Commentaire historique
La construction de cette maison remonte probablement à la fin du Moyen Age, peut-être dès le 14e siècle, sinon au 15e siècle. Plusieurs éléments caractéristiques de cette période sont encore visibles sur sa façade ouest, comme la porte à linteau sur coussinets associée à une maçonnerie bien assisée, mais aussi les corbeaux en pierre et la rangée de lauzes calcaires supposant l’existence d’un ou deux étages à encorbellement.
Plusieurs remaniements ont ensuite bouleversé l’aspect de la maison. A l’ouest, le premier niveau devait initialement être intégré dans un passage couvert, considérant la reprise considérable de la maçonnerie ainsi que la présence d’une porte au deuxième niveau dont les dimensions ont été réduites par le bas lors de l’arrachement de ce passage. Par ailleurs, la suppression de l’étage à encorbellement a nécessité d'aménager plusieurs baies au troisième et au quatrième niveaux.
Sur la façade principale à l'est, la mise en place de la grande arcade doit être rattachée à une phase de travaux plus récente, qui a pu intervenir au 18e siècle. Ce chantier a également concerné les deux parcelles de part et d’autre de la maison étudiée, qui présentent la même ouverture. Il est possible que les trois propriétés aient appartenu à une même famille au 18e siècle, qui serait à l’origine de ces travaux, puisque le cadastre napoléonien levé en 1833 nous apprend qu’à cette date, les trois maisons sont divisées en plusieurs parties entre trois personnes apparentées. La parcelle 180 appartient alors à un héritier (hoir) de François Bonnet, qui possède également une partie de la parcelle 179 au nord. Ces deux parcelles sont de nouveau réunies en 1889, ce qui occasionna ensuite des travaux d’harmonisation entre les deux élévations est : les baies des deux derniers niveaux sont modifiées, un enduit couvrant a permit d’unifier visuellement les façades, enfin, un avant-toit unique est créé pour les deux maisons.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section B, parcelle 180).
Ces deux bâtiments sont ensuite de nouveau séparés, probablement dans la seconde moitié du 20e siècle, et retrouvent leur emprise originelle. Une porte piétonne est alors aménagée sous l’arcade pour créer une séparation entre la partie commerciale et le logis. Cette maison est actuellement occupée par un restaurant à l’étage de soubassement et au rez-de-chaussée surélevé, tandis que les deux derniers niveaux sont habités.
Analyse architecturale
La maison se situe au cœur du bourg intra-muros, en face de la tour seigneuriale de Saint-Paul. Implantée parallèlement à la pente, elle est traversante d’est en ouest et mitoyenne sur ses faces nord et sud. Elle est bordée à l’ouest par la rue du Bresc, à l’est par la place de l’Eglise. Elle s’élève sur quatre niveaux à l’ouest et trois à l’est avec un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et deux étages carrés. Elle est construite en maçonnerie de moellons calcaires et enduite à pierres vues.
Vue d'ensemble prise du nord-est. La maison étudiée comprend la travée de gauche. Elévation ouest. Vue d'ensemble prise du sud.
La façade principale, à l’est, s’élève sur une travée unique avec au premier niveau une grande arcade en plein cintre en pierre de taille calcaire, qui s’étend sur toute la largeur de l’élévation (plus de 4 mètres). Elle a été tardivement divisée en deux parties avec, au nord, sur environ un tiers de sa largeur, une partie maçonnée qui intègre la porte d’accès au logis, au sud, sur les deux-tiers restant, l’accès à la partie commerciale en partie cloisonnée par un mur-bahut. Cette modification intègre des éléments lapidaires en remploi.
Elévation est, premier niveau. Entrée du restaurant à gauche et celle du logis à droite.
Les deux niveaux supérieurs sont respectivement éclairés par une baie au centre de la travée. Celle du dernier niveau remplace une ancienne ouverture dont la base se trouvait plus bas.
