Le village de Courchons est une communauté indépendante au Moyen Age et sous l'Ancien Régime et une succursale dépendant de la paroisse de Moriez. La commune est rattachée à celle de Saint-André-les-Alpes en 1966.
Le village de Courchons d'après les sources
D'après Isnard, le lieu a été fief de la maison de Castellane de 1226 à 1533, date à laquelle il est réuni au domaine royal (auquel il appartient toujours en 1744 "le seigneur Roy possède tous les droits seigneuriaux et droits de péage", et en 1788 d'après Achard) ; il serait mentionné dans les archives en 1419 sous le nom de CorchonoCarte des frontières Est de la France : de Colmars à Marseille [Détail de la feuille 195-23 : village "Crochon", soit Courchons].. L'enquête de Charles Ier d'Anjou mentionne le castrum de Corchonum en 1278 (baillie de Castellane).
Sur la carte de Bourcet de la Saigne, dressée entre 1764 et 1778, le village de Crochon semble assez étendu. Achard mentionne également le nom de Corchon, tout comme les procès-verbaux de saisies révolutionnaires. Sur la carte de Cassini, le lieu est nommé Courchon. En 1838, date du cadastre napoléonien, la commune de Corchons regroupe, en plus du village lui-même, les lieux-dits habités (fermes isolées ou hameaux) des Coustelles, du Coulet, du Courtil, des Granges et du Villard.
En 1278, le village compte 18 feux, 25 en 1315, 36 en 1698, 56 en 1728. En 1774, 35 maisons sont habitées et il y a 37 chefs de famille. En 1788, d'après Achard, environ 50 familles habitent Courchons (soit environ 200 personnes). En 1804, la population a baissé : 143 habitants. En 1840, d'après le curé de la paroisse, la population totale se compose de "33 chefs de famille, soit 133 habitants dont 30 en dessous de 7 ans, répartis en 79 hommes et 54 femmes".
En 1774, un procès-verbal de situation de la communauté de Courchons est établi par des experts envoyés par les procureurs aixois (Etats de Provence). Ce document est particulièrement intéressant car il dresse un état des lieux très précis à la fois descriptif et financier et rend compte des difficultés à vivre en ce lieu. Ainsi le village est dit "situé au haut d'une fort haute montagne très difficile à atteindre [...]. La maisons quoyque des tanieres n'i sont point mal entretenues, sans rues pavées, ni fontaines, les habitans sont obligés d'aller assez loin pour prendre de l'eau [...]. Les habitans sont encore privés de se chauffer attendu le manque de bois dans le terroir. [...]. Il n'i a aucune sorte de manufactures, ni artisans, pas meme un savetier, les habitans sont obligés en hiver de descendre en Provence pour travailler".
Un abandon progressif
A partir de la 2e moitié du 19e siècle, le village va progressivement être déserté : il s'agit dans un premier temps d'une migration saisonnières, les habitants "descendent" en Basse-Provence à la période de l'année la plus difficile et "remontent" aux beaux jours. Ainsi, en 1840, dans le questionnaire envoyé par l'évêché au curé de Courchons sur l'état de sa paroisse le curé écrit sur le pays de Courchons : "Courchons est situé à la cime d'une montagne qui est au niveau de toutes les montagnes environnantes, à découvert de tous les côtés, et par conséquent, exposé journellement à tous les vents de l'univers ! Les terres cultivées sont presque toutes en plaines, à l'est, sud et ouest, mais, [...] sans fruits, sans jardins, et sans eau pour arroser ; l'on n'a pour bois à brûler que quelques buis et genets [...]. Le climat est froid et rigoureux, il tombe ici de la neige depuis environ le 1er octobre jusqu'au 31 mai. Il y a ici un coup d'oeil admirable par son étendu". Concernant les habitants, il précise que "les habitants de ce pays-ci sont tous bien pauvres, tellement que presque les 3/4 de la population émigrent tous les ans, dans la Basse Provence, pour plus de moitié de l'année, afin d'y gagner de quoi vivre. Ils sont tous ou cultivateurs ou bergers ; et ils vivent comme de pauvres gens". Un peu plus tard, en 1861, la situation ne s'est pas améliorée et Féraud écrit que : "les trois quart [des habitants] émigrent dans la Basse-Provence, pour y trouver les ressources que leur refuse leur pauvre patrie". Cette absence est longue : elle peut durer jusqu'à sept mois d'après Raymond Collier.
Un autre mouvement d'occupation des lieux s'effectue dans le courant du 19e siècle : les habitants quittent peu à peu le vieux village de Courchons au profit des hameaux, en contrebas. En 1840, la population est ainsi répartie : "58 âmes au village, env. 23 habitants au hameau du Clotet, 6 à la Grange, 25 aux Granges, 18 au Courtil". Et si, dans les années 1880, les matrices cadastrales font mention de constructions nouvelles : une au Courtil, une aux Coustelles et deux dans le village haut, on trouve surtout traces de démolitions de maisons au village haut : une dizaine entre 1869 et 1885.
