I Histoire de l'église paroissiale
L'église paroissiale a pour titulaire saint Julien et pour patron saint Georges.
On trouve une première mention de l'église Saint-Julien de Thorame-Haute dans les pouillés vers 1300 : ecclesia Sancti Juliani Thoramine superioris ; puis en 1376 : ecclesia Toramine superioris. Les fondations les plus anciennes connues (collationnées dans la visite pastorale de 1712) datent, pour l'une de 1516, pour l'autre en 1517.
Cet édifice primitif aurait été détruit au moment des guerres de religion en 1576. Lors de la visite pastorale de 1712, Mgr Soanen est le premier à faire allusion à une inscription sur "la voûte de bois de la nef" qui atteste que l'église a été démolie par les huguenots en 1576, puis rebâtie en 1598. Le questionnaire sur l'état des paroisses de 1840 la transcrit intégralement : "sur la voûte qui forme la poutre de la nef, on lit cet écriteau en grands caractères : templum hoc fuit destructum a perfidis haereticis an. 1576 et reaedificari incoeptum an. 1598 perfectum et pictum 1777". 1777 fait allusion à de grands travaux de rénovation, dont le détail est développé plus bas. En 1861, Féraud cite une nouvelle fois la même inscription qui "atteste les dégâts horribles commis en ce lieu par les protestants commandés par le chevalier de Saint-Estève".
Honoré Bouche nous fournit un récit des incursions huguenotes : en 1574 on assiste à de "grands désordres en Provence par les Religionnaires [les protestants]. Le 7 septembre les sieurs de l'Isle [frère du baron d'Allemagne] avec Espagnolet surprirent le lieu d'Annot, et quelques jours après le fort de Saint George à Thoramenes Hautes, Tartonne, le Poil, Majastres et autres des environs : où ils exercèrent par tout d'incroyables cruautez, meurtres, voleries et profanations aux églises : renversant les autels, démolissant les chapelles, brulant les images, abbatant les croix, emportant les calices, les ciboires, les reliquaires d'argent et tous les plus précieux ornements des églises". Les troubles prennent fin en décembre 1574 après la reddition des protestants. Il y aurait donc une erreur de date soit dans la transcription, soit dans l'écriture, de l’inscription présente sur l'ancienne voûte de bois de la nef.
Vue générale de la façade sud, cimetière au premier plan.En 1602, l'évêque de Senez Jacques Martin après une visite à l'église Saint-Julien de Thorame-Haute le 30 octobre de la même année, rend une sentence où il ordonne " lad. église sera remise en l’estat qu’elle estoit auparavant ensemble le cimitière, laquelle église sera bien et duement couverte et à costé d’icelle sera faicte une sacristie". Ce qui confirme que l'église a donc bien été en grande partie détruite puis probablement partiellement reconstruite, peut-être en 1598. L'observation de l'extérieur de l'église, ainsi que de son plan, montre une rupture d'appareil et de niveau entre la nef et le sanctuaire. On peut émettre l'hypothèse que la destruction de l'édifice n'a été que partielle : le sanctuaire (travée de chœur et abside) ainsi que la chapelle sud (aujourd'hui du Rosaire) sont des parties anciennes conservées. Le pilier nord de cette chapelle porte la date de 1539. Le chœur est en effet bien de style gothique.
En 1606, les travaux n'ont pas été entièrement effectués puisqu'il est toujours question de la "rédiffication des murailhes et couvert de lad. église bien et debuement et après icelle induicte et emblanchie dedans et dehors avec ses bonnes portes de bois, pallamelles, serreure et clef". En 1609, l'évêque ordonne enfin que "le service divin se fera ausd. esglises de Saint-Jullien [...] tout ainsi comme se faisoit anciennement", on peut donc présupposer que l'essentiel des travaux a été réalisé. En 1628, un prix-fait est passé entre la communauté et Esprit Gaultier, menuisier pour réaliser l'ensemble des ouvrages de bois à savoir balustre, pavement et bancs, le tout en noyer. Enfin, en 1633, la sentence porte sur les travaux de finition : "Sera lad. esglise blanchie dans deux ans ".
En 1672, l'évêque ordonne l'achat d'ornements liturgiques, de construire une sacristie "au lieu le plus convenable". En 1683, l'évêque demande à ce que tout le couvert de l'église soitréparé, ainsi que "le reste de la nef", et que "la sacristie desja commencée sera achevée et mise en etat".
