• recensement du patrimoine balnéaire
Jardin d'agrément Serre de la Madone
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Menton
  • Commune Menton
  • Lieu-dit Val de Gorbio
  • Adresse 74 route de Gorbio
  • Cadastre 1862 G 615 à 637, 646 à 652  ; 2016 BP 6, 18, 19, 20, 22, 23, 25, 26, 29, 95, 109, 112, 113, 182 c
  • Dénominations
    jardin d'agrément
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    allée irrégulière, allée régulière, entrée de jardin, fabrique de treillage, pergola, orangerie, serre, bassin, miroir d'eau, parterre d'eau, pépinière, verger, belvédère de jardin, terrasse en terre-plein, logement, garage, escalier indépendant, réservoir, citerne

La passion de Lawrence Johnston (1871-1958) pour les plantes exotiques est née alors qu'il était jeune homme, probablement lors d'un séjour en Afrique du Sud, au moment où il participait à la Seconde Guerre des Boers (1899-1902). Il est alors fasciné par la végétation tout à fait exceptionnelle de ce pays. Mais c'est cependant beaucoup plus tard, qu'afin d'assouvir pleinement cette passion, Lawrence Johnston décide de se lancer dans la création d'un jardin d'acclimatation. A cette époque, il est âgé de plus de 50 ans et a déjà à son actif la réalisation du célèbre jardin d'Hidcote Manor, situé dans le village de Hidcote Bartrim, près de Chipping Campden, dans le Gloucestershire en Angleterre. Pour la localisation de son nouveau jardin, son choix se porte sur Menton, dont il connaissait bien la douceur du climat (il y avait séjourné à de nombreuses reprises en compagnie de sa mère). Désormais, les plantes rapportées de ses différents voyages pourront être acclimatées et cultivées dans sa nouvelle propriété de Serre de la Madone. Pendant toute sa vie, Lawrence Johnston manifestera un vif intérêt pour les espèces végétales endémiques propres à l'Afrique du Sud : Serre de la Madone comportera entre autres, parmi ses éléments botaniques remarquables, une importante collection de protéacées, famille de plantes emblématiques de la flore sud-africaine.

I. HISTORIQUE

I.1 La toponymie

Le jardin tirerait son nom de la toponymie provençale. La formation géologique dominant la propriété était apparemment connue sous le nom de lou serre della Madona (littéralement : la crête de la Madone). Ce toponyme a été francisé sous la forme Serre de la Madone, qui a donné son nom au jardin. Par la suite, ceci n'a pas manqué de créer une certaine confusion sur la nature du mot serre et a parfois donné lieu à d'étonnantes interprétations en relation avec le jardin.

I.2 Le site avant le jardin

L'ensemble du site était initialement constitué de différentes propriétés agricole. Il est parcouru par des terrasses agricoles maçonnées, reliées par tout un réseau de petits escaliers et par un chemin muletier. Ces terrasses, complétées par d'importants aménagements hydrauliques et de nombreuses citernes, étaient occupées par de petits vergers consacrés à la culture des agrumes et par des oliveraies, ainsi que par plusieurs cabanons. Un bief longeait le bas du site et complétait les aménagements hydrauliques. Les plantations fruitières étaient agrémentées d'arbres de grande taille, majoritairement constitués de pins et de cyprès. Dans leur configuration actuelle, ces terrasses sont probablement des aménagements d'époque moderne : de petits réservoirs, visiblement contemporains des terrasses, comportent des décors de galets pouvant remonter au 18e siècle. Ces aménagements anciens ont été scrupuleusement préservés. Ils ont servi de base à la création du jardin, tout en inspirant ensuite la mise en place du décor.

I.3 L'arrivée du major Lawrence Johnston et la création de Serre de la Madone

Les parcelles comportant ces terrasses agricoles, dont une partie présentait déjà tout un couvert boisé, encore présent aujourd'hui (il forme l'actuel bois de jardin), ont été acquises par Lawrence Johnston, principalement entre 1924 et 1928 (les toutes dernières parcelles auraient été acquises en 1939). Le jardin d'acclimatation, les portails, la cour d'entrée, l'allée carrossable, la cour d'honneur, les serres, les escaliers monumentaux, les bassins, l'exèdre de jardin et le belvédère de jardin ont été réalisés par le major sur la partie inférieure de cet ensemble de terrasses agricoles au cours des années qui ont suivi les premières acquisitions. De septembre 1927 à avril 1928, Lawrence Johnston séjourne en Afrique du Sud et procède très certainement à la collecte de sujets botaniques pour Serre de la Madone. Ce long séjour en Afrique du Sud est suivi d'un voyage en Afrique de l'Est de janvier à mai 1929, d'un voyage en Asie de décembre 1930 à avril 1931 et fort probablement de nombreux autres déplacements en quête de plantes inhabituelles. Parallèlement à la collecte des plantes rares, l'aménagement du jardin progresse. Des photographies aériennes permettent de constater que la cour d'entrée, la conciergerie avec garage, la partie inférieure de l'allée carrossable, la serre froide et la salle de verdure dite Le Boulingrin sont réalisés dès 1929. Les aménagement se poursuivent tout au long des années 1930. Des vases d'Anduze sont spécialement commandés à la fabrique Boisset pour orner le grand bassin du parterre d'eau. Le jardin est alors impeccablement entretenu par une équipe de douze jardiniers. Conséquence de la Seconde Guerre mondiale, la propriété est délaissée pendant la majeure partie des années 1940 et a probablement été occupée par les troupes italiennes, comme le laisse penser une inscription gravée sur un banc de jardin (Référence du dossier : IM06002432). Après avoir légué Hidcote Manor au National Trust en 1948, Lawrence Johnston s'installe définitivement à Menton en 1949 et reprend l'aménagement de Serre de la Madone, qui nécessite d'importants travaux. Ces travaux seront réalisés lors de plusieurs chantiers, entre autres après qu'un glissement de terrain survenu en 1952 ait endommagé la maison principale et l'une de ses terrasses d'agrément, alors occupée par une grande volière (cette terrasse a été réaménagée et est aujourd'hui connue sous le nom de jardin hispano-mauresque). Quelques temps avant son décès, intervenu à Serre de la Madone en 1958, Lawrence Johnston morcelle une petite partie du jardin pour la léguer à l'un de ses jardiniers (cette partie du jardin est demeurée depuis une propriété indépendante). Les dernières années de Lawrence Johnston ont cependant été marquées par la maladie et Serre de la Madone a alors souffert d'un certain manque d'entretien, les effectifs ayant alors été réduits à seulement six jardiniers.

I.4 Le dépérissement du jardin

A la mort de Lawrence Johnston, Miss Nancy Lindsay hérite de la propriété. Elle est la fille de la paysagiste Norah Lindsay (décédée en 1948), une grande amie du major. Pour des raisons financières, elle se voit rapidement contrainte d'effectuer des choix douloureux. Dès 1959, Serre de la Madone est dépouillé d'une grande partie de son mobilier. Sculptures, vases décoratifs et pots à plantes sont vendus et dispersés. On sait que plusieurs pièces ornent désormais le jardin du Clos du Peyronnet (Référence du dossier : IA06002803). Nancy Lindsay a tout comme le major, une réelle passion pour les plantes venues des pays lointains. En effet, à cette époque, elle est déjà reconnue dans le milieu des collectionneurs de plantes, entre autres pour avoir initié la réintroduction en Occident d'un très vieux cultivar de rose de Damas qu'elle a rapporté d'Iran en 1945 : la Rose de Rescht (rosa x damasceana Rose de Rescht, connue aussi sous le nom de rosa x portlandica Rose de Rescht). Cette passion pour les plantes incite cependant Nancy Lindsay à prendre des mesures drastiques pour assurer la survie de certains des sujets botaniques rares et fragiles présents à Serre de la Madone : elle décide tout simplement de s'en départir. Ils sont prélevés dans le jardin et les plants les plus précieux sont apparemment expédiés à Cambridge (ils ont probablement rejoint les collections présentées dans les serres aux Cambridge Botanical Gardens). Nancy Lindsay est malgré tout contrainte de vendre Serre de la Madone dès 1960. La propriété est acquise par un Américain, M. Evelyn Bingham Baring. Il créé un jardin japonais et transforme le plus grand des trois bassins du parterre d'eau en bassin de natation (piscine). C'est probablement lui qui met en place des statues destinées à remplacer les sculptures disparues. Certaines de ces statues sont toujours en place aujourd'hui : Vénus à la coquille du jardin d'eau, David de l'oliveraie... Il revend Serre de la Madone en 1967 à un Suisse, le comte Jacques de Wurstemberger. La propriété se dégrade : l'unique jardinier peut difficilement assurer l'entretien d'un jardin initialement conçu pour une équipe de douze jardiniers. Des photographies de 1985 montrent un jardin désormais en friche. La propriété est finalement achetée par une société immobilière en 1986.