Elévation est, troisième niveau. Traces visibles d'une ancienne baie partiellement obstruée.
L’avant-toit se compose de deux rangs de génoises qui se prolongent sur l’élévation de la maison suivante au nord. Cependant, un deuxième niveau d’avant-toit, simplement constitué d’un débord de tuiles, est dissimulé au-dessus du précédent et rend compte d'une différence de hauteur entre les deux maisons.
Elévation est. Vue de la toiture.
La façade arrière, à l’ouest, témoigne de nombreux remaniements.
Elévation ouest, deuxième, troisième et quatrième niveaux.
Le premier niveau est accessible par une porte encadrée de briques et couverte d'un arc déprimé. Au nord de celle-ci, un petit jour en pierre de taille calcaire éclaire la pièce.
Elévation ouest, premier niveau. Porte de l'ancienne étable.Elévation ouest, premier niveau. Jour à gauche de la porte de l'étable.
Le deuxième niveau se démarque du niveau précédent : situé en avant du mur inférieur, sa maçonnerie est bien assisée et présente des moellons réguliers. Ce changement semble indiquer l’arrachement d’un élément de maçonnerie entre le premier et le second niveau, sur toute la largeur de l’élévation, qui pourrait correspondre à un ancien passage couvert sous voûte. Cette hypothèse est renforcée par la présence, au sud du deuxième niveau, d’une porte avec un encadrement en pierre de taille calcaire aux arêtes vives et couverte d’un linteau sur coussinets (celui au nord a été partiellement aplani), dont la partie basse a été visiblement diminuée, sans doute lors de l’arrachement du passage couvert. Cet étage a été percé en son centre, après coup, d’une baie façonnée couverte d’un linteau en bois.
Elévation ouest, deuxième, troisième et quatrième niveaux. Détail de l'arrachement de la maçonnerie entre le premier et le deuxième niveaux. Elévation ouest, deuxième niveau. Porte avec linteau sur coussinets et piédroits à arêtes vives.
Au-dessus, deux corbeaux monolithes ont été installés aux extrémités de la façade, probablement pour soutenir un étage à encorbellement qui prenait naissance à partir du troisième niveau et était renforcé par une rangée de lauzes calcaires toujours en place.
Elévation ouest, deuxième niveau. Détail du corbeau monolithe et de la rangée de lauzes calcaires.
Trois baies disparates ont été aménagées au troisième niveau, après l’arrachement de l’encorbellement. Enfin, le dernier niveau est ajouré d’une baie centrale à l’origine plus large qu’elle ne l'est aujourd'hui, comme l’indique la base moulurée en quart de rond qui se prolonge sur les côtés, mais aussi les restes de linteaux monolithes noyés dans la maçonnerie. Trois corbeaux en pierre inégaux scandent ce niveau. Il est possible qu’ils aient eu une fonction de reposoir pour les oiseaux sous d’anciens trous de pigeonnier aujourd’hui disparus, comme cela s’observe sur d’autre maisons du village (référence du dossier : IA06004279). L’avant-toit de cette élévation est constitué d’un larmier en lauzes calcaires dont les dimensions varient. La maison est coiffée d’une toiture à longs pans, couverte de tuiles creuses.
Elévation ouest, troisième et quatrième niveaux.
Si la distribution intérieure ne doit sans doute pas être associée à l’organisation originelle de la maison, les volumes intérieurs et leurs différentes fonctions sont toujours identifiables. L’étage de soubassement, probablement une étable, est constitué d’une pièce unique couverte d’une voûte en berceau plein-cintre. Un escalier tournant a été installé dans l’angle nord-ouest et permet d’accéder au rez-de-chaussée surélevé dédié au commerce. A ce niveau, un escalier droit en front de parcelle, séparé de la pièce par une cloison, a été installé dans l’axe de la porte piétonne et dessert les deux niveaux supérieurs, dédiés au logis.
Etage de soubassement, ancienne étable. Vue de volume prise de l'ouest.