Dossier d’aire d’étude IA04001168 | Réalisé par
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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  • inventaire topographique
présentation de la commune de Blieux
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var
  • Adresse
    • Commune : Blieux

I. Localisation et géographie

La commune de Blieux appartient au canton de Barrême. Elle est limitrophe au nord de celle de Senez (enclave du Poil comprise) ainsi que de celle de Barrême et à l’est de celle de Castellane. Elle est traversée dans sa partie médiane par un affluent de l’Asse, l’Asse de Blieux, qui prend sa source dans le massif du Mourre de Chanier au sud-ouest de la commune. Le village historique est situé en contrehaut du cours d’eau, sur l’extrémité de la Barre de l’Échelette qui forme un éperon rocheux culminant à environ 965 m. d’altitude. La dénivelée, importante, accuse plus de 1 000 m. entre les points bas et haut de la commune (respectivement 822 et 1930 m.). Le territoire blieuxois s’insère dans un contexte de moyenne montagne au relief marqué par une série de massifs qui tous dépassent les 1 500 m. d’altitude. Seule la frange étroite du vallon depuis le quartier du Bas Chaudoul à l’ouest (environ 950 m.) jusqu’à la limite est de la commune (822 m.) reste inférieure à 1 000 m. d’altitude.

Le village s’inscrit dans un cirque entouré au nord par la montagne de Vibres (point culminant à 1 692 m.), précédée par la Crête de Montmuye (autour de 1 550 m.), à l’est par la Crête du Chiran (culminant à l’observatoire du Chiran à 1 905 m.), au sud le massif du Mourre de Chanier (1 930 m.), au sud-est par la Crête des Traversières (1 743 m.), le sommet du Pioulet (1 744 m.) prolongé par la Crête de Berbene (1 659 m. et fig. 28) à l’est et la Crête du Pas du Loup avec le sommet de Pré Chauvin (1 741 m.) au nord-est. Ces barres rocheuses sont interrompues par des cols : Clue de la Melle au nord, Colle de Blieux au nord-ouest, Portail de Blieux au sud-ouest, près du Chiran, Colle Basse au sud-ouest entre les Crêtes de Berbene et du Pas du Loup auxquels s’ajoute la zone de passage naturelle du vallon de l’Asse de Blieux qui conduit à Senez (822 m. en limite de commune à l’ouest) mais qui très longtemps n’a pas constitué une voie de communication puisque le chemin vicinal passait plus au nord, par la Colle de Blieux. Elle constitue aujourd’hui la route principale pour accéder au village et à ses différents quartiers. Les massifs calcaire sont émaillés de marnes grises stériles (appelées » robines » localement ») que les eaux de ruissellement ont contribué à sculpter. Le massif du Grand Mourre contient un gisement de gypse qui donne parfois une couleur jaune à l’Asse de Blieux.

Le climat s’apparente au type de moyenne montagne méditerranéenne, ponctué par des étés chauds et secs jusqu’au 15 août qui détermine un changement climatique vers une intersaison plus humide (printemps et automne). Les hivers sont en général froids et secs. Le régime hydrique est de type orageux et les crues fréquentes par temps de pluie lesquelles, historiquement, n’ont pas affecté les habitations du village, haut perché, et peu les quartiers plus proches du lit par ailleurs encaissé, à l’exception de Plan d’Asse directement baigné par le cours d’eau. Il s’agit d’ailleurs de la zone la plus fertile et la plus plate de la commune.

L’appréhension globale du territoire a perdu en lisibilité du fait de la reforestation artificielle (voir la forêt domaniale des Barres dans la partie sud-est et est de la commune) ou naturelle, spontanée. Dans le premier cas l’État, souvent seul à même de prendre en charge, de programmer, de planifier et de mettre en œuvre les vastes opérations de reboisement, a commencé les campagnes dans le dernier tiers du 19e siècle ; elles atteignirent un pic dans le premier tiers du siècle suivant. Il faut voir dans cette politique volontariste une tactique pour atténuer les effets désastreux de la torrentialité sur le relief. On a par ailleurs trop tendance à minorer le reboisement spontané, dû au déclin irréversible des activités agricoles et à celui du surpâturage. Les pentes autrefois dénudées sont quoiqu’il en soit recouvertes aujourd’hui de végétation (pins, buis, genêts, taillis, bruyères) qui obstrue et finit par effacer une grande partie de l’ancien petit réseau viaire. Une portion non négligeable des bâtiments agricoles disséminés sur la commune, y compris à immédiate proximité de Senez, et aujourd’hui abandonnés, donc largement ruinés, ne sont plus discernables sans l’aide du cadastre. Par ailleurs, la commune, hormis sa partie orientale et sud orientale, est peu boisée : la plupart de la superficie est constituée de maigres zones de pâturage avec une végétation rase arbustive et de conifères.

II. Histoire

Deux sites castraux très proches ont pu se côtoyer, sur la Crête de Montmuye et sur le roche de Picomard, au nord-ouest et au nord du village : il n’en reste bien sûr plus que des vestiges à peine discernables, mais les pierriers ainsi que certaines traces de construction de gros-œuvre demeurent encore identifiables.

Blieux était sous la domination des Castellane puis des Pontevès, comtes de Carcès. Blieux était une possession de l’Abbaye de Saint-Victor à Marseille jusqu’en 1122, date à laquelle elle céda ses droits à l’évêché de Senez ; elle en dépendit jusqu’au milieu du 16e siècle. Blieux fut sous l’autorité directe des seigneurs majeurs de Castellane, farouches défenseurs de leur indépendance face aux comtes de Provence. Ils finirent par se soumettre en 1262 à Charles Ier d’Anjou et Blieux, à l’instar de Castellane, devint dépendante de la viguerie de Grasse. La commune de Blieux disposait d’un arrière-fief à la Melle depuis 1309. Jean de Pontevès acquit la seigneurie de Blieux en 1399 : la famille Pontevès conserva ses prérogatives jusqu’au milieu du 18e siècle. Entre-temps, comme l’ensemble de la Provence, la commune subit les contrecoups des guerres civiles de religion qui troublèrent la région à la fin du 16e siècle. La Révolution entraîna la vente des biens appartenant à l’église et aux nobles et le 19 prairial An III (9 juin 1795) furent distribués les 999 lots relevant des biens communaux tirés au sort et répartis entre les différents chefs de famille (environ 180).

