L’église médiévale : Sainte-Marie
L’édifice est érigé à quelques dizaines de mètres des remparts médiévaux de Ginasservis. Il est mentionné pour la première fois dans le courant du 14e siècle (vers 1300 selon Clouzot) sous le vocable de « Sancte Marie de Ginacerviis ». Y. Codou propose une datation de la fin du 13e ou du début du 14e siècle. Cependant, un sondage archéologique réalisé en 2010 dans la travée de chœur a révélé la présence d’un pavement ancien à 0,80 m sous le niveau actuel, pavement également présent au fond de la sépulture intégrée au sol actuel de la travée centrale. Cette découverte conduit les archéologues à proposer l’existence d’un édifice antérieur au 13e siècle.
En 1343, la visite pastorale indique, comme église paroissiale, l'église du cimetière, "ecclesiam parrochialem de Ginacerviis et ibidem videlicet in ecclesia cimiteri", soit l'actuelle chapelle. La visite de 1421 montre qu'elle est désaffectée : les ornements et sacrements ont été déplacés dans l'église Saint-Laurent "in fortalicio", qui d'après la visite de 1582 jouxte le château. À la fin du 15e siècle sont citées l'église Saint-Laurent et la paroisse Notre-Dame, indiquant que la chapelle a retrouvé sa fonction d'église paroissiale. Elle cède à nouveau cette fonction à l'église Saint-Laurent au cours du 16e siècle.
L’église moderne : Notre-Dame-de-Picassier
D’après Piégay, l’église Notre-Dame est citée en 1493, puis dès 1553, sous le titre de Notre-Dame-de-Pignassis. Ce vocable perdure durant l’époque moderne, sous des formes variées : Picassi (1633), Picassie (1626-1633), Puicassier (1633-1639), Puis Cassier (1646), Peys Cassier (1649-1666), Puy Cassier (1687). Au 18e siècle, c’est Notre-Dame-du-Puy, ou Notre-Dame (1784-1786).
La chapelle sert encore d’église paroissiale durant la première moitié du 17e siècle, et ce jusqu’à la consécration de l’actuelle église paroissiale Saint-Laurent en 1651. Elle prend probablement ce statut après 1586, alors que l’ancienne église paroissiale Saint-Laurent a été dévastée par les protestants (d'après Ferréol de Ferry). Une première mention explicite de « Notre Dame de Picquassier » servant de paroisse figure dans la visite pastorale de 1620. L’ancienne église Saint-Laurent, située près du château, a été démolie. La chapelle est alors « sans vitres et sans degrés pour monter au clocher, le couvert entièrement rompu, despavée en plusieurs endroitz », tandis que le cimetière est « sans murailles à quelques endroits et sans croix ny porte. » En 1638, l’église est sans pavé, ses portes sont en bon état, le cimetière n’a toujours pas de murailles ni de portes.
Organisation intérieure
Une dalle en remploi dans la façade principale, comportant une inscription datable des 16e ou 17e siècles (E. Sauze), pourrait commémorer une remise en état ou un agrandissement de la chapelle. On peut y lire l'inscription : "AICIVUSEMERDESRAGL / EISA", soit : "aici un semer d’esta gleisa", dont la signification, bien qu'incompréhensible, se réfère à la chapelle. En effet, on peut supposer que l’élévation sud est réaménagée pour accueillir deux chapelles latérales durant la période où la chapelle sert de paroisse. Une rampe d’accès est installée et le niveau du cimetière relevé. La visite pastorale de 1620 nous apprend que le maître-autel était dédié à « Notre-Dame de Picquassier ». Une fondation de chapellenie est attestée dès cette date (la messe y est dite tous les mardis), puis en 1641 et 1646. Dans une des deux chapelles latérales (« au milieu de l'église, du cousté droict ») se trouvait l’autel de sainte Anne, saint Eloi et saint Denis. Un autel dédié à sainte Catherine, où une chapellenie est fondée (messe dite toutes les semaines), est également mentionné. Dans la visite pastorale de 1633, il est question du maitre-autel et d’autels dédiés à saint Claude, à sainte Anne et à sainte Catherine.
