Fondation de l'abbaye
En 1299, l'abbaye est fondée par l'évêque d'Apt, Raimond (ou Raymond) de Bot, qui y est probablement inhumé après sa mort en 1303. Raimond de Bot est évêque d'Apt entre 1275 et 1303, il fait bâtir l'abbaye et la dote de ses propres biens. Selon l'acte de fondation, cette dernière est placée sous le titre de Sainte-Catherine et sous la règle de saint Augustin. La communauté ne doit compter, selon ses statuts, que cinquante et une religieuse plus l'abbesse. Une pierre, aujourd'hui conservée au musée d'Apt, porte inscription de cette fondation. Elle se trouvait, selon X. Mathieu, au-dessus de la porte du cloître démoli en 1857. On trouve ensuite mention du monastère dans l'enquête de Leopardo Da Foligno en 1333 puis dans les pouillés du diocèse d'Apt en 1350 (compte des décimes) : "monasterium Sanctae Katerine de Apta".
Le 17e siècle : siècle d'or de l'abbaye
En 1638, Mgr Modeste de Villeneuve des Arcs réforme le monastère et remet notamment en vigueur la clôture. Il rétablit l'ordre par une sentence épiscopale et, en 1639, trois religieuses arrivent du monastère Sainte-Madeleine-du-Val (près du Puy-en-Velay) pour aider à retrouver la discipline monastique. Françoise du Mazel devient alors abbesse du monastère. L'église de l'abbaye Sainte-Catherine a alors un aspect différent, l'évêque ordonne en effet que : "les galeries et tribunes de l'église [soient] trelissées de bois d'une canne de hauteur avec un trelis au devant à ce qu'elles ne soyent veues des personnes séculières". On peut voir dans l'oculus médiéval, aujourd'hui aveugle, désaxé et placé en remploi sur la façade est de la chapelle, un vestige de cet édifice ancien.
Celui-ci est en effet profondément remanié en 1653 : Françoise du Mazel commande par prix-fait à Esprit et Germain Reynier, maîtres-maçons d'Apt d'exhausser d'une canne [environ 2 mètres] les murs de l'église, de refaire le couvert avec une génoise "comme celle de l'église des Révérends Pères Récollets", ainsi qu'un plafond avec poutres apparentes, le tout enduit de plâtre. Dans la visite de 1659, l'évêque remarque de l'église n'est "point pavée" mais "qu'il y a à un bout de lad. esglise des malons destinés pour le pavé d'icelle", l'édifice est donc en passe d'être pavé de carreaux de terre cuite, et donc sans doute d'être achevé.
En 1659, la décision est prise d'établir une fontaine "sur la petite place qui est au devant du monastère Sainte-Catherine", en prenant l'eau à la fontaine Saint-Martin déjà existante (toujours visible place Saint-Martin sur le cadastre de 1812). En fait, l'idée est d'apporter l'eau à l'hôpital Saint-Castor dont un des murs donne alors sur cette place, l'eau arriverait donc à l’hôpital, dans un lavoir de sa basse-cour mais "coulerait également au dehors pour la plus grande commodité des habitans". Il pourrait s'agir de la fontaine qui se trouve actuellement contre le mur est de la chapelle. Cette fontaine, aujourd’hui adossée, aurait en effet été déplacée au 19e siècle lors de l'élargissement de la place Ripert-de-Montclar. Par ailleurs, en 1670, un prix-fait mentionne la commande de l'abbesse, Honorade de Brunet, pour une vasque en "pierre de feu de neuf pans et quart de longueur et deux pans et demi de hauteur" (soit environ 2m25 par 0m62) : pourrait-il s'agir du bassin de cette même fontaine ?