I.5 La renaissance de Serre de la Madone

La préservation du jardin semblant dangereusement compromise, Serre de la Madone est protégé au titre des Monuments historiques dès 1987. Le classement intervient quelques années plus tard en 1990. Le Conservatoire du Littoral peut se porter acquéreur du domaine en 1999. La pérennité de la propriété étant ainsi assurée, la gestion du jardin est transférée à la ville de Menton. Le jardin est alors peu à peu remis en état, entre autres lors d'une campagne réalisée entre 2000 et 2005. Depuis, un personnel attentionné reconstitue une partie des collections botaniques du major, entre autres celles des mahonias et des protéacées, et réalise un important travail de médiation auprès du public. Serre de la Madone est ainsi régulièrement l'objet de nombreux reportages diffusés à travers différents médias et est devenu plus que jamais l'un des jardins emblématiques de la Côte d'Azur.

II. DESCRIPTION

II.1 Topographie

Le jardin a été aménagé à environ 3 kilomètres à l'Ouest de la vieille ville de Menton sur les pentes Nord-Est des collines du Val de Gorbio. La propriété, qui couvre une superficie d'environ 7 hectares, occupe un terrain qui forme un rectangle irrégulier comportant de nombreux décrochements. Ce terrain à flanc de colline est délimité par les parcelles des propriétés voisines au Nord-Ouest, par la corniche des Serres de la Madone au Nord-Est, par les parcelles d'autres propriétés au Sud-Est (les parcelles les plus au Sud ont été détachées du jardin à la fin des années 1950) et par la route du Val de Gorbio au Sud-Ouest. Le terrain présente une pente très abrupte et affiche un dénivelé de plus de 100 mètres entre le sommet de la propriété et la route du Val de Gorbio, située à environ 50 mètres d'altitude. Il domine ainsi le Val de Gorbio, localisé en contrebas. L'ensemble de la propriété bénéficie donc d'une exposition Sud-Ouest, inhabituelle sur le territoire de Menton. Cette exposition a la particularité de mettre le jardin à l'abri des embruns marins (la Méditerranée est localisée à environ 1 800 mètres au Sud-Est), favorisant d'autant plus le microclimat local, si propice à l'acclimatation des plantes exotiques.

II.2 Composition générale

Le terrain est entièrement occupé par d'anciennes terrasses agricoles maçonnées, qui ont été utilisées pour composer et structurer le jardin. La morphologie de ces terrasses semble avoir été peu modifiée. Elles sont de superficies très variables : certaines sont très peu profondes alors que d'autres forment de véritables petits plateaux. Il semblerait que leurs murs de soutènement, érigés à l'aide de moellons de calcaire à peine travaillés, comportaient initialement un enduit à pierres vues. Cet enduit a été plus ou moins bien préservé. De nombreux murs ne présentent plus aucun joint et donnent l'impression d'avoir été construits en pierres sèches, alors que d'autres sont colonisés par une végétation spontanée, souvent constituée de mousses.

Les terrasses sont reliées par tout un réseau de petits escaliers anciens aux formes libres, qui ont été repris lors de la création du jardin d'agrément (certains escaliers ont alors été dotés de rampes d'appui basses, érigées en moellons, ainsi que de banquettes) et complétés entre autres par deux grands escaliers monumentaux en pierres grossièrement taillées (voir ci-dessous II.4.8 Oliveraie et II.4.11 Terrasses supérieures). L'essentiel du terrain est clôturé par un grillage. Ce grillage est doublé d'un haie de cyprès taillés, plantés le long de l'ancien bief (désormais couvert) du côté de la route du Val de Gorbio, où se trouve le portail d'entrée de la propriété.

En suivant le parcourt ascendant propre à la propriété, résultant de la topographie du site et de la voirie, le jardin d'agrément peut être divisé en trois zones principales.

L'entrée (voir ci-dessous II.3 Entrée), qui comprend les accès et services et leurs abords, localisés au Sud-Ouest et au Nord-Ouest du jardin d'acclimatation, le jardin d'acclimatation proprement dit (voir ci-dessous II.4 Jardin d'acclimatation), qui est constitué d'une douzaine d'aménagements différents majoritairement consacrés aux plantes exotiques, et enfin le bois de jardin (voir ci-dessous II.5 Bois de jardin), formé d'un important couvert arboré qui constitue un petit bois occupant toute la partie supérieure de la propriété.

II.3 Entrée

II.3.1 Accès

Accès (vue de volume de l'élévation principale de la conciergerie prise depuis l'allée piétonne).Accès (vue de volume de l'élévation principale de la conciergerie prise depuis l'allée piétonne).

Le portail d'entrée de la propriété a été disposé de façon à former un angle droit avec la route du Val de Gorbio. Comme il a été érigé en retrait de celle-ci, il est peu visible depuis la voie publique. Quatre petits piliers en maçonnerie à enduit jaune, en forme d'obélisque tronqué, ponctuent le portail et la petite aire courbe qui le précède. Un peu plus bas sur la route, deux autres portails, qui sont contigus, desservent l'accès à l'aire de stationnement des visiteurs et l'accès piéton au jardin. Ces deux accès mènent à la conciergerie (actuel pavillon d'accueil), desservie par un sentier en terre battue souligné de chaînages en pierres. Chaque accès est constitué d'une allée bordée de murs bas. L'allée de l'accès piéton est encaissée. Du côté de la route, les murs sont en moellons grossièrement taillés, qui forment un appareillage polygonal irrégulier, souligné d'un enduit à pierres vues. Les moellons de ces murs sont cependant régulièrement taillés à l'intérieur de la propriété et présentent des joints plus fins.

L'allée de l'accès au stationnement est enduite de bitume. L'allée de l'accès piéton est recouverte de pierres rondes, qui sont à peine visibles entre les joints en ciment qui les maintiennent. L'un des murs de cette allée est entièrement enduit. La partie supérieure de l'allée est bordée d'un petit cabanon en maçonnerie, comportant une unique porte. Ce cabanon est couvert d'un toit à deux pans en bois. Une partie de l'enduit en ciment qui recouvre ses murs présente un décor de faux bois, typique du travail des artisans rocailleurs de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle. Du côté de la voie publique, les vantaux de tous les portails sont constitués de simples grilles en fer peintes en vert foncé. La grille de l'accès piéton présente un décor de volutes.

Le portail d'entrée de la propriété permet d'accéder à une monumentale allée carrossable, qui n'est plus guère empruntée aujourd'hui et qui a désormais été baptisée Chemin des jardiniers. Cette allée en terre battue et gravier serpente à travers toute la partie Nord-Ouest du jardin et relie deux grandes cours circulaires recouvertes de gravier.

II.3.2 Cour d'entrée

Cour d'entrée (vue d'ensemble depuis la façade arrière de la conciergerie).Cour d'entrée (vue d'ensemble depuis la façade arrière de la conciergerie).

La cour aménagée au niveau du portail principal fait office de cour d'entrée. Elle est bordée par l'élévation arrière de la conciergerie avec garage (actuel pavillon d'accueil), face à laquelle est localisée l'amorce de l'allée carrossable dite Chemin des jardiniers (l'aire de stationnement des visiteurs a été aménagé de l'autre côté de la conciergerie). La cour d'entrée est simplement ceinturée d'une abondante végétation dominée par de très nombreux cyprès de Florence (cupressus sempervirens) et divers bambous. Elle adopte ainsi la forme d'une salle de verdure circulaire. Cette cour comporte un petit réservoir rectangulaire dont la forme évoque une auge. Ce réservoir est apparemment ancien et contemporain des terrasses agricoles. Sa haute margelle en pierres enduites est décorée de volutes constituées de galets incrustés dans l'enduit.

II.3.3 Allée carrossable dite Chemin des jardiniers

Allée carrossable dite Chemin des jardiniers (vue d'ensemble de l'exèdre de jardin erigée au niveau d'une courbe).Allée carrossable dite Chemin des jardiniers (vue d'ensemble de l'exèdre de jardin erigée au niveau d'une courbe).