La confrérie des pénitents blancs de Ginasservis
Les frères pénitents investissent la chapelle durant la seconde moitié du 17e siècle, soit après que l’église ait retrouvé son statut de chapelle au profit de la nouvelle église paroissiale Saint-Laurent. La visite pastorale de 1662 signale la requête des particuliers de Ginasservis pour l’établissement d’une « congrégation des frères pénitents blancs ». L’évêque les autorise à investir « l’esglize antienne » du lieu, dont ils devront financer l’entretien et orner l’autel. Une autre lettre à l’évêque, datable de la même période, indique que les particuliers désireux de créer la confrérie pourront se réunir dans la vieille église jusqu’à ce qu’ils puissent en construire une qui leur soit propre. En 1676, la chapelle est en « assez bon état », les frères pénitents y disent « leurs offices et prières » mais n’y célèbrent pas de messe. En 1698 ils doivent réparer la chapelle et fournir les ornements nécessaires au culte.
Au 18e siècle, les archives communales conservent une mention de la construction d’un confessionnal dans la chapelle Notre-Dame, mais il pourrait également s'agir de la chapelle Notre-Dame-du-Rosaire de l'église paroissiale Saint-Laurent [Référence du dossier : IA83003176]. Le fonds de l’archevêché d’Aix transmet les statuts et règlements, établis vers 1661, de cette « compagnie des frères pénitants blancs du lieu de Ginasservis fondés sous le tiltre de Nostre-Dame du Puy ». Leur nombre maximal devra être de 72, en regard du nombre de disciples évoqué dans certaines versions de la Bible. Les frères s’assemblent tous les dimanches et fêtes solennelles, à 5 heures de Pâques à la Toussaint, à 7 heures le reste de l’année, et portent le saint sacrement aux malades. Le décor peint visible dans le chœur pourrait dater de cette période.
On distingue ainsi clairement deux usages de la chapelle à l’époque moderne : dans la première moitié du 17e siècle comme église paroissiale, puis en tant que chapelle de confrérie, semble-t-il jusqu’à la Révolution.
Le cimetière
Plusieurs archives décrivent le cimetière accolé à la chapelle. Au Moyen Age, la visite pastorale de 1343 indique que ses murs doivent être réparés. En 1474, Piégay signale un acte notarié conservant le testament de Michel Bosc de Ginasservis qui, décédé le 10 août, a souhaité être inhumé au cimetière de Notre-Dame. A l’époque moderne, le prélat indique lors de sa visite en 1582 que c’est à Notre-Dame de Picassier, dépendante de l’église paroissiale, que se trouve le cimetière de Ginasservis. Il apparaît dans la visite pastorale de 1620, puis dans les archives communales datées de 1626 et 1649. En 1633, 1662, 1673 et 1682, ses murailles doivent être réparées et fermées « de porte ou de bois » (1633). Il se situe hors du bourg, « sur une petite eminence joignant lequel est la chapelle ou sassemblent les penitenz dudi lieu » (1676).
La chapelle à l'époque contemporaine : Saint-Jean
Il est difficile de savoir si l’édifice est désaffecté suite à la Révolution ou si son utilisation perdure au 19e siècle. Des graffitis de la fin du 19e siècle sont visibles dans les chapelles latérales. Le coutumier de la paroisse indique pour cette période que la fête de l'Annonciation se célèbre à la chapelle des pénitents et cite à une reprise la chapelle "de l'annonciation des pénitents" (tandis qu'il cite par ailleurs la chapelle des pénitents). Il n'est donc pas certain qu'elle ait été dotée de ce vocable à cette période. L'édifice apparaît sous le vocable de Saint-Jean dans l’inventaire de 1905, qui signale l’« état de délabrement complet et en ruines » de la chapelle Saint-Jean et ses « débris de mobilier ». Elle reste désaffectée par la suite, comme en témoigne la mémoire orale.
Historien médiéviste des communes du territoire du Pays d'art et d'histoire de la Provence Verte Verdon.