La zone fut particulièrement touchée par les exactions nazies durant la Seconde Guerre mondiale, conséquence d’une forte activité résistante de la population. Plusieurs villages et hameaux furent ainsi des refuges ou des zones de rassemblement pour les maquisards organisés en groupes d’action, dont celui de la Melle, qui fut brûlé par les Allemands (à la Basse-Melle) en mars 1944, n’épargnant que la chapelle Sainte-Élisabeth-de-Portugal et le cimetière attenant, toujours en place. Ne restent plus aujourd’hui, pour le reste, que des ruines.

Le village possède ses armoiries : « porte d’or à chien rampant et contourné d’azur, langué de gueules, accolé d’or, coupé de gueules, à un pont de trois arches d’argent, maçonné de sable. Le pont vient des armes de Pontevès (armes parlantes)1 ». On appelait les Blieuxois « les étrangleurs d’ânes » – « lei estranglo saumo », en référence aux bêtes de somme surchargés de matériel et de vivres utilisés par la population dans ce contexte montagneux.

Le hameau de la Melle, écart principal du village

Le hameau de la Melle constitue un cas particulier par son importance et son étendue. Composé de plusieurs quartiers (celui de la Basse Melle, de la Haute Melle, du Chast où se situait l’ancien petit château seigneurial, en réalité une modeste maison de quelques pièces), il s’étage entre 1 150 et 1400 m. environ dans la zone nord-ouest de la commune et a donné son nom à la zone qu’il occupe : Barre de la Melle, Clue de la Melle – passage stratégique entre les communes de Blieux et de Senez –, ubac et adret de la Melle, ravin de la Melle ou encore source de la Melle. Isolé, particulièrement durant les longs mois d’hiver, le hameau menait une vie relativement indépendante du chef-lieu, et ressemblait à un petit village avec une chapelle (il s’agissait en effet d’une paroisse de Blieux), Sainte-Élisabeth-de-Portugal, une sacristie, un curé, un presbytère, une école, un instituteur, un « château » seigneurial au quartier du Chast, aujourd’hui totalement ruiné, un four.

L’un des derniers habitants de la Melle, Fernand Dolle, parti en 1929 avec sa famille, apporte un témoignage très précieux pour la connaissance du hameau au début du 20e siècle ainsi que le mode de vie de ses habitants :

« La Melle faisait partie de ces « coins perdus » qui accueillaient une jeune fille, institutrice, pour son premier poste, elle restait rarement plus d’un an, sauf si elle trouvait l’âme sœur, ce qui n’a jamais été le cas chez nous. Nous avions de l’eau en abondance, elle provenait pour les uns de la Haute Melle, pour les autres de la montagne de Vibres. Certains amenaient même cette eau chez eux. La source en provenance de la Haute Melle était canalisée à l’aide de troncs de bois creusés et arrivait sur la place entre l’école et l’église.

[…] L’on produisait l’essentiel de notre consommation : légumes, volailles, cochons, moutons, blé, avoine, orge. Le blé était mené au moulin, soit à Blieux, soit à Barrême et l’on ramenait la farine pour les humains et le petit son pour les animaux. Nous avions un four communal à pains. Il nous restait à acheter le sel, le poivre, l’huile, le pétrole pour la lampe et, pour certains, le vin. Sol et climat étaient favorables à la production de pommes et de poires. L’on portait la récolte du jour à Barrême et le lendemain elle se retrouvait sur les marchés de Nice. Les anciens parlaient de la présence de loups lorsqu’ils rentraient le nuit tombée, une règle d’or : ne jamais s’arrêter de marcher sinon le loup vous attaque.

Lorsqu’on recevait des parents ou des amis, on allait mettre quelques lacets et l’on mangeait un lièvre au repas. Les gendarmes étaient au courant de ce braconnage. Lorsqu’ils nous rendaient visite, on discutait autour d’un apéritif maison et ils repartaient avec ce qu’on avait sous la main en fonction de la saison : perdreaux, lapins, voire un lièvre. Tout le monde était content2. »

III. Peuplement

Les travaux d’Édouard Baratier sur la démographie provençale permettent de dresser un état des lieux de la population blieuxoise, dès l’enquête comtale de 1278, mais pas de l’ensemble des hameaux ou quartiers séparément, puisqu’ils relevaient de la même entité religieuse et administrative. Au début du 14e siècle l’agglomération de Blieux était l’une des plus peuplées de la baillie de Castellane, loin derrière le chef-lieu mais devançant largement Senez, pourtant cité épiscopale. À cette date, peut dire Noël Coulet, « Blieux fait donc office de petite ville3 » .

La commune est, parmi celles des Alpes-de-Haute-Provence qui ont subsisté sans être totalement abandonnées, celle qui a connu le plus grand recul démographique entre le milieu du XIXe et le milieu du 20e siècle. On relève d’après les données chiffrées trois reculs. Le début du 14e siècle marque une valeur haute du développement démographique avant une chute brutale et générale de la population provençale, réduite de moitié au milieu du 15e siècle. Le phénomène se reproduit au milieu du 18e siècle. On constate en effet une perte considérable de population entre 1728 (et même 1698) et 1765, déficit de plus de 100 personnes par rapport à 1698 et de plus de 300 par rapport à 1728 en moins de quarante ans. Le dernier déclin est classique et parfaitement identifié : il correspond au début de l’exode rural après le pic atteint à la fin du premier tiers du 19e siècle (969 habitants en 1836, près de 100 de moins – 876 – cinq ans plus tard en 1841). Il s’agit d’une tendance générale observable ailleurs. Plusieurs documents témoignent de ce progressif et irrémédiable déclin démographique de la commune. Citons l’un d’entre eux, accompagnant dans une lettre du maire Rebuffel datée du 8 juin 1856 et adressée au sous-préfet de Castellane, le bordereau du recensement de la population blieuxoise :

« Le tableau de dénombrement de la population de la commune de Blieux m’a frappé par la différence en moins de la population. La cause provient de l’esprit d’émigration qui caractérise les habitants. En effet, on a remarqué que le commencement, [sic] vers la toussaint, plus de cent personnes prennent le chemin de la Basse-Province où elles vont chercher du pain et du travail. La plupart rentrent chez elles au retour de la belle saison mais il en est toujours un certain nombre qui prennent du service, se louent à l’année entière et finissent par s’établir là où elles ont passé une année entière. Cette catégorie a été beaucoup plus nombreuse cette année à raison de la mauvaise récolte de 1855 et de l’élévation du prix des comestibles. N’ayant récolté que fort peu et n’ayant pas les moyens d’acheter des aliments, un grand nombre des habitants de Blieux ont été contraints, et se sont trouvés bien heureux, de trouver à se louer à l’année entière4».

Depuis une quarantaine d’années la population stagne autour de 60 habitants, sans jamais atteindre ce chiffre.

