Dossier d’œuvre architecture IA83001473 | Réalisé par
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort de la Croix Faron
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Toulon
  • Lieu-dit Mont Faron

Construction et armement

Le point culminant des escarpements est du Mont Faron, à l’angle nord-est de la montagne, est marqué de longue date par une croix justifiant son toponyme. Le site de la Croix-Faron, considéré comme un excellent observatoire, fut occupé par les troupes anglo-savoyardes du duc Victor-Amédée, arrivées par l’est, dès le début de l’offensive contre Toulon, le 26 juillet 1707. L’occupant ne le fortifia pas, l’éloignement et la difficulté d’accès ne justifiant pas d’y monter de l’artillerie.

Enceinte : vue d'ensemble des fronts nord et ouest, dominés par les talus de parapet de la batterie haute.Enceinte : vue d'ensemble des fronts nord et ouest, dominés par les talus de parapet de la batterie haute.

Premiers retranchements et redoute en pierres sèches 1766-1793

Le projet général pour la place de Toulon élaboré par le directeur des fortifications de Provence Milet de Monville en 1763-1764, et reformulé en 1766 et 1768, comportait la construction d’une redoute à la Croix-Faron, dont les dispositions avaient été définies notamment par le sous-brigadier du génie Louis d’Aguillon. Cette redoute semble avoir reçu un début d’exécution, selon un parti beaucoup plus sommaire que celle du fort Faron, avec une simple petite enceinte formée d’un mur pour l’infanterie, dans une mise en œuvre plus rudimentaire que celle de la caserne retranchée du Faron, construite de 1766 à 1768. Les mémoires contemporains étant peu explicites sur les travaux effectivement réalisés à la Croix-Faron, il faut se fier à des témoignages postérieurs, comme celui d’un historique succinct inclus dans un mémoire sur les projets de 1841, rédigé par le chef du génie de Toulon Louis, selon lequel, à la suite du projet Milet de Monville, « On commença aussi les retranchements de La Croix-Faron, en pierres sèches »1.

Un rapport de mai 1813 mentionne qu’à la Croix-Faron, “il existe plusieurs brèches aux retranchements en pierres sèches ; la toiture du corps de garde ayant été détruite pour en voler les tuiles et les murs n’étant qu’en terre, ils se sont écroulés 2. A cette date, les « retranchements » de La Croix-Faron comportent deux sous-ensembles : les ouvrages des années 1764-1768, et la « redoute des Anglais »3, ouvrage de campagne également de type retranchement en pierres sèches réputé construit durant l’occupation anglaise de 1793. Le mémoire de 1841 précise que les « coalisés de 1793 (…) terminèrent la partie du retranchement supérieur de la Croix-Faron la plus Est, qu’ils laissèrent ouvert du côté de l’ouest » et que, de plus, « les anglais avaient établi un poste avancé, entre la Croix-Faron et la Vallette, sur un palier à la cote 260, ou l’on découvre fort bien les abords de la montagne »

Le retranchement de la Croix-Faron, tel qu’il existe vers 1800 et jusqu’à l’exécution des nouveaux projets lancés en 1836, comporte donc un « retranchement supérieur » commencé par les anglais en 1793, et sans doute achevé après la reprise du site par les français pour en faire une enceinte complète fermée à l’ouest, soit une véritable redoute. Ceci induit implicitement un « retranchement inférieur », donc n’occupant pas le point haut du site, qui pourrait correspondre aux aménagements sommaires de 1768.

Ces deux sous-ensembles sont parfaitement lisibles sur les plans donnant à la fois état des lieux et projets, à partir de 1839, particulièrement sur les plans du projet de 1840. Le retranchement supérieur, conçu comme une batterie de campagne, formait une enceinte polygonale très irrégulière sans fossé, avec entrée à l’ouest, sans grille ni vantail, couverte et défilée par « épi » à peine détaché, et refermée en arrière d’un mur-parados, ces deux filtres successifs imposant un parcours en double chicane. A l’opposé, une poterne desservait une large rampe-escalier aussi en pierres sèches, utilisable pour l’artillerie, descendant vers l’est/sud-est dans le retranchement inférieur. Celui-ci est une avancée polygonale terrassée dont l’extrémité est une plate-forme, sorte de lunette sommaire, dont le plan évoque une tour hexagonale centrée ouverte à la gorge. A cet emplacement s’élevait un petit corps de garde ruiné. Ce retranchement bas, qui pouvait accueillir des canons en batterie, reste extérieur à l’emprise des projets successifs de la tour et du fort de la Croix-Faron, de 1839 à 1878, et sera finalement laissé à l’abandon. Toutefois, de 1839 à 1841, le projet de mur de retranchement destiné à relier le fort Faron à la Croix-Faron est d’abord conçu comme se raccordant au mur sud de l’ancien retranchement inférieur. Ce projet de long retranchement neuf étant modifié, avant d’être ajourné, en 1842, le dessin du chef du génie Dautheville exprimant l’avancement des travaux de la « tour » de la Croix-Faron et l’état des projets en 1843, raccorde le retranchement projeté plus haut et plus près de la tour, et porte mention, sur le détail du vieux retranchement bas, désormais définitivement hors du périmètre défensif : « ancienne lunette en pierres sèches à démolir ». Pour autant, cette structure a été préservée et existe encore aujourd’hui.

La tour de La Croix-Faron, 1840-1845

Le principe de construire au point sommital de La Croix-Faron une tour, soit un ouvrage pérenne mais beaucoup plus restreint que le fort Faron, est arrêté dès le lancement des projets de renouvellement des ouvrages de fortification du Mont Faron, en 1836. Cependant, il faut attendre 1838 pour voir émerger un projet plus précis quant à l’implantation et à la forme de la tour à construire, d’autant qu’il existe une divergence de vues sur la forme de cette tour entre le chef du génie de Toulon, A. Louis, et le directeur des fortifications.

Le projet définitif est dessiné en février 1840 par le capitaine du génie Faissolle, secondé par le garde du génie Clerc, sous la direction du chef du génie. C’est une large tour au plan en fer-à-cheval ou demi-annulaire, à murs de refend rayonnants, avec front de gorge à deux demi-bastions, cour découverte demi-circulaire et escalier métallique dans la travée d’axe. Elle comporte deux étages de casernement casematé, répartis en cinq casemates rayonnantes par étage (celle d’axe neutralisée par son usage de cage d’escalier), complétés des locaux inclus dans les demi-bastions, le tout sur un étage de soubassement aménagé en citernes, régnant seulement sous le front de gorge, le soubassement de la partie circulaire étant plein du fait de l’affleurement du rocher. La porte, au milieu de la courtine de gorge, n’est précédée que d’un petit fossé localisé entre les flancs des demi-bastions. L’élévation extérieure, talutée, comporte des mâchicoulis dont les jambages verticaux qui portent les arceaux partent du niveau correspondant au sol du deuxième étage. Ce parti architectural sans précédent connu, pourrait au moins en partie avoir été inspiré par celui du fort Saint-Louis ou des Vignettes, tour-batterie édifiée dans la rade de Toulon en 1692-1695 sur les plans de Vauban. Il servira de prototype en 1842 pour la tour Beaumont 4, qui donne une idée, en plus trapu (elle n’a qu’un étage casematé), de l’aspect qu’avait celle de La Croix-Faron avant les mutilations qu’elle a subies lors de la construction du fort des années 1870.

Le projet de 1840 est celui du chef du génie, modifié par le comité dans sa séance du 11 mai 1839, en préservant l’enceinte du retranchement préexistant, et formulé contre le projet du directeur, qui proposait une tour plus petite. Le mémoire de 1840 précise : « La batterie actuelle en avant de la tour est conservée ; le moellon de ses parapets sur lequel on avait compté pour la construction de la tour, seront remplacés par ceux qu’on extraira pour le nivellement de l’esplanade de la gorge » 5.

S’agissant de la tour proprement dite : « On a allégé le mur (enveloppe) par un système d’arceaux intérieurs (niches) pour faciliter le service des créneaux ». La demande de fonds s’élève à 23000 francs pour 1840, consacrés à « élever les maçonneries à hauteur de la naissance des (premières) voûtes » sur un budget total de 54000 francs.

Le directeur, défavorable au projet, « persiste à croire qu’une simple tour à mâchicoulis pleine, avec plate-forme voûtée pour recevoir du canon, et une entrée au premier étage avec une échelle mobile, aurait suffit pour une position comme La Croix-Faron (…) les nombreux murs de refends qui supportent les voûtes divisent cette tour en chambres si petites qu’on pourra à peine mettre deux lits dans chaque, et devant les créneaux (…) la gorge de cette tour peut être attaquée de vive force puisqu’elle est accessible et que son entrée est de plain-pied (…) de plus cette tour qui restera habituellement en temps de paix sans garde ni gardien sera exposée à être envahie par les bergers qui fréquentent cette montagne, et même par les voleurs et autres malfaiteurs qui pourront chercher à s’y procurer de l’eau et un abri » 6.

Il propose l’ajournement des travaux à 1841, sauf la citerne, sur un budget réduit, mais son avis ne sera pas suivi, et les travaux commencent en 1840.

En avril 1841, la tour de la Croix-Faron est montée jusqu’à son second niveau casematé ou rez-de-chaussée, au-dessus du niveau des voûtes et au-dessous du départ des mâchicoulis 7. Le dessin du projet à cette date est dû au capitaine du génie A. Long.

Pour les abords de la tour, l’utilité d’une batterie associée confirme le choix de « conserver au pied de la tour du côté S-E l’ancien retranchement. Il offre assez de consistance pour que l’on puisse y placer les mortiers que comporte l’armement du fort. On rase les retranchements du côté de l’ouest comme inutiles, et afin de démasquer les vues de la tour. » 8 L’enceinte est par contre en partie reconstruite au nord, en suivant les contours d’une avancée de l’escarpement rocheux.

