Le jardin de Maria Serena est essentiellement un jardin d'agrément. Sa composition, réalisée selon les principes du jardin irrégulier, fait la part belle aux palmiers des Canaries. Ces végétaux constituent, encore aujourd'hui, son principal attrait, tout comme les merveilleux points de vue qu'offre le jardin sur les montagnes environnantes, la Méditerranée et la vieille ville de Menton.
I. DESCRIPTION DETAILLEE
I.1 Topographie
Localisé dans le quartier de Garavan, le jardin d'agrément de Maria Serena a été créé à la limite Sud-Est de la commune de Menton. Ses aménagements, qui couvrent actuellement une superficie d'environ 15 000 mètres carrés, occupent un terrain allongé où la composition paysagère se déploie d'Ouest en Est, jusqu'à la frontière italienne, qui marque la lisière orientale du jardin. Le jardin est bordé au Sud par la promenade Reine-Astrid, qui longe la côte méditerranéenne. Il est délimité par la parcelle de la propriété voisine à l'Ouest et par la voie ferrée au Nord. Il domine la Méditerranée d'une dizaine de mètres et bénéficie d'une exposition plein Sud.
I.2 Composition générale
Le jardin se déploie sur deux niveaux reliés par une rampe d'accès aménagée en allée carrossable. Il est donc constitué d'un jardin inférieur, au plan en L, localisé au niveau de la voie publique, de la cour d'entrée, de la conciergerie et de la frontière, et d'un jardin supérieur au plan libre, en surplomb au niveau de la maison.
A l'origine, le jardin a été aménagé sur des terrains localisés de part et d'autre de la voie ferrée. Avant la réalisation du jardin d'agrément, ces terrains étaient probablement occupés par des vergers (il ne subsistent apparemment aucune des plantations initiales). Lors de la création du jardin d'agrément, ces terrains ont été reliés par une passerelle passant au-dessus de la voie. Au moment de la donation de la propriété à la ville de Menton en 1947, la partie au Nord de la voie ferrée a été détachée du domaine et léguée au chef jardinier de Maria Serena. Les parcelles occupant désormais cette partie constituent depuis des propriétés indépendantes.
I.2.I Jardin inférieur
Le jardin inférieur communique directement avec la cour d'entrée, aujourd'hui recouverte de bitume.
[Vue d'ensemble du jardin, prise depuis la grève en 1885.]
On accède à cette cour depuis la promenade Reine-Astrid par un portail aménagé dans la partie Sud-Ouest du mur de clôture en maçonnerie. Des photographies datées de décembre 1885 montrent qu'à cette époque le jardin d'agrément était séparé de la promenade Reine-Astrid par une grille en fer forgé, dont le tracé était tout à fait similaire à celui de l'actuel mur de clôture. Cette grille était complétée par un portail d'entrée érigé du côté Sud-Est. Les deux piliers en pierre de taille calcaire de ce portail sont tout à fait semblables à ceux du portail actuel. Ces piliers ont donc probablement été remontés à leur nouvel emplacement lors de la construction du mur de clôture ou lors d'un réaménagement ultérieur. Le portail est fermé par deux vantaux, inscrits entre les deux piliers. Les vantaux sont formés de grilles en fer forgée peintes en vert.
Une fois passé ce portail, le jardin inférieur se déploie à l'Est de la cour d'entrée.
Cour d'entrée. Vue d'ensemble en direction du jardin inférieur.
Il y a tout d'abord un aménagement long et très étroit, inscrit entre la rampe d'accès et la portion du mur de clôture longeant la promenade Reine-Astrid. Cette section est parcourue par une étroite allée de forme libre, en grande partie dallée de pierres plates aux formes irrégulières et ponctuée de petits escalier droits en pierre.
Elle est agrémentée de nombreux bassins aux formes courbes, bordés de moellons. Le plus grand de ces bassins occupe le pied du mur de soutènement de la rampe d'accès et est visiblement alimenté par des eaux de ruissellement, qui émergent d'aménagements hydrauliques intégrés au mur. Il y a tout d'abord une petite citerne ouverte dite barme, couverte d'une voûte en berceau plein-cintre, qui est probablement ancienne et antérieure à l'aménagement du jardin d'agrément. Il y a ensuite une fontaine en rocaille, réalisée en meulières, qui adopte la forme d'une grotte artificielle vouté en berceau plein-cintre, dont l'ouverture est bordée d'un appareillage régulier en briques.
