Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.
- inventaire topographique
- (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Dossier non géolocalisé
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Dénominationsparfumerie
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Aires d'étudesPays Asses, Verdon, Vaïre, Var
I La cueillette et la culture de la lavande dans le pays Asses, Verdon, Vaïre, Var
Le ramassage de la lavande et sa distillation sont des activités ancestrales. Mais dans la seconde moitié du 19e siècle, la cueillette de la lavande s’est développée jusqu’à devenir essentielle à l’économie rurale du pays. Le canton de Barrême fut même le premier endroit en France où cette cueillette a pris de l’ampleur. La cueillette de la lavande constituait une activité complémentaire adaptée à la situation des paysans, y compris aux femmes et aux enfants.
Ce développement est lié aux besoins manifestés par les parfumeurs grassois pour cette essence qui connait alors un véritable engouement.
Dès 1856, la commune du Poil a procédé à une adjudication des terres de fleurs de lavande sauvage, les baïassières. Peu à peu, la production s’est rationalisée. La cueillette s’est répandue aux cantons de Barrême, de Saint-André-les-Alpes et d’Annot, avant de se développer dans d’autres parties du sud de la France. Vers 1890, les premiers champs ont été plantés, mais jusqu’aux années 1920, la cueillette est restée prédominante. Le nombre des cueilleurs et les quantités récoltées ont fortement progressé et les communes ont procédé par adjudication à l’attribution des terres où poussait la lavande sauvage, entraînant le développement d’une cueillette nocturne et clandestine.
La lavande a connu un premier âge d’or dans les années 1920 lors de la première flambée des cours. C’est à cette époque que de gros distillateurs ou parfumeurs ont procédé à l’implantation de grandes exploitations de lavande fine dans l’ouest du pays (comme Lautier à Saint-André-les-Alpes ou à Lambruisse, Gras à Barrême).
La culture de ces champs de lavande a permis une nette augmentation de la production dans les années 1930 (voir tableau 2).
Le pays Asses, Verdon, Vaïre, Var a été jusqu’au 3e quart du 20e siècle une importante zone de production. Les cantons de Barrême et de Saint-André-les-Alpes tout particulièrement, qui avaient pour spécificité de s’être spécialisés dans la culture de lavande fine, alors qu’ailleurs, celle du lavandin avait pris le dessus dès l’Entre deux guerres. C’est cette spécialisation dans les grands crus de lavande qui a permis de maintenir une activité dans ces territoires pauvres et reculés. Mais c’est elle aussi qui, soumise à de brusques variations de cours, en a sonné le glas dans les années 1960-1970, après la crise consécutive à la seconde hausse des prix de 1956. Cette hausse vertigineuse des cours, passagère, a en effet eu raison de la culture de lavande dans le pays qui ne put plus résister à la concurrence du lavandin. Dans les années 1960, on trouvait encore, dans l’est du pays, une forte concentration d’exploitations de taille moyenne. À Moriez, on comptait 12 exploitations lavandicoles dont la surface agricole utile (champ + prés) était comprise entre 5 et 15 ha pour une seule dont cette même surface dépassait 15 ha.
À la fin des années 1970, cette activité devenait résiduelle.
Au cours de ce siècle d’activité, la distillation a connu une évolution importante.
II Les distilleries de lavande dans le pays Asses, Verdon, Vaïre, Var
Les premières traces de distillation de lavande dans le Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var, semblent être très anciennes. Le musée de la lavande de Coustellet (84) conserve ainsi deux alambics qui dateraient du 17e siècle (1626 et 1670) et proviendraient de Lambruisse . Mais les distilleries se développent vraiment dans la seconde moitié du 19e siècle. Ces premières installations sont manifestement le résultat d’initiatives diverses.
À Saint-André-les-Alpes, c’est l’ancienne draperie Honnorat (Doc. 01) qui abrite deux distilleries dans les bâtiments de l’usine après sa fermeture. Les bâtiments ne semblent pas avoir été transformés. La vapeur était soit produite par des locomobiles soit produite à feu nu, directement dans l’alambic placé sur le feu. Ce qui explique que les cartes postales anciennes, seules témoins des premières traces de cette activité, nous montrent une distillation en plein air, parfois même directement dans le champ de lavande.