Le long de son tracé sinueux, dont la complexité est essentielle pour épouser le relief particulièrement pentu, l'allée carrossable contourne le jardin d'acclimatation et parcours une zone boisée dont le couvert est aujourd'hui très dense et offre ainsi un décor de sous-bois. L'une des courbes, située en contrebas de la grande citerne carrée, est souligné par une monumentale exèdre de jardin, probablement destinée à consolider le relief à cet endroit. Cette exèdre de jardin est érigée en moellons, qui étaient initialement entièrement enduits. Elle est constituée d'un mur courbe flanqué de part et d'autre d'un amortissement à volutes couronné d'un vase décoratif dans le style du 18e siècle. L'ensemble est souligné par une banquette en maçonnerie.

II.3.4 Verger

Verger (vue d'ensemble de la plantation d'agrumes).Verger (vue d'ensemble de la plantation d'agrumes).

Pour parvenir à la seconde cour depuis l'exèdre de jardin, l'une des courbes de allée carrossable enserre un verger planté d'agrumes. Ce verger a été aménagé sur deux larges terrasses de culture couvertes d'herbe. Il est traversé en son centre par une étroite allée rectiligne, orientée Est-Ouest. Cette allée est ponctuée de petits escaliers. Le verger comporte une orangerie au Sud-Est. Cette orangerie domine la grande citerne carrée du jardin. L'orangerie est un petit édifice en maçonnerie entièrement recouvert d'un enduit de couleur jaune. Elle a été construite en rez-de-chaussée (c'est-à-dire sur un seul niveau) et est couverte d'un toit à un pan en tuiles creuses. Sa façade principale n'est cependant pas du côté du verger. En effet, pour des raisons évidentes d'exposition aux rayons du soleil, elle ouvre de plain pied au Sud-Est, par deux grandes baies carrées régulièrement distribuées, qui donnent sur le Jardin français dit Jardin aux platanes (voir ci-dessous : II.4.10. Jardin français dit Jardin aux platanes).

II.3.5 Cour d'honneur

Cour d'honneur (vue d'ensemble du portail monumental prise depuis l'intérieur de la cour d'honneur).Cour d'honneur (vue d'ensemble du portail monumental prise depuis l'intérieur de la cour d'honneur).

La seconde cour est localisée un peu plus haut, au niveau de la serre chaude (Référence du dossier : IA06004155). Cette cour circulaire constitue la cour d'honneur de la propriété. Depuis l'allée carrossable, on y accède par un portail monumental encadré de deux obélisques épaulés d'amortissements à volutes. Ce portail, érigé en maçonnerie, est recouvert d'un enduit jaune et ne possède aucun système de fermeture. Il est abrité sous les frondaisons d'un olivier séculaire et d'un grand eucalyptus.

Le côté Sud de la cour honneur est bordé d'une banquette de verdure.

Le côté Nord est délimité par un mur bas en moellons. Ces moellons sont désormais en grande partie apparents. Une section du mur est surélevée et fait office de mur de soutènement. Cette section comporte un renfoncement en hémicycle qui abrite une fontaine adossée.

A l'opposé du premier portail, un second portail dessert la cour d'honneur du côté de la serre chaude. Il est simplement formé de six obélisques surmontant un petit mur bahut. Ses matériaux sont tout à fait similaires à ceux du premier portail. De part et d'autre de l'ouverture centrale, aujourd'hui dépourvue de tout système de fermeture (elle était initialement fermée par une structure à deux battants en bois ajouré et chantourné), de grosses poutres, simplement constituées de grumes, sont disposées sur deux niveaux entre les obélisques.

Certains des obélisques de la cour d'honneur sont aujourd'hui équipés de lanternes d'applique en fer forgé peint en noir.

La cour d'honneur est surplombée d'une aire de stationnement privée, aménagée en contrebas de la maison principale. L'aire de stationnement privée est reliée à l'allée carrossable par un petit tronçon courbe, localisé non loin du portail monumental de la cour d'honneur. Deux grands pots de Biot encadrent l'accès au tronçon. Ces aménagements ont ultérieurement été complétés par un jardin japonais.

II.3.6 Jardin japonais

Le jardin japonais est un petit jardin irrégulier. C'est l'un des rares aménagements de Serre de la Madone entièrement attribuable à M. Evelyn Bingham Baring. Il a été réalisé à proximité de l'aire de stationnement privée. Il est principalement constitué d'un bassin aux contours sinueux. Ce bassin est bordé d'une pelouse relativement étroite et entouré d'une abondante végétation arbustive. Une grande lanterne japonaise en maçonnerie est posée directement dans le bassin, qui était initialement traversé par quelques pas japonais. Ces pas japonais avaient été réalisés en réutilisant tout simplement les socles des grands vases d'Anduze du Jardin d'eau (voir ci-dessous : II.4.9 Jardin d'eau). Ces oeuvres en ciment, conçues par des artisans rocailleurs, ont depuis retrouvées leur emplacement et leur fonction d'origine. Par ailleurs, il ne reste apparemment aucune trace d'une petite maquette de temple oriental, visiblement réalisée en ciment peint polychrome et doré, qui aurait aussi orné ce jardin à une certaine époque. A part la grande lanterne, la plupart des éléments de ce décor orientalisant, mis en scène pour renforcer l'ambiance exotique de ce petit jardin, ne sont donc plus en place.

II.4 Jardin d'acclimatation

La partie principale du jardin d'agrément est formée par le jardin d'acclimatation. Il couvre à lui seul une superficie d'environ 3 hectares et occupe la partie inférieure de la propriété, entre la route du Val de Gorbio et la maison. Il présente un dénivelé de plus de 30 mètres. Il a été réalisé sur des terrasses agricoles précédemment occupées par des vergers, dont il reste peu de vestiges végétaux à part l'actuelle oliveraie (voir ci-dessous II.4.8 Oliveraie), ainsi que quelques arbres (principalement des cyprès de Florence et des pins pignons), qui ont aujourd'hui atteint une grande taille. Il se déploie en amphithéâtre depuis la route. Les terrasses agricoles anciennes, exposées au Sud-Ouest, constituent l'essentiel de l'assiette de ce jardin, composé comme un jardin mixte, mélangeant structures régulières et plantations libres.

La partie basse du jardin d'acclimatation, qui comporte un important couvert de jardin, a ainsi été traitée en jardin irrégulier tandis que la partie haute, largement découverte, déploie sur ses terrasses une succession d'aménagements réguliers (parterres, salle de verdure...). L'ensemble est destiné à présenter les collections botaniques de façon informelle et esthétique.

Les parterres de la partie haute, parfois délimités par des banquettes de buis taillé, sont étagées sur les terrasses de culture. Ils sont longés au Nord-Ouest par le vieux chemin muletier, dont le tracé libre relie la grande citerne carré à la maison principale (Référence du dossier : IA06002845), en passant à mi-parcourt par la serre chaude (Référence du dossier : IA06004155), où le chemin muletier est agrémenté d'un portail d'apparat. Ce chemin muletier se compose d'une succession de paliers étroits et inclinés, qui sont longs de plusieurs mètres. La partie antérieure de chacun de ces paliers est constituée de grandes pierres de taille calcaire. Ces pierres maintiennent un revêtement de moellons très grossièrement taillés qui forment de véritables pavés, masqués en de nombreux endroits par une couche de ciment.

Par ailleurs, un grand axe Sud-Ouest/Nord-Est, au tracé très légèrement oblique, traverse toute la partie haute du jardin d'acclimatation. Il relie le carrefour de jardin (voir ci-dessous II.4.6 Carrefour de jardin) à la maison principale (Référence du dossier : IA06002845) en passant par la partie centrale du Jardin d'eau (voir ci-dessous II.4.9 Jardin d'eau) et des Terrasses supérieures (voir ci-dessous II.4.11 Terrasses supérieures), où il est matérialisé par un escalier monumental à plusieurs volées.

Carrefour de jardin (vue du départ du grand axe avec la paire de jardinières à plantes : Sphinx et Sphige).Carrefour de jardin (vue du départ du grand axe avec la paire de jardinières à plantes : Sphinx et Sphige).

Jardin d'eau (vue des bassins de part et d'autre du grand axe et de l'ensemble des terrasses supérieures).Jardin d'eau (vue des bassins de part et d'autre du grand axe et de l'ensemble des terrasses supérieures).

II.4.1 Jardin de la serre froide

Jardin de la serre froide (vue d'ensemble du bassin et de la serre froide).Jardin de la serre froide (vue d'ensemble du bassin et de la serre froide).

