Dossier collectif IA04003125 | Réalisé par
Mosseron Maxence (Contributeur)
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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  • inventaire topographique
fermes
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    ferme
  • Aires d'études
    Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var
  • Adresse
    • Commune : Thorame-Haute

I. Contexte de l'enquête

Le repérage

Ce dossier concerne les fermes de la commune de Thorame-Haute (canton d'Allos-Colmars, Pays Asses-Verdon-Vaïre-Var, département des Alpes-de-Haute-Provence).

Le terme de "ferme" correspond aux bâtiments ou ensembles de bâtiments associant des fonctions domestiques et agricoles, ces dernières occupant un espace proportionnellement plus important, qui peut contenir des parcelles de foncier dispersé.

Les conditions de l'enquête

Le repérage des fermes sur la commune de Colmars a été effectué au cours des mois d'été 2010 avec des compléments en 2011. Le recensement s'est fait à partir du cadastre le plus récent disponible, édition mise à jour pour 1987. Le plan cadastral dit "napoléonien", levé en 1827, a servi de point de repère et de comparaison pour les bâtiments antérieurs à cette date ; l'ensemble des états de section de ce cadastre a été consulté. Toutes les constructions portées sur le cadastre actuel ont été vues, au moins de l'extérieur.

Le repérage a été effectué à l'aide d'une grille de description morphologique propre aux fermes et décrivant :

- l'implantation par rapport à la pente,

- la composition des bâtiments,

- les fonctions visibles des bâtiments,

- la présence éventuelle et la caractérisation des espaces libres,

- la mitoyenneté,

- les matériaux principaux et secondaires et leur mise en œuvre,

- la forme du toit et la nature de la couverture et de l'avant-toit,

- le nombre d'étages visibles,

- la description des élévations et des baies,

- les décors extérieurs,

- les aménagements intérieurs (voûtes, escalier, cheminée, cloisons…)

- les inscriptions historiques : dates portées, inscriptions…

Cette grille de repérage a donné lieu à l'alimentation d'une base de données destinée à faire un traitement statistique et cartographique. Le repérage est toujours confronté à la question de l'état du bâti. Ainsi, ont été repérés les bâtiments ayant subi quelques modifications de détail n'affectant pas leur lecture architecturale. Les bâtiments ruinés mais dont le parti pris architectural d'origine restait lisible ont également été repérés. En revanche, les bâtiments ayant subi des transformations majeures rendant illisibles leurs caractères architecturaux n'ont pas été retenus. Les bâtiments non retenus sont principalement ceux qui ont été très remaniés à une période récente, selon des normes de construction, des matériaux et un vocabulaire architectural très éloignés de ceux de l'architecture locale : élévations entièrement repercées de grandes ouvertures rectangulaires masquant les baies anciennes, utilisation de matériaux récents rendant illisible le parti d'origine, restructuration intérieure totale ou profonde.

II. Caractères morphologiques

Sur la commune de Thorame-Haute, seules 8 fermes ont été repérées, 6 d'entre elles ont été sélectionnées (75% du corpus). Le faible nombre d'édifices appartenant à cette famille traduit une réalité communale : une très faible densité de fermes pouvant donner lieu à une analyse en tant que telle, soit parce qu'elles s'inscrivent dans une organisation villageoise avec des dépendances dispersées donc difficilement identifiables, soit parce que les critères objectifs ne permettent pas un recensement pertinent, du fait de modifications apportées à tout ou partie de l'édifice considéré, soit parce qu'elles rendent compte d'une nouvelle génération de fermes, qui ne répond pas à la grille de lecture de la ferme vernaculaire. Pour autant, dans ce dernier cas de figure, l'absence de repérage n'a pas entraîné de rejet en tant que tel, car l'une d'entre elles a fait l'objet d'un dossier afin d'aborder la question de la ferme moderne qui témoigne d'une adaptation aux nouveaux enjeux agricoles locaux après la Seconde Guerre mondiale (ferme aux Chaucheis, REF=IA04003043).