[Projet du fort de la Croix Faron] 1843. Détail : élévation et coupe à la cote 26.[Projet du fort de la Croix Faron] 1843. Détail : élévation et coupe à la cote 26.En 1843, la tour proprement dite, dont l’escalier a été réalisé en pierre, est en voie d’achèvement quand au gros-œuvre ; le front ouest de l’ancienne enceinte ou batterie est indiqué comme étant détruit, et les projets de terrassements des abords immédiats de la tour comportent la démolition des autres parties d’enceinte ancienne, vers le sud-est, pour y substituer un nouveau retranchement plus ample et plus bas construit, communiquant avec la tour par l’ancienne rampe-escalier conservée. Comme on l’a vu, ce projet scellait l’abandon définitif du vieux retranchement bas, relégué hors emprise des nouveaux ouvrages.

Dans le projet pour 1845, un article concerne encore l’achèvement de la tour de la Croix-Faron, mais il ne consiste qu’en finitions de second oeuvre 9. Les apostilles du programme des travaux pour 1841 précisaient que la tour pourrait réunir à l’étage 64 hommes dans des hamacs et sur des lits de camp. Le coût total des travaux de la tour et des aménagements extérieurs se sera finalement élevé à 133.500 francs.

Il semble qu’à part la mise en place d’une terrasse en arc de cercle autour du front de la tour, aucun des projets de transformation de l’ancienne enceinte n’ait été réalisé. Très curieusement, le front ouest de celle-ci, avec sa porte à épi et chicane, indiquée comme détruite en 1843, réapparait sur un plan d’état des lieux de 1855 signé par l’ex capitaine Long, devenu chef de bataillon du génie de Toulon 10.

Un état non détaillé des bouches à feu armées de la place de Toulon, en date du 30 juin 1847, donne un chiffre de quatre pièces d’artillerie pour la « tour de la Croix- Faron » 11, ce qui, faute de précisions laisse un doute : ces canons étaient-ils disposés dans la batterie ancienne au pied de la tour, ou au moins en partie sur la plate-forme de la tour ?

Le fort de la Croix-Faron, 1870-1875

En 1868, parallèlement à l’exécution de la « Crémaillère du Faron », avatar perfectionné de l’ancien projet de mur de retranchement reliant le fort Faron à la Croix-Faron, est proposé sur ce dernier site la construction d’une redoute maçonnée s’appuyant sur la tour de 1840-1844. Cette redoute, pour laquelle le Comité des Fortifications proposait encore de recycler les anciens murs d’enceinte encore en place, aurait comporté deux batteries tournées vers l’est.

Ajourné pour étude, le projet évolue et monte en puissance. A la faveur des perfectionnement des performances de l’artillerie et de ses tirs à longue portée, la position de la Croix-Faron est considérée comme stratégiquement majeure, en partie aux dépens du fort Faron, ce qui justifie, de l’avis des experts en 1870, un effort de mise en état de défense à l’échelle d’un fort, plutôt que d’une redoute. Les batteries de ce fort pourront agir sur tout le grand secteur est de la place de Toulon, du mont Coudon jusqu’aux abords du cap Brun.

Le projet dessiné en 1870, d’après « les dispositions proposées par le directeur (des fortifications) » pour l’exercice 1870-1871, pour « construire la redoute de la Croix-Faron » 12, est conforme pour l’essentiel au plan du fort définitif, y compris en ce qui concerne le parti et l’emplacement de la caserne casematée incluse (qui sera réalisée un peu plus longue), malgré la persistance de l’emploi du mot redoute.

Les caractéristiques de ce projet du fort de la Croix-Faron, dont la réalisation commence en juillet 1872, anticipent de très peu la nouvelle politique de défense du territoire lancée en 1873 par le général Raymond-Adolphe Séré de Rivières, commandant du génie, à la tête du Comité de Défense créé un an plus tôt pour programmer la réorganisation défensive des frontières de la France, tant terrestres que Maritimes. Ce programme, officialisé par une instruction du 9 mai 1874, s’appuiera sur une nouvelle typologie des forts et batteries détachés à distance des places fortes, armés de canons permettant des tirs à longue portée (6-9km). Simultanément, la commission de révision de l’armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon déterminait un programme de septembre 1872 à mai 1873 concernant notamment la mise aux normes des batteries de côte. La réalisation de ce programme, différée de plusieurs années, appliquera les normes du « système Séré de Rivières ».

Parallèlement, la défense terrestre éloignée de la place de Toulon avait fait l’objet d’un rapport rédigé en mars 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, qui renouvelait complètement un précédent projet général de camp retranché antérieur à la guerre de 1870 (mai 1867). Le rapport Le Masson préconisait « d’occuper solidement les points principaux d’où (l’ennemi) pourrait opérer un bombardement », faisant en sorte « d’élargir le rayon d’investissement, d’isoler et de rendre bien plus difficiles les attaques par l’est et par l’ouest… » Le comité des fortifications proposa en avril 1873, reprenant une partie de ses conclusions antérieures d’un an, de renforcer les défenses du Mont Faron, et d’occuper les hauteurs autours de Toulon jusqu’à 6 km de distance (portée normale des canons de gros calibre de cette génération) 13.

Le fort de la Croix-Faron, dont la construction s’élabore dans ce contexte précis, est donc la première pièce de ce système, et en deviendra la pièce maîtresse, sinon unique, pour le Mont Faron. La puissance de l’armement qu’on se proposait d’y installer, dans des conditions de sécurité optimales, justifiait le projet de doubler les tirs nord et Est de la traditionnelle batterie à barbette sur les hauts du fort, par ceux d’une batterie souterraine « en caverne ». Prévues dès 1870, mais dans un secteur réduit du front est, ces « casemates à canons » en caverne sont considérablement développées, en deux secteurs est et nord, dans le projet définitif de 1872. L’enceinte du fort, contrainte à plan très irrégulier par l’ancrage à une assiette rocheuse tourmentée, est encore tributaire des formes usuelles de l’architecture militaire de la génération antérieure (fronts bastionnés), mais la caserne casematée, d’une capacité de 350 hommes, est déjà tout à fait dans le ton des casernes des forts « Séré de Rivières ».

La présence, à certains angles escarpés de l’enceinte, de tourelles flanquantes casematées semi-circulaires qui n’étaient d’ailleurs pas prévues sur le dessin initial de 1870, contribue à une certaine originalité « néo-médiévale » des fronts nord et est du fort. Cette particularité se trouve dans divers ouvrages de fortification de montagne depuis le XVIIe siècle 14, mais sera rejetée par la normalisation des programmes Séré de Rivières.

Une autre contrainte « hors normes » imposée dans le projet de 1870 et maintenue à la mise en oeuvre, est la conservation de la tour de 1840-1844 à l’intérieur du fort, ce qui, compte tenu de la forme semi-circulaire de cet édifice, accentue le caractère hétéroclite du plan 15. Cette « irrégularité » pose du reste problème au chef du génie et au directeur des fortifications Le Masson en cours de chantier, compte tenu de l’évolution des mentalités tendant vers la normalisation. La difficulté sera résolue par un compromis comme l’indiquent explicitement les termes d’un mémoire rédigé par le lieutenant colonel Boulangé, chef du génie de Toulon, au début de l’année 1874 16 :

« Plus les travaux avancent, et plus on est choqué par la conservation de l’ancienne tour de la Croix-Faron ; cette construction est sans utilité, car elle ne pourrait servir que de réduit intérieur au fort, qui n’en a pas besoin ; elle est d’ailleurs trop restreinte pour remplir ce but, et trop exposée aux coups éloignés de l’ennemi pour qu’on puisse espérer en tirer parti après la prise du fort. D’autre part la tour est dangereuse pour la défense, elle constitue un excellent point de mire pour l’ennemi, et expose les défenseurs à tous les éclats que produiront les projectiles qui atteindront ses maçonneries. Le directeur (le colonel Le Masson) insiste donc de nouveau sur l’opportunité de supprimer la tour. Il suffirait de raser la partie supérieure, le rez-de-chaussée serait couvert de terre, il procurerait des abris à l’épreuve qu’on relierait facilement avec les autres abris du fort, et permettrait d’établir la batterie supérieure sur tout le développement de l’ouvrage » Dans les faits, si la tour a bien été dérasée, son infrastructure est restée apparente, et non enterrée, les reins de ses voûtes seulement recouverts d’une banquette de terre terminant le côté est de la batterie (cette banquette a été depuis déblayée).

Le même mémoire de 1874 fait un bilan de l’état d’avancement des travaux qui, rondement menés, ont généré, de juillet 1872 au 31 décembre 1873, une dépense de 348.000 francs. Le montant qui reste à dépenser pour achever le fort est estimé à 270.000 francs, à répartir sur les exercices 1874 et 1875. Après achèvement du fort, le bilan de la dépense totale s’élèvera à 818.900 francs.

Les déblais de roc pour les fossés et les casemates sont terminés, sauf dans la partie est du fort. Les remblais du terre-plein de la batterie sont massés sur la partie nord du fort, « on pourrait déjà y placer quelques pièces d’artillerie ». Ils restent à compléter sur le front d’entrée (1-2) et sur le front opposé est (4-6), et entièrement à apporter au-dessus des voûtes de la caserne casematée (Dans les faits, cet emplacement sera finalement traité en plate-forme non enterrée). La moitié des terres destinées à la confection des parapets et des traverses de la batterie est mise en place sur le terre-plein.