La commune comportait plusieurs hameaux et quartiers pour lesquels nous ne disposons pas toujours les données dans le détail mais qui comptaient encore au début du 20e siècle une population non négligeable (voir en annexe la répartition de la population de Blieux entre 1765 et 1936 et ci-dessous le tableau pour 2004). Les quartiers du Haut et Bas Chaudoul par exemple, situés au nord-ouest du village, entre 1150 et 1400 m. d’altitude environ, ont subi une décroissance plus modérée que le village proprement dit (103 habitants de part et d’autre en 1881, 96 pour Chaudoul, 72 pour le Village en 1891, 77 pour l’un contre 58 pour l’autre en 1901). Et même si la tendance s’est ensuite inversée durant la première décennie du 20e siècle (75 habitants au village contre 68 à Chaudoul en 1906) ils étaient encore suffisamment peuplés pour que des ordres de mobilisation générale soient placardés sur les portes des fermes en août 1914. Ne demeurent plus que quelques fermes éparses aujourd’hui ; la plupart sont abandonnées, beaucoup ruinées. Certains quartiers ont ainsi vu leur population drastiquement diminuer, comme à la Castelle (au sud-est de Plan d’Asse), où il ne reste plus que deux ou trois bâtiments debout. D’autres ont purement et simplement disparu, comme celui de Culmignosc au nord du village et de la Roche de Picomard, perché à 1 300 m.

Pour autant, on peut déterminer d’après les données que la population des hameaux secondaires (tels que Brige) et surtout isolée constitue une portion non seulement importante mais constamment croissante du total communal depuis 1841. Si l’on compare, le ratio s’établit respectivement à 23 % en 1841, 40 % en 1891, pour atteindre 50% en 1936. En dehors du phénomène de l’exode rural, c’est aussi une preuve du caractère agricole de la commune, dont de nombreuses fermes sont isolées dans le territoire.

commune

1278

1315

1471

1504

1698

1728

1765

Blieux

7 + 100

150

37

60

190

230

823

Tableau de la démographie pour la commune de Blieux (Ancien Régime) :

N.B. : on compte en moyenne qu’un feu correspond à une famille de cinq personnes. Les chiffres de 1765 en revanche sont absolus.

commune

1804

1811

1821

1831*

1841

1851

1861

1881

1901

1911

1921

1931

Blieux

855

855

810

907*

876

780

736

560

442

374

241

181

Tableau de la démographie pour la commune de Blieux (depuis la fin de l’Ancien Régime). N.B. : les chiffres sont absolus.

* la colonne se détachant sur fond bleu marque le maximum démographique

commune

1962

1968

1975

1982

1990

1999

2006

Blieux

73

59

54

59

57

59

58

Tableau de la démographie pour la commune de Blieux (depuis les années 1960, source Insee). N.B. : les chiffres sont absolus.

Village

Les Ferrajas

Bas Chaudoul/

Haut Chaudoul

Plan d'Asse

Thon

La Castelle

Fondanelle

Brige

La Souche

Population totale

8

14

9

9

7

4

4

2

1

60

Tableau de répartition de la population de Blieux par écart en 2004.

Écart de La Melle

L’étude des actes civils de La Melle, pour la période s’étalant entre 1668 et 1832 nous apprend que 112 naissances furent enregistrées, contre 84 décès, preuve de la vitalité du hameau5. Le tableau ci-dessous permet d’avoir une connaissance approximative de l’évolution démographique entre 1841 et le dernier recensement, en 1936, alors que l’écart venait d’être abandonné. On remarque que la baisse démographique s’amorce, comme au chef-lieu, durant le second tiers du 19e siècle :

1841

1846

avant 1914

après 1914

1929

1931

1936

20 familles

soit 127 hab.

18 familles

soit 99 hab.

14 familles

soit env. 70 hab.

seulement

8 jeunes hommes

3 familles

soit 20 hab.

3 familles

soit 20 hab.

0 hab.

l’écart n’apparaît plus

dans le recensement (abandonné)

IV. La vie religieuse

Outre l’église paroissiale Saint-Symphorien, qui n’est pas située dans le centre du hameau, mais au lieu-dit Les Ferrajas, il y avait à Blieux quatre autres chapelles : celle de Saint-Pierre située dans le hameau et qui semble avoir été en concurrence avec la première, celle de Saint-Joseph située au quartier de Chaudoul, aujourd’hui disparue, celle de Saint-Pons située au quartier du Thon, aujourd’hui en ruines et enfin celle dédiée à Sainte-Elisabeth-du-Portugal située dans la succursale de Blieux au quartier de la Melle (Achard, 1788 ; Féraud, 1861).

En 1697 déjà, Monseigneur Jean Soanen, au moment de la visite pastorale qu’il effectue à Blieux, précise que faute de temps, il ne peut se rendre dans celle-ci, mais qu’il le fera lors de son prochain passage. Il exhorte les habitants de bâtir l’église plutôt dans le village, l’église Saint-Symphorien étant trop éloignée du village : « qui est à plus de 500 pas » et que « les neiges et les glaces rendraient en hiver inaccessible, ou serviront de prétexte pour n’y point aller ». Il précise que ses offres n’ont pas été acceptées.

En 1715, le compte-rendu de la visite pastorale évoque la chapelle Saint-Pierre dans le village et précise qu’elle est mieux tenue que les autres. Le prélat énumère également les trois autres chapelles.

En 1764, les visites pastorales nous apprennent que la communauté avait fait agrandir la chapelle Saint-Pierre, située au plus haut du village, conjointement avec la confrérie des pénitents, qui ont adopté ladite chapelle pour y faire leur office.

À partir de 1839, il semble que le conseil municipal ait accordé une certaine importance à la chapelle Saint-Pierre, celle-ci faisant régulièrement l’objet de propositions d’engagements de sommes pour réparations.

La chapelle Saint-Pons est elle aussi régulièrement entretenue.

En 1877, la chapelle Saint-Pierre menace cependant ruine et le conseil municipal délibère pour qu’elle soit découverte et que l’on récupère les tuiles. Une délibération du conseil de fabrique décide en 1882 de sa destruction, de la vente des tuiles et de la cloche.

La chapelle Saint-Pons semble avoir résisté plus longtemps, puisqu’en 1898, l’abbé Marie Griraud obtient la somme de 150 francs pour la réparer6.

La chapelle Saint-Joseph au quartier de Chaudoul n’apparaît en revanche plus dans les textes, après le procès-verbal de la visite pastorale de 1715.

