches ou deux sections d'artillerie en ressaut d'alignement (et non de hauteur) l'une sur l'autre, tirant dans une direction unique (nord-est). L'état réalisé diffère du projet parce que ces deux branches ne sont pas construite dans la même orientation, mais légèrement désaxées. Celle de gauche, pour deux canons (face à l'est/nord-est), fait saillie de l'équivalent de l'épaisseur de son parapet sur celle de droite, conçue pour quatre canons (face au nord-est). Elles sont séparées par une traverse-abri. Il n'y a pas de réduit de batterie, et les souterrains casematés se limitent au magasin (à poudre ?) sous traverse. Le projet est immédiatement exécuté, dans l'année 1861 et au début de 1862, avant même d'avoir procédé à l'acquisition du terrain nécessaire au propriétaire privé, pour la somme très modique de 700 fr 13.
La batterie n'occupe en effet qu'une surface modeste de terrain privé, car elle est directement adossée, par sa section de gauche, au mur d'enceinte de l'enclos du Lazaret de la Marine, soit une partie assez récemment ajoutée et close à l'est/nord-est du périmètre carré primitif de cet établissement. La gorge de la batterie est tournée, en retour d'angle aigu, vers le mur rectiligne de l'enclos, qui suit un axe parfaitement nord-sud. L'absence de réduit de batterie dans le projet s'explique sans doute par le fait que le personnel de batterie pouvait se retirer, en temps de paix, dans l'enclos du Lazaret, domaine de la Marine, et qu'à terme un bâtiment pourrait être édifié dans cet enclos. Dans les faits, un corps de garde non casematé et très sommaire pour 12 hommes est bientôt construit à la gorge de la branche gauche, adossé en appentis à l'extérieur du mur de l'enclos. Son mur-pignon sud est défilé par un merlon de terre 14.
En 1881-1882, la batterie est largement reconstruite, moyennant un coût de 65.000 fr, pour satisfaire aux normes alors imposées aux batteries de côte par l'Instruction du 18 mars 1876. D'après cette Instruction, les pièces doivent être placées à barbette sur des plates-formes de maçonnerie séparées par des traverses-abris (une par pièce ou, au plus, par deux pièces), le parapet en terre doit avoir 6 à 8 mètres de profondeur. Selon le type de batterie (batterie de rupture, de bombardement, d'action rapprochée), les calibres oscillent de 16 cm à 32 cm 15. La refonte ne touche pas à la branche gauche de 1861, conçue pour deux pièces, mais transforme radicalement la branche droite, reconstruite deux fois plus longue et large, aussi plus haute, dans un axe/orientation un peu différent, un peu plus face à l'est, toujours organisée pour quatre emplacements de tirs, plus spacieux et séparés individuellement par des traverses. Compte-tenu de sa position à basse altitude, cette batterie assure des tirs de rupture (tir tendu bas battant l’accès des passes et des rades contre les coques des navires), ce qui suppose un armement de gros calibre, sur lequel on n'a pas de certitude avant 1886 16.
A la traverse-abri d'origine, remaniée pour former le retour ou flanc gauche du parapet, font suite, en alternance, deux grosses traverses-abri et deux traverses ordinaires, le dernière fermant l'épaulement à droite. Le corps de garde est utilisé comme logement du gardien de batterie. Les abris de chacune des deux traverses ont une capacité de logement de troupe.
