Dossier d’œuvre architecture IA04003138 | Réalisé par
Mosseron Maxence (Contributeur)
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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  • inventaire topographique
écart d'Ondres
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var - Allos-Colmars
  • Commune Thorame-Haute
  • Lieu-dit Ondres
  • Cadastre 1827 B2  ; 2020 B
  • Dénominations
    écart

I. Implantation et population - Evolution historique depuis le milieu du 19e siècle

L'écart d'Ondres occupe l'adret du massif de la Femme Couchée, étagé dans la pente entre 1 470 et 1 430 m. d'altitude. L'habitat se présente sous la forme de deux noyaux, le plus petit au nord-ouest rassemblant en 1827 16 parcelles bâties, distant d'une centaine de mètres du second, plus important, au sud-est, composé d'une cinquantaine de parcelles bâties. Un chemin relie les deux noyaux. On ne saurait vraiment parler d'organisation urbaine générale : les maisons, eu égard à la faible densité du bâti, étaient souvent accompagnées d'une cour et elles côtoyaient les bâtiments ruraux. Les jardins potagers jouxtaient les habitations, au sud, au centre et au nord du second noyau. L'état actuel n'a pas modifié la donne mais a accentué l'effet de dispersion de l'ensemble, du fait d'une reconstruction partielle de l'écart, où les espaces priment.

Plan cadastral de la commune de Thorame-Haute, 1827, section B, deuxième feuille [écart d'Ondres].Plan cadastral de la commune de Thorame-Haute, 1827, section B, deuxième feuille [écart d'Ondres].

Ondres était et reste d'ailleurs un lieu isolé, autrefois tourné vers l'agriculture d'une part - une agriculture de subsistance basée sur les céréales "pauvres" de type seigle que complétaient les plantations de fruitiers (noyers surtout, poiriers et mirabelliers) - ainsi que l'élevage ovin d'autre part. L'écart a toujours souffert du manque d'eau par absence de source abondante, d'où des tentatives de créer des réservoirs et des points de collecte. Un ancienne fontaine dont subsiste le bassin, maçonné, a d'ailleurs été mis au jour et dégagée par quelques habitants temporaires dans le haut de l'écart au tournant des années 2010, au lieu-dit "Fontarras". Elle se situait à une centaine de mètres à l'est de l'extrémité de l'écart, sur le chemin d'Ondres à la montagne de Pasquier, vers les estives. Or, en contrebas immédiat de cette fontaine le plan figuré du cadastre ancien signale la présence d'un îlot de 16 parcelles correspondant toutes à des jardins potagers propriété d'Ondraincs. Aujourd'hui, un mince filet alimente l'été la fontaine-lavoir encore en place au centre de l'écart, à proximité immédiate de la chapelle Saint-Laurent (REF=IA04002356), saint patron de l'écart, que l'on fête traditionnellement le 10 août. L'actuelle parcelle B 308 (autrefois 685) qui correspondait au presbytère en 1827 possède une date portée (1672) qui pourrait témoigner de l'état le plus ancien du bâti dans l'écart. Le vieux four est quant à lui toujours en place. Ondres, qui comptait encore 181 habitants en 1841, a commencé à péricliter dans la seconde moitié du 19e siècle, jusqu'à être quasiment abandonné à la fin du premier tiers du 20e siècle. En 1936, seuls 14 habitants étaient recensés. La culture de la lavande ainsi que les opérations de reboisement à partir des années 1880 et au tournant du 20e siècle ont quelque peu mais l'exode se poursuivit sans coup férir. En mais l'exode se poursuivit sans coup férir.

L'écart, directement relié aux pâturages d'estive, est historiquement tourné vers l'élevage ovin. Ici, troupeau de moutons avec berger redescendant vers Ondres. Quartier de Champ Sarret.L'écart, directement relié aux pâturages d'estive, est historiquement tourné vers l'élevage ovin. Ici, troupeau de moutons avec berger redescendant vers Ondres. Quartier de Champ Sarret.

La bassin de l'ancienne fontaine du Fontarras à l'est de l'écart.La bassin de l'ancienne fontaine du Fontarras à l'est de l'écart.

date

1846

1851

1856

1861

1866

1872

1876

1881

1886

nbe d'hab.

181

101

146

127

136

113

97

101

83

date

1891

1896

1901

1906

1921

1926

1931

1936

nbe d'hab.