V. Réseau viaire

Le chef-lieu est desservi par la route départementale 21 depuis 1936-1937 seulement, date à laquelle fut construit le pont sur le Riou, affluent de l’Asse de Blieux (voir dossier individuel, REF IA04001146). Cette voie de communication bifurque de l’ancienne route nationale 85 sur le territoire sénézien et sinue en remontant le long de l’Asse sur l’adret de la pente (150 m. de dénivelée environ entre la limite de la commune à l’est et le quartier du Bas Chaudoul où la route goudronnée s’interrompt (970m.). La départementale 21 contourne en contrebas l’éperon rocheux qui contient le site historique du village mais deux voies d’accès goudronnées y conduisent directement. Trois autres bifurcations existent, au quartier des Ferrajas, et deux au niveau du quartier de Plan d’Asse, desservant le hameau de Brige (adret), ceux de Planpinier, de Thon et de la Castelle de l’autre côté de l’Asse.

La commune ayant la particularité de présenter une dispersion du bâti par hameaux (voir ci-dessous), le réseau de voirie (chemins vicinaux) est particulièrement développé. Il se scinde du reste en deux groupes. Les chemins intercommunaux d’une part. Reliant Blieux à Senez (par la Clue de la Melle au nord-ouest, par les Ferrajas au nord-est) ; Blieux à Taulanne à l’est, depuis les Ferrajas ; Blieux à Majastres (au nord-ouest, bifurcation vers l’ouest du chemin en direction de La Melle, au sud-ouest, par le Portail de Blieux). Les chemins intérieurs d’autre part, plus petits, comme celui reliant le village au quartier de Thon ou les Ferrajas au Boudet. Ils se confondent d’ailleurs parfois avec les premiers. Par exemple celui desservant le Bas Chaudoul, le Haut Chaudoul, La Melle en partant du village est aussi intercommunal puisqu’il se prolonge à l’est vers Majastres, au nord et après un changement de direction à l’ouest vers Senez. De même le chemin du quartier des Ferrajas vers Taulanne dessert plusieurs anciens hameaux de la commune : les Ferrajas, Brige, le Maurillon. Cette ancienne voie n’est plus utilisée aujourd’hui, les quartiers mentionnés étant moins importants que par le passé, et surtout reliés au village par la route départementale et une de ses ramifications. En revanche le réseau viaire secondaire a presque entièrement disparu, faute d’entretien, puisqu’il ne mène plus qu’à des hameaux fantômes : du village à Culmignosc, de la Melle au Chast.

D’une manière générale, hormis la route départementale dont le tracé épouse le cours de l’Asse de Blieux, le réseau viaire ancien porté sur le cadastre napoléonien (levé en 1811) a été conservé en ce qui concerne les voies « principales ». Le chemin qui menait du village historique au quartier des Ferrajas, avant la construction de la route départementale, existe encore ; caladé, il descend de l’éperon rocheux pour traverser en contrebas le Thouron, un affluent de l’Asse de Blieux, grâce à un pont7 qui est encore en service aujourd’hui, même si largement délaissé (voir dossier individuel correspondant, REF IA04001130), avant de remonter à l’ancien quartier de l’Église, devenu quartier des Ferrajas, exposé à l’adret. Certaines voies secondaires restent utilisées. Étroites, entre deux haies vives ou des pierriers qui délimitent les parcelles de cultures ou des zones de pâture, elles servent notamment à descendre les pentes pour rejoindre le fond du vallon, comme dans le massif de Laravie qui rejoint le Bas Chaudoul.

L’entretien du réseau viaire constituait une préoccupation constante des autorités locales car il assurait la liaison entre les différents hameaux et avec le chef-lieu. Un édit de la mairie du 9 mai 1741 rappelle ainsi la décision pour les individus mâles âgés de 18 à 60 ans de fournir deux journées de travail à cet effet, en plus que la prestation de leurs animaux de bât à disposition (chevaux, mulets, ânes) : il s’agissait d’éviter la dégradation des différentes voies de communication internes à la commune mais aussi de celles reliant celle-ci aux communes limitrophes. La délibération fut reconduite le 13 mai 1838. Le 10 mai 1856 Blieux se dota même d’un cantonnier destiné d’entretenir le chemin du village à la route communale.

VI. Organisation du bâti

Le territoire blieuxois est très peu densément peuplé, et les zones d’habitat limitées dans leur majorité au bord de l’Asse et en bordure des voies de communication. Les exemples d’édifices isolés dominent, même si la déprise agricole a fait disparaître bon nombre d’entre eux. Le contexte géographique dominé par une forte emprise du relief accidenté explique cet état de fait. Blieux, commune agricole, est constituée d’un chef-lieu et de plusieurs écarts dont on a vu que l’un d’entre eux – celui de la Melle, lui-même composé de plusieurs quartiers – disposait d’une quasi autonomie. D’emblée, une tendance forte s’impose : la prédominance démographique des écarts relativement au chef-lieu. Si l’on s’en tient aux chiffres disponibles depuis 1841, le rapport a évolué de 1 pour 2,3 (263 habitants contre 613) à 1 pour 3,4 en 1936 (36 contre 124). Il a même atteint 1 pour 6 à la fin du 19e siècle (72 contre 436 en 1891). En 2004, le rapport s’établissait à 1 pour 7,5 (8 contre 60). Ces données se traduisent naturellement sur le nombre des habitations en fonction des différents écarts et par rapport au chef-lieu (voir le tableau ci-dessous en annexe).

D’une manière générale, en dehors du village proprement dit, on constate une remarquable dispersion des écarts qui semblent avoir conservé une relative indépendance avec le chef-lieu. Le cas particulier de La Melle évoqué plus haut peut en partie s’expliquer par l’éloignement par rapport au village et l’extrême difficulté d’accès dans un contexte montagneux aux alentours de 1 200 m. d’altitude, puisque cet écart important n’était desservi avec Blieux que par un chemin cahoteux et un pont construit tardivement, en 1883 (REF IA04001132). Dans une certaine mesure, il est aussi et peut-être même plus proche de Senez par le biais de la Clue de La Melle qui permet de basculer du côté ubac de la montagne de Vibres.