A l'occasion de cette "refondation", la batterie est rebaptisée batterie de la Piastre, afin de réattribuer et réserver l'appellation de batterie du Lazaret à la nouvelle batterie double édifiée de 1880 à 1882 quelques centaines de mètres en arrière, sur la hauteur du Lazaret. Ce transfert de toponyme est la cause d'erreurs de légendage sur les plans postérieurs des deux batteries, qui placent la construction de la batterie de la Piastre en 1882, et prêtent à celle du Lazaret (-Haut) une antériorité remontant à 1861-1862, par confusion avec le Lazaret Bas, devenu la Piastre.17
Entre 1880 et 1883 la marine fait construire digue de la pointe de la Vieille, qui entraine la destruction des restes de l'épaulement de l'ancienne batterie qui occupait cette pointe. Un remaniement des quatre plates-formes d'artillerie et du parapet est opéré précocement, dès 1886, entraînant une dépense de 5500 fr. Les merlons des traverses sont alignés à la crête du parapet, ce dernier étant reprofilé pour comporter un ressaut au droit de la traverse médiane, les deux plates-formes de droite étant un peu plus hautes que celles de gauche. La batterie est alors armée de quatre pièces d'artillerie de marine de 320mm (dites aussi de 32 C), modèle 1870 (ou 1870-81), sur affût M(arine) modèle 1876 -T-83, ou 1882 PA (à pivot avant) 18. C'est probablement lors de cette reprise qu'un petit poste de commandement est établi à la gorge de la batterie.
En 1892, une somme de 26.000 fr est dépensée pour équiper la batterie des bâtiments qui lui faisaient défaut, à savoir un casernement pour un effectif de 25 à 36 hommes, un officier et deux sous-officiers en temps de paix, non casematé mais défilé dans une cour encaissée (comme à la batterie fermée du Gros Bau), une citerne et un magasin aux armements. L'espace dévolu à ces bâtiments est aménagé en enclave dans la partie immédiatement attenante de l'enclos du Lazaret, d'où la percée du mur de clôture, traversé par la rampe reliant la batterie au casernement. Simultanément, l'adaptation des batteries de côte à l'impact de "l’obus-torpille" chargé à la mélinite (inventé en 1885), justifie l'aménagement de magasins souterrains "en caverne" (à poudre et aux projectiles) sous les plates-formes de la batterie, pour un coût de 41.500 fr. Le même aménagement est mis en œuvre simultanément, en 1891-1892 dans plusieurs autres batteries de la presqu'île : La Croix des Signaux, à Saint-Elme et Cépet, celui du Gros Bau remontant à 1889. L'accès à ces souterrains se fait par une galerie voûtée partant des abord du casernement, et un monte-charge est créé dans la traverse médiane, qui porte encore le millésime 1892. Cet équipement est amélioré en 1893 par la pose d'une voie ferrée Decauville, et en 1897 par un mécanisme de ravitaillement dans le monte-charge. En 1899, l'ancienne branche gauche de l'épaulement de 1861-1862 est supprimée. Par ailleurs, la batterie est équipée, avant 1903, d'un télégraphe 19.
Une batterie annexe pour 6 pièces de 100mm à tir rapide est construite en 1901, non à côté de la batterie principale, mais plus haut et à mi-distance entre elle et les batteries du Lazaret. C'est de ce fait un ouvrage indépendant 20, dont le personnel est toutefois sans doute logé dans le casernement de la Piastre.
En 1914, à l'entrée en guerre, la batterie est encore armée de ses quatre canons de 32cm, mais cette artillerie est déposée avant 1918. En 1928, le parc clos du Lazaret, entre l'ancien lazaret et la batterie de la Piastre, est étendu jusqu'en bordure de la route départementale 18, et aménagé pour recevoir le dépôt de carburant de la marine, soit onze grandes cuves circulaires ou réservoirs de stockage d'hydrocarbures de 10.000m3 chacune.
La batterie n'est pas réarmée pendant la seconde guerre mondiale, mais, en juillet 1940, la mitrailleuse de 13,2mm qui arme la Grande jetée de Toulon, est déposée en vertu de l'armistice franco-italien, et remisée à la Piastre. La prise de possession de la presqu'île de Saint-Mandrier par les allemands en novembre 1943, est suivie de la réutilisation de neuf batteries de côte, dont certaines étaient encore armées, d'autres désarmées. L'organisation défensive allemande de la presqu'île, nommée Stp Tor 016 a son siège dans les batteries de Saint-Elme et des Sablettes. La Piastre, réarmée pour la défense antiaérienne, est alors l'une des cinq Flakbatterien, soit batteries de D.C.A., de ce dispositif 21, mais les sources ne précisent pas s'il s'agit de la batterie principale, ou de l'ouvrage bien distinct établi en 1901 à mi-distance de la batterie du Lazaret et dit batterie annexe de la Piastre.