Toute la partie basse du jardin d'acclimatation est aménagée à la façon d'un jardin irrégulier, au couvert boisé relativement dense. Depuis la cour d'entrée (voir ci-dessus II.3.2 Cour d'entrée), face à la conciergerie, quelques marches à proximité du petit réservoir permettent d'accéder à une allée recouverte de gravier. Cette allée est marquée par un rond-point occupé par un bassin circulaire délimité par une margelle basse en pierre. Une construction était initialement présente à proximité immédiate du bassin. Cet édifice apparemment modeste (un ancien cabanon ?), localisé entre la cour d'entrée et le bassin, a été démoli depuis. Le bassin est abrité sous une petite pergola de plan rectangulaire, formée de quatre piliers de section carrée. Ces piliers, érigés en moellons grossièrement taillés, sont recouverts d'un enduit jaune. Ces aménagements sont accompagnés de différentes plantes exotiques. On y trouvait dès l'origine des agrumes. Aujourd'hui divers cultivars de gingembre d'ornement (hedychium), mais aussi des plantes beaucoup plus communes, comme des monnaies du pape (lunaria annua), agrémentent l'allée. Aux abords du bassin, un escalier en pierre a été aménagé perpendiculairement à l'allée. Cet escalier droit comporte une seule volée dont la partie inférieure est largement évasée. Il permet d'accéder à la serre froide (Référence du dossier : IA06004156).

II.4.2 Jardin des collections

Jardin des collections (vue d'ensemble d'un escalier et d'un banc).Jardin des collections (vue d'ensemble d'un escalier et d'un banc).

Au-delà de la serre froide, le reste de la partie basse du jardin d'acclimatation est parcourue par tout un réseau d'escaliers en pierre, parfois accompagnés de banquettes en moellons, et de sentiers irréguliers en terre battue ou recouverts de ciment. La plupart de ces aménagements sont visiblement anciens et remontent au passé agricole de la propriété. Le couvert boisé de cette partie présente des allures de sous-bois, en harmonie avec les abords de l'allée carrossable qui la délimite au Nord-Ouest. Il abrite des plantes d'ombre et accueille, entre autres, une collection de mahonias, inspirée de celle initiée par Lawrence Johnston.

II.4.3 Grande pergola

La longue terrasse surplombant toute la partie basse du jardin d'acclimatation est très bien exposée. Elle forme un étonnant contraste avec le jardin ombragé qu'elle domine. Bien que peu profonde, cette terrasse occupe toute la largeur de cette partie du jardin d'acclimatation. Elle est entièrement occupée par une simple allée en ciment, bordée d'un mur-bahut en moellons enduits constituant un garde-corps bas. L'allée est protégée par une grande pergola parcourant la totalité de la terrasse. Cette grande pergola présente la même structure que la petite pergola du jardin de la serre froide. Elle est constituée d'une trentaine de piliers de section carrée, érigés en moellons grossièrement taillés recouverts d'un enduit jaune. Ces piliers sont disposés par paire, à intervalle plus ou moins régulier, et forment ainsi quinzaine de travées qui se déploient sur plus de 50 mètres. Ils sont surmontés de traverses constituées de poutres en bois. Ces poutres sont simplement formées de grosses branches écorcées, destinées a soutenir des plantes volubiles, parmi lesquelles de nombreuses glycines (wisteria sinensis).

II.4.4 Jardin aride

Les deux terrasses aménagées directement au-dessus de la grande pergola sont relativement profondes et présentent des découverts légèrement inclinés. Elles sont traversées par un réseau de petits escaliers et de sentiers en terre battue, bordés de chaînages en pierre. Elles sont principalement occupées par de grands parterres consacrés aux plantes privilégiant les terrains secs. On y retrouve des arbustes, des herbacées et de nombreuses bulbeuses exotiques. Ces parterres, dont les massifs sont plantés à la façon des mixed borders, constituent ainsi un jardin aride.

A proximité de ces parterres, à l'extrémité Nord-Ouest des deux terrasses, une grande citerne carrée en moellons, visiblement ancienne, n'est que partiellement enterrée et forme une imposante masse cubique se détachant de l'important mur de soutènement de la terrasse du Jardin français dit Jardin aux platanes (voir ci-dessous II.4.10 Jardin français dit Jardin aux platanes). Ce mur est renforcé par six contreforts. Il est d'une hauteur similaire à la partie apparente de la citerne (hauteur approximative : 5 mètres). Ces structures maçonnées surplombent de façon spectaculaire les massifs du jardin aride. Par ailleurs, au-delà des parterres, la citerne domine un tronçon de l'allée carrossable (ce tronçon courbe est localisé juste au-dessus de l'exèdre de jardin).

A l'extrémité opposée du jardin aride, un alignement d'aménagements hydrauliques anciens est intégré à un petit mur de soutènement secondaire et comprend une minuscule barme (citerne souterraine), tout à fait étonnante par ses dimensions modestes, un petit réservoir, semblable à celui de la cour d'entrée et un puits. Ces éléments juxtaposés ont la particularité de présenter exactement le même type de décor de galets que le réservoir de la cour d'entrée. Ces nombreuses similitudes (matériaux, formes, décors...) permettent de penser que toutes ces structures sont contemporaines et ont peut-être été réalisées par les mêmes artisans.

II.4.5 Salle de verdure dite Le Boulingrin

Au même niveau que ces aménagements hydrauliques, la partie Sud-Est du jardin est occupée par un jardin régulier constitué d'une longue salle de verdure appelée Le Boulingrin. Cette salle de verdure très allongée adopte la forme d'un stade romain de petites dimensions et comporte deux extrémités courbes. La salle de verdure est occupée par un parterre central et bordée d'un foisonnement de petits arbres exotiques. L'intérieur de la salle de verdure et le parterre sont soulignés de banquettes de verdure en buis taillé, qui enserrent une allée en terre battue. Les deux extrémités de la salle de verdure sont ponctuées d'un pot en terre cuite inspiré des modèles toscans. Cette salle de verdure aurait été aménagée en roseraie à l'époque de Lawrence Johnston.

II.4.6 Carrefour de jardin

Un petit escalier courbe, se profilant discrètement derrière les aménagements hydrauliques du jardin aride, relie ce dernier et une petite aire circulaire située au-dessus. Cette aire circulaire, ceinturée de banquettes de verdure en buis taillé, constitue un carrefour de jardin.

Ce carrefour de jardin fait véritablement office de noeud de circulation. Il permet principalement la communication entre la partie basse et la partie haute du jardin d'acclimatation, par le biais d'un petit escalier droit de quelques marches. Depuis le carrefour, ce petit escalier constitue l'amorce du grand axe du jardin. Pour bien marquer son importance structurelle et symbolique, le départ de cet escalier est encadré par une paire de jardinières en terre cuite figurant un Sphinx et une Sphinge.

L'escalier débouche sur une aire rectangulaire, en partie matérialisée par une calade (pavement de galets), visiblement ancienne et probablement contemporaine des terrasses. Cette aire rectangulaire, qui complète le carrefour de jardin, se déploie en suivant le grand axe et en longeant la partie en retour de l'imposant mur de soutènement de la terrasse du Jardin français dit Jardin aux platanes. Cette partie du mur, dépourvue de contreforts contrairement à la section principale, est ornée d'une fontaine adossée dite Fontaine du Masque, probablement réalisée à l'époque de Lawrence Johnston à partir d'éléments disparates, visiblement anciens (18e siècle).

Au delà de la fontaine, un grand escalier doit en maçonnerie, érigée dans le prolongement du petit escalier et toujours en suivant le tracé du grand axe, débouche sur le Jardin d'eau.

Par ailleurs, le carrefour de jardin est traversé transversalement par une allée étroite et rectiligne qui fait toute la largeur du jardin d'acclimatation à cet endroit. Dans le jardin aride, cette allée longe le pied du monumental mur de soutènement du Jardin français dit Jardin aux platanes. Au-delà du carrefour de jardin, elle se poursuit au Sud-Est et longe l'ensemble de la terrasse qui surplombe la salle de verdure dite Le Boulingrin.

II.4.7 Bosquet dit Allée d'Auguste César

Cette terrasse légèrement inclinée, qui surplombe la salle de verdure dite Le Boulingrin et qui est située au même niveau que le carrefour de jardin, a été aménagée à la façon d'un bosquet. Son couvert arboré est traversé par l'allée précédemment évoquée et par une seconde allée, positionnée légèrement en surplomb. Ces deux allées parallèles sont reliées par petite allée transversale. La seconde allée, bordée d'une végétation luxuriante, est appelée Allée d'Auguste César en raison d'un buste de l'empereur romain Auguste qui orne son extrémité Sud-Est. Elle est reliée à la longue allée de la terrasse au-dessus par un petit escalier oblique.

II.4.8 Oliveraie

Cette longue allée qui surplombe le bosquet dit Allée d'Auguste César, s'ouvre dans l'axe de la Fontaine du Masque. Elle longe la partie inférieure de l'oliveraie et à mi-parcours communique avec le grand escalier qui traverse en totalité la partie centrale de la plantation d'oliviers.

