Le chantier d'aménagement du canal d'Arles à Bouc (Référence : IA13004106), débuté en 1804 et mis en service en 1834, comportait la mise en place d'une quinzaine de points de franchissement (RIMEUR, 1981, p. 13). Parmi ces derniers, des ponts à tablier mobile sont prévus pour permettre la circulation des bateaux sur ce canal destiné à la navigation (AC Arles : O31).
Ces ouvrages projetés à travées mobiles au moyen de flèches devaient être pourvus de culées suffisamment épaisses pour qu´elles puissent supporter des arches en maçonnerie s´il devenait un jour inutile de ''laisser passer des bâtiments de mer dans le canal''. Vers 1809, le nombre des ponts à construire n´est pas encore défini (AD Bouches-du-Rhône : 5S 10/19).
Un pont de ce type a été installé à hauteur du Mas Thibert (dépendant de la commune d'Arles), vers le PK 18,300. Il en existait par ailleurs sur l'écluse d'Arles (Référence : IA13004142), sur celle de Montcalde (Référence : IA13004078), aux lieu-dits Aling (ou Allen), Mas de la Ville, Mollégès, ou encore Beynes (Références : IA13004066, IA13004089, IA13004056 et IA13004064) (RIMEUR, 1981, p. 13).
Le pont du Mas Thibert figure déjà sur les planches du cadastre napoléonien d'Arles levé en 1823 (Fig. 2-3), et ultérieurement sur la carte d’État-major (Fig. 4). Sur cette dernière, établie dans le courant du 19e siècle, le pont apparaît dans le prolongement d'un autre pont franchissant le canal parallèle du Vigueirat (Référence : IA13004109) ; il s'agit sans doute du ponceau voûté hors service (Référence : IA13004126), conservé en aval du pont assurant aujourd'hui le passage du canal d'irrigation (Référence : RA13000109).
Les sources d'archives et les documents iconographiques indiquent que le pont primitif du Mas Thibert comportait trois travées, son tablier en bois reposant sur deux appuis maçonnés. Les deux travées latérales étaient fixes, la partie centrale était en revanche constituée de deux parties égales, pouvant basculer pour se relever (AD Bouches-du-Rhône : 6S 925 et 1937W 516 ; AC Arles : O31 ; voir carte postale ancienne sur le site internet Projet Babel ; RIMEUR, 1981, p. 13).
On conserve un bel exemple de pont de ce type au sud de l'agglomération d'Arles, en amont du Mas Thibert, à Mayanen (également sur la commune d'Arles), où deux volées basculantes ont été réinstallées sur une ancienne écluse du canal (l'écluse de Montcalde, Référence : IA13004078), afin de recomposer l'ancien pont de Langlois (Référence : IA13004049).
Selon Rimeur, les volées basculantes étaient relevables par cordes et palans (RIMEUR, 1981, p. 13). Une archive mentionne en effet que ce type d'ouvrage (dit pont-levis dans les documents anciens), destiné à supporter les chargements des voitures à chevaux, pouvait être manoeuvré à bras d'hommes (AC Arles : O31, Chemise Ponts mobiles du canal d´Arles à Bouc, 1921-1931).
Sur une des planches cadastrales de 1823 (Fig. 2) est signalée une maison de garde-pont en rive gauche amont du pont du Mas Thibert.
Le 30 août 1930, un arrêté interdit la circulation sur le pont (AD Bouches-du-Rhône : 5S 10/25).
L'année suivante, fin mars 1931, un ingénieur en chef écrit un rapport à la suite de la demande faite en délibération par le Conseil municipal qui souhaite augmenter la charge des ponts du canal d´Arles à Bouc (Référence : IA13004106) - en particulier celui du Mas Thibert -, de 8 à 10 tonnes.
L'ingénieur rappelle qu'un arrêté préfectoral du 25 mars 1912 a limité les charges à 4 tonnes mais que des usagers y font passer des camions jusqu´à 8 tonnes. Selon lui, renforcer ces ponts serait en faire des ponts fixes, ce qui reviendrait à supprimer la navigation sur le canal. Le Service maritime qu´il représente désire reconstruire tous les ponts (AC Arles : O31, Chemise Ponts mobiles du canal d´Arles à Bouc, 1921-1931).
A cette date de 1931, le pont du Mas Thibert fait partie des dix ponts-routes (savoir pour les neuf autres : le pont de l´écluse d´Arles, Référence : IA13004142 ; le pont Réginel, Référence : IA13004143 ; le pont sur l'écluse de Montcalde, Référence : IA13004108 ; le pont d´Aling, Référence : IA13004066 ; le pont de la Ville, Référence : IA13004089 ; le pont de Mollégès, Référence : IA13004056 ; le pont de Beynes, Référence : IA13004064 ; le pont de Fos, Référence : IA13004515 ; le pont de Port de Bouc, Référence : IA13004072) existant sur le canal d'Arles à Bouc.
En 1933, la reconstruction du pont du Mas-Thibert, comme celle du pont de Mollégès (Référence : IA13004056) et de Beynes (Référence : IA13004064), semble envisagée (AD Vaucluse : 3S 202).
Quatre ans plus tard, le pont fait partie du ''programme de restauration et de remise en état de divers ouvrages du canal d´Arles à Bouc''. On en possède un avant-projet d'élévation daté d'octobre 1937, réalisé par l'ingénieur d'arrondissement Rayrole (AD Bouches-du-Rhône : 6S 925 ; Fig. 5 : Ce projet figure un ouvrage dont l'élévation fait penser au pont actuel du Mas Thibert, Référence : RA13000068).
Le programme de restauration inclut la démolition des vieilles maçonneries, la consolidation des piles et des culées, l'emploi de béton au mortier de ciment et de béton armé, l'aménagement des chemins de halage entre Mas Thibert et Beynes, le raccordement de la chaussée des tabliers avec la chaussée conservée, ainsi que le démontage des fers et des bois, et le démontage des garde-corps métalliques.
Le pont du Mas Thibert, comme presque tous les ponts routiers du canal, a été détruit en août 1944 par les Allemands battant en retraite (AD Bouches-du-Rhône : 6S 925 ; RIMEUR, 1982, p. 12).
L'ouvrage livrant passage au C.D. 24, reliant Mas Thibert à R.N. 568, dont "l'ensemble est dit détruit" (AD Bouches-du-Rhône : 6S 925), est alors décrit comme un pont en bois de 24 m de portée comprenant trois travées de 8 m - dont une travée centrale levante à deux volées - et une chaussée de 3 m de large dotée de trottoirs (AD Bouches-du-Rhône : 6S 925 et 1937W 516). Le pont du Mas Thibert est mentionné en 1945 dans le programme de reconstruction des ouvrages du canal d´Arles à Bouc (AD Bouches-du-Rhône : 1937W 516).
Le nouveau pont à poutre-dalle en béton (Référence : RA13000068) assurant aujourd'hui le franchissement du canal par la R.D. 24 a sans doute été édifié consécutivement afin de remplacer le pont mobile. Il subsiste en amont du pont moderne les deux culées en pierre de taille de l'ancien ouvrage, dont les ouvertures ont été bouchées par du ciment.