Jardin inférieur : l'allée dallée et la fontaine.
Cette section du jardin étant très bien irriguée, elle présente donc une végétation foisonnante : palmiers des Canaries (phoenix canariensis), multiples fougères (dont différents cultivars de nephrolepis), fougères épiphytes dites corne d'élan (platycerium bifurcanum), oreilles d'éléphants (alocasia macrorrhiza), yuccas variés... Les bassins sont abondamment plantés da papyrus (cyperus papyrus), de lotus (différents cultivars de nelumbo nucifera) et de divers nymphéas, qui constituent leur principal ornement.
La seconde section du jardin inférieur se déploie un peu plus à l'Est. Elle a été aménagée en partie dans le prolongement de la section comportant les bassins, et en partie en retour, le long de la frontière italienne. Elle est moins bien irriguée que la section précédente et n'est plus guère entretenue. Elle comporte une serre à l'abandon à proximité du poste frontière.
I.2.II Rampe d'accès
Depuis la cour d'entrée, la rampe d'accès monumentale, aujourd'hui couverte de bitume et bordée de caniveaux en ciment, permet d'accéder à pied ou en voiture à l'aire d'accueil aménagée devant la maison. Cette rampe d'accès, qui s'étire sur près d'une centaine de mètres, a visiblement été réalisée à partir d'une structure préexistante. Dans un premier temps, elle a été entièrement végétalisée. Elle était en effet couverte par une imposante pergola, dont les piliers en maçonnerie avaient apparemment été érigés avec des moellons (quelques supports en fer forgé ont en partie remplacé la structure d'origine).
La section basse de cette rampe d'accès, contigüe à la cour d'entrée, présente une pente douce bordée de pelouses inclinées plantées de végétaux variés, regroupés en petits massifs. Ces massifs intègrent soit des plantes volubiles ou des épiphytes, accrochées aux troncs des arbres, soit un bassin avec des plantes aquatiques. On y retrouve, entre autres, les plantes suivantes : palmiers des Canaries (phoenix canariensis), monstera (monstera deliciosa), cinéraire maritime (jacobaea maritima), lotus (différents cultivars de nelumbo nucifera), cycas du Japon (cycas revoluta), aristoloche géante (aristolochia gigantea), fougères dites corne d'élan (platycerium bifurcanum).
Rampe d'accès : vue d'ensemble prise en direction de la maison.
La section haute, menant à l'aire d'accueil devant la maison, présente une pente beaucoup plus raide. Cette partie de la rampe est supportée par un important mur de soutènement donnant sur le jardin inférieur (voir ci-dessus). La maçonnerie de ce mur, aujourd'hui constituée en grande partie d'un appareillage polygonal, tout à fait semblable à celui des autres murs de soutènement de la propriété, a certainement été reprise et complétée lors de la création du jardin d'agrément. Par ailleurs, cette section de la rampe d'accès prend appui sur le mur de soutènement de la terrasse en terre-plein de la partie Nord-Ouest du jardin supérieur, dont l'amorce est marquée par un petit escalier droit en maçonnerie (probablement réalisé en ciment), permettant de relier la rampe d'accès et cette partie du jardin.
I.2.III Jardin supérieur
La rampe d'accès débouche sur l'aire d'accueil, qu'un petit escalier en pierre de taille, intégré au mur de soutènement de la terrasse Est, permet de relier à la partie principale du jardin supérieur, occupée par une grande pelouse. Cette pelouse, qui forme un grand ovale irrégulier, constitue l'un des principaux découverts du jardin.
Jardin supérieur : vue depuis la maison.
Les abords de la pelouse sont abondamment plantés de palmiers des Canaries (phoenix canariensis). Au-delà, ce sont toujours des palmiers des Canaries qui bordent les deux côtés d'une des principales allées de cette partie. Cette allée permet d'accéder à un bassin circulaire à margelle basse en pierre de taille, réalisé au coeur du jardin supérieur.
Jardin supérieur : vue plongeante en direction de la maison.
Le centre de ce bassin a été plus ou moins récemment agrémenté d'une vasque chinoise en bronze à patine verte, qui provient des collections d'art oriental conservées à l'intérieur de la maison. Cette vasque circulaire présente une panse renflée comportant des médaillons en bas relief décorés de trois feuilles de lotus. Elle est par ailleurs ornée d'un dragon serpentiforme en ronde bosse. Au moment de la mise en place de la vasque dans le bassin, la gueule du dragon a été équipée d'un jet d'eau retombant dans la vasque (lors de la réalisation de la vasque par le sculpteur, la panse a été munie de plusieurs canons de fontaine pour permettre une éventuelle mise en eau).