En 1901, il n'y a plus que 78 habitants à Courchons, 24 en 1931, et finalement 7 en 1962. Le village haut est abandonné dès le milieu du 20e siècle, les hameaux ne sont aujourd'hui plus que très peu occupés.
Les équipements du village
L'isolement du village tient certes à sa situation géographique mais aussi, pendant longtemps, à l'absence de voie d'accès praticable. Ce n'est qu'en 1924 que le conseil municipal vote une coupe de bois dont la vente doit participer au financement de la reconstruction du chemin vicinal reliant la commune à Saint-André. Les travaux sont achevés et le chemin n'est donc carrossable qu'à partir de 1925. Plus tard, en 1966, la commune de Courchons est rattachée à celle de Saint-André et dans l'acte de rattachement, la commune de Saint-André s'engage sur la réalisation "des équipements de base indispensable à son développement". La route est ainsi goudronnée (jusqu'aux Granges). Vers les fontaine, lavoir, abreuvoir et fournil.
Pendant longtemps, la commune de Courchons n'a pas d'école, pas d'instituteur : dans le questionnaire sur l'état des paroisses de 1840, le curé déplore qu'il n'y a aucune éducation pour les enfants, ni maître, ni maîtresse d'école et qu'on lui a refusé le droit d'enseigner à lire et à écrire aux enfants. Mais la situation semble changer peu de temps après : en 1859, la visite pastorale mentionne un instituteur pour les filles et les garçons (mélangés à l'école donc), tout comme en 1865 ou en 1876. En 1870, le curé écrit cependant qu'"il serait à désirer qu'un prêtre résidât à Courchons [...] La nouvelle génération est à moitié sauvage". En 1895, l'évêque accorde à la commune que le presbytère serve de maison d'école. En 1915, il y aurait encore 18 enfants à l'école.
S'il n'y pas d'école, il y a cependant un presbytère (parcelle 65, section A1 du cadastre napoléonien) dans cette succursale dépendant de Moriez. Il est mentionné en 1840 comme appartenant à la commune, "très près de l'église" où loge le curé à l'année ; il est composé "d'une cuisine, de trois chambres et deux cabinets".
L'approvisionnement en eau (voir le dossier IA04002590) en quantité suffisante semble être un problème récurrent pour la communauté de Courchons. Une première source existait dans le village : il s'agit de la fontaine sous la voûte, un peu en contrebas du vieux village, portant une date difficilement lisible de 15[.]8 mais elle est insuffisante. Aussi dans les années 1900, les Ponts et Chaussées construisent un nouvel aqueduc afin d'améliorer l'approvisionnement en eau du hameau notamment pour les cultures. Le lavoir-abreuvoir est construit en 1904 (restauré en 1998).
Un ancien four existait au hameau haut. Il est indirectement mentionné dans la visite pastorale de 1708 : autour de l'église "il sera fait un canal aussi profond qu'on pourra [...] en otant les buis qui sont devant le four", puis dans la visite de 1718 : "le canal n'est point fait quoy que le four soit osté" et dans celle de 1723 : "le four qui était autrefois derrière en est osté". Le four a donc été déplacé au tout début du 18e siècle pour être reconstruit à l'emplacement mentionné dans les matrices du cadastre de 1838, en parcelle 51 (section A1), à l'extrémité sud du vieux village. Lorsque les habitants se déplacent vers le fond du vallon, un nouveau fournil (Référence IA04002590) est édifié, derrière le lavoir, en 1911. Il a été restauré en 1998.
L'église paroissiale Saint-Jacques-et-Saint-Philippe puis Saint-Jacques-et-Saint-Christophe
On ne trouve aucune mention de l'édifice dans les pouillés publiés par Clouzot qui couvrent la période médiévale jusqu'au 16e siècle. Elle apparaît cependant à la fois sur la carte de Cassini, où le lieu de Courchon est indiqué être une succursale (de la paroisse de Moriez), et également sur la carte de Bourcet, cartes de la 2e moitié du 18e siècle. Sur cette dernière carte, deux lieux de culte sont figurées à Crochon. Aujourd'hui seuls les vestiges de l'église paroissiale sont visibles. Cette hypothèse de l'existence d'une chapelle est confirmé par deux sources. La première est citée par Raymond Collier : sur un document de 1740, Pierre Reboul est alors accusé "d'avoir exposé un Christ le vendredi saint dans la chapelle champêtre de Saint-Joseph au préjudice de celui qui était exposé en l'église paroissiale". Puis, en 1840, le curé desservant écrit que "Les vieillards du pays prétendent que leur église n'était pas autrefois là où elle est aujourd'hui, ils désignent même l'endroit où elle était, je m'y suis transporté mais je n'ai rien pu découvrir ; et ils ne savent pas à quelle époque on démolit l'ancienne, pour bâtir la moderne". Ainsi en 1840, la chapelle est déjà complètement détruite, ce qui explique que l'on n'en trouve pas trace sur le cadastre napoléonien ; elle pourrait donc avoir été construite avant la paroissiale puis progressivement abandonnée au profit de celle-ci.