S’agissant des ouvrages de maçonnerie : « toutes les escarpes sont faites, à l’exception de celles du front Est 4-5, 5-6, en cours d’exécution ; les magasins de siège et les abris supérieurs sont à peu près terminés. Le grand magasin à poudres souterrain, l’étage inférieur du bâtiment d’entrée, le bâtiment des accessoires, l’escalier conduisant de la cour basse sur le terre-plein haut, près du corps de garde, et la porte du fort sont achevés ; il ne reste qu’à organiser leur intérieur. Les maçonneries qui restent à exécuter sont : les escarpes des fronts Est, la voûte recouvrant le grand puits donnant accès dans les casemates à canons à l’Est de la communication conduisant de la cour haute (= cour basse mentionnée plus haut, il n’y a qu’une cour dans le fort 17) à ce puits ; les voûtes des grandes casemates-abri (= la caserne casematée), l’étage du bâtiment d’entrée du fort et l’abri destiné au monte-charges sous la grande traverse du terre-plein supérieur. »

Le mémoire évoque ensuite les souterrains taillés en plein roc, conçus pour la défense active : « la galerie souterraine, pour les casemates à canons de la partie Est, est percée sur toute sa longueur, il ne reste qu’à la mettre à la largeur, ainsi que les 6 casemates. Celles de la partie Ouest sont percées sur environ 1/3 de leur développement. Mais on réservera le percement des embrasures jusqu’à ce qu’on soit fixé sur la nature du matériel à y placer et surtout sur le système d’affuts qui sera admis pour les pièces. Il est probable qu’on admettra alors un tracé pour ces embrasures, qui permettra de soustraire le plus possible l’intérieur des casemates aux effets du tir d’artillerie qui devient de plus en plus précis. On cherchera forcément à restreindre à son minimum l’ouverture extérieure en donnant tout l’ébrasement de ces embrasures du côté intérieur des casemates.

Enfin, il reste à placer dans le puits un appareil destiné à assurer le service et l’armement des casemates à canons de la partie Est du fort (…) une conférence a été tenue à ce sujet le 25 novembre 1873 avec le service de l’artillerie, et il a été reconnu que le meilleur mode à employer consistait dans un treuil établi sur pont roulant qui permettra de prendre directement les pièces sur les voitures et, après un mouvement de recul, de les descendre directement au fond du puits. Cet appareil a été arrêté de concert avec l’ingénieur de la société des forges et chantiers de la Méditerranée à la Seyne et un marché pour cette fourniture a été adressé au ministre de la guerre. Il est indispensable que ce treuil soit placé avant la fermeture de la voûte qui doit couvrir le puits… »

Les travaux de forage des souterrains furent exécutés par un détachement de sapeurs du 2° régiment du génie. Le percement des embrasures au fond des casemates de la batterie en caverne n’a jamais été exécuté, en sorte que les grands souterrains n’ont jamais pu jouer un rôle actif de batterie basse dans la défense du fort.

Si le mémoire rédigé au début de 1874 précise que le pont-levis de la porte du fort ne doit être installé qu’en fin de chantier, soit en 1875, le millésime 1873 taillé dans la pierre au frontispice de cette porte prouve que sa façade extérieure était complètement achevée à cette date, retenue symboliquement pour celle du fort dans sa totalité.

L’entrée du fort était précédée et protégée par un dehors en terre, sorte de « demi-lune » non revêtue qui a été nivelée à une date inconnue.

Evolution de l’armement et de l’utilisation du fort de 1875 à nos jours

En 1875, l’armement du fort est de trente-huit canons : dix huit pièces de 30 livres, quatorze pièces de 138mm, deux pièces de 190mm, quatre canons de 8 de campagne et quatre mortiers de 22cm. Cet armement important semble avoir été prévu pour le cumul de la batterie haute à barbette et des batteries basses en caverne, car il dépassait les capacités d’accueil des sections d’artillerie de la batterie haute.

Le fait que les batteries basses n’aient jamais été mises en fonction justifie sans doute la réduction très considérable de l’artillerie du fort, limitée à quinze pièces en tout en 1891, d’après un rapport de la délégation des comités techniques de l’artillerie et du génie, établi par les généraux de division de La Hitte et Gillon, daté du 13 novembre de cette année. Le détail donne trois canons de 155 long sur la face Est, huit de 138mm sur la face nord, et quatre mortiers de 22cm. 18

Après une campagne de réorganisation des sections d’artillerie de la batterie haute, réalisée en 1893, sur un budget de 4279 francs, l’état de l’artillerie du fort en 1898 montre de nouveaux changements, à la fois perfectionnement et réduction quantitative : dix pièces, dont six nouveaux canons de 155mm et les quatre mortiers déjà en place.

Une nouveauté est introduite dans l’armement du fort en 1933 par la D.C.A. (Défense contre aéronefs), en l’espèce, quatre canons anti-aériens de 90mm , modèle 1926-1930 CCA de Marine, avec conduite de tir par télépointeur CA et PCCA modèle 1930. Le fort est donc considéré dès lors exclusivement comme une batterie de D.C.A. Au début de la seconde guerre mondiale, du 23 mars 1939 au 28 février 1940, elle est commandée par le capitaine de corvette Ducoing, « mort pour la France » en mai 1940, ce qui justifie la seconde appellation du fort, peinte au frontispice de la porte « batterie commandant Ducoing ».

Le fort est remis à la Marine par le département de la guerre le 20 aout 1942, et placé sous le commandement du lieutenant de vaisseau Pringot. Quelques mois plus tard, le 27 novembre, jour du sabordage de la flotte française dans le port de Toulon par décision de l’amiral Laborde, le fort de la Croix-Faron est pris et occupé par l’armée allemande, qui cède place le 15 décembre à une garnison italienne, présente sur le site jusqu’au 8 septembre 1943. Les occupants italiens démontent les canons anti-aériens de 1933 et les remplacent par des canons de 100 récupérés sur le porte-hydravion « Commandant Teste », sabordé avec la flotte française dans le port de Toulon, et en cours de renflouement. Ces canons resteront sur place lors de la seconde occupation allemande, de l’automne 1943 au printemps 1944, durant laquelle le commandant local de l’armée de l’air allemande (Luftwaffe) y installe son Poste de Commandement. La Libération de Toulon, le 27 août 1944, trouvera le fort évacué, toujours armé de ses canons de 100.

Depuis 1961, le fort de la Croix-Faron, désarmé, est affecté au service de transmission écoute radar (T.E.R.) de la Marine, dit aujourd’hui STIR MED, qui n’occupe les lieux que de manière très limitée, mais assure leur entretien. Les radars ont été installés dans le secteur de l’ancienne tour de1844.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Le site du fort de la Croix-Faron, qui culmine à 563m d’altitude (terrasses de la batterie), forme une sorte d’isthme rocheux en éperon prolongeant vers l’est les hauts escarpements du front nord du Mont Faron. Immédiatement à l’ouest du fort commence et s’élargit le plateau rocheux très irrégulier qui couronne la montagne, nommé dans ce secteur plateau de la Croix-Faron. L’éperon occupé par le fort comportait à l’origine une plate-forme rocheuse aménageable large en moyenne d’une cinquantaine de mètres entre les escarpements verticaux du nord et la rupture de pente du versant sud / sud-est de la montagne. Le pendage de ce versant sud ne comporte pas de barre rocheuse verticale, il est régulier et sans saillies rocheuse ni vallons ou gorges dans cette extrémité est du Mont Faron. 170m plein sud en contrebas des hauts du fort de la Croix-Faron, et à 600m de distance, ce même versant forme un replat sur lequel est installé le fort Faron. Le fort Faron vu de la rampe d'accès à la batterie haute du fort de la Croix-Faron.Le fort Faron vu de la rampe d'accès à la batterie haute du fort de la Croix-Faron.

La plate-forme initiale de l’isthme de la Croix-Faron a d’abord été occupée à son extrémité est par l’enceinte de la première redoute en pierres sèches, puis, en 1844, par la tour incluse dans cette enceinte, le « retranchement bas » de 1793 étant par contre implanté une trentaine de mètres en contrebas à l’est. L’emprise du fort actuel, de plus du double plus ample que celle de l’ancienne redoute, a surtout gagné vers l’ouest, soit vers le plateau, en longueur et en largeur. La limite sud de l’ancienne enceinte n’a guère été débordée, et celle l’est ne l’a été que pour implanter une batterie basse très restreinte attenante à l’enceinte principale du fort, laissant à l’extérieur les ruines abandonnées de l’ancien « retranchement bas », dont la plate-forme orientale est distante d’environ 70m du fossé de la batterie basse du fort.

La route actuelle du Mont Faron, en prenant la branche est, reprend à peu près le tracé du chemin, puis route militaire amorcée vers 1766 et achevée dans les années 1840, montant du sud par le vallon de la Gypière après avoir desservi les ouvrages de l’aile est de la défense terrestre de Toulon au pied de la montagne (forts de Sainte Catherine et d’Artigue). Cette route aboutit, au débouché haut du vallon, à la caserne retranchée du Faron, d’où elle dessert par une branche divergente à droite le fort Faron, avant d’amorcer une montée raide, par une série de lacets, jusqu’au plateau de la Croix-Faron, desservant au passage à droite le fort de la Croix-Faron. Cette route oblique ensuite vers l’ouest, traversant le plateau dans toute sa longueur, pour rejoindre le secteur ouest de la défense du Mont Faron, dont les ouvrages (Tour Beaumont, tour de l’Hubac, Fort du Grand Saint-Antoine) sont échelonnés dans la descente du nord-est au sud-ouest. Vers le milieu du plateau, la route passe en contrebas de la « hauteur Lebat », ou s’élève la caserne défensive du Pas de La Masque.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Du fait de son adossement direct au sommet de l’escarpement rocheux nord de la montagne, l’enceinte du fort de la Croix-Faron adopte un plan particulièrement irrégulier et asymétrique. Long d’environ 180m d’Est en Ouest, d’escarpe à escarpe (sans compter la saillie des bastions), le fort est étranglé en largeur dans sa partie médiane, du fait du contour de l’escarpement rocheux nord, largement échancré entre deux avancées rocheuses.