Cet escalier étroit, apparemment ancien mais probablement remanié ou refait par Lawrence Johnston, est perpendiculaire à l'allée. Il est parallèle à la pente, mais est toutefois légèrement décalé par rapport au grand axe, situé à proximité. Il comporte de nombreux paliers qui desservent les terrasses de culture.

Les terrasses du bas, relativement profondes, présentent encore quelques oliviers séculaires, rares vestiges des culture initialement présentes sur ces terrasses agricoles, ainsi qu'un petit tapis vert rectangulaire, dont l'une des extrémités est occupée par une statue en pierre, inspirée par le David de Michel-Ange (cette sculpture de petites dimensions a probablement été mise en place par l'un des successeurs de Lawrence Johnston).

Un peu plus haut, les terrasses sont plus étroites et principalement occupées par deux petites serres. L'ensemble de ces terrasses et le pied des oliviers sont plantés de différentes bulbeuses sud-africaines aux floraisons spectaculaires, principalement des amaryllis (amaryllis belladona) et des chasmanthes (chasmanthe bicolor). Leur couvert offre un aspect relativement sauvage, de façon à assurer la transition avec le haut de la propriété, occupé par le bois de jardin (voir ci-dessous II.5 Bois de jardin).

II.4.9 Jardin d'eau

En suivant le grand axe à partir du carrefour de jardin, après être passé devant la Fontaine du Masque, un grand escalier droit permet d'accéder au jardin d'eau. Le jardin d'eau est un jardin régulier qui a été aménagé sur l'une des plus grandes terrasses de la propriété. Cette terrasse, dont l'extrémité Nord-Ouest est occupée par la serre chaude (Référence du dossier : IA06004155), est la plus étendue de celles traversées par le grand axe. Elle présente par ailleurs le plus grand découvert de jardin plat de toute la propriété.

Le jardin d'eau est essentiellement composé d'un parterre d'eau, principalement constitué de trois bassins aux formes géométriques : un grand bassin rectangulaire, un bassin carré, et enfin un petit bassin en hémicycle. Ces bassins peu profonds, alignés longitudinalement suivant un axe Nord-Ouest/Sud-Est, constituent une importante réserve d'eau. Ils sont soulignés de margelles basses en maçonnerie et sont bordés d'allées recouvertes de gravier.

Le grand bassin rectangulaire, à proximité de la serre chaude, fait environ deux fois la surface du bassin carré. Ces bassins de largeur identique sont séparés par l'allée marquant le grand axe du jardin (le dessin des bassins suivant le tracé légèrement oblique du grand axe, la forme des bassins n'est donc pas parfaitement régulière).

A l'origine, le grand bassin était apparemment dépourvu de plantations et faisait office de miroir d'eau. Une étroite plate-forme, à peine immergée, occupait les petits côtés du bassin (ces structures étaient probablement destinées à faciliter l'accès au bassin lors des travaux d'entretien et pouvaient servir à immerger partiellement des plantes en pots pour en assurer l'arrosage). Le grand bassin a été transformé en piscine au cours des années 1960. On a alors augmenté la profondeur de la pièce d'eau et procédé à l'aménagement d'escaliers d'accès à l'intérieur même du bassin. Depuis, il a retrouvé sa fonction d'origine et les plates-formes ont apparemment été rétablies (au moins l'un des escaliers immergés a été préservé). Le bassin rectangulaire était bordé de huit grands vases d'Anduze ornés du monogramme de Lawrence Johnston (Référence du dossier : IM06002441), régulièrement disposés sur des socles en ciment alignés le long des margelles des grands côtés. Ces alignements de vases étaient complétés par deux petits vases d'Anduze anciens posés a proximité du grand axe. La majeure partie de ces vases ayant disparu, les grands vases ont été remplacés par des vases d'Anduze récents et les petits vases par des pots à plantes de modèle toscan.

Le bassin carré était encadré par deux petits vases d'Anduze anciens, placés du côté du grand axe. Ils faisaient office de pendants aux deux vases précédents (disparus comme ces derniers, ces vases ont aussi été remplacés par des pots à plantes de modèle toscan). Une étroite plate-forme, à peine immergée, semblable à celles du grand bassin, occupe tout ce côté du bassin carré. Ce bassin a toujours été consacré à la culture des plantes aquatiques : deux zones de plantation immergées, en forme de quart-de-cercle, occupent les angles de la pièce d'eau à l'opposé de la plate-forme. Elles sont aujourd'hui majoritairement plantées de papyrus (cyperus papyrus). Cinq jets d'eau régulièrement disposés dans le bassin étaient destinés à oxygéner l'eau, tout en apportant un agrément supplémentaire à la composition, dominée par une statue de femme en pied posée sur un socle cubique. La statue, positionnée au centre de la pièce d'eau, a probablement été vendue en 1959 (elle a apparemment été remplacée dès les années 1960 par la Vénus à la coquille toujours visible aujourd'hui).

Le bassin carré est surmonté du petit bassin en hémicycle occupant en partie un large emmarchement très légèrement en surplomb. Cet emmarchement, souligné de pierres de taille, est accessible en contournant deux petits réservoirs en demi-lune qui encadrent le bassin carré au niveau des zones plantées. Ces réservoirs présentent une haute margelle en pierre moulurée. La partie postérieure de la margelle est complétée par un petit piédestal parallélépipédique. Chaque piédestal est équipé d'un robinet et était surmonté d'une statue d'enfant assis. Ces statues, très certainement vendues en 1959, ont elles aussi été remplacées par des oeuvres similaires. Ces oeuvres, de plus petit format que celles présentes à l'origine, figurent un enfant allongé, celui de droite maintenant des épis de blé et quelques fruits (allégorie de L'Eté), celui de gauche des grappes de raisins (allégorie de L'Automne).

L'emmarchement, relativement profond, communique avec l'oliveraie. Il était initialement orné d'un important décor architecturé constitué de hauts treillages en bois reprenant le tracé du bassin en hémicycle et présentant une élévation comportant des arcades et un portail central à fronton triangulaire (ce décor, visible sur des photographies anciennes, n'a pas été reconstitué). Ce décor de treillage était repris au-delà de l'emmarchement, sur le mur pignon d'une annexe des serres de l'oliveraie, située dans l'axe du portail de treillage, et à l'autre extrémité du jardin d'eau, sur la façade principale de la serre chaude.

L'ensemble du Jardin d'eau est bordé de petites haies taillées formant des banquettes de verdure. A proximité de la serre chaude, quelques marches permettent d'accéder au Jardin français dit Jardin des platanes, situé légèrement en contrebas.

II.4.10 Jardin français dit Jardin aux platanes

Jardin français dit Jardin aux platanes (vue d'ensemble depuis le jardin d'eau). A l'arrière-plan, les collines de Gorbio.Jardin français dit Jardin aux platanes (vue d'ensemble depuis le jardin d'eau). A l'arrière-plan, les collines de Gorbio.

Tout comme le Jardin d'eau et la salle de verdure dite Le Boulingrin, le Jardin français dit Jardin des platanes est un jardin régulier. Il est caractérisé par un important découvert de jardin bien exposé. Contrairement au Jardin d'eau, avec lequel il communique, il est situé en dehors de l'axe principal du jardin. Il sert de belvédère de jardin et offre un point de vue remarquable sur le Val de Gorbio.

Il a été aménagé sur la terrasse soutenue par le mur monumental visible depuis le jardin aride. Le prolongement vertical de ce mur forme le garde-corps de la terrasse, qui est entièrement souligné par une haie taillée.

Le dessin d'ensemble du Jardin reprend un schéma traditionnel, hérité de celui des potagers et des jardins des simples du Moyen Age. Il est principalement composé de quatre parterres rectangulaires de surface identique, disposés avec symétrie autour d'un bassin circulaire qui occupe le centre de la composition et sert de réservoir. Parterres et bassin sont bordés d'allées régulières en terre battue. Ces allées relativement larges forment un rond-point autour du bassin. Ce rond-point empiète légèrement sur le dessin des parterres, qui présentent ainsi un angle échancré concave en forme de quart-de-rond. Le bassin comporte une haute margelle en pierre, qui peut faire office de banquette ou de présentoir pour des plantes en pots. Les parterres sont soulignés de petites banquettes de verdure en buis taillé. Ces parterres sont traités en prairies et plantés de différents végétaux, principalement constitués de bulbes dont les floraisons se succèdent au fil des saisons. Ils présentent au printemps des tulipes dites botaniques, parmi lesquelles plusieurs cultivars de tulipes de Perse ou tulipes de l'Écluse (tulipa x clusiana). Le centre de chaque parterre est planté d'un platane d'orient (platanus orientalis). Ces arbres ont par la suite donné leur nom au jardin.