On voit aussi certains paysans qui disposent des moyens suffisants pour fabriquer eux-mêmes des alambics en achetant les matériaux nécessaires (cuivre, chaudière).
C’est surtout l’époque des lambics ambulants (Doc. 02), qui vont de villages en villages au moment de la récolte. Les récolteurs leur apportent la lavande qu’ils ont ramassée contre rémunération.
Il a aussi existé des alambics municipaux, comme à Allons.
Le cas de Schimmel à Barrême (Fig. 01 et Doc. 03) est dès l’origine tout à fait à part. C’est la première installation d’un parfumeur industriel dans le Pays. Construit en 1905, agrandi dès 1912, c’est le seul établissement à avoir atteint une telle taille.
La distillation de la lavande trouve largement son origine dans le besoin grandissant des parfumeurs de Grasse. Il est donc logique que ces derniers se soient impliqués directement dans la distillation et aient construit des usines sur les lieux de production. Dans le pays, à l'exception de la distillerie Lautier de Saint-André-les-Alpes, ces unités de parfumeurs grassois ont été implantées à Barrême.
En 1920, un premier parfumeur grassois, Selin, s'installe à Barrême. En 1927, il fait construire une seconde distillerie, plus industrielle puisque utilisant les solvants volatils, toujours à Barrême.
Après la Première Guerre mondiale, l'usine Schimmel change à plusieurs reprises d’exploitants. Elle est finalement acquise par en 1931 par le parfumeur du Bar-sur-Loup (06), Mane.
En 1927, Chiris installe une distillerie à côté de l'ancienne usine Schimmel.
Mais ces usines fixes n'ont représenté qu'une petit part de la capacité de distillation de la lavande dans le Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var. Une grosse part de la production était assurée par des alambics ambulants. Même les propriétaires des usines de Barrême en faisaient fonctionner, dans de nombreuses communes.
À partir du milieu du 20e siècle apparaît un autre type de distillerie, qui se généralise. Il s’agit d’installations sommaires mais pérennes, où l’alambic est acheté à un fabricant spécialisé, le plus souvent Eysseric de Nyons (comme c’est le cas pour les trois distilleries de Clumanc et celle de Demandolx), parfois Prince de Marseille (c’est le cas à la Baume et à Lambruisse), installé à l’endroit choisi, puis englobé dans une structure maçonnée.
La majeure partie des distilleries encore en place sont de ce type. Elles sont très sommaires, construites sous hangar, et ne comportent qu’un unique alambic. Celui-ci se trouve à proximité immédiate du foyer qui est le seul élément de l’ensemble véritablement maçonné. Il est installé dans un massif en parpaings ou en béton qui facilite le chargement de la cuve de chauffe et la récupération de l’essence. La cheminée est métallique. Une charpente en bois ou en métal supporte le toit sans que la présence de mur soit véritablement indispensable.
La taille de ce type d’installations peut varier. Les plus grandes, à Thorame-Haute (Fig. 02) et à Lambruisse (Fig. 03), sont dotées d’une sorte de téléphérique, ou plus exactement d’un rail supporté par des portiques en bois qui permet d’acheminer la lavande au-dessus du massif maçonné où elle est chargée dans la cuve puis de récupérer la lavande distillée pour que cette paille puisse ensuite servir de combustible. Curieusement, la distillerie de la Baume (Fig. 05), qui est sans doute la plus sommaire puisque la partie maçonnée est réduite au foyer, est elle aussi équipée d’un tel dispositif.
La plupart de ces installations datent de l’Après-guerre, mais avec le développement du lavandin, la production dans le sud des Basses-Alpes a sensiblement décliné dès le troisième quart du 20e siècle. Les alambics qui ont pu fonctionner jusqu’à nos jours, et les quelques-uns qui sont remis en service une fois l’an pour des fêtes locales consacrées à la culture de la lavande comme à Thorame-Haute ou à Barrême, ne peuvent masquer que les années 1970-1980 ont bien marqué la fin de cette aventure.
On distingue donc quatre types de distilleries :
• La distillerie itinérante qui n’a a priori laissé aucune trace. Il est possible que certains des alambics en cuivre que l’on peut rencontrer chez les particuliers trouvent cependant leur origine dans cette distillation itinérante (Fig. 07).
• La distillerie industrielle dont les seuls exemples sont à Barrême.