Beaucoup moins contraints par la topographie locale, le long front sud, surplombant le fort Faron, la ville et la rade de Toulon, et le front ouest, côté de l’entrée regardant le plateau de la Croix-Faron, sont traités comme des fronts bastionnés classiques, avec courtines rectilignes. Ils sont également bordés d’un fossé taillé dans le roc avec contrescarpe très partiellement revêtue ; celle du front sud, quelque peu surbaissée, compense cependant le pendage naturel, et revêt, dans les secteurs ou le rocher n’affleure pas suffisamment un important remblai de terre et de pierraille, profilé au dehors en éboulis de pierres coulantes. Le haut du fossé de la Crémaillère débouche dans l’angle sud-ouest du fossé du fort. Le fossé sud se retourne à son extrémité est pour envelopper l’angle sud-est du fort et la majeure partie du très court (c. 20m) front est.

L’enceinte, revêtement d’escarpe, ouvrages de flanquement

Le front d’entrée ouest (1-2) est encadré de deux bastions, ou plus exactement d’un bastion casematé à l’angle sud-ouest (2) et d’un demi-bastion plein au nord-ouest (1), presque symétriques en plan quant au développement et à l’angle de leur face ouest, et quant à la saillie de leurs flancs. Du reste, le plan du fossé répercute cette tendance à un parti très classique : le mur de contrescarpe adopte un plan tenaillé, formant deux pans symétriquement rentrants liés en angle obtus, parallèles à la face ouest des bastions 1 et 2 19. La longueur totale du front, prise à la pointe des bastions, atteint 110m. L’effort relatif de régularité est cependant loin d’approcher, ou même de suggérer, une géométrie idéale, compte tenu, notamment, des contraintes de l’organisation interne. Le demi-bastion nord-ouest (1), qui fait transition avec un front nord intimement lié aux irrégularités de l’escarpement rocheux, comporte à sa pointe une sorte de tourelle étroite et saillante occupant un pédoncule rocheux qui sépare le fossé ouest, aménagé, des précipices du front nord. L’emprise de l’affleurement rocheux dans l’enceinte, avec un point bas au sud (rupture de pente du terrain naturel) a déterminé l’implantation de la batterie haute du fort qui, assurant des tirs vers le nord et vers l’est, se développe immédiatement à l’arrière du front nord dont elle suit le plan sinueux.

Cette même emprise du rocher inégalement haute dans l’enceinte a imposé par contrecoup l’emplacement de la cour intérieure, étirée en longueur le long du front sud pour desservir à gauche la caserne casematée rectiligne bâtie au pied de la batterie haute, et défilée par elle. De ce fait, la porte du fort, qui s’ouvre dans le grand axe de la cour, se trouve complètement décentrée dans la courtine du front ouest, immédiatement accotée du flanc du bastion sud-ouest (2). Enceinte : front de gorge ouest, façade de la porte du fort, flanc droit crénelé du bastion sud-ouest (2).Enceinte : front de gorge ouest, façade de la porte du fort, flanc droit crénelé du bastion sud-ouest (2).

Cette asymétrie favorise la défense rapprochée de la porte, le bastion (2), fondé lui aussi plus bas sur le socle rocheux, étant entièrement creux et casematé, comporte de nombreux postes de tir d’infanterie, desservis depuis une galerie d’escarpe casematée régnant dans son flanc nord et sa face ouest.

La numérotation des angles flanqués de l’enceinte, adoptée en 1873 20, comporte sept ouvrages flanquants, dont les trois premiers seulement sont à proprement parler des bastions, encore que, comme on va le voir, le dispositif de flanquement de l’angle sud-est du fort (4) peut être assimilé à un demi-bastion. Le bastion 3, vers le milieu du front sud, se distingue du modèle classique par l’absence d’un véritable angle de capitale (obtus en l’occurrence), les deux faces n’en formant qu’une, bombée à la faveur d’un simple arrondissement médian du parement.

L’extrémité est du fort est complexe : le revêtement principal se referme en formant un angle non flanqué au sud-est, puis rejoint au nord-est un petit ouvrage de flanquement en forme de tour semi-circulaire (6). Toutefois, à l’est de cette fermeture, l’enceinte, son front sud et le fossé, se prolongent en partie inférieure pour envelopper une batterie basse qui constitue un sous-ensemble de l’enceinte plutôt qu’un boulevard avancé. Le revêtement de cette batterie forme au sud l’équivalent d’un demi-bastion faisant presque pendant au bastion sud-ouest (2), avec flanc en saillie sur la courtine (3-4) et face droite, mais cette face se prolonge (comme dans le cas du demi-bastion 1) par une tourelle semi-cylindrique à l’angle sud-est (4), qui fait saillie seulement sur le court front est. L’angle nord-est de la batterie basse est flanqué par une tour semi-circulaire (5) assez semblable à celle qui la surplombe de près, à l’angle nord-est du revêtement du fort proprement dit (6).

Entre cette tour nord-est (6) et la tourelle en pédoncule à la pointe du demi bastion nord-ouest (1), le front nord du fort, bâti sur l’escarpement rocheux même, adopte de ce fait son tracé sinueux, qui comporte, on l’a vu, une large échancrure médiane suivie vers l’est d’une avancée angulaire de la plate-forme rocheuse. Cette avancée, à la pointe de laquelle le revêtement forme une pseudo-tourelle arrondie, est assimilée au dernier ouvrage flanquant du fort, improprement qualifié de « bastion 7 ». C’est dans ce secteur de l’enceinte du fort, à la faveur de l’élargissement procuré par l’avancée rocheuse, qu’est implantée la tour de 1844, dont l’infrastructure est toujours en place.

Il faut insister ici sur le caractère original et peu normatif des tours, tourelles ou pseudo tourelle semi-circulaires qui flanquent ou contribuent à flanquer (dans le cas du demi-bastion 1 et de l’avancée 7) cinq des angles de l’enceinte du fort, batterie basse orientale comprise. Joint à l’aspect du revêtement du front nord, incrusté de façon aléatoire dans les retraits du rocher et dominant abruptement le paysage, ce type d’ouvrage évoque très fortement les formes de la fortification médiévale, notamment celle de châteaux de montagne (type châteaux royaux XIIIe siècle à Hyères, ou dans les Corbières).Enceinte : front nord escarpé, flanc gauche du grand redan 7, au fond, plaine de la Valette.Enceinte : front nord escarpé, flanc gauche du grand redan 7, au fond, plaine de la Valette. Cet aspect est particulièrement spectaculaire sur le front oriental du fort, qui cumule trois tours et tourelles (4-5-6) très rapprochées et étagées (du fait de l’échelonnement entre fort principal et batterie basse), mais il faut noter que ces tours, toutes trois casematées, s’apparentent fonctionnellement aux bastionnets ou aux caponnières de la fortification Séré de Rivières, sans en adopter les formes plus ou moins normatives. Les tours 5 et 6 font 10m de diamètre hors-œuvre, ce qui est supérieur à la moyenne d’une tour médiévale du XIIIe siècle, mais très inférieur à celle de bastions assez modestes du XIXe siècle, comme les bastions 2 et 3 du fort, larges de 20 à 25m : la relative petitesse de ces organes de flanquement peut expliquer dans une certaine mesure l’emploi d’une forme « organique » plus adéquate sur un socle rocheux tourmenté, de préférence à des tours bastionnées pentagonales du type de celles du fort Faron, généralement plus larges.

Les casemates actives contenues dans les tours 5 et 6 sur un niveau unique, en soubassement, sont accessibles depuis les terrasses attenantes, respectivement celle de la batterie basse et celle de la batterie haute, par une volée d’escalier en pierre plongeante tournant le long de la paroi circulaire intérieure. Le plan de ces deux casemates est en arc de cercle, avec noyau de maçonnerie en forme de pilier circulaire dans la tour 6, dont la casemate est plus complexe et étendue, subdivisée en trois niches de tir à voutes rayonnantes, percées chacune de deux créneaux de fusillade jumelés tirant vers le nord-ouest (tir de flanquement) le nord et le nord-est (tir contre les tentatives d’incursion par escalade). La tour 5, plus basse, ne comporte que quatre créneaux au lieu de six, aussi groupés par deux. Les deux tours sont échancrées à la base d’un arc de décharge profond tourné vers le nord, destiné à une percée verticale, à usage de mâchicoulis, soit goulotte à grenade, voire de latrines.

La casemate de la tourelle 4, très petite et de plan pentagonal, accessible seulement par un souterrain en caverne, ne dessert que deux créneaux.

Le type de ces créneaux de fusillade à fente courte est constant aux rares points du fort ou il apparaît, soit, outre ce qui vient d’être décrit, au-dessus de la porte du fort (cinq créneaux mal alignés, desservis depuis le corps de garde d’étage), et dans la galerie d’escarpe rampante du bastion 2, concernant son flanc nord (cinq créneaux rampants sous un arc de décharge, flanquant directement la porte du fort) et sa face ouest (onze créneaux rampants, à raison d’un groupe de six et d’un autre de cinq, chacun sous arc de décharge).