Quant aux autres écarts, de taille somme toute réduite en termes d’habitants, Haut et Bas Chaudoul à l’ouest et au nord-ouest du village, Culmignosc au nord, Thon au sud, Ferrajas (depuis le début du 20e siècle il est devenu partie intégrante du village), Brige et Plan d’Asse à l’est, Castelle au sud-est, ils témoignent d’une relative indépendance les uns par rapport aux autres. Situation qui s’explique en partie par le relief ; ainsi pour La Melle, le Haut Chaudoul, Culmignosc, la Castelle. Même en zone peu accidentée, le phénomène s’observe pour des zones proches les unes des autres : Le quartier de Thon occupe une cuvette, isolée du village au nord par l’Asse, de Planpinier au nord-est par le petit relief du Touchard, au sud-ouest par celui des Roumégières. Le quartier de Planpinier est compris dans un triangle dont les limites sont formées au nord par l’Asse, à l’est par le relief du Touchard et à l’est par celui du Champaraire. En face, Plan d’Asse occupe le bord du cours d’eau et les premières pentes. Dans ce quartier assez vaste, un hameau se détache – celui de Brige. Les questions d’emplacement (degré d’exposition au soleil, qualité des terres, surfaces planes ou non, isolement partiel ou profond) jouèrent très tôt un rôle capital dans l’élaboration des mentalités. Par exemple, les écarts de température l’hiver entre les quartiers des Ferrajas et celui de Thon (à l’adret), atteignent plusieurs degrés.

On observe aussi deux types opposés d’habitat. Groupé au village, aux Ferrajas, au Chast, à Culmignosc ou Brige, dispersé (voire isolé dans certains contextes) à Thon, Planpinier, Plan d’Asse, Haut et Bas Chaudoul, la Castelle. Pourtant ces formes ne répondent pas systématiquement à des exigences d’ordre climatique (en grappe serrée pour des questions de résistance au milieu hostile et dangereux l’hiver), même si c’était le cas au Chast et à Culmignosc. Ainsi Brige, qui propose cette forme, bien exposé à l’adret, ne domine l’Asse que de moins d’une centaine de mètres. Au contraire, le Haut Chaudoul offre une disposition dans laquelle les différentes exploitations – des fermes – sont dispersées, bien qu’en altitude (environ 1 200 m.), système que l’on retrouve logiquement en bordure d’Asse et en zone plus plane et arrosée, entre le Bas Chaudoul et le village, à Plan d’Asse, Planpinier et Thon, et d’une manière générale à l’adret où les cultures étaient bien exposées et les terres plus généreuses. Comment expliquer ces phénomènes ?

Pour le cas de Brige, qui demeure exceptionnel à Blieux, il faut vraisemblablement y voir une forme d’apparentement : plusieurs membres d’une même famille – ou du moins d’un nombre très limité de familles – ont progressivement développé un groupement agricole mêlant à l’origine ferme, maison et dépendances agricoles, avec les terres de culture autour. L’habitat dispersé en milieu plat et arrosé s’inscrit dans la norme : l’appropriation d’un territoire proposant des espaces plus fertiles qu’ailleurs, et bien arrosés par un système idoine. Quant à la forme isolée au quartier du Haut Chaudoul, il faut la mettre en relation avec le type d’agriculture essentiellement basée sur l’élevage du mouton (en général des troupeaux d’une trentaine de têtes) pratiqué sur la commune hors zones de cultures, c’est-à-dire dans des espaces accidentés, avec des prés de maigre pâture. Ces conditions nécessitaient de disposer d’espaces étendus pour rendre les exploitations économiquement viables.

Blieux laisse appréhender un habitat en définitive peu groupé en dehors du village, avec des quartiers composés donc pour l’essentiel d’habitations dispersées. Certains d’entre eux sont si lâches qu’il convient même de parler d’habitat isolé (Haut et Bas Chaudoul par exemple). Cette inscription dans le territoire brouille parfois les « frontières » entre quartiers, tant les constructions qui émaillent un toponyme, diffuses, débordent de ce dernier pour occuper un espace plus vaste. L’exemple du chapelet d’exploitations agricoles entre le quartier du Bas Chaudoul et le village, entre la Barre de l’Échelette et l’Asse, à l’adret, est à ce titre significatif : il demeure perceptible aujourd’hui, malgré la disparition d’un certain nombre d’édifices et la présence de ruines éparses. Inversement, un même quartier – celui de Plan d’Asse – donne à voir des fermes variées : dispersées (l’Aiguille, Le Collet) ou des petites associations unissant deux parcelles bâties mais aussi des rassemblements plus importants (hameau de Brige – huit parcelles dont sept mitoyennes formant un noyau – et Plan d’Asse – quatre parcelles mitoyennes).

La forme d’habitat dispersé désigne aussi un type d’économie agricole : car en dehors du village et du quartier des Ferrajas qui est devenue une fraction de ce dernier même s’il en est dissocié8, la ferme constitue la famille architecturale de loin la plus fréquente, avec ou sans dépendance agricole. Un rapport daté du 9 juillet 1775 dénombrait ainsi « dans le terroir quatre-vingt dix bastides habitées9 », c’est-à-dire de fermes.

Significatif des mentalités locales où la dispersion est la règle générale, aussi bien que l’indépendance et la recherche de l’autarcie, le nombre étonnamment élevé des fours particuliers alors même que les habitations ne sont jamais très éloignées les unes des autres, surtout autour du village historique (Ferrajas, Brige, Plan d’Asse, Planpinier, Thon). Il convenait de ne pas dépendre des autres, et cela passait aussi par la cuisson de son propre pain. Faut-il voir dans l’un des surnoms donné aux habitants de Blieux un rappel de cette mentalité pointilleuse ? Autrefois, les Blieuxois étaient en effet également appelés « plaidejaï » – les procéduriers. Autre exemple des relations parfois tendues entre quartiers, la mauvaise réputation de Thon, qui apparaissait comme un quartier maudit, et dont les habitants étaient déconsidérés par les habitants du village.

On relèvera aussi que les formes d’habitat regroupé sont directement liées aux exploitations isolées et disséminées dans le terroir blieuxois. En effet, selon un mode d’occupation « pendulaire » du territoire, la vie quotidienne était distribuée entre la vie domestique au Village ou dans les écarts à l’automne et en hiver et les tâches agricoles dans les quartiers d’été (dans les « campagnes « ou « bastides ») au retour de la belle saison, alors même parfois que quelques centaines de mètres seulement séparaient les deux formes d’habitat. Il s’agit d’un phénomène récurrent et itératif dans la zone alpine. Un propriétaire pouvait se contenter d’une partie de maison voire d’une chambre au Village par exemple et posséder une ferme par ailleurs10. Il existait aussi des multipropriétaires qui vivaient au Village et louaient leurs fermes à des métayers moyennant une partie de la récolte. Toujours est-il que si les cloisonnements sont avérés entre les différents écarts, il convient aussi de considérer les liens qui unissaient autrefois habitat groupé et habitat isolé.