• La petite distillerie qui a quand même fait l’objet d’une construction en dur, et dont le bâtiment a survécu sous un autre usage comme à Senez (Fig. 04), ou à Sausses.
• La distillerie de la seconde moitié du 20e siècle, très sommaire. Il en reste huit dans le Pays si on compte celle de Demandolx dont les murs sont en parpaings mais qui se rapproche fortement de ce type. Deux seulement sont encore utilisées (Thorame-Haute, Lambruisse). Certaines, dont celle d’Hyèges, sont vouées à disparaître rapidement (Fig. 07).
En tout, dix-sept distilleries ont été repérées dans Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var :
• six étaient des distilleries industrielles faisant fonctionner plusieurs alambics;
• deux étaient abritées par un bâtiment construit en dur mais restaient des distilleries modestes ne comprenant vraisemblablement qu’un alambic ;
• neuf relèvent du type hangar.
Naturellement, cela ne peut donner une idée du nombre, vraisemblablement beaucoup plus important, des distilleries qui ont pu exister et ont aujourd’hui disparu. D’après les témoignages oraux, de nombreuses distilleries ont existé sans avoir laissé la moindre trace matérielle. On sait ainsi que deux distilleries de lavande ont fonctionné près d’Éoulx, dans la commune de Castellane, des années 1920 aux années 1960, ainsi qu’une autre près de Petit-Robion dans la première moitié du 20e siècle. Il en va de même dans de nombreuses communes, comme à La Rochette ou à Ubraye (Le Touyet).
Il faut enfin signaler la présence, à Rouainette (commune d’Ubraye) d’un grand alambic posé au milieu du hameau comme un monument. L'ancienne draperie d'Annot aurait également abrité une distillerie.
Ces derniers exemples, à la Rochette, Ubraye et Annot, montrent que la partie sud-est du Pays a elle aussi participé à la production d'essence de lavande, même si l'activité y a été, dans l’ensemble, moins importante que dans les cantons de Barrême ou de Saint-André.
Tableau des distilleries de lavande étudiées ou repérées
Commune et référence cadastrale | Type de construction | Cheminée | N° Mérimée si étudiée | Période de construction | Fin de l’activité |
Barrême 1980 D 967 | en maçonnerie | en briques | 1905 | 1972 | |
Barrême 1980 H 473 à 475 | en maçonnerie | détruites | 1927 | après 1950 ? | |
Barrême 2013 D 260 | en maçonnerie | détruite | 1927 | vers 1950 ? | |
Barrême 2013 H 40-43, 957
| en maçonnerie | détruite | IA04002403 | 1920 | vers 1950 ? |
Barrême 2013 A 252
| en maçonnerie | détruite | Vers 1925 ? | vers 1950 ? | |
Castellane 2009 A 533 | sous hangar | pas de cheminée | 1929 | en service ? | |
Clumanc 2000 B 88 | sous hangar | métallique | vers 1950 | fin 20e s. | |
Clumanc 2000 WB 175 | sous hangar | métallique | vers 1950 (reconstruction) | vers 1980 | |
Clumanc 1999 WA 104 | sous hangar | métallique | 3e quart 20e s. | fin 20e s. | |
Demandolx 1960 C 456, 457 | en maçonnerie | métallique | vers 1950 | fin 20e s. | |
Lambruisse 1989 ZB 86 | sous hangar | métallique | vers 1950 | en service | |
Lambruisse 1989 ZB 134 | sous hangar | métallique | vers 1950 | fin 20e s. | |
La Palud 1985 W3 non cadastré | sous hangar | métallique | IA04002574 | vers 1950 | fin 20e s. |
Moriez 1983 A4 823 | sous hangar | métallique | vers 1950 ? | fin 20e s. | |
Saint-André 1983 D 301, 302 1983 AB 659 | en maçonnerie | pas de cheminée | 1905 | avant 1940 ? | |
Sausses 2005 D 125 | en maçonnerie | métallique | vers 1900 | fin 20e s. | |
Senez 1986 E 160 | en maçonnerie | détruites | IA04002430 | 1927 | 1972 |
Thorame-Haute 1987 A 742 | sous hangar | métallique | 1955 | en service |
Tableau 2 : augmentation de la culture de lavande entre 1929 et 1946 dans quelques communes du pays.