En résumé, par son plan et son parti général, l’enceinte du fort de La Croix-Faron se réfère donc pour moitié (fronts ouest et sud), au système bastionné traditionnel tel qu’il est mis en œuvre par exemple au fort du Grand Saint-Antoine, et pour l’autre moitié (fronts nord et est) aux formes aléatoires et volontiers néo-médiévales qu’adoptent certains ouvrages de fortification de montagne. Sous ce rapport, elle ne préfigure en rien les formes à venir des forts et batteries plus ou moins normatifs du « Système Séré de Rivières » qui abandonnent le bastion et le remplacent, dans la fonction de flanquement, par des caponnières.

En revanche, cette enceinte est d’une conception plus moderne par le traitement des élévations du revêtement et des niveaux de défense et chemins de ronde, comme le met en évidence la comparaison avec le fort Faron, construit de 1840 à 1844. L’une des principales différences tient au fait que, à l’exception du front sud, dont les escarpes élevées regardant la rade enveloppent la cour intérieure du fort, les fronts ont des revêtements relativement bas, ce qui favorise leur défilement. Ils sont tous dominés par la batterie, ne comportent pas de parapet crénelé pour le tir d’infanterie sur chemin de ronde, ni d’embrasures basses ou de créneaux de fusillade percés dans les courtines, seulement des créneaux pour la défense rapprochée répartis très ponctuellement, d’une part dans les casemates du bastions sud-ouest du front d’entrée (2), pour la défense des abords de la porte, d’autre part dans les tours et tourelles d’angle (4-5-6) du front est et de sa batterie basse. De plus, l’arase de ces revêtements, couronnée d’une tablette, n’est pas réglée, soit à l’horizontale, soit pendante, mais varie au cas par cas d’un point à un autre. Plutôt bas, le revêtement de la courtine du front d’entrée ouest remonte brusquement de plus de 3m au-dessus de la porte du fort pour revêtir un étage voûté défensif percé de créneaux face au pont d’accès, qui fait partie du corps de garde et logement établi au-dessus de la porte. Repartant ensuite de son niveau initial (cote d’altitude 555m), l’arase du revêtement est pendante sur le flanc et la face ouest du bastion casematé sud-ouest (2), perdant 3m (en suivant la même pente que la galerie d’escarpe crénelée rampant plus bas dans ces même face et flanc), puis légèrement remontante sur sa face sud, son flanc est, et sur un segment de la première courtine (2-3) du front sud. Le revêtement de cette courtine, auquel s’adosse côté cour la rampe montant vers l’ouest à la plate-forme du bastion (2), plonge à mi-longueur pour suivre la pente de cette rampe (et lui servir de garde-corps), jusqu’au bastion intermédiaire (3), simplement terrassé à un niveau proche de celui de la cour, donc nettement plus bas en revêtement (cote 551m) que le bastion sud-ouest (2).

A partir de ce bastion médian (3), une autre rampe, celle qui procure l’accès principal de la batterie haute du fort, monte en sens opposé de la rampe précédente, au-dessus de la seconde courtine (3-4) du front sud, dont le revêtement remonte par contrecoup, jusqu’à un niveau équivalent à celui du bastion sud-ouest (2), pour envelopper l’extrémité est de la batterie haute. Cette hauteur d’escarpe ou de revêtement reste ensuite à peu près constante sur tout le pourtour nord de la batterie, soit au niveau du chemin de ronde qui environne les banquettes d’artillerie. Elle ne replonge un peu qu’à l’approche de l’angle nord-ouest, le revêtement du front ouest étant un peu plus bas que celui du nord, et le bastion nord-ouest (1), lui-même légèrement plongeant vers la pointe, étant, avec le bastion 3, l’un des points les plus bas de l’enceinte (tourelle de l’angle de capitale à la cote 553m).

On retiendra surtout de cette variation des hauteurs du revêtement, un fait significatif : ce sont les deux rampes d’artillerie opposées partant de la cour à la gorge du bastion médian (3) du front sud, et formant la limite sud de cette cour, qui ont déterminé la variation de hauteur d’escarpe des courtines et des bastions de ce front, dans la mesure où les vues plongeantes directes sur le fort Faron et sur Toulon devaient être possibles constamment depuis ces rampes.

Enceinte : front de gorge ouest vu du sud, face droite du bastion sud-ouest (2), fossé, pont d'accès.Enceinte : front de gorge ouest vu du sud, face droite du bastion sud-ouest (2), fossé, pont d'accès.Sur la question du nivellement des élévations de l’enceinte, on observe que le fond des fossés du fort n’est pas à un niveau constant, mais perd considérablement en altimétrie de l’ouest au sud-est. Jusqu’au pont d’entrée du fort, le fossé ouest est à peu près nivelé à l’horizontale, remontant même d’un mètre du nord au sud (cotes 545m à 546m). Sous le pont, un palier vertical fait descendre le fond du fossé de 2,30m (cote 543,70m), la pente devenant ensuite constante sur tout le front sud d’ouest en est, perdant plus 10m d’altimétrie entre le pied de l’angle du bastion 2 (cote 540m) et le pied de l’angle 4, angle sud-est de la batterie basse (cote 529m).

L’organisation interne du fort

Pour faciliter la compréhension d’une organisation interne à la fois compliquée et plus organique que systématique, on doit mettre en avant sa répartition en élévation sur trois niveaux principaux, de haut en bas :

1) Les dessus du fort, soit la batterie haute, ses banquettes et parapets (cote d’altitude maximum 563m) profilés vers l’extérieur en glacis de pierre sèches, et ses accessoires (traverses, magasins et communications casematées, eux-mêmes répartis sur deux niveaux). Cette batterie haute, vouée aux tirs à longue portée vers le nord et l’est, suivant la courbe en amphithéâtre du front nord, se prolonge en retour d’équerre par une banquette régnant sur le front ouest. Accessibles par la rampe qui monte le long du front sud du fort, dans la moitié est de la cour, ces dessus dévolus à l’artillerie lourde à barbette comportent aussi les chemins de ronde et plates-formes (cote de 555m à 558, 60m) qui contournent l’ensemble des aménagements, au pied des glacis, en haut du revêtement. Ces dessus du fort dévolus à la batterie haute, occupent les 4/5e nord de la surface totale.

Les autres aménagements correspondant à ces « dessus » sont, hors emprise ou hors fonctionnement interne de la batterie, une terrasse sur le bastion 2 (cote 552m), et deux bâtiments militaires. Le premier, intégré difficilement dans le secteur est de la batterie, est formé par les restes tronqués de la tour de 1844, réduite à son ancien premier niveau casematé (affecté aux locaux des subsistances). Le second, donnant de plain-pied sur la terrasse du bastion 2, est le corps de garde / logement au-dessus de la porte du fort (b), que distribue la rampe montant à l’ouest de la cour.

2) Le rez-de-chaussée, soit la porte du fort, la cour (à la cote 548m-548,60m), la terrasse du bastion 3, la caserne casematée à façade monumentale (a), qui est subdivisée en deux niveaux, et comporte 13 travées (en comptant les travées extrêmes d’escalier), dont 11 pour le logement des troupes, les casemates du bastion 2 à droite de la porte, et celles (c) nichées, à droite de la cour, sous la rampe ouest attenante, enfin le magasin à poudres (k) enterré sous le rempart de la courtine ouest, à gauche de la porte. A son extrémité est, la cour est prolongée dans l’axe par une communication voûtée en rampe descendante qui débouche dans la petite batterie basse du front est (à la cote 545m), en passant sous la rampe d’accès à la batterie haute, et sous le côté est de cette batterie. Cette communication voûtée est bordée à droite par des petites casemates prenant jour dans la courtine (3-4), dont une à usage de cuisine, avec four. L’ensemble des aménagements de ce niveau, batterie basse exceptée, tient dans un quart de la surface du fort, le long du front sud. On peut y ajouter, hors de ce secteur, la casemate active de la tour d’angle 6.

3) Les dessous du fort, essentiellement des souterrains en caverne, soit intégralement taillés dans le roc, avaient été conçus pour former un niveau inférieur de batterie doublant les tirs de la batterie haute, fonction jamais aboutie, faute d’avoir pu percer les embrasures des casemates. Ces souterrains se décomposent en deux galeries desservant les casemates à canon jamais défoncées. La galerie nord, infléchie en trois pans épousant la courbe de l’échancrure médiane du front nord, comporte cinq casemates convergentes qui auraient du permettre des tirs croisés en direction du nord-est, et dont les embrasures auraient débouché dans le plan vertical du rocher, en limite de l’ancrage du mur maçonné. A ses deux extrémités, la galerie comporte un diverticule qui devait être affecté à un magasin de munitions, et elle est ventilée par un puits de lumière émergeant en mitre de cheminée sur le glacis du parapet nord de la batterie haute. Il faut noter ici très concrètement que cette galerie nord règne sensiblement de plain-pied avec la cour du fort (cote 548,50m à 547,30m) et non plus bas, ce qui ne l’empêche pas circuler « sous » le front nord du fort.

La galerie est, par contre, est forée entre 18m et 22m plus bas dans le rocher (cote 526m à 530m). Elle forme aussi trois pans, avec huit casemates, divergentes cette fois ; au plus bas, elle règne dans le rocher en soubassement de la partie est du front nord (5-6-7), mais à l’extérieur de l’aplomb de l’enceinte, et se continue, en remontant un peu, sous la batterie basse de l’est (4-5). Son extrémité sud aboutit à une poterne non permanente (murage en allège) percée dans le revêtement sud de la batterie basse, vers le fossé (cote 529,75m), et dessert au passage par une montée d’escalier, une petite casemate logée en soubassement de la tourelle sud-est (4), pour la défense du fossé, casemate maçonnée et non forée, comme un segment de couloir annexe étroit de cette galerie en caverne est. Cette galerie est comporte aussi, à son extrémité nord une issue verticale en puits étroit débouchant dans les rochers, en avant du front 6-7, et une étroite poterne dérobée sortant dans le soubassement rocheux près du pied de la tour nord-est (5). L’accès de cette grande galerie en caverne se fait, au bout d’un couloir divergent, par un puits beaucoup plus large, avec escalier, abrité sous la communication voûtée rampante entre cour du fort et batterie basse. On reviendra sur ce puits et cette partie distributive complexe partant du rez-de-chaussée.