Concernant la datation de l'église paroissiale, deux auteurs rapportent avoir lu la date de 1699. Le curé desservant tout d'abord qui, vers 1840, répondant à un questionnaire envoyé par l'évêché et plus particulièrement à une question portant sur l'histoire de son église, indique que "la pierre de taille qui est à la voûte de l'église porte la date de 1699. C'est là tout ce que j'ai pu découvrir". L'abbé Féraud, ensuite, écrit en 1861, que l'église paroissiale "porte le millésime de 1699". Raymond Collier cependant conteste cette date : "L'abbé Féraud la date de 1699, d'après une inscription figurant sur un chapiteau dont on lit encore les deux premiers chiffres (16...). Cette date ne convient pas, vu le style de l'église, il doit s'agir d'une faute de lecture : 1609 serait la véritable date". Même si, au moment de la visite de Collier, selon ses écrits, l'église menaçait déjà ruine, lors de notre passage l'édifice s'était encore dégradé et il ne nous a pas été possible de retrouver cette inscription. Inventaire du diocèse de Digne, 1991 [Eglise paroissiale : vue intérieure du bas-côté vers le nord]. Cependant l'analyse architecturale par les vestiges de l'édifice et par les photographies prises en 1991, pourrait confirmer l'hypothèse de Collier : l'église était composée d'une nef de trois travées à abside semi-circulaire occidentée, d'un bas-côté au nord à trois travées également, une sacristie lui était accolée au sud au niveau de la troisième travée. La nef était couverte d'un berceau brisée sur arcs doubleaux reposant maladroitement sur les deux piles massives séparant le bas-côté de la nef (un chapiteau coupe le doubleau pour faire pendant à celui du mur gouttereau). Les piles surmontées de chapiteaux cubiques ne sont absolument pas proportionnées avec les dimensions de la nef, en revanche elles semblent convenir aux doubleaux brisés, clavés irrégulièrement, du bas-côté nord.
L'hypothèse peut être faite d'un édifice primitif (le bas-côté nord), de petites dimensions, de la toute fin du 16e siècle ou du début du 17e siècle dont on peut encore apercevoir la porte d'entrée murée Détail de la façade sud : baie murée.. Hypothèse confirmée, et obturation datée par cette injonction de l'évêque dans le procès-verbal de la visite pastorale de 1718 : la communauté doit "boucher l'ouverture du mur qui est au fond de l'ancienne [nef]", et en 1708 également, il était question de "l'ancienne petite nef"'.
Ce premier vaisseau, sans doute trop petit pour les besoins de la succursale, est doublé plus tardivement d'un second vaisseau : la nef actuelle. Une nouvelle façade a à ce moment là sans doute été érigée afin d'unifier l'ensemble. L'agrandissement a lieu avant 1708, date d'une visite pastorale qui mentionne les deux nefs : peut-être en 1699 donc. L'ensemble était couvert de bardeaux de mélèze.
D'après cette visite pastorale de 1708, l'église est placée sous le vocable de saint Jacques et saint Philippe (toujours en 1788 d'après Achard), c'est une annexe de Moriez. Lors de cette visite l'évêque décrit un sanctuaire un bon état, à l'exception de quelques infiltrations d'eau, meublé ; la nef est bordée d'un "petit sanctuaire" en mauvais état lui tout comme le clocher qui est "sur" le petit sanctuaire duquel il "gate la voûte" ; le cimetière est en très mauvais état également "sans mur et sans porte". Dans la visite suivante de 1718, la chapelle est dite sous le vocable de saint Jacques le Majeur, succursale de Moriez ; elle est en moins bon état qu'à la précédente visite, : "la nef a son mur d'occident tout entrouvert et de meme vers la porte".Vue générale de l'église paroissiale puis chapelle Saint-André depuis l'est. L'évêque ordonne le creusement d'un "canal aussi profond qu'on pourra" autour de l'édifice afin de faciliter l'écoulement des eaux de pluies (non réalisé en 1718, ni en 1723, puisque l'injonction de construction "le long de la petite nef" est renouvelée).