98

83

84

63

40

27

22

14

Evolution de la population de l'écart d'Ondres entre 1846 et 1936, d'après les recensements de la population de Thorame-Haute (AD 04, 6 M 178).

L'école primaire, qui "itinérait" au fil du temps - il n'y avait en effet pas de lieu attitré mais on louait des pièces dans différentes maisons - fut déclassée en 1946. La classe était alors dispensée dans l'actuelle parcelle B 297, qui servit aussi, semble-t-il, de douane (REF=IA04003040) jusqu'au traité de Turin de 1860 qui modifia la frontière entre l'Empire français et le royaume de Sardaigne.

II. 1958 : Le renouveau et la reconstruction pastiche d'un écart tombé en déshérence

Dans la deuxième moitié des années 1950 un engouement qui rappelle dans une moindre mesure celui suscité autour du renouveau de Peyresq (voir REF=IA04003132) entraîna quelques vacanciers tombés amoureux du site dans une entreprise de restauration-rénovation. 1958 marque un tournant dans l'histoire du village. A cette date ne restait plus qu'une habitante et deux ou trois maisons encore en place. Si le substrat architectural était présent, l'état général du bâti était en revanche préoccupant. Toutefois, il n'est pas question ici d'une véritable opération de reconstruction couplée à une ambition de transformation par recréation ; les interventions réutilisent systématiquement les matériaux in situ à partir des ruines et l'écart, à première vue, paraît "authentique" au sens où il aurait sanctuarisé les principes de l'architecture vernaculaire. Ce n'est vrai qu'en partie, et d'abord superficiellement. Car il s'agit d'un pastiche. Certains détails de mise en oeuvre trahissent en effet de l'extérieur une relecture certes tempérée mais non conforme aux lieux communs du bâti local (parfois issus de l'univers alpin, mais absent des Alpes du sud), voire ponctuellement fantaisistes jusqu'à s'avérer illogiques (par exemple une porte située trop haut sans escalier d'accès et donc inutilisable).

Maison rénovée avec un débord en bois incongru par rapport à l'architecture vernaculaire (parcelle B 284).Maison rénovée avec un débord en bois incongru par rapport à l'architecture vernaculaire (parcelle B 284).

Maisons reconstruites à l'entrée ouest de l'écart (parcelles B 373 et 795) : remarquer les différents types de couvertures (planche et tuile plate artisanale) ainsi que les pentes des toits. Maisons reconstruites à l'entrée ouest de l'écart (parcelles B 373 et 795) : remarquer les différents types de couvertures (planche et tuile plate artisanale) ainsi que les pentes des toits.

En réalité, la reconstruction fut beaucoup plus importante qu'il n'y paraît de prime abord. Certaines habitations ont été restaurées en conservant autant que faire se peut la distribution intérieure, les interventions exogènes se limitant à des détails non structurels (ainsi en REF=IA04002105) mais la plupart du temps, lorsqu'on a la possibilité d'entrer, les modifications apparaissent patentes, non pas dans l'usage de matériaux incongrus, puisque sur ce point l'esprit de la mise en oeuvre a été préservée, mais dans les modifications apportées à l'habitat vernaculaire. La maison occupant l'actuelle parcelle B 279 (REF=IA04002773), dans la partie nord-est de l'écart, semble ainsi intacte de l'extérieur, même si ses dimensions importantes tranchent quelque peu avec l'emprise au sol du parcellaire bâti du cadastre de 1827. De fait, plusieurs pièces ont été doublées par fusion de parcelles, proposant des intérieurs "démesurés". Ailleurs, les pièces se présentent de façon incohérente eu égard aux fonctionnalités traditionnelles de la maison d'agriculteur. Les parties agricoles ont toutes disparu en partie basse et en partie haute, elles ont été réaménagées. En outre, les espaces ont perdu leur vocation première et répondent au confort moderne, avec goût mais déconnecté des impératifs de la vie quotidienne des anciens.

Maison (parcelle B 279). Le fenil à l'étage de comble était en cours de réaménagement pour servir de pièce d'habitation en 2011.Maison (parcelle B 279). Le fenil à l'étage de comble était en cours de réaménagement pour servir de pièce d'habitation en 2011.

