HISTORIQUE
La villa Maria Serena a été construite entre 1882 et 1885 pour le comte Louis Alexandre Foucher de Careil, sénateur et ambassadeur de France en Autriche-Hongrie. A partir de 1882, Foucher de Careil achète plusieurs parcelles de terrains plantées de citronniers et d'oliviers, sur lesquelles se trouvait une ferme. Ces parcelles sont situées de part et d'autre de la voie ferrée, en limite de la frontière italienne, au lieu-dit Saint-Louis. Il souhaite y faire construire une maison de villégiature. La villa apparait comme étant entièrement terminée sur deux photos datées du 21 décembre 1885. L'allée d'accès principale et le mur de soutènement préexistent à la construction de la villa. Une passerelle métallique est édifiée au-dessus de la voie ferrée pour relier les deux côtés de la propriété. L'aménagement du jardin est entrepris avec, entre autres, la plantation des palmiers.
La villa a souvent été attribuée à l'architecte Charles Garnier, vraisemblablement par proximité stylistique avec sa villa de Bordighera (Ligurie) également pourvue d'un belvédère ajouré sur 5 niveaux et surmonté d'un clocheton. L'architecte serait en fait Scipion Aimé Jeansoulin, actif à Menton dans les années 1870-1890, où il a œuvré à l'aménagement et au tracé des nouveaux quartiers des Vignasses, des Capelettes et de la Gare. Il a donné les plans de nombreuses villas, immeubles et hôtels dont l'hôtel Cosmopolitain (1882) qui deviendra l'Hôtel Mont Fleuri, la villa Marie-Louis (10 avenue de la Madone) et la villa Paradou, à Garavan (détruite), cette dernière étant également flanquée d'un belvédère ajouré sur plusieurs niveaux. Jeansoulin semble avoir subi l'influence de Charles Garnier dont il reprend certains thèmes. 1
Les Foucher de Careil font construire vers 1889-1890 une autre villa sur le boulevard de Garavan
Le Comte décède en 1891. La villa Maria Serena est vendue par son petit-fils Louis Jacques de La Caze, en 1922, à Hans Henry Konig, homme d'affaire britannique. Ce dernier effectue des travaux à la villa en 1929 (Architecte : Henri Cerutti-Maori). Il agrandit la villa sur l'arrière pour y installer les cuisines, rajoute l'aile nord-est pour le personnel et le portique oriental sur lequel ouvre la salle à manger, le corps central est rehaussé d'un étage dont la galerie prolonge celle du corps de bâtiment sud-est, le clocheton du belvédère est supprimé pour être remplacé par un réservoir d'eau. Konig retourne en Angleterre à la déclaration de guerre. Il y revient à la Libération. Il cède en 1947 la villa et le jardin situé au sud de la voie ferrée à la Ville de Menton et la partie nord à son chef jardinier. La villa est à présent devenue la mairie d'honneur de la ville. Le jardin botanique est ouvert au public.
Menton. Villa du comte Louis Alexandre Foucher du Careil.
DESCRIPTION
1.2. Situation et composition d'ensemble
La villa Maria Serena et son jardin sont situés à Garavan, à l'extrémité sud-est de la commune, à la frontière italienne qui constitue la limite de la propriété. Elle est séparée de la mer par la promenade Reine Astrid. Une partie de la propriété se trouvait à l'origine de l'autre côté de la voie ferrée Paris-Vintimille et était accessible par une passerelle métallique. Le jardin actuel, qui occupe un espace d'environ 14700 m2, a la forme d'un rectangle irrégulier allongé. L'entrée se fait par un portail cocher à deux piliers de pierre blanche portant le nom de la villa. Elle ouvre devant la conciergerie, maison d'un étage au porche orné d'un décor de faux sgraffite. Une rampe d'accès carrossable monte jusqu'à une terrasse en terre-plein bordée d'une balustrade, dominée par la villa située au centre du jardin.
3. Matériaux
Le soubassement, dont les escaliers extérieurs, est appareillé en pierre de taille (calcaire blanc). La mise en œuvre des autres niveaux n'est pas visible, recouverte par un enduit. Les piliers, colonnes et chapiteaux sont en pierre ou en marbre blanc.
La toiture est en tuiles plates mécaniques.
4. Structure
Vue de volume.L'ensemble présente un plan et une volumétrie composites, caractérisés par les décrochements, les différences de niveau et de types de couverture, les élévations ajourées. Le corps de bâtiment central est de plan
Deuxième étage. Terrasse du belvédère.rectangulaire. Il était constitué à l'origine d'un seul étage sur rez-de-chaussée surélevé, couvert en terrasse. Il a été surélevé d'un étage couvert d'un toit à longs pans sur l'arrière. Il est flanqué sur l'angle nord-ouest d'une tour belvédère de plan carré, de trois niveaux au dessus d'un porche. Les deux niveaux supérieurs sont percés sur les côtés sud et ouest de baies libres sans chambranles, rythmées de colonnes. Ils sont reliés par un escalier en vis métallique suspendu au noyau. Le corps de bâtiment oriental est en avancée par rapport à la partie gauche. Lors des modifications de 1929, il a été prolongé sur l'arrière. Il s'élève de deux niveaux sur rez-de-chaussée surélevé, couvert d'un toit à longs pans à croupes. L'aile nord-est, d'un étage sur rez-de-chaussée surélevé, couverte d'un toit à longs pans à croupe a également été rajoutée en 1929.
