I. Commentaire historique
La chapelle « Nostra Dona di Gardita » est pour la première fois mentionnée en 1476 dans les comptes du clavaire. L’analyse architecturale de l’édifice révèle qu’il a été construit en plusieurs étapes avec une première campagne ayant probablement consisté en l’élévation du volume oriental de la chapelle. Celui-ci, plus haut que le reste de l’édifice, comprenait deux baies sur son élévation est qui ont ensuite été obstruées pour ne laisser qu’une baie au sud. Cette partie fut agrandie vers le nord, comme l’atteste la marque de collage sur le chevet plat à l’est. Cet édifice primitif était sans doute muni d’un porche à l’avant de la chapelle, dont témoigne l’arcade ouverte au sud de la deuxième travée, seul vestige de cette construction, qui apparente l’église à plusieurs autres modèles de chapelles saint-pauloises (chapelle Saint-Michel : IA06004342 ; chapelle Saint-Roch : IA06004347) et correspond plus largement à un type de chapelle caractéristique de la Provence orientale. Une marque de surélévation est visible au-dessus de cette arcade. L’église fut probablement agrandie en englobant ce porche, puis étendue vers l’ouest, ce qui permit d’ajouter deux travées à l’édifice préexistant. Des changements de mise en œuvre avec le chœur semblent abonder dans ce sens (usage de la brique pour les deux premières travées ; voûtement différent).
Vue d'ensemble prise du sud-est.
La chapelle est régulièrement mentionnée dans les textes à l'Epoque Moderne. En 1588, un bref du pape Sixte V accordait des indulgences aux visiteurs de la chapelle rurale à l’occasion de la fête de l’Assomption le 15 août. Une remise en état de la chapelle est signalée en 1603. En 1612, pour la somme de soixante-quinze livres, on fit « rhabiller » la chapelle et mettre les « cannelures », c’est-à-dire les décors de gypseries encore en place actuellement. La chapelle était donc entièrement construite à cette date puisque les décors stuqués couvrent toutes ses parois. Ces travaux témoignent de l’importance de l’édifice à cette époque, qui s’explique notamment par la fondation d’une chapellenie par la Dame de la Berlière, veuve du seigneur de Villeneuve-Thorenc dont le château se situait juste après la chapelle (aujourd’hui le couvent de Passe-Prest). À partir de 1632, ses héritiers, Gaspard de Villeneuve-Thorenc, puis Jean-Baptiste de Villeneuve-Thorenc, gouverneurs de Saint-Paul, s’investirent dans le jus-patronat de la chapelle en lui offrant un pension annuelle et perpétuelle de soixante-quinze livres. Ces donations permirent d’entretenir les lieux et d’assurer la permanence du culte. Ainsi, la place devant l’entrée de la chapelle fut aménagée en 1630 ; en 1641, une maison attenante fut construite pour loger le prêtre effectuant le service ; en 1648, de nouvelles réparations furent effectuées et tous les habitants invités à travailler un jour pour charrier des pierres (cela correspond peut-être au renforcement de la partie basse de la façade sud avec l’ajout d’un contrefort) ; en 1652, le portail en bois fut remplacé par un portail en fer.
Le culte y était régulièrement célébré : en 1654, l’évêque de Vence Antoine Godeau y officia la messe le 4 mai. En 1665, Jean-Baptiste de Villeneuve-Thorenc y fonda le canonicat de Notre-Dame de la Piété ou des Sept Douleurs. En 1685, il est signalé qu’une messe est dite quotidiennement en la chapelle, ainsi qu’une par semaine pour les âmes du purgatoire grâce à un don de trente livre par an des Consuls de la ville.
En 1697, la chapelle-de-Notre-Dame-de-la-Gardette est aussi désignée sous le vocable de Saint-Georges. Après la démolition de la chapelle qui lui était dédiée en bordure du village intra-muros, pour permettre la construction de l’enceinte bastionnée décidée par François I entre 1542 et 1547, la chapelle Saint-Michel se fit adjoindre le vocable de Saint-Georges, avant qu’il soit transféré à Notre-Dame-de-la-Gardette.
Le maître-autel visible actuellement a probablement été installé dans la chapelle au 18e siècle.
L’édifice figure sur la carte des frontières Est de la France levée par les ingénieurs militaires entre 1764 et 1778, ainsi que sur celle de Cassini de 1780. À la Révolution, la chapelle fut vendue comme bien national au sieur Alexandre-Joseph Raymond pour 400 livres ainsi que la maison attenante où logeait le prêtre desservant l’église, avec son jardin planté d’orangers et de figuiers pour la somme de 860 livres, par procès-verbal du 25 janvier 1794. Le 7 octobre 1811, M. Raymond revendait la chapelle aux cinq marguilliers de la Fabrique de la ville, en faveur du culte catholique. La vente fut faite pour le prix de 500 francs1.