Si les dispositions des souterrains en caverne ont pu être décrites ci-dessus pour l’essentiel, les aménagements des deux niveaux supérieurs, le rez-de-chaussée et les dessus ou terrasses d’artillerie, leurs bâtiments et abris, appellent de plus amples développements. Galerie souterraine en caverne Est, extremité sud de la branche principale, accès tourelle 4, poterne fermée.Galerie souterraine en caverne Est, extremité sud de la branche principale, accès tourelle 4, poterne fermée.

Il convient de les aborder en commençant par le rez-de-chaussée pour mieux appréhender la logique distributive du fort dans ses principales communications internes, horizontales ou verticales, reliant entre eux ces différents aménagements

-Le rez-de-chaussée

La porte du fort était munie d’un pont-levis à contrepoids intérieurs de plan circulaire jouant verticalement dans des canaux demi-cylindriques appareillés en réserve dans les murs latéraux de part et d’autre des jambages, et descendant probablement à l’origine en puits dans le sous-sol (système non reconnu, variante du système Poncelet ou Deffeux). Le pont dormant à deux arches qui traverse le fossé et précède le pont-levis est perpendiculaire à la moitié sud du mur de contrescarpe tenaillé, non à la courtine du front d’entrée (1-2). Cet axe détermine celui du passage d’entrée, sensiblement biaisé par rapport au grand axe est-ouest du fort, soit à celui de la courtine 2-3 du front sud et à celui de la façade de la caserne casematée qui forme le grand côté nord de la cour.

Le passage d’entrée voûté en berceau, long de 16m, est divisé en deux segments d’inégale longueur, séparés par un arc doubleau, le premier supportant le bâtiment d’étage de la porte, corps de garde défensif et logement (b), le second, beaucoup plus court, formant un porche sur cour qui porte un balcon-coursive longeant le même bâtiment d’étage.

Le premier segment du passage, passé le pont-levis, dessert à droite la galerie d’escarpe crénelée qui rampe dans les flanc et face droits du bastion 2, et du même coup les trois citernes casematées logées au centre du bastion, parallèles, voutées en berceau nord-sud. Puis, du même côté, il dessert la porte du corps de garde d’entrée du fort, et du côté gauche, la porte d’accès au magasin à poudres (k). Le second segment du passage d’entrée, forme un porche qui s’ouvre sur cour en large arcade à plein-cintre ; ce porche s’étend, à droite, à une seconde travée, ouverte d’une arcade analogue, un peu moins ample, qui règne devant les fenêtres sur cour du corps de garde. Ces deux travées de porche voûtées communiquent entre elles par une baie latérale sans menuiserie couverte en arc segmentaire, largement ouverte dans le mur de refend intermédiaire. A gauche de la travée du passage d’entrée, faisant pendant à la communication latérale de droite, s’ouvre une autre communication de même gabarit formant un couloir coudé de plan demi-circulaire, voûté en berceau courbe, qui communiquait (issue actuellement murée) avec la première travée de la caserne casematée (abritant la cage de l’un des deux escaliers distribuant l’étage de cette caserne). Le principe de la communication transversale sous porche se continuait (issue actuellement murée) à droite de la seconde travée du porche, pour desservir la première des sept petites casemates abritées, au sud de la cour, sous la rampe qui monte à la terrasse du bastion 2. Ces casemates en série, voûtées chacune en berceau surbaissé, de profondeur dégressive (du fait du plan « en queue de billard » de la rampe), sont décloisonnées entre elles (communication en corridor). Leur volume est complètement ouvert en arcade sur la cour, et leur mur de fond est ajouré dans sa partie supérieure, au raz de l’intrados de la voûte, d’une baie horizontale en tympan percée à l’emporte-pièce dans le revêtement la courtine 2-3.

Deux de ces baies sont agrandies par une percée carrée dans leur allège, qui pouvait servir de fenêtre de tir pour le canon. Ces casemates sont aujourd’hui en partie recloisonnées.

Le plan de la cour du fort n’est pas rectangulaire, mais évasé dans la première moitié de son développement car il prend en compte l’axe du pont et du passage d’entrée, sensiblement biais, comme on l’a vu, par rapport à celui de la façade de la caserne.

Cet évasement est obtenu au prix du rétrécissement « en queue de billard » de la rampe qui borde la cour au sud et dans sa moitié ouest. Cette rampe, on l’a vu, monte du milieu de la cour à la terrasse du bastion sud-ouest (2), pour la desserte de cette terrasse et du bâtiment au-dessus de la porte, qui était affecté, outre la fonction annexe de corps de garde crénelé sur le chemin de ronde, au logement du commandant du fort. La rampe ouest est donc très secondaire pour les fonctions primordiales du fort, puisqu’elle ne dessert pas la batterie, mais une partie très limitée des « dessus », en sorte que l’étroitesse de son départ (c. 1,50m), peu praticable pour le roulage de canons, n’est pas un inconvénient. Par contre, l’évasement de la cour obtenu aux dépens de cette rampe ouest, facilite grandement l’accessibilité de la rampe est, dont le départ, beaucoup plus large (c. 5m), se trouve complètement dégagé à droite de la cour (Fig. 44), presque dans l’axe du passage d’entrée du fort, puisque décalé et non contraint par le vis-à-vis du départ rétréci de la rampe ouest. Cette hiérarchisation en faveur de la rampe est se justifie pleinement par le fait que celle-ci constitue l’accès principal des « dessus » du fort, et en particulier de la batterie, permettant de monter facilement par roulage des chargements de diverses nature (pièces d’artillerie, munitions, subsistances à stocker dans les magasins e de l’ancienne tour de 1844).

Le passage en chicane étroit réservé entre les deux départs des rampes opposées, et entre le côté droit de la rampe est et la courtine, procure l’accès, depuis la cour, à la terrasse du bastion 3, surplombée par la rampe. Comme celle du bastion 2, cette terrasse n’était guère utilisée que pour le tir de flanquement à moyenne portée du front sud du fort, faute d’organisation permanente pour l’artillerie. Le fort n’avait pas vocation d’assurer des tirs de longue portée vers le sud.

La cour communique de plain-pied, par le rez-de-chaussée de la cinquième travée de la caserne casematée, au couloir d’accès de la galerie nord des souterrains en caverne. Cette communication directe devait permettre d’acheminer facilement depuis la cour les pièces d’artillerie destinée aux casemates de cette branche de la batterie des « dessous » du fort (si ces casemates avaient été mises en service). Cet accès technique par la cinquième travée de la caserne est cependant aussi conçu pour desservir la batterie haute du fort, par un double système de monte-charges vertical. Le premier monte-charge, réservé aux canons, est ménagé à l’entrée même de la travée casematée de la caserne, ce qui a nécessité de reculer de son mur écran de façade de 3 m, pour dégager un renfoncement propre au levage. La voûte en berceau segmentaire de la travée, dans sa partie couvrant le renfoncement ouvert sur la cour, est évidée d’une grande ouverture qui en occupe toute la largeur (6,50m X 2m). Caserne casematée (a),ensemble de la façade sur cour et porche du monte-charge depuis l'ouest.Caserne casematée (a),ensemble de la façade sur cour et porche du monte-charge depuis l'ouest.

Cette ouverture à usage de trémie débouche au sol de la plate-forme qui couvre la caserne, sous un imposant édifice en forme de porche construit en superposition stricte de la cinquième travée, couvert d’une voûte d’arêtes de plan carré et complètement ouvert en arcades sur trois côtés (façade, faces latérales). De solides crochets de fer scellés dans la voûte de ce porche, au-dessus de la trémie, permettaient de fixer le monte-charge, qui semble avoir été limité à un palan manuel à chaîne, sans nacelle. Par deux portes ouvertes en tribune à l’étage de la travée de la caserne, des hommes pouvaient guider à mi-hauteur le levage des pièces en empêchant leur rotation.

Ce porche monumental voûté construit en superstructure de la caserne et autorisant une continuité de circulation sur la terrasse, forme la tête d’une des galeries casematées enterrées de la batterie haute, rectiligne et strictement perpendiculaire à la caserne, donc strictement superposée au couloir d’accès de la galerie nord des souterrains en caverne. Immédiatement à l’arrière du porche, la galerie casematée des « dessus » passant sous la batterie comporte un premier segment aussi large que le porche et cloisonné, qui était aménagé en magasin d’artillerie. Au sol de cet espace est ménagé un puits cylindrique qui le met en communication verticale, 10m plus bas avec l’entrée du couloir du souterrain en caverne. Ce puits permettait donc de monter des munitions et fournitures d’artillerie directement dans le magasin de la batterie haute, et, dans l’absolu, d’en redescendre de ce magasin, pour l’usage de la batterie en caverne des dessous

La moitié est de la cour du fort, rétrécie à droite par l’emprise de la rampe d’accès à la batterie haute, se continue dans l’axe, comme on l’a dit, par une large communication voûtée formant tunnel en rampe descendante, couvert d’une voûte en berceau surbaissé rampant. Praticable pour les canons sur roues et pour les voitures attelées, cette communication aboutit dans l’axe à une poterne de gabarit charretier (actuellement rétrécie par un murage partiel avec porte piétonne) percée dans le revêtement du front est de la batterie haute, et donnant accès à la batterie basse bâtie en prolongement du front est du fort.