De rares dates ont été relevées. La première sur la façade principale de la ferme dite Ferme Jaume (REF=IA04002782) : "1.8.27./J.J.A." Elle correspond à la date de levée du cadastre communal, et permet d'affirmer que l'édifice lui préexistait, comme pour trois autres fermes. L'une d'entre elles, située dans l'ancien village de la Colle-Saint-Michel (sur la parcelle 2011 I 24), porte une date très précoce (1532) qui n'est pas crédible. Les autres sont postérieures et ont été construites durant le 19e siècle. On a également repéré une date portée à l'intérieur du fenil d'une ferme à la Colle Saint-Michel, sur un conduit de cheminée (1869). Par ailleurs, les édifices eux-mêmes montrent la marque de modifications qui ont pu être apportées dans le temps, sous la forme d'adjonctions, par exemple avec l'extension en parpaing de béton de la ferme aux lieu-dit les Saintes, en 1987 ZA 64a, ou de dépendances modernes plus en conformité avec l'évolution des exploitations, comme à l'Iscle, en 1987 A 782 (REF=IA04003130).

Ferme Jaume. Bâtiment principal, façade sud : date portée : "1.8.27/J.J.A.".Ferme Jaume. Bâtiment principal, façade sud : date portée : "1.8.27/J.J.A.".

On notera également la difficulté d'intégrer des édifices qui ont évolué au fil du temps, par leurs modifications mais aussi par leurs changements de destination. C'est le cas de l'entrepôt de Cotage Soleil, qui a fait partie du repérage des entrepôts agricoles, de même que de l'auberge de l'Oustalet à la Colle-Saint-Michel, alors que pour le premier il s'agit désormais d'une ferme, alors que pour le second la dénomination plurielle rend plus complexe encore son appréhension (et en tout cas l'exclut du repérage des fermes).

Implantation et composition d'ensemble

3 fermes ont été repérées en milieu aggloméré, et plus précisément à la Colle-Saint-Michel, ancien chef-lieu entièrement agricole au tissu lâche. D'autres ont pu être identifiées dans l'actuel chef-lieu, à Thorame-Haute même, mais les modifications apportées n'ont pas permis de recensement pertinent. A Ondres et Peyresq, où les mutations apportées au bâti sont bien plus marquées encore, le même constat s'impose. En conséquence, seules deux fermes sont concernées par la mitoyenneté et jamais par plus d'un côté.

6 fermes sont implantées dans la pente, et parmi elles, 4 s'inscrivent perpendiculairement à celle-ci. D'où autant d'édifices concernés par un étage de soubassement. La forme ferme à bâtiments accolés et/ou disjoints domine (7 cas). La ferme restante présente une forme F1, soit ferme en maison-bloc à terre, où les fonctions sont juxtaposées sous un même toit (à Cotage Soleil, REF=IA04002779). Cela étant, la forme F3 peut être la résultante d'adjonctions à un état originel plus simple, F1 (comme pour la ferme à la Colle-Saint-Michel REF=IA04003048, ou la ferme en 1987 A 782 à l'Iscle) ou F2 (ferme à maison-bloc en hauteur, comme pour la ferme Jaume [REF=IA04002782]). Dans ces deux cas, les dépendances sont disjointes du bâtiment principal. Lorsque ce n'est pas le cas, l'accolement de ces dernières crée en effet de ferme en ligne comme à la Colle-Saint-Michel (REF=IA04002771), ou en L (ferme à l'Iscle, REF=IA04003130). La variété, au sein d'un petit panel d'édifices, apparaît donc importante. Au total, 4 fermes présentent des dépendances accolées, et 4 des dépendances disjointes.

Ferme dite maison Martel à la Colle-Saint-Michel.Ferme dite maison Martel à la Colle-Saint-Michel.

L'absence de mitoyenneté pour la grande majorité des fermes laisse des espaces libres disponibles : on trouve une cour à 6 reprises, un jardin a été identifié, ainsi que deux aires à battre. Le faible nombre d'aires identifiée ne reflète pas la réalité. Inutilisées, beaucoup sont tombées en déshérence et envahies par les mauvaises herbes. Certaines fermes isolées, au coeur de leur territoire utile d'exploitation, sont environnées de vergers ; ainsi à l'Iscle (1987 A 782-790, REF=IA04003130) et aux Saintes (1987 ZA 64).

La ferme de l'Iscle (parcelle A 782).La ferme de l'Iscle (parcelle A 782).

Matériaux et mise en œuvre

Les fermes sont construites en maçonnerie de moellons de calcaire et de grès, où le galet intervient en complément, liés au mortier de chaux et de sable. Pour des raisons de solidité structurelle, les chaînes d'angle bénéficient de moellons de taille plus importante, grossièrement équarris contrairement au reste de la maçonnerie. L'enduit est à pierres vues dans 4 cas, rustique dans 2, lisse dans un et à la fois rustique et à pierres vues dans une autre ferme. Le linteau est omniprésent, et la pierre de taille n'intervient qu'à une seule reprise (REF=IA04003048).