En 1697, l'état de l'église semble s'être déjà dégradé puisque l'évêque la décrit ainsi : "le couvert de la voûte est rompu à plusieurs endroits, la nef de l'eglize est tout despavé, le toit de la nef est entrouvert". Les consuls sont donc sommés de faire "réparer le couvert de la nef et paver celle-ci de brique". En 1712, Mgr Soanen constate : "l'édifice du sanctuaire est bon, les murs ont besoin d'être reblanchis, la voute du coté de l'Evangile est un peu alterée par les pluyes qui viennent du clocher, la fenestre du midy n'a pas assez de largeur sur l'embrasure. [...] La nef séparée du choeur par un grand balustre de bois et un grand Crucifix au dessus a une voute de bois qui a quelque besoin de réparation [...]. Tout le couvert extérieur est de planches et tout le sol n'est que de chaux et de petites pierres. [...] il y a un trou au dessous de l'autel qu'il faut boucher en otant les mallons. [...] Le clocher en forme de tour quarrée au coin du sanctuaire est bon état avec de bonnes cloches mais il est très dangereux d'y monter, il faut y remédier pour prévenir les accidents". Toujours en 1712, l'évêque place l'autel de Saint-Antoine "près la porte du cimetière", celle-ci n'est donc pas encore murée (comme elle l'est aujourd'hui).
En 1718, de nombreuses réfections semblent avoir été réalisées puisque l'évêque commence sa visite par "en bénissant Dieu des heureux changemens qui viennent d'être faits dans le sanctuaire de l'église paroissiale de St Julien". En effet : "le sanctuaire est aujourdhuy changé en mieux aux murs, a la fenestre, a l'autel [...]. La sacristie est aujourdhuy très propre [...]. La nef est aussi fort bien reparée en plusieurs choses [...]".
En 1732, on trouve trace de devis et adjudication pour réparations du clocher. La même année, un prix-fait est passé avec Jacques Roux pour "réparer toute la pointe dudit clocher [...], les quatre petits clochers qui sont aux quatre coins de ladite pointe".
Visite de 1745 : "le balustre qui sépare la nef du chœur est en état [...]. La voute est de bois, mais bonne, le pavé a besoin de quelques réparations [ordonne qu'on le répare] ; du côté de l'Epitre et hors de la nef, il y a une chapelle du Rosaire. [...] le pavé de cette chapelle a besoin d'être repavé. [...] le banc des prêtres et le pupitre pour le chœur sont placés dans cette chapelle".
Visite de 1749 réparations en cours : "le pavé de la chapelle du Rosaire a été réparé. [...] Les consuls et communauté dudit Thorame nous ont suplié de leur permettre de faire un autel à la romaine, et pour cela de reculer le balustre de la communion des places dans le sanctuaire. Les stales pour les prêtres qui seraient plus convenablement en cet endroit que dans la chapelle du Rosaire, et ils s'engagent de faire toutes les dépenses nécessaires pour l'exécution de ce projet". Toute l'organisation des bancs dans la nef va également être reprise, ils doivent être reculés.
Visite de 1768 : "la voute [de la sacristie] nous a paru avoir besoin d'être reparée et crepies. Le pavé est bon. [...] La voute [du sanctuaire] et le pavé sont en très bon état, à quelques petites réparations près. [...] La nef et les murailles de l'église nous ont paru en bon état. Il y a pourtant bien des réparations à la boisiere de la voute. Le Sr Curé nous a dit que la communauté avait donné le prix fait pour faire reparer le tout et qu'en meme tems elle aurait soin de faire reparer la boisiere de la voute".
En 1771, un prix-fait est passé entre la communauté de Thorame-Haute et deux artisans italiens (milanais), Carlo Bazzi (Charles Bassi) et Ambroise Regneri. Ce prix-fait concerne la "rénovation de la nef et du sanctuaire et de la façade". En détails, les ouvriers sont tenus de : "recrépir tous les murs et voûtes qui en auront besoin et d'appliquer ensuite une couleur jaune en ocre avec autant de couches qu'il sera nécessaire, [...], de "reposer la voute en bois avant que d'y appliquer lad. couleur, [...] laisseront subsister les inscriptions, qui se trouvent actuellement à la voute en bois, ou les inscrirons de nouveau", de "blanchir" la façade "après qu'ils l'auront recrépie, et ce au pinceau, et en lait de chaux [...], et donneront la même couleur jaune en dedans et en dehors au boisage du tambour [...], et s'aideront à relaver le tableau du maître-autel avec son cadre".
Aussi, dans la visite de 1775, si dans la sacristie, "la voute demande d'être reparée surtout vers la porte", l'évêque estime que "tout le batiment de l'église est dans la plus grande décence". De même en 1785 : "La nef nous a apparu décente. [...] L'église est en général bien ornée".