Dans le dernier quart de cette grande communication voûtée, le tunnel rampant débouche dans une vaste et haute salle transversale au sol horizontal couverte d’une voûte en berceau. Le côté droit (sud) de la salle est percé d’une grande baie sous arc segmentaire très largement ébrasée vers l’intérieur, traitée en fenêtre avec allège, mais conçue initialement comme une poterne identique à celle, mitoyenne du côté Est qui dessert la batterie basse. Cette poterne sud surplombant le fossé, encadrée de gargouilles, était ordinairement fermée, mais il suffisait d’en supprimer le mur d’allège, et d’en décaisser le sol intérieur, plus haut que le seuil extérieur, pour la rendre fonctionnelle en disposant devant une passerelle escamotable ou une rampe sur le fossé[21], qu’elle domine d’assez haut ; on notera, exactement sous le seuil de cette poterne, la présence d’un arc de décharge lancé sur une faille du rocher. L’extrémité gauche (nord) de cette salle voûtée à deux poternes, s’enfonce assez profondément en réserve dans le rocher, pour abriter dans ce retrait sous voûte un très large puits de plan semi-circulaire (6m de diamètre) également taillé dans le roc, sur une profondeur de 20m. Equipé d’un escalier tournant accroché à sa paroi, ce puits constitue l’unique accès de la galerie en caverne est du fort. Puits d'accès à la galerie souterraine en caverne Est, vue plongeante sur l'escalier.Puits d'accès à la galerie souterraine en caverne Est, vue plongeante sur l'escalier.

Les piétons s’y rendaient par l’escalier tournant, tandis que les pièces d’artillerie et les caisses de munitions pouvaient y être descendues verticalement, au centre, par un système de treuil suspendu à un pont roulant. Deux rails parallèles installés sur une corniche ou sur des sommiers saillants de l’arcade d’entrée de la salle, à la naissance de la voûte en berceau, portaient ce pont, roulant de la droite, où il pouvait lever le chargement de voitures, à la gauche, où il faisait descendre ce chargement directement au fond du puits, comme il est décrit dans le mémoire de 1874.

Les quatre casemates échelonnées (d) à droite du tunnel de communication descendant vers la poterne et la salle du puits sont de largeur dégressive du fait du resserrement de la courtine 3-4 à laquelle elles s’adossent. Elles prennent jour dans cette courtine par le même type de baie horizontale en tympan déjà vu dans les casemates sous la rampe Est de la cour. Toutes ne s’ouvrent sur le grand tunnel rampant de distribution que par une petite porte. La casemate du milieu (2eme en descendant) était une cuisine, équipée d’un four dont la coupole maçonnée est complètement apparente dans la casemate voisine, plus à l’ouest, du fait de la suppression d’une cloison.

-Les bâtiments militaires du rez-de-chaussée et des dessus.

La caserne casematée à façade monumentale (a) reste le principal aménagement du rez-de-chaussée du fort, et le plus conforme aux futurs modèles de caserne des forts et batteries du « système Séré de Rivières ». Son implantation sur un côté d’une cour étroite évoquant plutôt un passage partant d’une porte et aboutissant à une poterne, avec vue en balcon sur la mer, n’est pas sans évoquer les dispositions du fort du Mont-Agel, ouvrage de montagne « Séré de Rivières » de la place forte de Nice.

La façade de la caserne de la Croix-Faron est longue de 100m. Ses onze travées de casernement, larges de 6m et profondes de 14m et les deux travées d’escalier plus étroites (4m x 14m) qui les encadrent, sont divisées en deux niveaux par un plancher intermédiaire en bois et non par une voûte plate. Elles sont toutes voûtées, au-dessus de l’étage, en berceau segmentaire, la tranche des murs de refend et de la voûte apparaissant en façade à chaque travée comme une haute arcade en pierre, refermée par un mur de remplage maigre, en léger retrait. Celui-ci, percé à chacun des deux niveaux de deux fenêtres encadrant une porte, constitue la façade proprement dite des casemates. Ce type d’ordonnance monumentale de façade est un poncif des casernes Séré de Rivières.

La distribution de l’étage est assurée, à partir des deux escaliers à rampes droites en ossature métallique portant marches en pierre, d’une part, à l’arrière des casemates, par un corridor traversant tous les murs de refend, séparé des dortoirs par une cloison, d’autre part en façade par une coursive métallique sans doute prévue dès la construction première, puisque les façades des dortoirs d’étage sont toutes percées d’une porte communiquant à cette coursive. On ne reviendra pas sur la disposition particulière déjà décrite de la cinquième travée, ou quatrième travée de dortoirs, logeable seulement à l’étage et sur une profondeur réduite du fait de la contrainte du monte-charge.

La hauteur totale moyenne de la caserne, de la cour à la plate-forme, est d’une dizaine de mètres, mais on observe une curieuse particularité architectonique par laquelle cette hauteur est variable : la ligne d’arase de la façade, soulignée d’une corniche, n’est pas horizontale mais légèrement cintrée. Peu perceptible de face et à première vue, ce galbe, qui plonge davantage du côté droit (est) de la façade, est suffisamment accusé pour se répercuter sur le niveau de voûtement des casemates, plus bas pour celles des extrémités que pour celles de la partie médiane de la façade.

Le magasin à poudres (k), en majeure partie taillé dans le roc, parait assez modeste dans ses dimensions (5mx11m) en proportion de l’échelle du fort.

Sa structure est celle d’un volume voûté en berceau dans son grand axe, dans lequel quatre murs assez maigres bâtis sous cette voûte, réservent un sas d’entrée, la salle du magasin proprement dit (Fig.60), et, sur trois côtés, le classique couloir d’isolement périphérique anti-explosion, dont les parois sont grossièrement taillées dans le roc laissé brut (Fig.61). La porte de ce magasin, dans la façade intérieure donnant sur le sas, est décentrée, pour dégager la place d’une fenêtre haute axiale. Le sas d’entrée, de plan trapézoïdal, dessert aussi les portes du couloir d’isolement.

La principale citerne du fort, de 500m3, est aménagée dans les trois casemates parallèles de grand axe nord-sud occupant le cœur du bastion 2 et enveloppées au nord et à l’ouest par la galerie d’escarpe crénelée de ce bastion.

Le bâtiment d’étage de la porte du fort (b) se compose d’un corps presque carré lié du côté ouest, sur la moitié nord de sa largeur, à l’avant-corps crénelé qui surplombe et surhausse la façade d’entrée de la porte du fort. Cet avant-corps abrite une chambre de défense, que traversait la continuité du chemin de ronde entre la courtine ouest et la terrasse du bastion sud-ouest (issue récemment convertie en fenêtre). Le corps principal du bâtiment, qui était dévolu au logement du commandant, est solidement bâti, divisée en deux pièces semblables couvertes de voûtes plates portant terrasses ; il comporte deux façades à portes et fenêtres composées avec une certaine recherche : les deux portes-fenêtres de celle du sud sont nichées entre jambages saillants et surmontées chacune d’un encorbellement à trois arceaux sur corbeaux évoquant de faux mâchicoulis. Cette façade s’ouvre sur la terrasse du bastion 2, qui pouvait être aménagée en jardin. La façade est, sans jambage intermédiaire, mais avec le même encorbellement supérieur, continu sur neuf arceaux, donne sur le large balcon coursive à ciel ouvert qui repose sur les deux travées du porche sur cour de la porte du fort. Ce balcon, encombré d’une véranda récente, assure, par l’intermédiaire de quelques marches d’escalier à ses deux extrémités, la communication du haut de la rampe ouest partant de la cour, à la terrasse de couvrement de la caserne. Porche sur cour de l'entrée et bâtiment (b) sur la porte, extrémité ouest de la façade de la caserne.Porche sur cour de l'entrée et bâtiment (b) sur la porte, extrémité ouest de la façade de la caserne.

Ce qui reste de l’ancienne tour de la Croix-Faron (e) achevée en 1844 et dérasée en 1874, se trouve au niveau des « dessus » du fort, au bout oriental de la terrasse sommitale de la caserne (a), et se limite à l’ancien rez-de-chaussée de cette tour, et à sa citerne en soubassement. La tour Beaumont ne comporte qu’un rez-de-chaussée casematé qui donne une idée de l’état primitif de celui, remanié, de la tour de la Croix-Faron, son modèle. L’élévation extérieure à mâchicoulis de la tour Beaumont évoquerait plutôt, en revanche, l’aspect de la partie supérieure disparue (étage casematé, plate-forme) de la tour de la Croix-Faron. L’enveloppe circulaire actuelle encore apparente du rez-de-chaussée conservé de la tour ne comporte aucune trace d’accroche des mâchicoulis, car leurs jambes s’amorçaient dans le parement au-dessus du niveau d’arasement actuel.

Le plan demi-circulaire de 26m de diamètre est encore reconnaissable par ce revêtement laissé apparent, repercé de plusieurs fenêtres et de trois portes, entre lesquelles subsistent quelques-uns des créneaux d’origine (notamment de part et d’autre de la porte), dont la bouche extérieure est de forme carrée.

Par contre, l’ancien front de gorge (nord) de la tour, droit à deux demi-bastions, n’est plus visible parce que recouvert par les terrassements de la batterie haute de 1874. Ces terrassements, bien que en déclivité du nord au sud, enterrent aussi du côté sud, point d’arrivée de la rampe de la batterie, près de 2m de la partie inférieure de la tour.

La partie en arc de cercle de la tour enveloppe ce qui fut une cour à ciel ouvert de plan en demi-cercle fermée à la gorge d’une courtine dans laquelle s’ouvrait la porte principale. Du fait des transformations de 1874, cette cour est devenue une casemate de distribution plan en fer-à-cheval, couverte d’une voûte annulaire retombant sur un noyau central creux bâti au revers de l’emplacement de l’ancienne porte condamnée.