On a dénombré des voûtes dans cinq cas, prioritairement en berceau segmentaire (4 cas, complété das une ferme par des voûtes catalanes, contre un seul cas de voûtes d'arêtes). Il convient toutefois de considérer ces chiffres avec recul, car les fermes disposant d'un couvrement sous forme de voûte ont également des plafonds planchéiés sur solives avec plâtre intermédiaire en colmatage pour l'étanchéité et l'isolement, à l'exception de celle située en 2011 I 55 (REF=IA04003048) dans laquelle la voûte est omniprésente à l'étage de soubassement. Et ici encore, la circonspection est de mise, car tributaire d'un repérage lacunaire dans la mesure où il ne prend en compte que les bâtiments n'ayant pas été l'objet de modifications trop importantes. Ce critère exclut des fermes telles celle de la Royère, ruinée en 1960 puis reconstruite à l'exception du premier niveau, à l'étage de soubassement, qui présente un couvrement en voûte d'arêtes surbaissées prenant appui sur tout un côté sur le rocher partiellement excavé.

Ferme Balp à la Colle-Saint-Michel (parcelle I 060 55) : bergerie voûtée d'arêtes.Ferme Balp à la Colle-Saint-Michel (parcelle I 060 55) : bergerie voûtée d'arêtes.

Dans les parties agricoles, le sol est toujours en terre battue1. On a observé un cas de remise (ou de cellier, voire de bergerie, mais l'absence de matériel dédié impose de rester prudent) imparfaitement empierré de dalles plates (REF=IA04002771). Cependant, il n'a pas été possible de pénétrer dans beaucoup de parties domestiques. Le cas échéant, le sol observé est carrelé (REF=IA04002779). Les murs des pièces d'habitation reçoivent un enduit lisse réalisé au mortier de chaux ; de manière systématique ou presque, ils sont peints en blanc. Les plafonds des pièces d'habitation qui ont pu être visitées ne présentent jamais d'enduit lisse au plâtre. Ils sont soit bruts, soit recouverts d'une couche de peinture blanche lacunaire. Les cheminées, systématiques, parfois nombreuses en fonction de la taille de la ferme et du nombre de pièces et/ou de couples à y loger (on n'en dénombre ainsi pas moins de quatre à la ferme de l'Iscle, REF=IA04003130) sont souvent dépourvus de jambage : ceux de la ferme de Cotage Soleil (REF=IA04002779), en brique, sont liés à une intervention contemporaine. Les placards sont majoritairement muraux, et pour ceux qui sont en saillie, ils sont manufacturés et datent pour l'essentiel de la première moitié du 20e siècle, ou sont plus récents. Les huisseries des fenêtres ont pour la plupart été modifiées et remplacées. Dans les rares cas où l'intervention récente n'est pas avérée, elles sont de petit bois avec un bâti dormant assurant l'insertion de carreaux fins de petites dimensions (ainsi au Fontanil, REF=IA04002780).

Structure, élévation, distribution

L'implantation sur une topographie la plupart du temps accidentée induit la présence d'un étage de soubassement, dans 6 cas sur 8 : seules les fermes situées aux Saintes et à l'Iscle prennent place sur un terrain plat. On dénombre 3 fermes à 3 niveaux, 4 à 4 et une à 5 niveaux. L'accès au logis s'effectue par un escalier extérieur à quatre reprises, par un escalier intérieur à trois reprises, et dans un cas l'escalier s'avère inutile, par le jeu de la dénivelée. La forme droite a été identifiée deux fois dans le cas des escaliers intérieurs, un cas n'a pu être directement observé. En ce qui concerne les escaliers extérieurs, l'un est en béton, parallèle à façade principale et prolongé par une terrasse : il s'agit d'un aménagement datant du début du deuxième quart du 20e siècle à la suite d'un agrandissement de l'édifice (REF=IA04002771). Un autre adopte une forme en équerre (REF=IA04002777).

Dans le cas des circulations extérieures, on a également identifié la présence d'une voire deux coursières, à la ferme Jaume (REF=IA04002782) et peut-être à la ferme Balp à la Colle-Saint-Michel (REF=IA04003048)2. Ces deux exemples sont importants, car ils constituent des marqueurs de l'apparition progressive de la ferme à coursière, élément morphologique et fonctionnel caractéristique du type alpin encore balbutiant à cette latitude. Les fermes en question forment en quelque sorte l'avant-garde d'un autre type de circulation, dans la mesure où la coursière permet un accès au niveau de logis depuis l'extérieur, assurant une distribution de pièce en pièce à partir d'un balcon filant notamment lors des épisodes neigeux naguère abondants qui condamnaient l'accès depuis le niveau bas. D'autres marqueurs sont à l'oeuvre : la pente accusée du toit, la présence de la croupe (à la ferme Balp). Combinés, ils désignent un nouveau type de ferme.