Sur le cadastre napoléonien levé en 1833, la chapelle apparaît avec son plan actuel. La maison accolée parcelle 332 appartient à Raymond, Baron de Conségudes. Celle au sud de la chapelle appartient alors à Jean-Baptiste Layet et est désignée comme un « emplacement », probablement un bâtiment à usage agricole.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section A, parcelle 333).
Au 20e siècle, la chapelle fut de nouveau embellie entre 1925 et 1930 par la création d’un ensemble de peintures murales représentant des scènes de la vie de la Vierge Marie et du Christ au sein de paysages saint-paulois. Elles ont été réalisées par deux peintres locaux, Marthe Larcher qui vivait dans la maison accolée au nord-est de la chapelle, et Germaine Laporte. Les vitraux du triplet de la façade principale ont probablement été installés à la même époque. Dans la seconde moitié du 20e siècle, des travaux de restauration ont permis de consolider les murs de la chapelle menacés d’effondrement. L’arcade au sud de la deuxième travée a été rouverte à cette occasion. Le pan de mur à gauche de la façade principale à l’ouest, où se situe la porte permettant d’accéder à l’habitation accolée à l’édifice, a été renforcé et sa couverture crénelée a été remplacée par un pan diagonal venant contrebuter la façade. Un petit clocher-mur ajouré a été installé au-dessus.
602 ALPES-MARITIMES. / Saint-Paul-du-Var, Chapelle Notre-Dame de la Gardette.
Depuis le 10 juin 1993, la chapelle Notre-Dame-de-la-Gardette ou Saint-Georges est inscrite au titre des Monuments historiques. Grace aux peintures murales, elle bénéficie également du label « Patrimoine contemporain remarquable » depuis le 1er mars 2001. La chapelle est actuellement désaffectée. A la suite de mouvements de terrain, d’importantes fissures sont apparues et nécessiteraient d’être diagnostiquées au plus vite en vue d’une éventuelle campagne de consolidation.
II. Analyse architecturale
II.1. Organisation générale et mise en œuvre
La chapelle Notre-Dame-de-la-Gardette ou Saint-Georges, a été construite au nord du village, le long du chemin de Sainte-Claire reliant Saint-Paul-de-Vence à Tourrettes-sur-Loup. Elle présente un plan rectangulaire à chevet plat orienté et s'élève sur un niveau. Sa superficie est de 130 mètres carrés. Ses faces nord et sud sont mitoyennes de deux maisons, en partie est. À l’ouest, la façade principale s’ouvre sur une grande place.
L’édifice présente deux volumes distincts : le premier à l’est, correspondant à la construction initiale, se compose d’un volume de plan carré incluant le chœur ; le second vers l’ouest, de plan rectangulaire correspondant à la nef, est plus grand mais moins élevé.
L’ensemble de l’édifice est construit en maçonnerie de moellons calcaires, y compris pour les chaînes d’angle. Sa façade principale est couverte d’un enduit lisse orangé, celle au nord d’un enduit rustique et celles au sud et à l’est d’un enduit à pierres vues. Les encadrements de portes et de baies sont en pierres de taille calcaires, à l’exception de quelques baies façonnées au mortier et d’une ancienne porte en brique. La toiture du volume oriental est en croupe, surmontée d’un clocher-mur ajouré au nord, avec les avant-toits et saillies de rive simplement marqués par le débord des tuiles. La toiture du volume occidental est à longs pans avec les avant-toits constitués de deux rangs de génoises au sud, un seul au nord, tandis que la saillie de rive du mur pignon présente un débord de tuiles. Une petite croix en fer a été placée au faîte de la toiture.
II.2. Organisation des façades
La façade principale à l’ouest s’élève sur deux niveaux avec un portail en pierre de taille calcaire couvert d’un arc en anse-de-panier. Un mur-bahut souligné d'une moulure en quart-de-rond rétrécit l’ouverture du portail en partie basse, ne laissant qu’un accès réduit au centre, qui rappelle les façades ouvertes caractéristiques sur ce territoire et dont plusieurs exemples similaires s'observent sur la commune (chapelle Saint-Michel : IA06004342 ; chapelle Sainte-Claire : IA06004343 ; chapelle Saint-Charles-et-Saint-Claude : IA06004344). L’ouverture est fermée par un grille en fer forgé. Le deuxième niveau est ajouré par un triplet avec les baies latérales droites et la baie centrale en arc en plein cintre.