1929 | 1929 | 1929 | 1946 | 1946 | |
Lavande | Lavande cultivée | Lavande cultivée | Lavande cultivée | Lavande cultivée | |
Communes | Kg de fleurs | ha | Kg de fleurs | ha | Kg de fleurs |
Allons | 12000 | 4 | 8300 | 30 | |
Angles | 5000 | 10 | 32000 | 18 | |
Argens | 10000 | 2 | 1900 | 5 | |
La Colle | 2000 | 3 | |||
Couchons | 1000 | 3 | 3500 | 5 | |
Moriez | 6000 | 101( ? ) | 130000 | 200 | |
La Mure | 20000 | 3,5 | 7700 | 15 | |
Saint-André | 4000 | 102 | 212700 | 250 | |
Beauvezer | 5000 | ||||
Thorame-Haute
| 17000 | 14 | 14100 | 20 | |
Thorame-Basse | 25000 | 11,5 | 28700 | 20 | |
Vergeons | 10000 | 18 | 22500 | 30 | |
Castellane | 50000 | 2 | 400 | 10 | |
Castillon | 2000 | 10 | |||
Demandolx | 4000 | 8 | |||
Saint-Julien | 8000 | 2 | 1000 | 10 | |
Lambruisse | 400 | 80 | 16000 | 220 | |
totaux | 217400 | 353 | 626400 | 754 | 1508000 |
[1] Le musée du Coustelet conserve aussi un alambic à feu nu et à bascule qui était l’alambic municipal d’Allons, ainsi qu'un alambic du début du siècle provenant de Saint-André-les-Alpes.
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Toits
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Décompte des œuvres
- repérées 14
- étudiées 11
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Documents d'archives
-
Ministère de l'Intérieur, Direction de la sureté générale, rapport d'inspection des distilleries Isidore Silvy, Chiris, Selin, Chauvet et cie de Barrême et de la distillerie Lautiers fils de Saint-André, 22 août 1929. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 7 M 16.
Mention pour chaque distillerie du nombre d'ouvriers, du volume traité et du cours pratiqué.
Bibliographie
-
REPARAZ, André de. Lavande et lavandin. Leur culture et leur économie en France. Publication des annales de la faculté des lettres ; nouvelle série 46, Aix-en-Provence : Ophrys, 1965, 138 p. : ill.
Evolution des modes de culture de la lavande (p. 84-88) mention de la première adjudication au Poil en 1856 ; variation des cours et crise de la lavande (p. 107-110) -
REPARAZ, André de. Le déclin de la lavande dans l'agriculture et dans la vie rurale de la Haute-Provence. dans : Provence historique, Digne : B. Vidal imprimeur, n° 161, 1990, p. 291-309
-
ROUX Carole, Les racines de la lavande, Château-Arnoux : Bernard Vial, 2005, 48 p.
-
REPARAZ, André de. Les campagnes de l'ancienne Haute-Provence vues par les géographes du passé, 1880-1950. Mane : Les Alpes de Lumière, 2000, 180 p. : ill. ; 21 cm.
-
BUFFA, Géraud. Distiller la lavande à Barrême. Collection Parcours du Patrimoine, n° 398. Lyon : Lieux Dits, 2015, 72 p.
Documents figurés
-
Le Touillet (Basses-Alpes). - Distillerie de Lavande Goujon. / Carte postale, avant juillet 1907.
-
Scène de distillation champêtre près de Castellane / Jean Luce, photographie, avant 1900. Archives départementales des Alpes-Maritimes, Nice : 60 Fi 1567.
-
Les portraits des distillateurs Silvy père et fils / dans : La Parfumerie moderne : revue scientifique et de défense professionnelle, vol. 19, 1926. - Lyon : [s.n.], 1926. Bibliothèque de la faculté de pharmacie, Paris : P 15270.
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Une des jeunes cultures de lavande de Lautier fils au Plan de Saint-André (basses-Alpes). / Dans : les parfums de France, août 1923.
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Une distillerie de lavande dans les Alpes de Provence. Façade latérale, coupe transversale et plan au niveau supérieur. / Dessins publiés dans La Vie à la Campagne, décembre 1922.
-
[Des champs de lavande dans la commune de Moriez]. Carte postale, CIM éditeur. Collection particulière, vers 1950.
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Distillerie de lavande dans les Alpes. Carte postale. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 2 Fi 3063.
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.
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