Vue de la façade sud du corps principal de la ferme Jaume avec sa coursière.Vue de la façade sud du corps principal de la ferme Jaume avec sa coursière.

Les fonctions d'étable, de bergerie, de remise, de bûcher et de fenil sont systématiques ou presque. L'accès au fenil est assuré par une porte haute : le système peut être dédoublé par des portes superposées (ferme aux Saintes et à la Colle-Saint-Michel, REF=IA04003048). On constate d'une manière générale des volumes de stockage importants, sous le toit, sinon dans des adjonctions au bâtiment principal (REF=IA04002771) voire les deux (REF=IA04002780 et IA04003130). La ferme de Cotage Soleil ne dispose pas de bergerie, mais c'est parce qu'il s'agissait au préalable d'un entrepôt agricole qui s'est développé. On a observé la présence d'un fournil à deux reprises, trois si l'on ajoute l'ensemble non repéré à la Royère. Tant au Fontanil qu'à la ferme Jaume, le fournil dispose d'un bâtiment dédié indépendant. Deux puits ont été identifié, ainsi qu'un rucher-placard (à la ferme Jaume).

Thorame-Haute constitue en quelque sorte la porte d'entrée de la haute vallée du Verdon, soumise à des conditions météorologiques particulières qui se traduisent dans l'organisation de certains espaces agricoles. Les aires à fouler couvertes, prolongeant les aires extérieures, en sont un marqueur. Elles prennent la forme de dépendances agricoles dissociées (une aire surmontée d'un grenier ou fenil) voire d'espaces intégrés à la ferme elle-même. La faible quantité de fermes repérées sur la commune ne permet pas d'avoir une lecture véritablement fiable ; pourtant, cette forme spécifique a été identifiée à la ferme de l'Iscle (REF=IA04003130), où le système s'agrémente d'un raffinement consistant en une ouverture pérenne d'un côté et d'une autre (sous la forme d'une porte charretière) qui permet de faciliter la circulation voire d'améliorer la ventilation lors du battage. A la ferme des Saintes, un espace couvert, qui correspond à une adjonction réalisée dans la première moitié du 20e siècle, en contact direct avec le fenil et la bergerie, peut jouer un rôle semblable, même si la faible profondeur, 3 mètres environ, offre une latitude limitée pour le battage.

Ferme des Iscles (parcelle A 782). Passage couvert, pavé et traversant qui facilite les déplacements. Cet espace protégé pouvait aussi servir d'aire à fouler en cas d'intempérie.Ferme des Iscles (parcelle A 782). Passage couvert, pavé et traversant qui facilite les déplacements. Cet espace protégé pouvait aussi servir d'aire à fouler en cas d'intempérie.

Couvertures

Les fermes haut-thoramaises repérées présentent pour l'essentiel des toits à longs pans (6 cas). On trouve aussi deux cas de toits mixtes (en réalité un toit à longs pans avec un ou plusieurs toits à pan unique liés à une ou plusieurs adjonctions. Un cas de croupe a été observé, à la Colle-Saint-Michel (REF=IA04003048). Les pentes des toits sont majoritairement accusées. Néanmoins, il importe de considérer que les fermes plus récentes (telles que celle située à l'Iscle REF=IA04003130) ou les adjonctions du 20e siècle ont tendance à proposer des inclinaisons adoucies par rapport au schéma local traditionnel pentu (voire extrêmement pentu, par exemple au Fontanil (REF=IA04002780).