L'accès principal est sur la façade latérale ouest, en rez-de-chaussée surélevé, sous un porche. On y accède par une volée d'escalier droit. Au sud, une autre volée d'escalier relie la terrasse du salon à l'aire d'accueil extérieure. Une entrée de service sur la façade arrière, au nord, ouvre sur les espaces de service.
5. Élévations extérieures
Vue d'ensemble prise du sud-est. L'élévation sud-ouest (façade antérieure) est la façade d'agrément orientée vers la mer. Elle présente cinq travées de baies à chaque étage. Au rez-de-chaussée surélevé, les pièces gauches ouvrent sur un portique à trois arcades couvertes en arc en anse de panier reposant sur des colonnes toscanes. A droite, le deuxième étage ouvre sur une loggia à colonnes à chapiteaux corinthiens altérés.
L'élévation sud-est est orientée vers la partie orientale du jardin. Elle est rythmée par quatre travées de portes-fenêtres à chaque étage. Le rez-de-chaussée surélevé est longé par un portique à colonnes toscanes jumelées.
Un muret masque l'ensemble de la toiture sur les quatre côtés.
6. Distributions intérieures
Le soubassement n'a pas été visité. Il abritait avant la construction de l'aile nord par Henri Konig les pièces de service (cuisine et logement des domestiques).
Rez-de-chaussée surélevé
L'entrée est sur la façade latérale, en rez-de-chaussée surélevé, sous un porche. On pénètre dans un vestibule qui dessert immédiatement à gauche un vestiaire lambrissé, des toilettes et un ascenseur, et au sud un salon. Le vestibule s'élargit au niveau de l'escalier qui dessert les deux étages. C'est un escalier tournant à trois volées droites autour d'un jour, pourvu d'une rampe en ferronnerie ornée de rouleaux aux noyaux à motifs végétaux. Les marches sont en marbre blanc veiné de gris. Le salon ouvre par une grande baie vitrée - qui a remplacé les trois portes-fenêtres d'origine - sur le portique sud relié à la terrasse en terre-plein par une volée d'escalier. A l'opposé de la porte d'entrée de la maison, une porte introduit à la salle à manger communicant avec le salon par une large ouverture cantonnée de deux colonnes toscanes. La salle à manger prend jour au sud par deux portes-fenêtres et à l'est par cinq portes-fenêtres ouvrant sur le portique oriental. Tous les sols sont parquetés.
La partie arrière (aile rajoutée par Henri Konig en 1929) est réservée au service. On y accède par une entrée indépendante sur la façade arrière. Un escalier tournant à retours autour d'un jour dessert l'ensemble des étages. Les marches sont en marbre. A l'ouest du vestibule se trouve la cuisine qui communique avec la salle à manger par une double porte permettant l'insonorisation. Un couloir longe le mur nord et dessert deux chambres de domestiques.
Premier étage
La distribution est semblable à celle du rez-de-chaussée. Un vaste palier dessert un salon au sud-ouest et un salon au sud-est ouvrant chacun sur une terrasse par des portes-fenêtres, un vestiaire et des toilettes dans l'angle nord-ouest, trois chambres de domestiques, la lingerie, une salle de bains et un W-C dans l'aile nord. Le salon sud-ouest est dit "salon chinois" compte tenu de son ameublement.
Deuxième étage
Le palier-galerie est éclairé par cinq baies au sud, dont une porte-fenêtre centrale qui ouvre sur une grande terrasse. Il conduit au belvédère à l'ouest et à deux chambres de maîtres à l'est. On retrouve un vestiaire et l'ascenseur dans l'angle nord-ouest et la lingerie, une salle de bains et un W-C au nord. La chambre sud ouvre sur une loggia. Elle est équipée d'une cheminée en marbre blanc surmontée d'un trumeau en bois peint doré.
Escalier principal. Première volée.
Rez-de-chaussée. Salon.
Deuxième étage. Loggia.
NOTE DE SYNTHÈSE
La villa Maria Serena est un exemple de villas aristocratiques de la fin du 19e siècle, construite dans un style éclectique classique. Elle constitue ce que certains architectes des années 1920, comme Ferdinand Bac, vont remettre en question dans leur souci de retour à des formes plus autochtones et de définition d'une architecture méditerranéenne, avec la remise en question de la blancheur des façades et des jardins où domine le palmier.
Elle n'en constitue pas moins un très bon exemple de ce qu'est une architecture de villégiature où espaces intérieurs et extérieurs sont traités avec égale importance. La multiplication des fenêtres ouvertes sur la mer toute proche intègre le paysage. Les terrasses, portiques, loggias et belvédère sont des pièces à vivre jouissant du soleil et de la température clémente de Menton à une époque où il s'agissait d'une villégiature d'hiver.
La villa présente autant d'intérêt pour son architecture que pour son jardin où se mêlent végétation exotique et autochtone et où dominent les palmiers.
Architecte du patrimoine. Prestataire extérieur pour l'opération de repérage du patrimoine de la villégiature de Menton en 2013-2014, de Beausoleil (06) et de Roquebrune-Cap Martin (06) en 2016 et 2017, de Nice en 2017.