D'après la visite pastorale de mai 1764, la succursale de Courchons est toujours dépendante de la paroisse de Moriez, mais la chapelle est désormais "sous le titre de saint Jacques et saint Christophe". L'église est alors en assez bon état : "le sanctuaire est bon dans les murs et dans le pavé [...]. Toute la nef est blanchie à neuf et en état mais le pavé doit être refait totalement. [...]. La porte de l'église est bonne et ferme bien". Le maître-autel est surmonté d'un "tableau qui représente st Jacques, ste Magdeleine et st Christophe". L'église compte plusieurs chapelles : "la chapelle du st Rosaire est dans un état de décence [...], celle dédiée aux âmes du purgatoire l'est pareillement". Les fonts baptismaux en pierre sont alors munis d'une armoire, "la chaire à prêcher est en plâtre, et le confessionnal de bois blanc est d'un bon usage". Le cimetière est entouré de murailles mais non clos par des portes.
L'église est vendu comme bien national à la Révolution, on en trouve un procès-verbal d'estimation établi en 1795 : :"Edifice cy devant paroisse [...] confrontant levant et sept. rue, midi cimetière et couchant hoirs Jean-Bapstite Reboul".
Dans le questionnaire sur l'état des paroisses, établi vers 1840, "l'église a besoin de grandes réparations, en dehors et en dedans. A savoir : refaire le toit en entier, et la grand'porte, recrépir et blanchir une grande partie de l'intérieur dégradé par l'humidité". "Il est impossible d'établir une confrérie de pénitents à cause de l'émigration annuelle des 3/4 de la population". En 1854, le conseil municipal prend note "de l'état d'insalubrité à cause de l'humidité" due au "canal construit sur le derrière du côté du nord", il vote donc des travaux.
En 1859, la visite pastorale suivante donne également un état de l'église : les murs sont solides, la toiture en bon état, tout comme le pavé et les portes, même si l'humidité est toujours présente. Il mentionne trois autels dont le maître-autel dans un état passable ainsi qu'une chaire "en plâtre peu convenable". L'état du cimetière laisse tellement à désirer que l'évêque menace d'interdit si toutefois des réparations ne sont pas faites. En 1865 et 1870, l'état de l'église reste stable : "en bon état mais un peu humide". Le cimetière est remis en état avant 1865 où il y a une croix du milieu et la division en cinq parties même si la clôture "laisse un peu à désirer". En 1876, les murs sont "humides au nord et lézardés en quelques endroits", la toiture "en voie d'être réparée", le pavé, les portes, les fenêtres sont "passables" ; le curé a fait réparer le confessionnal et la crédence de la sacristie depuis la dernière visite. En 1889, de nouveaux travaux de rénovation sont engagés par la commune.
En 1905, l'inventaire est réalisé dans l'église qui accueille toujours le culte. Le curé doyen précise même, dans un courrier à l'évêché, que "cette paroisse [...] a conservé plus que d'autres l'esprit religieux". D'après Chailan, la fête patronale reste fréquentée jusque dans les années 1920.
Du cimetière au sud de l'église, il ne reste que quelques croix de bois.
Etat des lieux
Courchons se situe à 1 336 mètres d'altitude sur les contreforts montagneux séparant les vallées de l'Asse et du Verdon, bien au sud des villages de Moriez et Saint-André-les-Alpes.Carte figurant l'évolution du bâti de Courchons entre le cadastre napoléonien (1838) et le cadastre moderne.
La figuration du village (sans lieux-dits) sur la carte de Bourcet (2e moitié 18e siècle), montre un habitat relativement dispersé autour de chemin et, probablement, de l'unique source du lieu. En 1838, sur le cadastre napoléonien, une nette séparation s'est faite entre le haut village de Courchons, où se trouve l'église, et les hameaux, situés plus bas dans le vallon, du Coulet (ou Cloutet), du Courtil, des Granges, des Coustelles.
Aujourd'hui, le haut village, abandonné, est en ruine, envahi par la végétation, seuls l'église et un bâtiment plus au sud ont encore des élévations visibles. Le premier hameau en descendant du village vers le sud, les Coustelles (ferme N°1, référence IA04002578) existe encore quoique très réduit, tout comme la ferme à proximité (ferme n°2, référence IA04002589). En revanche le Cloutet (section A1, parcelles 6 à 13 du cadastre napoléonien), au sud des Coustelles, a complètement disparu. L'ensemble fournil, lavoir, abreuvoir (Référence IA04002590) est sans doute l'élément le mieux conservé, quoique remanié et récemment restauré. Quelques bâtiments du hameau du Courtil sont encore visibles mais extrêmement remaniés donc non sélectionnés pour l'étude. Le hameau des Granges (Référence IA04002579) conserve quelques éléments caractéristiques des fermes dites "ruchées".
Photographe au service régional de l'Inventaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1970 à 2006.