Les deux matériaux de couverture étaient la planche de mélèze (sous forme de bardeau ou d'essentole) et la tuile plate artisanale, mais elle n'est plus visible que de manière résiduelle (ainsi pour la ferme située aux Saintes pour la tuile) à l'exception remarquable de la ferme dite maison Balp (REF=IA04003048) qui a en outre bénéficié d'une restauration en 2012 qui respecte le matériau de couverture originel. De même, si le corps principal de la ferme du Fontanil (REF=IA04002780) n'a plus sa couverture ancienne, l'une des dépendances a en revanche partiellement conservé sa couverture en bardeau. La tôle est devenue omniprésente et pour les interventions les plus récentes le bac acier a pris la relève (ferme de l'Iscle). La génoise, à cette latitude, est relativement rare. On l'observe sur les murs gouttereaux des fermes de l'Iscle et des Saintes. Elle n'a d'autre fonction que décorative puisqu'elle est systématiquement outrepassé par des débords de toiture plus importants voire relativement profonds, entre cinquante centimètres (par exemple au Fontanil ou à l'Iscle) jusqu'au mètre (ainsi à la ferme Jaume, qui présente en outre un égout retroussé afin de protéger la coursière). Aux Saintes, une modification en façade sud (adjonction d'une véranda surmontée d'un balcon au début du 20e siècle) a entraîné la mise en place d'un larmier de protection.

Pentes de toits très accusées et couvertures en planches de mélèze à la ferme du Fontanil (parcelles C 261-262).Pentes de toits très accusées et couvertures en planches de mélèze à la ferme du Fontanil (parcelles C 261-262).

Ferme Balp (la Colle-Saint-Michel, parcelle I 060 55) : couverture en tuile plate artisanale.Ferme Balp (la Colle-Saint-Michel, parcelle I 060 55) : couverture en tuile plate artisanale.

Ferme aux Saintes (parcelle ZA 64a).Ferme aux Saintes (parcelle ZA 64a).

Décor

Il est pour ainsi dire inexistant, hormis à la ferme de l'Iscle (REF=IA04003130) laquelle bénéficie de faux encadrements et de fausses chaînes d'angle harpées, peints en ocre rouge sur les façades.

Décor de fausse chaîne d'angle harpée à la ferme des Iscles (parcelle A 782).Décor de fausse chaîne d'angle harpée à la ferme des Iscles (parcelle A 782).

III. Typologie

Voir le II, § "Implantation et composition d'ensemble" : si la forme F3 (ferme à bâtiments accolés et/ou disjoints) s'impose largement avec 7 occurrences (87,5%), elle traduit la plupart du temps une évolution d'un type originel plus simple de forme maison-bloc à terre (F1) ou maison-bloc en hauteur (F2).

En définitive, et malgré l'état général du bâti agricole sur la commune qui limite la pertinence du repérage, il convient de remarquer l'intérêt de l'éventail des formes observées. Celles-ci permettent de faire deux remarques principales :

1/ d'une manière générale, la commune de Thorame-Haute s'inscrit dans une zone transitionnelle. C'est également le cas pour les fermes, qui témoignent, fût-ce de façon subtile, des prémices de la ferme qu'on appellera faute de mieux "alpine", c'est-à-dire présentant des traits morphologiques et fonctionnels spécifiques qui sont :

* l'apparition du système de circulation par coursière (REF=IA04002782 et IA04003048) ;

* l'importance des volumes dédiés aux espaces de stockage, qu'ils soient sous le toit de la ferme elle-même (bâtiment principal) ou dans des dépendances (comme au Fontanil, REF=IA04002780) ;

* la pente accusée des toits et, accessoirement, l'apparition timide des toits en croupe ;

* la couverture en planches de mélèze (sous la forme de bardeau ou d'essentoles) qui apparaît de façon résiduelle.

Bien évidemment, les fermes communales ne sauraient présenter un prétendu modèle "pur", qui d'ailleurs n'existe pas. Le jeu des influences induit des mélanges, typiques d'une zone transitionnelle. Pour autant, la ferme dite maison Balp remplit un grand nombre des critères énoncés ci-dessus.

On ajoutera un autre critère, à la frontière entre marqueur géographique et temporel : l'apparition de l'aire à fouler couverte (un cas avéré, peut-être deux, sans compter les entrepôts agricoles). Il s'agit d'abord d'un marqueur géographique dans la mesure où on le retrouve essentiellement dans la vallée du Coullomp (où des exemples attestent une existence ancienne, dès le 18e siècle au moins) ainsi que dans la haute vallée du Verdon, l'ancienne commune de La Colle-Saint-Michel comprise, où les documents figurés anciens montrent son implantation. Thorame-Haute confirmerait ainsi son rôle d'espace transitionnel. Deux exemples ont été identifiés à Thorame-Basse, et la présence de cette spécificité agricole, tant sur le plan morphologique que fonctionnel, se développe en remontant la haute vallée du Verdon. Il s'agit ensuite d'un marqueur temporel, car l'existence, dans la haute vallée du Verdon et donc à Thorame-Haute, de l'aire à fouler couverte intégrée à la ferme ou "indépendante", paraît marquer une étape particulière de l'économie agricole sur la zone. Il semblerait en effet qu'elle soit apparue au seuil du 20e siècle avant de se développer dans la première moitié de ce même siècle, puis de progressivement disparaître.