En 1783, est passé commande d'une horloge à Alexis Arnaud, maître horloger à Barcelonnette qui s'engage "à la faire et à la placer sur le clocher [...] où est la vieille hors d'état de pouvoir servir". En 1827, un nouveau contrat passé avec Hilarion Boyer de Moriez pour réparer la même horloge et de "faire à neuf toutes les pièces qui seront usées".
A la Révolution, les biens du clergé sont saisis mais les citoyens de Thorame-Haute trouvent une parade. En 1795, on trouve mention de l'église dans un procès-verbal d'estimation des biens nationaux : "edifice cy devant paroisse au dit Thorame haute, contenant cinquante deux cannes, confrontant levant hoirs Arnaud, midi cimetière, couchant maison commune et place publique, septent. la rue, estime deux mil livres". Plus loin "les citoyens municipaux de Thorame Haute nous ont déclaré que la maison presbitérale étoit necessaire à la commune pour y loger l'instituteur et l'institutrice, que la parroisse devoit être destinée pour les assemblées primaires et le temple de la raison".
L'état de l'église s'est malgré tout dégradé au cours de cette période et, vers 1840, dans le questionnaire sur l'état des paroisse, le curé estime que la taille de l'église est suffisante pour la population mais "l'état de vétusté et de dégradation de la nef de l'église est tel qu'il y a inconscience à s'y réunir, la santé, j'allais dire la vie des personnes, y courent un danger imminent". Des travaux de consolidation sont donc sans doute entrepris puisque dans la visite de 1858, l'ensemble de l'église est décrit comme "en bon état". En 1865, les "murs en bon état mais le chœur a besoin d'être reblanchi. La toiture vient d'être réparée. Pavé en bon état, excepté le sanctuaire. La porte est en bon état mais la régularité demande qu'elle soit changée de place. Deux vitraux ont besoin de réparation". En 1876, l'évêque signale de nouveaux travaux : "la grande porte doit être changée de place pour la régularité de la façade et de l'intérieur de l'église [... ] la flèche du clocher a besoin de réparations".
Vue générale depuis l'ouest.Ainsi sont lancés les reconstructions de la flèche du clocher et du portail de l'église. Le 18 mai 1873, dans une de ses délibérations, le conseil municipal "reconnaît l'urgence de la reconstruction de la flèche du clocher et du portail de l'église", pour ce faire il a vendu la chapelle Saint-André et propose de vendre "l'immeuble communal dit la tuilière" ou tuilerie. Le 16 octobre 1871 Mgr Meirieu, évêque de Digne, avait en effet donné son autorisation pour l'aliénation de la chapelle "considérant que cette chapelle tombe en ruine et n'est plus susceptible de réparations". En 1876, un devis est proposé par Fournier, agent-voyer en retraite, "à l'effet de reconstruire les parties de la flèche du clocher qui menacent ruine, le portail de l'église paroissiale et le tambour" ; ce devis est approuvé par le préfet le 15 juillet 1876. En 1877, dans l'état des montants engagés pour les travaux, on apprend que l'ancienne cloche a été déposée et envoyée à Lyon pour réparations, qu'une nouvelle cloche va être placée, que la pierre de taille utilisée pour l'encadrement de la porte d'entrée provient d'une carrière de Beauvezer, tout comme celle du pourtour des fonts baptismaux, que le pourtour de la rosace de la façade occidentale a été réparé. Les travaux s'achèvent en 1877, ainsi que le montre la date portée au-dessus de la porte d'entrée.
Parallèlement à ces rénovations architecturales, le mobilier est aussi remis à neuf. Ainsi on trouve cette mention en 1876 : "maître-autel est tout neuf mais aussi certains autels latéraux". Le décor peint du chœur et de la chapelle du Rosaire pourrait dater de 1898 (Référence IM04002659).
II Les cimetières du village de Thorame-Haute
Vue du cimetière depuis le sud-ouest.Le cimetière, au cœur du village, contre la façade sud de la paroissiale est mentionné dans la visite pastorale de 1602. Il n'y a aucune raison de penser qu'il pouvait se trouver ailleurs à la période médiévale.
En 1672, l'évêque ordonne que "le simetière sera clos et fermé de murailhes à chaux et sable et planté une croix au mitan". En 1712, "le cimetière, au midy contre de mur de l'église a une croix de bois au milieu". Et en 1718, "Le cimetière est aussi fort bien reparé". Toujours en 1745 : "Le cimetière est en état, il faut seulement changer la croix". En 1768, "Nous nous sommes portés au cimetiere que nous avons trouvé bien entouré de murailles et en bon etat".