Cette composition régulière est prolongée par un grand parterre carré, séparé de la serre chaude (Référence du dossier : IA06004155) par une étroite allée en terre battue. Cette allée forme un angle droit avec le chemin muletier qui longe l'arrière du parterre carré et de la serre chaude. Ce parterre est traité comme les précédents, mais présente le buste en pierre d'un jeune homme, disposé sur un piédestal. Il est planté de quelques arbres aux hauts troncs dégagés, qui ménagent ainsi une perspective sur les deux grandes baies vitrées de la petite orangerie, située dans le verger de l'autre côté du chemin muletier.

II.4.11 Terrasses supérieures

Terrasses supérieures (vue générale depuis le jardin d'eau).Terrasses supérieures (vue générale depuis le jardin d'eau).

Au-dessus du jardin d'eau, une succession de terrasses plus ou moins profondes, planes ou légèrement inclinées, occupent toute la partie supérieure du jardin d'acclimatation. Elles sont étagées au pied de la villa dont elles forment le socle. Cet ensemble constitue le découvert de jardin le plus grand de toute la propriété et un terrain privilégié pour la culture des plantes introduites. Ces terrasses sont bordées d'un côté par le tronçon supérieur du chemin muletier, prolongé jusqu'à la maison par un escalier au tracé libre, et de l'autre par un petit escalier secondaire qui longe le haut de l'oliveraie et la partie inférieure du bois de jardin. Elles sont traversées par le grand axe du jardin, matérialisé par un escalier central créé par Lawrence Johnston. Cet escalier, érigé avec des pierres grossièrement taillées, est constitué d'une succession de volées aux formes variées, qui se déploient en une composition monumentale.

La volée inférieure, en fer-à-cheval, enserre une fontaine adossée, composée d'une niche en cul-de-four occupée par une vasque à godrons surmontée d'un masque figurant un homme barbu. Cette volée est entièrement recouverte de figuiers rampants (ficus repens), originaires d'Asie du Sud-Est, et encadrée par deux massifs d'oiseaux du paradis (strelitzia reginae), plante originaire d'Afrique du Sud. La volée est insérée dans deux petites terrasses très peu profondes, entièrement occupées par des haies taillées qui viennent buter contre la façade principale de la serre chaude. Ces deux petites terrasses servent de base à la terrasse la plus profonde de l'ensemble, initialement plantée de grands pins parasols (pinus pinea). Il ne subsiste plus qu'un seul sujet. Cet arbre séculaire domine désormais le grand bassin du jardin d'eau.

Faisant suite à la volée en fer-à-cheval, une succession de trois volées droites est dominée par deux volées opposées, perpendiculaires au grand axe, entre lesquelles une seconde fontaine adossée prend place. Cette seconde fontaine adossée, semblable à la précédente, est elle aussi environnée de figuiers rampants (ficus repens). Enfin, chacune de ces volées est prolongée par une petite volée droite. Ces petites volées constituent le sommet de l'escalier central. Elles couronnent la composition monumentale tout en permettant d'accéder à l'escalier extérieur de la maison.

Sur le parcours de l'escalier, l'allée marquant le grand axe est revêtue de pavés grossièrement taillés. Les allées occupant les terrasses sont généralement en terre battue et bordées de moellons.

Terrasses supérieures (vue des terrasses plantées de proteacées).Terrasses supérieures (vue des terrasses plantées de proteacées).

Ces terrasses, plantées à la façon de mixed borders, sont majoritairement consacrées à une collection de plantes d'Afrique du Sud, dominée par des protéacées (en particulier plusieurs plants de leucospermum cordifolium et de leucospermum patersonii, dont le cultivar Tiara) et des bulbeuses, parmi lesquelles de grands massifs de chasmanthes hybrides (chasmanthe x floribunda), qui font écho aux chasmanthes présentes dans l'oliveraie. Ces plantes sont aujourd'hui complétées par divers cultivars de banksia, une protéacée originaire d'Australie.

II.4.12 Belvédère de jardin

Belvédère de jardin (vue de volume).Belvédère de jardin (vue de volume).

Le belvédère de jardin, qui offre une vue plongeante sur le haut du jardin d'acclimatation et sur les collines surplombant le Val de Gorbio, occupe l'angle Sud-Est de l'ensemble des terrasses supérieures. L'accès se fait par un escalier droit d'une seule volée, érigé dans le prolongement d'une allée longeant la façade principale de la maison. Cet escalier mène à un palier qui dessert l'entrée du belvédère de jardin. Ce dernier est constitué d'une terrasse circulaire au haut mur de soutènement en moellons calcaire. Ce mur est couvert d'un enduit à pierres vues. De par sa forme, il évoque celui d'une citerne cylindrique. Il se prolonge au-dessus du sol de la terrasse et forme un garde-corps bas. Ce garde-corps ceinture l'ensemble de la terrasse (il est uniquement interrompu au niveau de l'entrée). Il est couronné de petites dalles en pierre de taille et peut ainsi servir de banquette. L'ensemble est surmonté d'une tonnelle à armature métallique. Cette tonnelle est couverte de glycine (wisteria sinensis). Le sol de la terrasse présente une installation permanente, qui a été réalisée à l'aide de grosse lettres métalliques par le sculpteur Henri Olivier en 2005. Ces lettres ont été incrustées directement dans la terre battue du sol. Elles forment une inscription qui se déploie sur une seule ligne en épousant le tracé courbe du mur. Le texte est clairement lisible depuis l'entrée du belvédère de jardin (transcription : L'ATTENTE DANS CHAQUE BATTEMENT DU CŒUR A MON RENDEZ-VOUS SEMPITERNEL).

II.5 Bois de jardin

Bois de jardin (vue plongeante sur la citerne cylindrique).Bois de jardin (vue plongeante sur la citerne cylindrique).

Le bois de jardin s'est développé sur la partie haute de la propriété, localisée au-dessus de la villa. Il couvre une superficie d'un peu plus de 3 hectares. Il occupe la zone la plus abrupte du jardin d'agrément. Il comporte en effet un très important dénivelé (près de 70 mètres). Il est constitué d'un important couvert arboré, majoritairement composé d'essences méditerranéennes, parmi lesquelles différentes variétés de pins et de cyprès. Sa végétation a peu changé depuis le début du 20e siècle. Le couvert boisé, déjà présent dans les années 1920 au moment des acquisitions faites par Lawrence Johnston, s'est simplement densifié au cours des ans. Il se déploie sur un ensemble d'anciennes terrasses agricoles, parcouru par de nombreux escaliers et comportant des aménagements hydrauliques anciens, parmi lesquels on peut mentionner une citerne cylindrique, qui émerge en partie du sol (partie Sud-Est du bois), ainsi que plusieurs barmes, citernes souterraines voutées communes sur le territoire de Menton.

L'une de ces barmes est localisée près de la maison d'invités (Casa Rocca), au Nord de la maison principale, alors qu'une autre (présentant une plaque portant la date 1843) est située un peu plus haut, au-dessus de la maison principale. Le réservoir de cette barme a la particularité de se déployer en dehors de la partie voutée de la citerne, pour former un véritable bassin. Ce bassin rectangulaire, bordé de margelles et de deux petits escaliers en pierre, a ultérieurement été décoré d'une petite lanterne japonaise, fixée aux bords maçonnés d'un des escaliers (seul subsiste le pied de la lanterne). Cet élément a très certainement été ajouté dans les années 1960 au moment de la réalisation du jardin japonais par M. Evelyn Bingham Baring.

La seule partie visiblement aménagée du bois de jardin était constituée d'un jardin de rocaille, que Lawrence Johnston avait initialement consacré aux plantes alpines, peu adaptées au climat de Menton... Ce jardin était situé à proximité de la villa, immédiatement au-dessus de la terrasse d'agrément occupée par la volière (actuel jardin hispano-mauresque dit aussi cour andalouse). Il a été détruit lors du glissement de terrain de 1952. Un autre jardin de rocaille a récemment été reconstitué au même emplacement, mais avec des plantes plus adaptées au climat local.

III. NOTE DE SYNTHESE

III.1 Un jardin respectueux du passé agricole du site

A Menton, de nombreux jardins d'agrément ont été créés sur des sites occupés par des terrasses agricoles. Dans la plupart de cas, ces aménagements anciens ont été conservés : ils ont servi d'assiette pour la création du jardin. Serre de la Madone ne fait pas exception à cette règle. Les structures anciennes initialement présentes sur le terrain (terrasses agricoles, citernes, barmes, escaliers, chemin muletier, cabanons...) ont été respectées en étant remises en état ou complétées.