En 1670, Jean de Gaillard est nommé évêque d'Apt, il est confirmé en 1671. Lui aussi réforme l'abbaye de Sainte-Catherine. En 1672, il nomme ainsi à la tête de l'abbaye une parente, Louise de Village de la Salle ; la propre mère de l'évêque est également une de Village de la Salle. En 1675, c'est cette abbesse qui commande au maître-architecte d'Apt Esprit Rochas la construction du chœur. Il s'exécute en suivant les plans de Louis-François de Royers de la Valfenière. Dans le prix-fait, il est question d'une "impériale de 18 pans de hauteur" [une coupole va couvrir le chœur, elle fera environ 4m50 de haut], de "cinq vitrails de maçonnerie [baies à remplage] pour donner le jour au chœur". Le chœur est alors "côté jardin", il n'est pas, comme aujourd'hui, cerné par des bâtiments. Les baies auront donc été murées postérieurement, on n'en trouve plus trace aujourd'hui. Un an après, en 1676, le retable est réalisé sur prix-fait également (Référence IM84002465), le tableau d'autel est peint par Gilles Garcin en 1677 (Référence IM84002466). Cette même année, Esprit Rochas est chargé de réaliser les porte de l'église ainsi que "l'escalier du sanctuaire". Il s'agit sans aucun doute ici de la porte encore visible aujourd'hui, quoique murée, sur le mur oriental de la chapelle. L'encadrement de pierres de taille à fronton brisé surmonté d'un édicule à niche est caractéristique de cette période. On peut imaginer qu'il s'agit là de l'entrée de la chapelle à cette époque ; la porte qui perce aujourd'hui le mur nord date probablement du 19e siècle.
L'ensemble du décor intérieur de l'édifice présente un iconographie cohérente avec d'une part des figurations en lien avec la sainte titulaire de la chapelle, Catherine d'Alexandrie et, d'autre part, avec saint Augustin. Quand ce n'est pas la représentation d'un ou plusieurs épisodes de la vie de Catherine ou d'Augustin d'Hippone, on figure un emblème, un symbole qui y fait allusion directement (roue dentée et épée pour la première, cœur enflammé pour le second). Les commanditaires sont également présents par le biais de leurs armoiries : Louise de Village de la Salle avec le didelta chargé d'un cœur, l'évêque de Villeneuve des Arcs avec également ses armoiries complètes au-dessus de l'arc triomphal.
Le 18e siècle : suppression de l'abbaye et installation de l'hôpital Saint-Castor
En 1748, Mgr de Vaccon, après la mort de la dernière abbesse de Sainte-Catherine Mme de Mélan, survenue en 1745, sachant que "la collation de l'abbaye lui appartient pleno jure", décide de "supprimer le monastère de l'abbaye Sainte-Catherine", son décret est confirmé par lettres patentes du roi en septembre de la même année. Il ne reste alors que cinq religieuses de chœur, la plupart "avancées en âge et infirmes", elles vont rejoindre la communauté des religieuses de sainte Ursule où, selon les terme du décret, "elles seront regardées en tout comme si elles étaient professes de ladite maison ou communauté". "Les biens, rentes et revenus" du monastère sont partagés entre les couvents des visitandines et des ursulines d'Apt. En échange de quoi, d'une part lesdites communautés verseront une pension aux anciennes chanoinesses de Sainte-Catherine et, d'autre part, feront dire des messes basses pour toutes les fondations de l'ancienne chapelle Sainte-Catherine du monastère.
"La chapelle, maison conventuelle, jardin, enclos et tous les bâtiments enfermés présentement dans la clôture du monastère de Sainte-Catherine" sont donnés "moyennant quelques redevances" à l’hôpital Saint-Castor, "attendu que leur hopital n'est pas logeable surtout pour les malades" et "qu'au monastère de ste Catherine les malades seraient logés d'une manière saine et commode et à un coin de la ville, d'où les maladies contagieuses ne pourraient pas se communiquer si facilement dans icelle". Cet hôpital d'Apt, probablement fondé au 13e siècle, dont la première mention attestée date de 1349, est "un des des plus anciens de la Province" selon le Livre rouge de l'hôpital. Après le déménagement, "la maison et dépendances du vieux hôpital" sont vendus, "à l'exception de la fontaine et de la conduite" à André Chastan, avocat ainsi que mentionné dans le registre des délibérations de l'hôpital, en date du 16 mai 1749. On peut ainsi, grâce au plan restituant l'état de la ville d'Apt en 1779, situer précisément ce vieil hôpital : au nord de l'abbaye Sainte-Catherine, à l'angle de la rue des pénitents blancs et de la rue du Vieil Hôpital.