Un peu moins de cent ans plus tard, et après la Révolution, lors de la visite pastorale de 1858, le cimetière est bien clos, en bon état avec une croix du milieu. En 1865, la clôture a besoin de réparations, la croix du milieu "laisse à désirer". En 1876, la "clôture [est] réparée à neuf depuis peu, la croix du milieu [est] en voie d'être changée".
Emplacements de l'ancien et du nouveau cimetière (section D parcelle 56 et section ZA parcelle 86) .Ce premier cimetière borde toujours le côté méridional de l'église, la porte qui perçait autrefois le mur sud a cependant été murée, on distingue toujours nettement l'encadrement de pierres de taille en plein cintre. Les dernières inhumations datent des années 1950, un nouveau cimetière est en effet réalisé, bien à l'extérieur et à l'est du village, à partir de 1928.
Par une délibération du 16 septembre 1928, le conseil municipal décide la translation du cimetière sur la parcelle 56, section D, au lieu-dit la Condamine, sur un terrain acheté à Charles Braghetti, "considérant que le cimetière actuel est insuffisant ; qu'il est situé près de l'église au centre du bourg et ne remplit aucune des conditions prescrites par le décret du 23 prairial an XII et que sa translation est devenue indispensable dans l'intérêt de la salubrité publique".
Dans le projet, le nouveau cimetière couvre 1000 m² de surface, il est clos de murs, on y accède par un portail d'entrée côté nord. L'adjudication des travaux à Albert Brunetti entrepreneur à Saint-André-les-Alpes a lieu le 18 août 1929. Les moellons sont récupérés localement (le ravin du Riou Sec ou dans le Verdon à Thorame-Haute et à Castellane), la pierre de taille vient de la carrière de Ruoms en Ardèche. Le procès-verbal de réception définitive est signé le 22 avril 1932.
Actuellement, ce cimetière s'étend sur deux parcelles, il a en effet été agrandi vers l'est, par la parcelle 86, section ZA.
III Description de l'église paroissiale
Vue intérieure vers le choeur.L'église paroissiale de Thorame-Haute ne se trouve pas au centre du village, mais au sud de celui-ci, en bordure immédiate de la route reliant Thorame-Basse à Colmars, quasi au croisement de celle qui descend vers Saint-André-les-Alpes.
La façade occidentale, façade principale, ouvre sur une toute petite place en bordure du route. La porte d'entrée présente un encadrement de pierres de taille avec pilastres supportant un fronton triangulaire. La date de 1877 est portée sur la clé du linteau. On distingue, en décalage de cette façade, la tour carrée du clocher : à trois niveaux en escalier, le dernier niveau abrite la chambre des cloches et est percé de quatre baies. La flèche pyramidale en pierre est cantonnée de quatre clochetons.
L'édifice est orienté. De plan fort simple, il est constitué d'une nef à trois travées voûtée en berceau légèrement brisé, sur deux arcs doubleaux, retombant sur des piles carrées adossées. L'espace entre chaque piles, peu profond, l'est cependant suffisamment pour ménager de petites chapelles latérales, l'effet de division de l'espace étant accentué par les lunettes pénétrantes dans le berceau de la nef. La nef est prolongée d'un chœur à une travée avec abside pentagonale, voûté d'une croisée d'ogives à six branches. Du chœur, on accède, au nord-est, à la tour clocher, au sud-est, à la sacristie, également voûtée en berceau, et au sud, par une grande arcade en plein cintre à la chapelle du Rosaire, voûtée d'une croisée d'ogives à quatre branches retombant sur des culots.
L'ensemble de la nef est éclairé par sept oculi : l'un surmontant la porte occidentale, les six autres se répartissant symétriquement sur les façades nord et sud. Deux verrières percent le chevet, la troisième (au nord-est) est aveugle car elle correspond au clocher. Les deux baies de la chapelle du Rosaire sont également garnies de vitraux.
De l'extérieur, les différences de niveaux de toiture frappent : on distingue le placage de la façade de 1877 sur une nef plus ancienne, le mur-pignon de la façade est en effet plus haut. La toiture de la nef est elle-même à la fois plus étroite et plus basse que celle du chœur. Enfin l'appareil de la chapelle du Rosaire présente de nombreux désordre notamment dans les parties supérieures. L'ensemble est aujourd'hui couvert de tuiles plates mécaniques, formant un motif géométrique de résille avec rosettes. Des travaux de réfection de toiture ont été réalisés en 1931 dont le rapport mentionne que "sous les tuiles nous avons trouvé une ancienne couverture de planches de mélèzes".
Conservateur en chef du patrimoine en poste au Service régional de l'Inventaire à la DRAC de Poitiers de 2002 à 2005, puis au Service de l'Inventaire de la DRAC d'Aix-en-Provence. En poste au Service de l'Inventaire et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d'azur depuis 2008.