VII. Économie rurale

1. Les activités agricoles

L’agriculture constituait la principale source de revenus (voir ainsi en annexe les chiffres de répartition de l’activité économique pour la commune en 1851 : près de 90 % de personnes vivaient de l’agriculture, enfants déduits) mais les méthodes de culture ne donnaient que des rendements médiocres : longtemps les labours, peu profonds, se pratiquèrent à l’araire en bois avec des bœufs pour unique force motrice. Si l’on observe les statistiques annuelles agricoles pour l’année 1916, on constate qu’un peu plus du quart (26 %) de la superficie de la commune était dévolue aux terres labourables (1 515 ha contre 5 733 au total), ce qui est relativement peu, et s’explique par l’importance du relief qui interdit les labours. En revanche, si l’on prend en compte toute la production agricole, on remarque que 1 118 ha « seulement », dont 700 de bois et forêts, n’étaient pas mis en cultures, ce qui signifie que plus de 80 % l’étaient (4 615 ha). C’est dire l’emprise des activités agricoles dans la commune.

L’élevage du mouton, surtout à laine, constitue désormais la source de revenus la plus importante à Blieux. Il est devenu extensif, ne reflétant pas dans ses proportions la réalité historique ancienne de cette sorte d’élevage, qui se limitait dans la seconde moitié du 19e siècle, sinon à quelques têtes, à une moyenne maximale de deux, trois voire quatre dizaines pour les plus gros élevages, quand les moyennes tournent aujourd’hui autour de plusieurs centaines de têtes, sans parvenir toutefois à cacher la quasi disparition du nombre d’exploitations d’élevage. La baisse sensible au tournant du 20e siècle illustre le déclin rural. L’élevage caprin complémentaire désignait généralement la pauvreté du propriétaire. Chaque famille pouvait disposer en sus de quelques chèvres, d’un ou deux cochons, faisait de l’élevage de poules et de lapins, et plus rarement possédait un mulet voire un cheval pour les travaux des champs et le transport de charges. L’élevage bovin, secondaire, pour la production laitière, reste cantonné à la période de la Seconde Guerre mondiale. Les chiffres pour l’affouagement de 1471 qui recensent non seulement la population mais dressent aussi l’inventaire des ressources en terres et en troupeaux pouvant être soumis à la taille donnent une idée de la répartition des espèces animales à Blieux11 :

communes

ânes et chevaux de bât

brebis ou chèvres

bœufs

Castellane

170

4272

92

Senez

13

330

30

Blieux

25

2010

42

On constate que si les chiffres pour Blieux sont naturellement inférieurs à ceux de Castellane, la différence n’est pas si importante comparativement à la taille et à l’importance administrative ainsi que religieuse de cette dernière. Mieux : ces données dépassent très largement celles dont disposait Senez, pourtant cité épiscopale et commune limitrophe de Blieux. C’est dire le statut de Blieux, qui n’était à cette date qu’une dépendance de l’évêché de Senez. Blieux appartenait à la communauté de Castellane laquelle accueillait les troupeaux lors de la transhumance pendant l’été sur les montagnes du territoire. On trouve encore quelques enclos sur la commune qui témoignent de cette activité : montés en pierre sèches, ils servaient à parquer le bétail de façon temporaire avant de reprendre la route.

L’économie rurale s’appuyait jusqu’au tournant du 20e siècle essentiellement sur les cultures céréalières (froment principalement et dans une moindre mesure épeautre, orge, avoine) réparties sur les plaines ensemençables en bordure d’Asse ou arrosées par le système d’irrigation. La production fruitière (prunes en premier lieu, mais aussi pommes, poires et pêches ; amandes et noix en quantité plus restreinte, voir les chiffres en annexe pour l’année 191612) constituait des compléments de revenus très substantiels dans un système de cultures en complantation le plus souvent, afin d’optimiser le rendement global. On cultivait aussi le chanvre et le lin à Planpinier, où presque chaque famille possédait sa parcelle, d’où un découpage laniéré qui a aujourd’hui disparu. Les cultures sèches étaient bien sûr présentes (lentilles, pois chiches, haricots) et servaient, au même titre que les productions issues des jardins potagers à la consommation personnelle. Le surplus de blé était vendu, ainsi que quelques autres produits locaux, parfois « travaillés » comme les fruits séchés, ou bénéficiant d’un attrait ciblé mais très lucratif, comme la lavande. Nous y reviendrons. Les prés de fauche, destinés au fourrage pour les bêtes, se répartissaient sur les terres arrosables soit directement par l’Asse de Blieux soit grâce à l’aménagement et l’entretien d’un réseau de canaux d’irrigation (REF IA04001273)13.

Un quartier pouvait avoir sa spécialité. Plan d’Asse et Planpinier produisaient ainsi essentiellement du blé, du lin et du chanvre. Les versants exposés à l’adret donc bien exposés, de Champ Rougier à Clot Rouvier notamment, étaient couverts de vergers de pommiers, poiriers, pruniers, noyers et amandiers. Les fruits frais étaient mis à sécher dans des séchoirs (également appelés « secaï ») dont disposait chaque habitation ou presque. La prune surtout marque ce type de culture. On ne saurait assez souligner l’importance, historiquement avérée, de ce fruit, aux variétés diverses, dont la reine – la « perdigone » – a fait la réputation de la vallée d’Asse, sous la forme des pistoles (fruit dénoyauté, pelé, écrasé pour lui donner une forme caractéristique de pièce puis séché sur des claies la plupart du temps en osier), que François Ier avait mis à l’honneur à la cour de France, bientôt imitée par celles de l’Europe entière14. Si bien que les vergers de pruniers investissaient littéralement les bords de l’Asse de Blieux à Barrême, parfois jusqu’au pied des montagnes. La production a périclité dès l’entre-deux-guerres (production nulle en 1924) : il n’en reste plus rien aujourd’hui, et les arbres morts ont presque tous été arrachés.

S’ajoutait la lavande, qui connut son apogée dans la zone bas-alpine entre 1900 et 1950 pour décliner peu à peu jusqu’à extinction de son « exploitation » sur la zone à la fin des années 1970. D’abord cultivée sous sa forme sauvage dans des baïassières, elle fut remplacée par le lavandin, qui assurait une production plus importante mais dont la distillation procurait une essence de moindre qualité, moins concentrée. Dans ce contexte général Blieux ne rivalise pas avec Senez, sa voisine, mais les chiffres (180 quintaux pour 1916) montrent que la commune était partie prenante du phénomène, par ailleurs très lucratif. Certains exploitants disposaient de leur propre alambic mais la commune n’avait pas de distillerie fixe à proprement parler.