La maison conventuelle est cependant jugée "mal bâtie et menaçant ruine". En échange de ce don, les recteurs de l'hôpital s'engagent à faire dire deux messes par semaine fondées en la chapelle de Sainte-Catherine et d'y "laisser subsister la congrégation qui y est établie, ce qui indique donc que la chapelle demeure dévolue au culte, l'évêque se réserve d'ailleurs le droit d'y "faire faire toute instruction qu'[il] juger[a] à propos". Les recteurs devront également verser une pension à vie aux anciennes religieuses. L'hôpital est effectivement et officiellement transféré dans l'ancien monastère le 10 janvier 1749. En 1762, un cimetière est établi dans l'enclos de l'hôpital : "au haut du jardin, à côté de la tour, touchant les murailles de la ville". En 1767, on établi une chapelle des morts dans ce cimetière "dans la tour des murailles de la ville" (délibération en date du 9 juin 1767). Dans l'inventaire des biens de l'hôpital réalisé en 1770, il est question de "la maison servant d'hôpital autrefois appartenant à l'abbaye Ste Catherine consistant en bâtiment et jardin" mais aussi de deux autres maisons et de "deux à trois acquisitions" : l’hôpital s'est donc agrandi. Cela est bien visible sur le cadastre napoléonien de 1812 : les bâtiments sont vastes et englobent la chapelle Sainte-Catherine qui n'est pas indiquée sur ce document, ils englobent également l'ancienne chapelle des pénitents blancs qui est encore indépendante sur le plan restitué de 1779. L'hôpital demeure à cet emplacement jusqu'en 1857, date à laquelle il est déplacé dans les bâtiments réaménagés et agrandis de la Charité.
1857 : départ de l'hôpital. Les dévolutions contemporaines
En 1857, le cloître et une grande partie des bâtiments anciennement conventuels sont alors démolis ou changent de destination. L’îlot est complètement démembré, les bâtiments sont divisés, transformés en habitations et une nouvelle rue perce l'ensemble de part en part, du nord au sud, l'actuelle rue René-Cassin. La chapelle devient alors propriété de la Congrégation des demoiselles, dite du Saint-Nom-de-Marie. Les matrices cadastrales donnent pour propriétaires indivis les demoiselles Carbonnel, Robert et Royère à partir de 1869 puis les demoiselles Pauline Sauvan, Claire Suau, Philippine Ribbe et Louise Jean à partir de 1899. En 1863, ces demoiselles ont "agrandi et embelli" la chapelle (notamment grâce au don du curé Arnaud). C'est probablement à la faveur de ce changement de propriétaire, et de statut, que l'actuelle porte d'entrée a été percée dans la façade nord. La chapelle prend le nom de "chapelle des Demoiselles".
En 1946, l'archiprêtre Brémond, curé d'Apt, met à la disposition de la ville la chapelle, alors désaffectée, pour y installer le musée. En 1950, débutent les premières opérations de nettoyage et d'aménagement. Le 24 avril 1952, le musée archéologique d'Apt est inauguré. En 1959-1960, il est agrandi par l'aménagement nouvelles salles dans le sous-sol avec percement d'un escalier dans la nef.. En 1972, le musée quitte la chapelle pour la maison curiale.
La chapelle est aujourd'hui, et depuis 1959, propriété de l'association diocésaine d'Avignon. Après le départ du musée, la chapelle aurait été un temps dévolue au culte réformé.
Le haut de mur aveuglant le chœur au niveau de l'arc triomphal a du être placé au cours du 20e siècle pour soutenir l'édifice qui a visiblement des problèmes de structure. On peut par ailleurs s'interroger sur les deux grandes arcades aveugles, à l'ouest et à l'est du chœur.
Conservateur en chef du patrimoine en poste au Service régional de l'Inventaire à la DRAC de Poitiers de 2002 à 2005, puis au Service de l'Inventaire de la DRAC d'Aix-en-Provence. En poste au Service de l'Inventaire et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d'azur depuis 2008.