Un même état d'esprit a guidé les plantations. En effet, la plupart des oliviers, des cyprès de Florence et des pins parasols agrémentant aujourd'hui le jardin étaient déjà plantés lorsque Lawrence Johnston a effectué les achats de parcelles dans les années 1920. Ils ont constitué la trame végétale à partir de laquelle le jardin a été réalisé.

Même les modestes décors de galets des petits réservoirs, aujourd'hui intégrés à la cour d'entrée et au jardin aride, ainsi que les quelques calades présentes sur le site ont été préservés.

Le jardin se voulait ainsi dès l'origine un véritable conservatoire des aménagements agricoles du pays mentonnais.

III.2 Un jardin intégrant des compositions classiques

Les seuls accès au jardin étant localisés au bas de la propriété, sur le route du Val de Gorbio, la composition d'ensemble s'est ainsi vu imposer un parcourt ascendant. Ce type de parcourt est peu commun. On ne le rencontre que très rarement dans les jardins. On le retrouve de façon tout à fait exceptionnelle au cours des siècles précédents, entre autres dans certains jardins de la Renaissance italienne. On peut le rapprocher de celui de la célèbre Villa d'Este à Tivoli (Latium), spécialement conçu dans le but d'inciter le visiteur à passer par le jardin pour atteindre la demeure. Ce parcourt ascendant, qui traverse un parterre d'eau composé de trois bassins disposés transversalement par rapport à l'axe principal, pourrait avoir inspiré ce qui a été réalisé à Serre de la Madone.

Par ailleurs, toute la partie haute du jardin d'acclimatation peut être considérée comme un vaste belvédère ouvert sur le Val de Gorbio. On retrouve de nouveau, dans cette véritable mise en scène du paysage environnant, l'influence des grands jardins Renaissance de la campagne romaine.

Terrasses supérieures (vue plongeante vers le val de Gorbio).Terrasses supérieures (vue plongeante vers le val de Gorbio).

A l'intérieur de cette composition, Lawrence Johnston a utilisé les différentes possibilités offertes par les parterres. Il a aussi fait usage de mixed borders et de perspectives.

Ce type d'aménagements se rencontre dans la plupart des jardins de son époque, comme à Hidcote Manor, son premier jardin. Mais en raison de la topographie du terrain et de la présence des nombreuses terrasses, le résultat obtenu est radicalement différent à Serre de la Madone.

C'est ainsi que les parterres ont été essentiellement réalisés sur les terrasses les plus vastes : parterres réguliers de la salle de verdure dite Le Boulingrin et du Jardin français dit jardin aux Platanes, parterres entièrement plantés d'arbustes, d'herbacées et de bulbeuses du Jardin aride, parterre d'eau du Jardin d'eau.

Pour ce qui est des mixed borders, elles ont majoritairement été créées sur les terrasses peu profondes. Elles se rencontrent principalement sur les terrasses supérieures. Leur profusion végétale et la rareté des plantes qui les composent apportent une touche contemporaine.

Quant aux perspectives, elles sont matérialisées par des volées d'escalier qui se déploient en compositions monumentales ou par de longues allées transversales qui s'étirent le long de certaines terrasses. Ces perspectives sont soit scandées de sculptures et de fontaines (volées d'escalier du grand axe), soit marquée par une sculpture ou une fontaine matérialisant le point focal de la composition (statue au sommet de l'escalier central de l'oliveraie, buste à l'extrémité de l'allée principale du bosquet dit Allée d'Auguste César, Fontaine au Masque érigée dans l'axe de la longue allée qui souligne le bas de l'oliveraie). Ces mises en scène sont directement inspirées de celles réalisées dans les jardins réguliers entre le 16e siècle et le 18e siècle.

On a aussi puisé dans les jardins de ces époques l'utilisation de certaines subtilités optiques mises en oeuvre dans le Jardin d'eau. En effet, vus du sol, les deux plus grands bassins du parterre d'eau semblent parfaitement réguliers. Ce n'est cependant pas le cas : le côté des bassins qui suit le tracé du grand axe est en réalité légèrement oblique. Mais rien n'est perceptible sur le terrain. Seules les vues aériennes révèlent le subterfuge.

Cette utilisation de l'illusion d'optique se poursuit aussi sur la façade principale de la serre chaude (Référence du dossier : IA06004155), dont la parfaite symétrie n'est qu'apparente. Un décor de treillage en bois, en partie couvert de plantes volubiles, était à l'origine présent sur l'ensemble de l'élévation. Il était destiné à parfaire l'illusion de symétrie tout en faisant écho au décor de treillage tout à fait théâtral qui avait été érigé à l'autre extrémité de la terrasse, de l'autre côté du jardin d'eau.

Les mobilier décoratif intégré au jardin est aussi tout à fait traditionnel. Il est présenté dans le dossier sur le mobilier du jardin Serre de la Madone (Référence du dossier : IM06002440).

III.3 Un jardin novateur par sa richesse botanique

Ce jardin respectueux des aménagements agricoles anciens et très traditionnel par sa composition présente toutefois un aspect totalement novateur apporté par le choix des plantes mises en culture.

A l'époque de Lawrence Johnston, les végétaux apportés à Serre de la Madone étaient majoritairement composées de sujets botaniques prélevés directement dans leur pays d'origine. Ces plantes, souvent originaires d'Afrique du Sud (amaryllis, chasmanthe, leucospermum, pelargonium, protea, strelitzia...) étaient alors d'une grande rareté. C'est grâce à des jardiniers comme le major Johnston que ces végétaux ont été peu à peu popularisées. Les terrasses supérieures, majoritairement consacrées aux protéacées, famille de plantes nouvellement introduite caractérisée par des floraisons exotiques et spectaculaires, était une curiosité qui permettait à Serre de la Madone de se démarquer des autres jardins.

Le jardin d'acclimatation de Serre de la Madone a ainsi participé à la diffusion de plantes rares d'origine botanique. Par la suite, des plantes d'origine horticole (communément appelées hybrides ou cultivars) ont été obtenues par les horticulteurs à partir des différents variétés botaniques importées. La mise au point de ces cultivars, souvent plus facile d'entretien, a surtout permis de mettre sur le marché des plantes plus abordables. Ces plantes se retrouvent donc un siècle plus tard dans les plus modestes des jardins, grâce à la commercialisation de leurs différents cultivars.

C'est ainsi que de nombreux sujets cultivés aujourd'hui à Serre de la Madone sont désormais des variétés hybrides d'origine horticole. Mais comme par le passé, amaryllis, chasmanthe, leucospermum... agrémentent de leurs vives couleurs les aménagements réalisés par le major.

Un inventaire botanique du jardin, recensant plusieurs centaines de plantes, a été publié en 2010 dans un livre écrit par Yves Monnier : Serre de la Madone. Un nouvel exotisme. Un homme et son jardin.

III.4 Un jardin important dans l'histoire des jardins

Dès l'émergence d'une politique publique en faveur des jardins historiques au début des années 1980, Serre de la Madone est vite apparu à juste titre comme un jalon essentiel de l'art des jardins sur la Côte d'Azur. Il faut dire que peu de temps après sa création, la notoriété du jardin a vite dépassée les frontières de l'hexagone, en partie grâce à la personnalité de son créateur, le major Lawrence Johnston, mais surtout grâce à ses compositions paysagères de très grande qualité intégrant des plantes alors excessivement rares. Bien qu'il n'ait créé que deux jardins au cours de sa vie, Lawrence Johnston aura durablement marqué l'art paysager du 20e siècle. A Serre de la Madone, on peut considérer que le génie de Lawrence Johnston aura été d'avoir adapté des aménagements très classiques aux contraintes majeures imposées par les terrasses agricoles présentes sur le site, tout en y introduisant des sujets botaniques rares.

III.5 Un jardin pour le futur : envisager l'avenir avec sérénité

Serre de la Madone est aujourd'hui entretenu par une équipe de six jardiniers, qui maintiennent le jardin dans une état correspondant à celui de la fin de vie du major Johnston. Le jardin était alors entretenu par le même nombre de jardiniers et présentait une apparence nettement sauvage. En retrouvant cet état intermédiaire, on est ainsi parvenu à un juste milieu et à un équilibre, qui va dans le sens d'une évolution naturelle du jardin, qui est plus que jamais en harmonie avec son époque et son temps. C'est ainsi qu'on y pratique désormais la permaculture et que le jardin s'est ouvert à l'art contemporain avec la réalisation d'une installation permanente, mise en place par l'artiste Henri Olivier en 2005.