Après la guerre, la batterie est abandonnée, son ancien casernement étant découvert et en ruines. Vers la fin du siècle dernier, un bâtiment neuf est reconstruit sur les bases de ce casernement, tandis qu'une pinède a prospéré sur l'ancienne batterie.
Analyse architecturale
Site et implantation générale
L'épaulement de la batterie de la Piastre règne à une altitude de 20 à 21m au dessus de la pointe de la Piastre, ou, plus exactement, de la plage du flanc est de cette pointe, face au nord-est, soit face à la grande rade et à la Grande jetée (qui part de la batterie de la Tour royale). L'aire réservée dans le parc du Lazaret, pour le casernement de batterie est en forte déclivité ; le bâtiment remplaçant l'ancien casernement est assis à 10m d'altitude. L'accès traditionnel est une ancien chemin côtier venant de Saint-Mandrier en longeant le Creux Saint-Georges, rendu carrossable en 1867 et refait en 1890 entre la pointe de la Vieille et celle du Lazaret / La Piastre, longeant la plage avant de se retourner à gauche pour aborder la batterie, en formant un lacet, la desservir à la gorge et se refermer en boucle à proximité de la pointe de la Vieille. Il existe une issue directe de l'enclos dans lequel se trouve la batterie, par l'est, sur la départementale 18.
Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre
Dans l'état actuel des lieux, la partie du site de la batterie sur laquelle était installé le casernement, a été réinvestie, le bâtiment reconstruit 22, et ne présente plus d'intérêt patrimonial. L'ancien logement du gardien de batterie, encore en place en 1958, a disparu.
La batterie proprement dite, constituée du grand épaulement à quatre emplacements de tir construit en 1883, remanié en 1886, est en revanche assez bien conservée, bien que plantée d'arbres.
Les souterrains en caverne, soit galerie d'accès, magasin aux projectiles et magasin à poudre avec sas en bout de galerie, existent toujours, mais leur accès est dangereux et pratiquement condamné dans l'état actuel des lieux, en sorte qu'ils n'ont pu être visités.
Abordée par l'ouest en empruntant le chemin de desserte montant en rampe incurvée, puis rectiligne depuis les abords du casernement, la batterie présente ses plus hauts revêtements, du fait du pendage naturel de son assiette. A l'extrême gauche règne l'emplacement plus ou mois nivelé de l'ancien épaulement gauche de 1861, à 17,50m d'altitude, sur lequel s'élève l'ancienne traverse-abri unique de la batterie de 1861, devenue la première traverse ou le flanc gauche de la batterie de 1883-1886. La gorge de le première plate-forme de tir est augmentée vers l'arrière d'un terre-plein grossièrement triangulaire dont le revêtement relie la première traverse à la courbe du chemin d'accès, puis se retourne pour former, en bordure de cette courbe, le mur de soutènement du chemin de ronde de la batterie.
Ces revêtements sans tablette d'arase se caractérisent par la rusticité "pittoresque" de leurs parements : appareil polygonal de pierres brutes pour le mur de soutènement (qui semble avoir été initialement en pierres sèches), blocage ou opus incertum grossier de moellons équarris mais non assisés, à joints gras, pour le revêtement du terre-plein en saillie, enfin appareil moins irrégulier de moellons sommairement équarris ou assisés pour le revêtement de la traverse ou flanc gauche. Ce dernier revêtement, avec angle arrondi, comme aux traverses-abri de la batterie du Gros Bau, est une relique de l'état primitif 1861 de cette traverse, de même que le petit magasin qu'elle abrite. En revanche, l'arasement du revêtement, oblique en façade pour suivre le profil du talus du flanc gauche du parapet de batterie en terre, est dû à la refonte de 1882. La porte d'entrée du magasin offre un encadrement en briques, avec arc segmentaire, moins soigné que ceux des portes des ouvrages de la décennie 1880 (Lazaret, Gros Bau, Cépet) ; il est surmonté d'un arc de décharge en pierres brutes, non extradossé, en plein-cintre à l'intrados. Sous ce cintre, un larmier d'archivolte en ciment souligne l'arc en briques. Le magasin, voûté en berceau (non visité), prend un faible jour d'un minuscule créneau en façade, et comporte une grosse cheminée de ventilation (réenduite au ciment début XXe s) dans sa partie postérieure.
