Dossier d’œuvre architecture IA04003132 | Réalisé par
Mosseron Maxence (Contributeur)
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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  • inventaire topographique
Ecart de Peyresq
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var - Allos-Colmars
  • Commune Thorame-Haute
  • Lieu-dit Peyresq
  • Cadastre 1838 C3 Neuvième secteur de la troisième feuille de la section C (parcelles 1 à 442). ; 2020 060 C 03

L'ancien village fut créé en 1232 sur décision du comte de Provence Raymond Bérenger V. Il occupe toujours le site historique. Peyresq (autrefois orthographiée Peiresc) appartenait au comte de Provence ainsi qu'à ses vassaux issus de la famille Rostaing et relevait administrativement à la baillie de Puget-Théniers. Au 15e siècle, par mariage et descendance Peiresc passa entre les mains de la famille de Villeneuve. Peiresc resta fidèle au camp français lors des guerres avec le duché de Savoie et devint donc géographiquement une marche frontière de Provence. Au fil des siècles Peiresc devint la propriété de co-seigneurs, les Guiran, Bonfils, Fabri - dont le plus illustre représentant fut l'humaniste et scientifique Claude Nicolas Fabri de Peiresc au 17e siècle -, l'Enfant ou encore Bayol. La Révolution mit fin aux droits seigneuriaux.

En 1967 intervint le rattachement éphémère de la commune de Peyresq à celle de La Colle-Saint-Michel pour donner naissance à la nouvelle commune de Saint-Michel-Peyresq. La fusion administrative fut elle-même suivie d'une autre, dès 1974, lorsque Saint-Michel-Peyresq fut absorbé - et la décision définitivement entérinée deux ans plus tard - par la commune de Thorame-Haute.

Le village, en piteux état général, qui depuis la fin du 19e siècle subissait les conséquences de la progressive désertification rurale, constitua à partir de 1047 le creuset d'une opération de reconstruction originale initiée par un double mouvement néo-ruraliste et l'intérêt d'un architecte urbaniste belge, directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Namur. Ce dernier eut l'ambition de faire du village de Peyresq un foyer d'attraction humaniste pour les étudiants rassemblant toutes les disciplines universitaires, adossé à une association ad hoc, "Pro Peyresq", fondée en juillet 1954 par Toine Smets, avocat devenu entrepreneur à la tête d'une société de construction. L'association devint le bras armé de la renaissance du village en grande partie ruiné, sous la conduite ordonnée d’un maître d’œuvre, Pierre Lamby, et d’un maître d’ouvrage et entrepreneur local, René Simon. En 1974, l'essentiel des habitations était restauré ou reconstruit. Le village continue de rayonner aujourd'hui sur le plan culturel et scientifique en organisant des conférences et colloques internationaux de nature pluridisciplinaire.

  • Période(s)
    • Principale : 13e siècle
    • Principale : 14e siècle
    • Principale : 15e siècle
    • Principale : 16e siècle
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle
  • Dates

Perché à plus de 1 500 mètres d'altitude, le site de l'ancien village de Peyresq prend place au sein d'un cirque délimité au nord et à l'est par les massifs du Courradour, du Petit et du Grand Coyer, alors qu'il est davantage ouvert à l'ouest, vers la Colle-Saint-Michel et le Fontanil qui mène à Thorame-Haute. L'ancien village est à flanc de montagne, dominant un relief abrupt aménagé en terrasses de cultures au sud et formant un entonnoir propice au ravinement, alimenté par le Ray, lequel va se jeter dans la Vaïre, qui poursuit son cours vers le sud. A la limite des zones de cultures et des estives d'altitude, au seuil de l'étage montagnard, Peyresq occupe un site isolé sujet aux forts contrastes climatiques, caractérisé par un climat méditerranéen largement ensoleillé, froid et enneigé l'hiver, sec l'été. Site isolé donc, relié par trois chemins muletiers, l'un à Méailles, le second à la Colle Saint-Michel et le troisième à Thorame-Haute.

Le sol pauvre ne permettait que de maigres récoltes, essentiellement céréalières (blé et seigle, ainsi que des cultures sèches comme le pois). De façon complémentaire l'ancien village s'est très tôt tourné vers l'activité pastorale mettant à profit les vastes espaces du Plan de Rieu et du massif du Grand Coyer. Le problème de l'alimentation en eau, tant des hommes que des troupeaux, resta prégnant jusqu'au milieu du 20e siècle. Il fallut en effet attendre 1954 avant que l'eau pompée du Ray vînt suppléer la fontaine communale sur la place du village en apportant l'eau jusque dans les maisons (IA04003057). L'ancien village dispose d'une église paroissiale devenue chapelle dédiée à saint Pons (IA04002353) ainsi que d'une chapelle dédiée à saint Barthélémy à la sortie est de l'écart (IA04002988). La maison qui vient délimiter la place en son angle sud-est a servi d'école et correspond peut-être à l'ancienne demeure seigneuriale (IA04003056). Les lieux de sociabilité où se réunissaient les hommes (auberge, forge, cercle et chambrette) ou les femmes (le lavoir) ont presque tous disparu ou été modifiés et, de manière significative, dessinent les contours de la place principale. Seules la mairie (qui a aujourd'hui perdu sa fonction administrative) et l'église Saint-Pons demeurent inchangées. De fait, les édifices contemporains ne répondent plus aux fonctions anciennes. Ainsi l'auberge était-elle située dans l'actuelle maison répondant au nom de "Till l'espiègle", le cercle républicain dans celle appelée "Brueghel".