Jardin supérieur : bassin avec la vasque au dragon et les lotus.
On rencontre des oeuvres similaires à cette vasque dans le jardin du Clos du Peyronnet (Références des dossiers : IA06002803 et IM06002436), mais surtout une vasque tout à fait semblable dans le jardin de la Villa Hanbury, située en Italie, à quelques kilomètres de la frontière. C'est probablement cette dernière vasque, mise en eau dans un bassin, qui a inspiré l'aménagement réalisé à Maria Serena.
En référence à la vasque chinoise mise en place, le bassin circulaire de Maria Serena a été abondamment planté de différentes espèces aquatiques, parmi lesquelles des nymphéas bleus (nymphaea caerulea), mais surtout des lotus (différents cultivars de nelumbo nucifera) dont les feuilles figurent parmi les motifs décoratifs présents sur la vasque.
Les plantations de palmiers des Canaries de cette partie sont complétées par des aloès (différentes variétés du genre aloes) et diverses autres plantes de climat sec, regroupées en massifs irréguliers. Par ailleurs, la végétation exotique de cette zone du jardin comprend certaines plantes peu communes. On y distingue, entre autres, un rarissime pin des Canaries de très grande taille (pinus canariensis).
Jardin supérieur : pin des Canaries (vue de situation).
Ces plantations se poursuivent derrière maison, où une importante citerne parallélépipédique en maçonnerie, en grande partie érigée hors sol, a été aménagée entre la maison et la voie ferrée (en comparaison avec une citerne similaire présente dans le jardin d'agrément Serre de la Madone (Référence du dossier : IA06004168), cette citerne pourrait être antérieure au jardin).
Jardin supérieur : la citerne.
Depuis l'arrière de la maison, on rallie la partie Nord-Ouest du jardin supérieur, qui surplombe la rampe d'accès et qui comporte les mêmes types de plantations. Ces plantations comprennent de beaux spécimens de cycas du Japon (cycas revoluta) et sont, comme toujours à Maria Serena, dominées par l'imposante silhouette des palmiers des Canaries. A l'origine, la partie directement au-dessus de la rampe d'accès était agrémentée d'une pergola similaire à celle de la rampe.
Jardin supérieur : vue de la partie Nord-Ouest du jardin prise depuis l'étage de la maison.
II. NOTE DE SYNTHESE
Maria Serena est un excellent exemple, merveilleusement bien préservé, des jardins d'agrément de la fin du 19e siècle, consacrés aux plantes exotiques et composés selon les préceptes des jardins irréguliers.
Depuis la voie publique, où les accès d'origine semblent avoir été légèrement modifiés, la composition paysagère est structurée par une monumentale rampe d'accès qui impose un parcours ascendant relativement simple. Le reste de la composition est marqué par de nombreuses terrasses en terre-plein où la complexité du tracé des allées irrégulières est toute relative. Surtout, le jardin en impose par la majestueuse silhouette des palmiers de Canaries, qui ponctuent de spectaculaires perspectives ouvertes sur les montagnes, la mer et la ville.
C'est ainsi que le cadre enchanteur du site a régulièrement été choisi pour héberger des tournages. On peut citer, entre autres, différents épisodes de la série télévisée Poirot, réalisée d'après les romans d'Agatha Christie et mettant en vedette l'acteur britannique David Suchet.
Par ailleurs, tout comme au jardin Le Val Rahmeh (Référence du dossier : IA06002805), le jardin d'agrément de Maria Serena participe activement à la préservation, à la conservation et au sauvetage des palmiers des Canaries, espèce emblématique de la Côté d'Azur depuis le 19e siècle.
En effet, ces palmiers sont désormais menacés de disparition, victimes des attaques de charançons.
Petit fils d'un général d'Empire, descendant d'une noblesse bretonne, le comte Foucher de Careil a été sénateur et ambassadeur de France en Autriche-Hongrie. Il s'occupa également de travaux littéraires et philosophiques dont l'édition nouvelle des œuvres de Leibnitz. Il fait construire deux villas à Menton : Maria Serena (vers 1882-1885) et la villa Foucher de Careil (vers 1889).