L'esprit des lieux, bien rendu par les photographies de Jean Gilletta, a été en grande partie restitué. Par ailleurs, la plupart des prolongements visuels du jardin et des vues sur le Val de Gorbio ont été préservés, malgré l'urbanisation de plus en plus dense des collines environnantes.

Serre de la Madone est un jardin réalisé à partir de 1924 par le major Lawrence Johnston (1871-1958). Monsieur Evelyn Bingham Baring, propriétaire du jardin de 1960 à 1967, a ensuite complété les aménagements précédents en réalisant un petit jardin japonais.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle, 3e quart 20e siècle
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Johnston Lawrence
      Johnston Lawrence

      Lawrence Johnston est un Américain né en 1871 à Paris où il passe son enfance. Il quitte la France à 23 ans pour faire des études à Cambridge en Angleterre et devient sujet britannique en 1900. Passionné par l'horticulture, sa mère lui offre en 1907 une ferme dans les Cotswolds qui deviendra le jardin d'Hidcote Manor. Il s'engage dans l'armée britannique pendant la Première Guerre mondiale où il finira avec le grade de major. Après le guerre, il décide de créer un jardin à Menton pour y acclimater les plantes qu'il ramenait de ses voyages en Asie ou en Afrique du sud. Ce sera le jardin de Serre de la Madone.

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      paysagiste attribution par source
    • Auteur :
      Bingham Baring Evelyn
      Bingham Baring Evelyn

      Monsieur Evelyn Bingham Baring, de nationalité américaine, a été propriétaire du jardin d'agrément Serre de la Madone (Référence du dossier : IA06004168) de 1960 à 1967. Il y a créé un jardin japonais.

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      paysagiste attribution par travaux historiques

Jardin d'agrément, principalement aménagé en jardin d'acclimatation. L'ensemble constitue un jardin en terrasses, conçu comme un jardin mixte, alternant les zones boisées, les plantations libres et les parterres réguliers. Ces aménagements occupent les différentes terrasses, qui sont maintenues par des murs en calcaire, principalement constitués de moellons enduits. Le jardin comporte plusieurs serres à élévation ordonnancée sans travée, construites en rez-de-chaussée et couvertes de verrières. Ces toitures en verre forment des toits à un ou deux longs pans, à la charpente métallique apparente et aux pignons couverts. Le jardin est parcouru par de nombreuses allées droites et par des escaliers isolés construits en maçonnerie. La plupart de ces escaliers sont des escaliers droits, une volée d'escalier adoptant la forme d'un fer-à-cheval. Une monumentale allée carrossable au tracé libre borde le jardin d'acclimatation et relie la voie publique et la maison principale. Le jardin d'acclimatation présente un bosquet, des groupes d'arbres, des salles de verdure occupées par des parterres, et un grand parterre d'eau. Il est dominé par un bois de jardin qui se déploie au-dessus de la maison principale. Le jardin est orné de nombreux pots en céramique, de fontaines en maçonnerie et de sculptures en pierre. L'ensemble couvre une superficie d'environ 7 hectares.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
  • Toits
    verre en couverture
  • Plans
    jardin mixte
  • Étages
    en rez-de-chaussée
  • Couvrements
    • charpente métallique apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée sans travées, jardin en terrasses
  • Couvertures
    • verrière toit à longs pans pignon couvert
    • verrière toit à un pan pignon couvert
  • Escaliers
    • escalier isolé : escalier en fer-à-cheval, escalier droit en maçonnerie
  • Autres organes de circulation
    rampe d'accès
  • Jardins
    bois de jardin, bosquet, groupe d'arbres, parterre, salle de verdure
  • Techniques
    • céramique
    • maçonnerie
    • sculpture
  • Précision dimensions

    Superficie approximative : 7 hectares.

  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler, intérêt botanique, maison d'homme célèbre
  • Éléments remarquables
    serre, parterre d'eau, belvédère de jardin
  • Protections
    classé MH, 1990/12/12
  • Précisions sur la protection

    Classement par décret du 12 décembre 1990 (inscriptions par arrêtés du 29 juin 1987 et du 30 juin 1989 annulées) : jardin avec les bâtiments, serres, fabriques, bassins, grottes de jardin, rocailles, éléments de statuaire et autres ornements qu'il contient.

  • Référence MH

Serre de la Madone est l'un des trois jardins de Menton répertoriés lors de l'Inventaire national des parcs et jardins d'intérêt paysager, historique et botanique, initié par le ministère de l'Urbanisme et du Logement en 1981. En région en Provence-Alpes-Côte d'Azur, cet inventaire a été réalisé par Jean-Pierre-Ernest Boursier-Mougenot entre 1981 et 1983. Une fiche de pré-inventaire (jardins remarquables, documentation préalable) a été rédigée à l'issu de cette enquête et a alimenté la base nationale Mérimée du ministère de la Culture (Référence du dossier : IA06001324). Les documents produits dans le cadre de ce travail ont été versés aux Archives nationales, Centre des archives contemporaines (cotes boîtes Environnement O31D et O52D).

Documents d'archives

  • BOURSIER-MOUGENOT, Ernest, BINET, Françoise. Inventaire national des parcs et jardins d'intérêt paysager, historique et botanique. Provence-Alpes-Côte. 1983. Ministère de l'urbanisme. Dactylographié.

    Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Direction de la Culture, Service Inventaire et Patrimoine, Marseille : PROV A 031
    P. 77 à 83. Photocopie consultable au Service Patrimoine, Traditions et Inventaire.

Bibliographie

  • BOTTIN, Frida, BOTTIN, Jean-Claude. Serre de la Madone. Enfant du Major Lawrence Johnston. Un jardin qui était oublié. Dans : Nice historique, N° 1, 1995, p. 36-43.

    p. 36-43.
  • BOURSIER-MOUGENOT, Ernest, RACINE, Michel. Les jardins néo-méditerranéens. Dans : Monuments historiques, numéro 125, février-mars 1983, p. 69-77.

  • WHITSEY, Fred. Drawn with a bolder hand. Dans : Country Life, 10 juillet 1986, p. 80-81.

  • WHITSEY, Fred. Where Warthon led... Dans : Country Life, 7 juillet 1994, p. 68-71.

  • MONNIER, Yves. Serre de la Madone. Un nouvel exotisme. Un homme et son jardin. Illustrations : Géraldine SADLIER. Menton : Ville de Menton, 2010.

    Collection particulière
    Historique des voyages de Lawrence Johnston. Inventaire botanique du jardin.
  • VALERY, Marie-Françoise. Jardins de Provence et de la Côte d'Azur. Photos : Deidi VON SCHAEWEN. Köln : Taschen, 1998. ISBN : 3-8228-7090-0. Texte sur Le Val Rahmeh par Yves MONNIER.

    Collection particulière
    p. 156-163.

Périodiques

  • GATIER, Pierre-Antoine. La Serre de la Madone. Menton, Alpes-Maritimes. Monumental, revue scientifique et technique des monuments historiques. Paris : Centre des monuments nationaux, Monum / Editions du Patrimoine, 2001.

    Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Direction de la Culture, Service Inventaire et Patrimoine, Marseille : P059
    p. 82-87.

Documents figurés

  • Plan cadastral de la commune de Menton / Dessins à l'encre par Fouque, Guichard, Laubeuf et Verrier, 1861-1862. Archives départementales des Alpes-Maritimes, Nice : 25 F i 083.

    1/G1/COM
  • [Jardin d'acclimatation de Serre de la Madone en cours d'aménagement (vue aérienne).] / Photographie, Institut Géographique National (IGN), 22 avril 1929.

  • [Menton. Serre de la Madone. Parterre d'eau. Vue d'ensemble.] / Photographie, Jean Gilletta, vers 1930. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Charenton-le-Pont.

  • [Menton. Serre de la Madone. Jardin français. Vue d'ensemble.] / Photographie, Jean Gilletta, vers 1930. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Charenton-le-Pont : GLT02464.

  • [Vue aérienne de Serre de la Madone.] / Photographie, Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), 1er quart 21e siècle.

Documents multimédia

  • Jardins d’ici et d’ailleurs - Les jardins Ephrussi et Serre de la Madone. / Documentaire de 26 minutes réalisé par Hugo BENAMOZIG et présenté par Jean-Philippe TEYSSIER. Première diffusion le 21 avril 2016. Co-production : ARTE France / Bo Travail !, 2015.

Date d'enquête 2016 ; Date(s) de rédaction 2017
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