Ferme du Fontanil (parcelles C 261-262) avec ses dépendances (dont un fournil). Vue d'ensemble de la ferme depuis le sud-est.Ferme du Fontanil (parcelles C 261-262) avec ses dépendances (dont un fournil). Vue d'ensemble de la ferme depuis le sud-est.

2/ de la ferme vernaculaire à la ferme "moderne"

Le territoire communal propose également une variété dans l'organisation des fonctions :

* la ferme vernaculaire se présente comme un ensemble composé d'un bâtiment principal et de dépendance accolées et/ou disjointes. Les ajouts modernes (intervenus dans le courant du 20e siècle) ont tendance à se démarquer de ceux plus anciens, car ils amorcent une double rupture, de mise en oeuvre et d'échelle. Rupture dans la mise en oeuvre d'abord, puisque le matériau de gros oeuvre (calcaire, grès, voire galet) tend à être remplacé par le parpaing artisanal puis de béton (ainsi à l'Iscle et aux Saintes) ;

Ferme aux Saintes (parcelle ZA 64a) : adjonctions occidentales en parpaing artisanal.Ferme aux Saintes (parcelle ZA 64a) : adjonctions occidentales en parpaing artisanal.

* le modèle traditionnel est progressivement remplacé par un autre modèle, plus adapté aux contraintes liées à la mutation productiviste des activités agricoles à partir du second après-Guerre, de sorte que les adjonctions successives ne suffisent plus à répondre aux nouvelles exigences. Il convient dès lors d'inventer un nouveau type de ferme, qui se dissocie du modèle vernaculaire pour s'inscrire dans un modèle générique "universel". C'est le cas de la ferme des Chaucheis (REF=IA04003043), où les fonctions logis et agricoles se distinguent en des bâtiments différents. C'est l'apparition du pavillon dédié à l'habitation stricte, à proximité des bâtiments d'exploitation composés de vastes bergeries et de fenils aux volumes considérables destinés à l'élevage ovin et au stockage du fourrage nécessaire à l'alimentation du cheptel d'une part, ainsi qu'à la vente de l'herbe de qualité d'autre part. Des hangars ouverts permettent le remisage du matériel agricole (machines). Les matériaux traditionnels de gros-oeuvre laissent la place à une mise en oeuvre standardisée assurant fonctionnalité et ergonomie : le parpaing de béton, les charpentes préfabriquées ainsi que la tôle ou le bac acier remplacent le calcaire, le grès et le galet.

Ferme récente aux Chaucheis (ZC 100-102, 116). Le pavillon d'habitation est dissocié des dépendances agricoles.Ferme récente aux Chaucheis (ZC 100-102, 116). Le pavillon d'habitation est dissocié des dépendances agricoles.

1Exception faite de l'ancienne ferme Balp à la Colle-Saint-Michel, car les anciennes parties agricoles servent de local pour le matériel de ski : il a donc fallu cimenter le sol pour le rendre plus praticable.2Dans ce dernier cas, le balcon-terrasse en retour qui prolonge la coursière latérale et donne sur la route départementale 908 est plus tardif. Il date du 2e quart du 20e siècle, en lien avec la transformation du bâtiment en auberge et hôtel.
  • Période(s)
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle
  • Typologies
    F1 : ferme en maison-bloc à terre ; F2 : ferme en maison-bloc en hauteur ; F3 : ferme à bâtiments accolés et/ou disjoints
  • Toits
    bardeau, tuile plate mécanique, acier en couverture, tôle ondulée
  • Murs
    • calcaire moellon sans chaîne en pierre de taille enduit
    • grès moellon sans chaîne en pierre de taille enduit
    • galet enduit
    • béton
  • Décompte des œuvres
    • repérées 8
    • étudiées 6
    • nombre des immeubles au dernier recensement de l'INSEE 497

Bibliographie

  • BRUNET, Marceline, DEL ROSSO, Laurent, LAURENT, Alexeï et MOSSERON, Maxence. La ferme et le territoire en haute Provence, dir. Marceline Brunet. Collection Cahiers du Patrimoine, n° 119. Lyon : Lieux Dits, 2019, 408 p.

Date d'enquête 2011 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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