L'ancien village qui s'étire d'ouest en est s'organise autour d'une place principale et deux rues, l'une haute ("Les Chanières"), l'autre basse ("Le Coulet"), qui sinuent parallèlement le long de cet axe, avec des ruelles secondaires qui relient ces deux voies de communication. L'entreprise de reconstruction a profondément modifié non pas tant l'organisation parcellaire générale du village (quand bien même fut créée de toutes pièces une placette appelée "La cour des métiers") que l'architecture vernaculaire.

A Peyresq la mise en oeuvre de reconstruction a mis en scène une véritable recréation donnant parfois corps à une vision architecturale utopiste sans lien organique avec le profil de l’habitat vernaculaire. De fait, si une partie ancienne, dans le haut du hameau, a pu être restaurée plus ou moins en l’état, Peyresq, aujourd’hui sauvé, constitue une sorte d’unicum, dont certaines maisons rappellent aussi à travers leurs noms de baptême érudits et explicites l’ambition intellectuelle des refondateurs. Ainsi avec la maison "Brueghel" (insigne peintre et graveur du 16e siècle et illustre représentant de l'école flamande qui renvoie aux origines belges des concepteurs du nouveau Peyresq) ou encore la maison « Eupalinos » (du nom d'Eupalinos de Mégare, ingénieur grec du 6e siècle avant J.-C., dans une référence limpide). L’entreprise ne parvient toutefois pas à recréer une unité d’ensemble et cette impression ressort d’emblée avec force lorsqu’on parcourt les rues du hameau. Certains éléments récurrents sont développés jusqu’à créer des usages nouveaux. Les balcons filants en façade, autrefois dévolus au strict passage d’une pièce à l’autre par l’extérieur, se déploient davantage dans la profondeur et deviennent des lieux d’agrément prolongeant l’espace intérieur. Ils reposent sur des piliers maçonnés ou sont soutenus par de longues équerres en bois. Parfois, la terrasse enjambe la ruelle, créant un passage couvert. Le traitement original de la façade principale, observable dans plusieurs maisons reconstruites en cœur de hameau, constitue un marqueur saillant du nouveau Peyresq. La traditionnelle fenêtre haute est remplacée aux différents niveaux d’habitation par un développement de petites baies de format carré. Juxtaposées, ces dernières créent un effet de bandes vitrées, mais dans la mesure où elles ne s’affranchissent pas de la menuiserie de petit bois, elles quadrillent la façade sans parvenir à la dématérialiser totalement et échouent ainsi à créer, au-delà de l’effet de rupture, un véritable caractère de modernité.

D’autres aménagements arrêtent le regard et contribuent à faire de Peyresq un laboratoire architectural mêlant innovations inabouties et intégrations de composantes exogènes au territoire d’étude : ici une tropézienne, là des terrasses voire des loggias superposées reposant sur des piliers de bois au niveau supérieur, en ciment au niveau inférieur, ou encore des lucarnes trapues dont les joues sont parementées en essentage de planches. Il s’agit d’une architecture de villégiature qui a rompu avec les usages anciens, notamment agricoles, en partie basse et haute, où l’on a cherché à faire entrer la lumière, mais qui n’a pas osé jouer à fond la carte de la modernité. Le mélange des genres qui en résulte offre in fine le spectacle d’une hybridité étrange, certes originale, mais qui crée une impression artificielle soulignant le caractère « hors sol » de l’entreprise.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
    propriété d'une association
    propriété publique

Bibliographie

  • ACHARD, Claude-François. Description historique, géographique et topographique des villes, bourgs, villages et hameaux de la Provence ancienne et moderne, du Comté-Venaissin, de la principauté d'Orange, du comté de Nice etc. Aix-en-Provence : Pierre-Joseph Calmen, 1788, 2 vol.

    p. 219.
  • SMETS, Mady. L'architecte et le berger. La mystérieuse aventure d'un village de montagne. Bruxelles, Peyresq : Association Peyresq Foyer d'Humanisme, a.s.b.l. Fondation Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, 232 p.

  • NAVELLO SGARAVIZZI, Louise. Peyresq. L'extraordinaire destin d'un village des Alpes provençales. Nice : Association pour la promotion culturelle du Païs Nissart, 2003, 236 p.

Documents figurés

  • Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille. / Dessin à l'encre sur papier, par Jean Bourcet de La Saigne et Jean-Claude Eléonore Le Michaud d'Arçon, 1764-1778. Echelle 1/14000e. Cartothèque de l’Institut Géographique National, Saint-Mandé : CH 194 à 197.

    Détail de la feuille 194-10 : écart de Peyresq.
  • Plan cadastral de la commune de Peyresq, 1838. / Dessin sur papier à l'encre et au lavis levé par Gras, 1838. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 105 Fi 147 / 001 à 006.

    105 Fi 147 /002.
  • [Vue de la place.] / Carte postale, 3e quart du 20e siècle. Collection particulière : non coté.

Date d'enquête 2011 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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