Vue d'ensemble prise de l'ouest.Elévation ouest, premier niveau.
L’élévation sud présente deux ouvertures : une arcade en anse de panier en pierre de taille calcaire au centre de l’élévation reposant sur des impostes en quart-de-rond, sa partie basse est pleine ; une petite baie avec un arc en plein cintre façonné au mortier au niveau du chœur. En-dessous, un bâtiment a été accolé sur toute la largeur du volume occidental de la chapelle. A l’ouest, un contrefort placé entre les deux premières travées vient contrer les poussées de la voûte. La partie basse a également était renforcée par le doublement du mur.
Elévation sud. Au fond, l'ancien bâtiment agricole accolé à la chapelle.Elévation sud, partie centrale.
L’élévation nord n’est pas visible depuis l’espace public. Pour y accéder, il faut emprunter la porte latérale sur la façade ouest, construite en pierre de taille calcaire avec un arc en plein cintre. Il s’agissait de l’ancien accès vers la maison du prêtre. Une deuxième porte, pratiquée dans l’élévation nord de la chapelle, lui permettait de s’y rendre directement depuis cet espace privé. Construite en brique pleine avec un arc en plein cintre, elle est aujourd’hui fermée en partie basse. Un contrefort, moins important que celui de la façade sud, a été installé dans son alignement au nord.
Elévation ouest. Porte d'accès à l'ancienne maison du prêtre.Elévation nord et passage depuis l'ancienne maison du prêtre accolée au nord-est. Vue d'ensemble prise de l'est.Elévation nord, partie ouest.Elévation nord, porte à demi-murée.
Enfin, la façade orientale, marquant le chevet plat, est visible depuis le jardin des propriétaires de l’ancienne maison du prêtre. Elle est entièrement aveugle mais il subsiste les traces de deux anciennes baies en partie haute couvertes d’un linteau monolithe.
Elévation est (chevet). A gauche, l'ancien bâtiment agricole ; à droite, l'ancienne maison du prêtre.Elévation est (chevet). Baie obstruée.
II.3. Espace intérieur et décors
À l’intérieur, la chapelle se compose d’une nef à vaisseau unique de deux travées couvertes d’une voûte en berceau et séparée par des arcs doubleaux en anse de panier, puis du chœur à fond plat comprenant une travée unique couverte d’une voûte d’arêtes quadripartite.
Vue de volume prise de l'ouest. Vue de volume prise de l'est : nef.
Les arcs doubleaux sont réceptionnés par des pilastres. Ceux-ci, ainsi qu’une corniche moulurée se développant sur toutes les parois nord et sud, sont ornés d’un décor de gypserie avec des chapiteaux à crochets corinthiens, des angelots, des frises d’éléments feuillagés, de fruits et de volutes.
Mur nord (nef). Pilastre entre la première et la deuxième travée.
Pour chaque travée, des cartouches ornent le centre de la corniche. Ceux de la travée de chœur sont ovales et surmontés d’un ange et contiennent les inscriptions « CANA » et « BETHANIE ». Ceux de la nef sont trilobés et seule l’inscription « LE CALVAIRE » est encore lisible.
Troisième travée (chœur). Mur nord, détail du cartouche au centre de la corniche portant l'inscription peinte "CANA".Troisième travée (chœur). Mur sud, détail du cartouche au centre de la corniche portant l'inscription peinte "BETHANIE".Deuxième travée (nef). Mur nord, détail du cartouche au centre de la corniche portant l'inscription peinte "LE CALVAIRE".
Le triplet de la façade occidentale reçoit également un décor stuqué constitué d’un fronton à base interrompue, orné de denticules, dont la corniche se prolonge dans l’ébrasement de la baie centrale.
Première travée (nef). Mur ouest, triplet.
La totalité des parois et des voûtes sont peintes. Les parois de chaque travée ont été peintes d’une scène de la vie de la Vierge Marie et du Christ au sein de paysages saint-paulois.
Le sol de l’église est pavé de carreaux de terre cuite (localement appelés « feuillets »).
Plusieurs objets mobiliers sont toujours présents dans l’édifice : le maitre-autel en marbre, un tableau déposé dans la première travée contre le mur ouest représentant une Vierge à l’Enfant, huit chandeliers disposés sur l’autel, deux statues de part et d’autre de l’autel, une croix d’autel.
Troisième travée (chœur). Vue de volume prise de l'ouest.
Historienne de Saint-Paul-de-Vence. A ce titre, elle a participé, dans les années 1970, au pré-inventaire de la commune de Saint-Paule-de-Vence.