Si les plates-formes ou emplacements de tir des quatre grosses pièces de 320mm sont aujourd'hui en partie recouverts de remblais de terre végétale (qui ne masquent pas les murs de genouillère) et conservent peu de vestiges des supports des affûts, la série des trois larges traverses-abri qui les séparent, est dans l'ensemble en bon état. L'aspect des façades et revêtements de ces traverses de 1883-1886 est assez différent de celui de la première traverse, relique de 1861 : les façades sont plus larges, leurs maçonneries de blocage de moellons sont revêtues d'un enduit couvrant à la chaux, et leur arase, partie horizontale, partie rampante selon le profil des talus de terre des traverses, sont couvertes d'une tablette en pierre de taille blanche (qui dans deux des traverses, a subi un ragréage au ciment gris). Les deux traverses latérales sont plus larges en façade que la traverse centrale, et présentent la particularité d'offrir des angles assez largement arrondis, comme celui que l'on a vu à la traverse de 1861 devenue flanc gauche. Aucun des abris casematés ou magasins de traverse, voûtés en berceau et enduits et blanchis à la chaux, n'a conservé sa porte en façade dans son état d'origine, qui comportait vraisemblablement un encadrement en brique et pierre. Toutes ont été élargies, à une date inconnue du XXe siècle, et pourvue de vantaux en fer coulissant sur un rail (déposés pour les traverses latérales).
La traverse centrale, dont la porte est encadrée symétriquement, en façade de deux niches à munitions cintrées, affiche le millésime 1892 gravé sur une plaque réenduite au ciment. A droite de cette façade, le rehaussement du niveau de sol de la plate-forme de tir est soutenu par un revêtement de profil. Cet abri de traverse (qui n'a pu être visité) était consacré au monte-charge desservant les magasins en caverne situés environ 9m en-dessous. Un long rail de fonte cintré en segment de cercle très ouvert, à dents d'engrenage sur le chant, gît sur l'aire de l'ancienne plate-forme voisine ; il appartenait manifestement à un affût de marine modèle 1882 PA (sur pivot avant) adapté à une pièce de 320mm modèle 1870-81 M 23.
Façade de la traverse-abri centrale de 1883-1886 remaniée 1892 pour le monte-charge.
Le chemin d'accès qui dessert les plates-formes d'artillerie par l'intermédiaire d'un chemin de ronde en partie rampant, est aujourd'hui séparé du terrain qui s'étend à la gorge de la batterie par mur de clôture en parpaings de ciment de la fin du XXe siècle. Dans ce terrain est conservé l'ancien poste de commandement de tir découvert, petite infrastructure de plan caractéristique composée d'une travée carrée augmentée latéralement d'une travée équivalente faisant une saillie en abside, le tout bordé d'un mur garde-corps en maçonnerie traditionnelle (blocage de moellons), que revêtait un parapet de terre aujourd'hui érodé. Cet élément à ciel ouvert est flanqué d'un minuscule réduit carré, également en blocage, mais bas couvert d'une dalle de ciment armé, avec un porte et une petite fenêtre : indiquée sur le plan de 1903 révisé en 1908 et 1911, cet édicule y est identifié à une cabine téléphonique.
Ancien poste de commandement de tir.
historien de l'architecture et de la fortification