2. Activités artisanales et pré-industrielles

On dénombre deux moulins, l’un à farine au lieu-dit le Moulin encore en place, sous le village historique, alimenté par un canal d’amenée dérivé de l’Asse de Blieux qui sert également de canal d’irrigation (voir le dossier individuel correspondant, REF IA04001273), ainsi qu’un moulin à huile de noix au lieu-dit le Taillet ; encore en activité en 1783, il appartenait à un certain Jean Dolle, mais le relevé parcellaire de 1842 portait la mention « démoli ». Il a totalement disparu aujourd’hui. Il existait aussi une tuilerie au quartier de Thon, dont le toponyme – la Tuilière – rappelle l’existence : la commune fabriquait donc ses propres tuiles, mais il ne reste plus trace de cette activité non plus que de l’élevage du ver à soie : une partie des terres de Planpinier étaient en effet plantées de mûriers à cette fin.

3. Activités touristiques

La commune mise aujourd’hui sur le tourisme vert estival par le biais de son camping municipal, grâce aux sites remarquables de la commune : les cascades, qui attirent des adeptes du canyoning, mais surtout les randonnées pédestres dont la plus réputée concerne la montée à l’observatoire astronomique du Chiran à quelque 1 905 m. d’altitude.

1Georges Gayol, Histoire de Blieux, un village des Alpes de Haute-Provence, édité par l’Association du Patronyme Deblieux, 2008, p. 2. 2Cité dans Georges Gayol, Histoire de Blieux..., ibid., p. 123-124.3Noël Coulet, « Document : Construction d’une enceinte à Blieux en 1420, dans Provence historique, tome LVIII, fascicule 232, avril-mai-juin 2008, p. 216. Lire aussi Édouard Baratier, La démographie provençale du 13e au 16e siècles avec chiffres de comparaison pour le 18e siècle, Paris, S.E.V.P.E.N., 1961, p. 156-157.4Gayol, op. cit., p. 20-21.5Gayol, op. cit., p. 122.6Elle est aujourd’hui ruinée.7D’une manière générale, la commune présente de nombreux ponts sur son territoire (fig. 11 et 19).8Jusqu’en 1937, date de la construction du pont principal sur le Riou (REF IA04001146), il fallait franchir le Thouron en contrebas pour relier les deux sites.9Gayol, op. cit., p. 25.10Ainsi de Guichard Simon, propriétaire d’une partie de maison et d’une chambre (respectivement en 1811 G 43 et 173) ainsi que d’une partie de ferme dans l’ancien quartier dit « Au-dessous de la Barre de l’Échelette », en 1811 A3 2505 (l’exploitation agricole, importante, réunit trois propriétaires : Guichard Simon en A3 2505, un membre apparenté, Guichard Marcelin, en A3 2506, et une troisième personne, Bondil Jean André, en A3 2509). On pourrait multiplier les exemples11Cru, Jacques. Histoire des gorges du Verdon : du Moyen Age à la Révolution. [Moustiers-Sainte-Marie] : Parc naturel régional du Verdon ; [Aix-en-Provence] : Édisud , 327 p. : ill., 2001, p. 168.12Il faut tenir compte que ces chiffres, en période de guerre, lorsque la main d’œuvre est absente, ne reflètent pas la véritable production de Blieux. En tout cas montrent-ils que celle-ci devait être bien supérieure en temps normal. On notera cependant que les données comparatives entre Blieux et Senez pour les années 1892 et 1924 et sur un nombre restreint de cultures (fruitière et lavande) montrent une production de proportion comparable, sauf pour les prunes qui ont semble-t-il disparu à Blieux en 1924.13On notera également le nombre important des puits et des citernes sur la commune (fig. 21, 26 et 27).14On compte des variétés multiples, chacune servant à des fins différentes. Outre la « perdigone », citons le « bacon », petite perdigone dont la préparation s’apparentait à celle de la perdigone pour donner des pistoles que l’on ne pelait pas après les avoir ébouillantées et qui servait essentiellement à la consommation familiale (produite en grosse quantité au hameau de la Maurelière, dont les habitants portaient le sobriquet de « mange-bacons » ; le « tourteau », que l’on mangeait en soupe ou en bouillie ; la « pisseuse », petite prune bleue que l’on mettait dans l’eau-de-vie ; ou encore la « sumiane », de qualité inférieure et invendable, dont on se servait pour faire de l’eau-de-vie et de la confiture. Sur la confection des pistoles, voir notamment Albert Cotte, La vie de ceux d'avant ne doit pas s'oublier... Souvenirs d'un simple paysan de la vallée de l'Asse. Dans : Les Cahiers de Salagon, n° 105/106, Les Alpes de lumière,1990, p. 93-98.