Actuellement, l'écart d'Ondres est essentiellement habité de façon temporaire par des estivants fidèles (qui atteignent une centaine de personnes) poursuivant l'esprit indépendant de leurs prédécesseurs (ils représentent la quatrième génération des reconstructeurs). En 1989, l'association pour la protection du village créée pour la réfection du pont permettant de franchir le Verdon afin d'accéder à Ondres s'opposa à la construction d'une passerelle en béton à deux voies : la municipalité opta finalement pour une passerelle en bois qui perpétuait la mise à l'écart volontaire du hameau. De même, ils se sont ainsi vu imposer au début des années 2010 le raccordement au réseau électrique qu'ils refusaient catégoriquement.

HAUTE-VALLEE DU VERDON / 12. - Le Pont d'OndresHAUTE-VALLEE DU VERDON / 12. - Le Pont d'Ondres

La petite agglomération, entièrement dépourvue de services, ne dispose pas de l'eau courante et n'est reliée au fond de vallée que par un sentier en lacets, non goudronné et à peine carrossable. Elle peut en revanche compter sur l'existence d'une association patrimoniale pour la promouvoir, l'association du village d'Ondres.

Sur la feuille n° 10 de la chemise 194 des Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille levée par Bourcet de la Saigne entre 1764 et 1769, l'écart d'Ondres est mentionné sous une organisation identique à celle que le plan figuré du cadastre de 1827 laisse apparaître. Le dernier tiers du 18e siècle constitue un point haut de la démographie haut-provençale, comparable à celui de la population à la fin du premier quart du siècle suivant, ce qui explique les dispositions similaires de l'écart. Néanmoins, le mitan du 19e siècle marque le début de la période de reflux d'Ondres, jusqu'à ne plus compter qu'une poignée d'habitants au sortir de la Seconde Guerre mondiale. L'écart tombe en totale déshérence, mais connaît un renouveau à partir de 1958 grâce à une poignée d'amoureux des lieux qui décident de le reconstruire sous la forme d'un pastiche à partir des matériaux locaux, s'approvisionnant directement dans les ruines. Aujourd'hui Ondres, qui, par la volonté de ses habitants estivants cherche à tout prix à préserver son statut d'écart isolé refusant le confort moderne à l'inverse des très rares locaux qui y vivent à l'année (accès complexe et peu carrossable, pas d'eau courante et électrification imposée au début des années 2010 contre le gré des descendants des reconstructeurs), constitue donc une particularité au sein du paysage communal. Les habitants, regroupés dans une association du village d'Ondres, promeuvent la singularité du lieu.

  • Période(s)
    • Principale : 17e siècle, 18e siècle, 19e siècle, 2e moitié 20e siècle
  • Dates
    • 1958, daté par tradition orale

L'écart d'Ondres occupe l'adret du massif de la Femme Couchée, étagé dans la pente entre 1 470 et 1 430 m. d'altitude. L'habitat se présente sous la forme de deux noyaux, le plus petit au nord-ouest rassemblant en 1827 16 parcelles bâties, distant d'une centaine de mètres du second, plus important, au sud-est, composé d'une cinquantaine de parcelles bâties. Un chemin relie les deux noyaux. On ne saurait vraiment parler d'organisation urbaine générale : les maisons, eu égard à la faible densité du bâti, étaient souvent accompagnées d'une cour et elles côtoyaient les bâtiments ruraux. Les jardins potagers jouxtaient les habitations, au sud, au centre et au nord du second noyau. L'état actuel n'a pas modifié la donne mais a accentué l'effet de dispersion de l'ensemble, du fait d'une reconstruction partielle de l'écart, où les espaces priment.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
    propriété privée

Documents figurés

  • Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille. / Dessin à l'encre sur papier, par Jean Bourcet de La Saigne et Jean-Claude Eléonore Le Michaud d'Arçon, 1764-1778. Echelle 1/14000e. Cartothèque de l’Institut Géographique National, Saint-Mandé : CH 194 à 197.

    Détail de la feuille 194-10 : écart d'Ondres.
  • Plan cadastral de la commune de Thorame-Haute, 1827 / Dessin à l'encre sur papier par Bonnete, Builly, Fortoul, Frison, Lambert et Laugier, 1827. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 105 Fi 219 / 001 à 019.

  • HAUTE-VALLEE DU VERDON / 12. - Le Pont d'Ondres / Carte postale, vers 1910. Collection particulière : non coté.

Date d'enquête 2011 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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