Deux sites castraux très proches ont pu se côtoyer, sur la Crête de Montmuye et sur le roche de Picomard, au nord-ouest et au nord du village : il n’en reste bien sûr plus que des vestiges à peine discernables, mais les pierriers ainsi que certaines traces de construction de gros-œuvre demeurent encore identifiables. Blieux était sous la domination des Castellane puis des Pontevès, comtes de Carcès. Blieux était une possession de l’Abbaye de Saint-Victor à Marseille jusqu’en 1122, date à laquelle elle céda ses droits à l’évêché de Senez ; elle en dépendit jusqu’au milieu du 16e siècle. Blieux fut sous l’autorité directe des seigneurs majeurs de Castellane, farouches défenseurs de leur indépendance face aux comtes de Provence. Ils finirent par se soumettre en 1262 à Charles Ier d’Anjou et Blieux, à l’instar de Castellane, devint dépendante de la viguerie de Grasse. La commune de Blieux disposait d’un arrière-fief à la Melle depuis 1309. Jean de Pontevès acquit la seigneurie de Blieux en 1399 : la famille Pontevès conserva ses prérogatives jusqu’au milieu du 18e siècle. Entre-temps, comme l’ensemble de la Provence, la commune subit les contrecoups des guerres civiles de religion qui troublèrent la région à la fin du 16e siècle. La Révolution entraîna la vente des biens appartenant à l’église et aux nobles et le 19 prairial An III (9 juin 1795) furent distribués les 999 lots relevant des biens communaux tirés au sort et répartis entre les différents chefs de famille (environ 180). La zone fut particulièrement touchée par les exactions nazies durant la Seconde Guerre mondiale, conséquence d’une forte activité résistante de la population. Plusieurs villages et hameaux furent ainsi des refuges ou des zones de rassemblement pour les maquisards organisés en groupes d’action, dont celui de la Melle, qui fut brûlé par les Allemands (à la Basse-Melle) en mars 1944, n’épargnant que la chapelle Sainte-Élisabeth-de-Portugal et le cimetière attenant, toujours en place. Ne restent plus aujourd’hui, pour le reste, que des ruines. L’agriculture constitue historiquement la principale source de revenus (en 1851 : près de 90 % de personnes vivaient de l’agriculture, enfants déduits) mais les méthodes de culture ne donnaient que des rendements médiocres Si l’on observe les statistiques annuelles agricoles pour l’année 1916, on constate qu’un peu plus du quart (26 %) de la superficie de la commune était dévolue aux terres labourables (1515 ha contre 5733 au total), ce qui est relativement peu, et s’explique par l’importance du relief qui interdit les labours. En revanche, si l’on prend en compte toute la production agricole, on remarque que 1 118 ha « seulement », dont 700 de bois et forêts, n’étaient pas mis en cultures, ce qui signifie que plus de 80 % l’étaient (4615 ha). C’est dire l’emprise des activités agricoles dans la commune. L’élevage du mouton, surtout à laine, constitue désormais la source de revenus la plus importante à Blieux. Il est devenu extensif, ne reflétant pas dans ses proportions la réalité historique ancienne de cette sorte d’élevage, qui se limitait dans la seconde moitié du 19e siècle, sinon à quelques têtes, à une moyenne maximale de deux, trois voire quatre dizaines pour les plus gros élevages, quand les moyennes tournent aujourd’hui autour de plusieurs centaines de têtes, sans parvenir toutefois à cacher la quasi disparition du nombre d’exploitations d’élevage. La commune mise aujourd’hui sur le tourisme vert estival par le biais de son camping municipal, grâce aux sites remarquables de la commune : les cascades, qui attirent des adeptes du canyoning, mais surtout les randonnées pédestres dont la plus réputée concerne la montée à l’observatoire astronomique du Chiran à quelque 1905 m.

La commune de Blieux appartient au canton de Barrême. Elle est limitrophe au nord de celle de Senez (enclave du Poil comprise) ainsi que de celle de Barrême et à l’est de celle de Castellane. Elle est traversée dans sa partie médiane par un affluent de l’Asse, l’Asse de Blieux, qui prend sa source dans le massif du Mourre de Chanier au sud-ouest de la commune. Le village historique est situé en contrehaut du cours d’eau, sur l’extrémité de la Barre de l’Échelette qui forme un éperon rocheux culminant à environ 965 m. d’altitude. Le territoire blieuxois s’insère dans un contexte de moyenne montagne au relief marqué par une série de massifs qui tous dépassent les 1 500 m. d’altitude. Le village s’inscrit dans un cirque. Les barres rocheuses sont interrompues par des cols : Clue de la Melle au nord par exemple. Les massifs calcaire sont émaillés de marnes grises stériles (appelées » robines » localement ») que les eaux de ruissellement ont contribué à sculpter. Le massif du Grand Mourre contient un gisement de gypse qui donne parfois une couleur jaune à l’Asse de Blieux. Le climat s’apparente au type de moyenne montagne méditerranéenne, ponctué par des étés chauds et secs jusqu’au 15 août qui détermine un changement climatique vers une intersaison plus humide (printemps et automne). Les hivers sont en général froids et secs. Le régime hydrique est de type orageux et les crues fréquentes par temps de pluie lesquelles, historiquement, n’ont pas affecté les habitations du village, haut perché, et peu les quartiers plus proches du lit par ailleurs encaissé, à l’exception de Plan d’Asse directement baigné par le cours d’eau. Il s’agit d’ailleurs de la zone la plus fertile et la plus plate de la commune. La commune ayant la particularité de présenter une dispersion du bâti par hameaux le réseau de voirie (chemins vicinaux) est particulièrement développé. Il se scinde du reste en deux groupes. Les chemins intercommunaux d’une part. Les chemins intérieurs d’autre part, plus petits, comme celui reliant le village au quartier de Thon. Le réseau viaire secondaire a presque entièrement disparu, faute d’entretien, puisqu’il ne mène plus qu’à des hameaux fantômes : du village à Culmignosc, de la Melle au Chast. D’une manière générale, hormis la route départementale dont le tracé épouse le cours de l’Asse de Blieux, le réseau viaire ancien porté sur le cadastre napoléonien (levé en 1811) a été conservé en ce qui concerne les voies « principales ». Le territoire blieuxois est très peu densément peuplé, et les zones d’habitat limitées dans leur majorité au bord de l’Asse et en bordure des voies de communication. Les exemples d’édifices isolés dominent, même si la déprise agricole a fait disparaître bon nombre d’entre eux. Le contexte géographique dominé par une forte emprise du relief accidenté explique cet état de fait. Blieux, commune agricole, est constituée d’un chef-lieu et de plusieurs écarts dont l’un d’entre eux – celui de la Melle, lui-même composé de plusieurs quartiers – disposait d’une quasi autonomie. D’emblée, une tendance forte s’impose : la prédominance démographique des écarts relativement au chef-lieu. D’une manière générale, en dehors du village proprement dit, on constate une remarquable dispersion des écarts qui semblent avoir conservé une relative indépendance avec le chef-lieu. Le cas particulier de La Melle peut en partie s’expliquer par l’éloignement par rapport au village et l’extrême difficulté d’accès dans un contexte montagneux aux alentours de 1 200 m. d’altitude. Dans une certaine mesure, il est aussi et peut-être même plus proche de Senez par le biais de la Clue de La Melle qui permet de basculer du côté ubac de la montagne de Vibres. Quant aux autres écarts, de taille somme toute réduite en termes d’habitants, ils témoignent d’une relative indépendance les uns par rapport aux autres. La forme d’habitat dispersé désigne aussi un type d’économie agricole : car en dehors du village et du quartier des Ferrajas qui est devenue une fraction de ce dernier même s’il en est dissocié, la ferme constitue la famille architecturale de loin la plus fréquente, avec ou sans dépendance agricole.

Bibliographie

  • ACHARD, Claude-François. Description historique, géographique et topographique des villes, bourgs, villages et hameaux de la Provence ancienne et moderne, du Comté-Venaissin, de la principauté d'Orange, du comté de Nice etc. Aix-en-Provence : Pierre-Joseph Calmen, 1788, 2 vol.

  • GAYOL, Georges. Histoire de Blieux, un village des Alpes de Haute-Provence. Association du patronyme Deblieux : 2008.

    Histoire du village de Blieux.

Annexes

  • Tableaux démographiques et statistiques agricoles
Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2008
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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