En périphérie de cette casemate annulaire rayonnent les cinq grandes casemates identiques qui servaient de casernement à la tour, chacune de plan en trapèze couvert d’une voûte en berceau évasée en demi tronc de cône reposant sur les robustes murs de refend radiants (1m d’épaisseur). Ce système de voûtement indépendant du mur d’enveloppe circulaire, n’exerce aucune poussée sur lui, à la différence d’une voûte annulaire, et n’aurait pas été fragilisé en cas de canonnade faisant brèche dans ce mur. De chaque côté de l’ancienne cour, faisant jonction entre ces casemates évasées et les demi-bastions aujourd’hui enterrés, deux autres casemates plus étroites affectent un plan presque rectangulaire, voûté en berceau. Enfin, chaque ancien demi-bastion abrite deux petites casemates (aujourd’hui aveugles) de plan en trapèze et inégales, du fait du plan oblique des faces et des flancs de ces demi-bastions. Le voûtement de ces deux petites casemates, et le mur de refend qui les sépare, perpendiculaires au front de gorge, donnaient aux demi-bastions une fonction technique de culée qui assurait le contrebutement du système de voûtes en éventail des autres casemates. La porte actuelle de l’édifice est percée vers l’extérieur dans la travée d’axe des cinq casemates radiantes, à l’emplacement d’anciens créneaux, et en vis-à-vis de la porte d’origine du casernement, qui s’ouvrait sur la cour intérieure et s’ouvre aujourd’hui sur la casemate de distribution annulaire. Cette travée d’axe n’a reçu sa voûte qu’en 1874, car elle abritait antérieurement l’escalier supprimé de la tour qui desservait l’étage et la plate-forme aujourd’hui dérasés. Cette travée d’axe conserve cependant sa fonction de vestibule distribuant par des portes percées dans les murs de refend les quatre casemates radiantes et les deux casemates rectangulaires. Ces casemates ne prenaient jour vers la cour intérieure que par des créneaux, au moins à ce niveau ; aujourd’hui elles procurent un second jour à la casemate annulaire qui a remplacé la cour, grâce à des fenêtres qui ont remplacé les créneaux.

Dans le secteur ouest des casemates, un escalier creusé en réserve vers 1874, suit la courbe interne du mur d’enveloppe de la tour pour descendre en soubassement vers le sud, depuis la casemate rectangulaire, elle-même devenue vestibule d’une porte de sortie vers l’ouest. Cet escalier souterrain en arc de cercle fait ensuite un coude à droite jusqu'à communiquer avec le palier supérieur de l’escalier est de la caserne casematée.

Du côté opposé (est), la dernière des casemates radiantes de l’ancienne tour est refendue d’un mur transversal qui isole sa moitié extérieure affectée à un petit magasin d’artillerie. Celui-ci est desservi de l’extérieur par une branche de galerie casematée partant vers l’est, avec issue latérale au sud, enterrée sous la banquette de la batterie et continuée en descente d’escalier sous le glacis de cette banquette, pour finalement déboucher sur le chemin de ronde de l’enceinte à proximité de la tour 6.

Le niveau d’arasement du revêtement de l’ancienne tour est couronné d’une tablette mise en place en 1874, surmontée par un reste de remblai des glacis de la banquette de batterie, aujourd’hui entièrement cimenté.

-Les batteries

La batterie haute, structurée verticalement comme un cavalier au plan sinueux, se compose principalement d’une haute banquette à parapet d’artillerie régnant sur tout le front nord selon le tracé rentrant imposé à ce front par l’échancrure du rocher. Le parapet forme au-dehors un haut glacis ou talus (le second terme convient mieux à la pente assez accusée) bloqué en pierres sèches, surplombant le chemin de ronde. De ce talus émerge une cheminée de ventilation (Fig.69) de la galerie nord des casemates en caverne. Les profils de terre intérieurs et les traverses d’origine sont altérés, dégradés, et il ne reste plus trace des cuves en ciment des pièces de 90mm de la DCA de 1933, et des cuves de leur télépointeur, bâties sur la crête du parapet et démolies à la fin du XXe siècle.

Ce parapet d’artillerie taluté comportait initialement un retour du côté est enveloppant et couvrant en partie l’ancienne tour dérasée de 1844. Ce retour a été en partie déblayé, et l’on ne sait s’il comportait une position de tir plein est 21.

Un autre retour du parapet d’artillerie, plus allongé, existe à l’ouest, après une coupure revêtue dans le talus qui dégage une communication entre cours de batterie et chemin de ronde. Il s’étend au-dessus de la courtine du front d’entrée, mais ne fait pas partie de la batterie proprement dite, dont les tirs sont concentrés vers le nord et, avant sa réorganisation en 1893, vers l’Est. Ce retour de parapet ne comporte donc pas d’emplacement de tir spécifique (excepté une cuve de 1933 qui a été supprimée), mais pouvait accueillir des pièces mobiles pour des tirs à moyenne portée vers le plateau de la Croix-Faron. De plus, il fait office de parados, défilant la rampe de roulage adossée à sa banquette, qui monte aux sections d’artillerie du secteur nord-ouest de la batterie. Il défile aussi la gorge de ces sections elles-mêmes, face à de possibles tirs ennemis venus du plateau. Cette longue banquette ouest, son parapet et son talus cimenté après coup, sont terminés au sud par un mur de profil monté sur les premières travées du casernement casematé, et par adossement au revers du bâtiment d’étage de la porte (b) et de son avant-corps crénelé.

Dans cette partie sud, la banquette abrite un magasin d’artillerie souterrain assez vaste dont la porte s’ouvre dans le mur de profil, sur la plate-forme de distribution qui règne sur la caserne.

A l’arrière des deux retours est et ouest de la batterie sont nichées deux petites places d’armes défilées, l’une (est), fermée, à l’emplacement de l’ancienne gorge de la tour dérasée de 1844, l’autre (ouest), largement ouverte au sud, à l’abri de la banquette du front ouest. Ces deux places sont facilement accessibles à partir de la plate-forme sommitale de la caserne, qui, praticable pour les canons sur affût roulant, sert de communication à l’ensemble de la gorge de la batterie.

La place d’armes ouest, de plus, est assez voisine du porche monumental qui abrite le monte-charge d’artillerie. Au fond de cette place s’élève la façade d’un magasin-abri couvert par la banquette, soit, principalement, un abri de deux travées voûtées à l’épreuve (une porte et une fenêtre par travée), avec escalier droit sur arcades longeant la façade pour monter sur les banquettes. Cet abri casematé était « destiné pour le logement du gardien de batterie en temps de guerre » 22. Secondairement, il est associé à un magasin aveugle plus à droite. De part et d’autre de la façade du magasin-abri, partent deux branches divergentes de communication casematées traversant la banquette pour déboucher sur le chemin de ronde. Celle de gauche (nord-ouest) débouche sur le chemin de ronde du front ouest dans une grande coupure du talus revêtue de murs de soutènement et de profil, dont une aile en arc de cercle.

Dans cette aile courbe s’ouvre, à droite en sortant de la communication voûtée, l’accès à la seconde citerne du fort (100 m3). Celle-ci est enterrée sous le talus du parapet revêtu de pierre sèche, dans la partie formant l’angle nord-ouest de la batterie, à la gorge du bastion 1. Batterie haute : intérieur de la citerne à l'issue de la communication au chemin de ronde ouest.Batterie haute : intérieur de la citerne à l'issue de la communication au chemin de ronde ouest.

La communication casematée qui part à droite (est) de la place d’armes pour déboucher sur le chemin de ronde nord, longe d’abord à gauche le magasin aveugle associé à l’abri du gardien de batterie, et croise ensuite la branche de galerie souterraine perpendiculaire qui aboutit au porche du monte-charge d’artillerie, en passant par le magasin d’artillerie déjà décrit, lui-même équipé d’un étroit puits de levage.

Les autres abris ou magasins de la batterie sont ceux, rectangulaires, logés, à un niveau un peu supérieur, dans les quatre grosses traverses-abri (f-g-h-j) de la batterie. Deux de ces traverses-abri (j, f) sont implantées sur le flanc nord de l’avancée nord-est de la batterie, isolant deux sections d’artillerie pour des tirs vers le nord ; elles sont desservies, avec la section intermédiaire, depuis la place d’armes est, qui occupe la gorge de l’ancienne tour dérasée de 1844. La communication casematée qui, depuis la plate-forme sur la caserne, dessert cette place d’armes fermée, passe entre le côté ouest de l’ancienne tour de 1844 et la première traverse (j), dont elle dessert l’abri au passage.

Les deux autres traverses-abri (g, h), sont complétées d’une traverse pleine dont le plan s’incurve vers le sud pour se terminer sur le porche du monte-charge en revêtant sa tête. La plate forme du calculateur de tir de la DCA de 1933 était construite un peu en retrait sur la tête de ce porche ; il en reste l’infrastructure octogonale en ciment. Les trois traverses sont disposées en éventail sur l’avancée nord-ouest de la batterie, séparant deux sections d’artillerie pour des tirs vers le nord-est et vers l’est.

Les abris des deux traverses (g, h) règnent au niveau de la banquette, donc au-dessus des deux communications divergentes entre la place d’arme ouest et le chemin de ronde, et l’une (h) immédiatement au-dessus de l’abri du gardien de batterie de la place d’armes. Il y a donc, dans cette partie ouest de la batterie haute, deux niveaux de souterrains superposés.

En 1880, il existait un magasin central, entre ces deux avancées, mais il a été supprimé lors de la réorganisation de la batterie et de ses sections d’artillerie en 1893, et remplacé par le magasin creusé sous la banquette du front Ouest.

Les parapets et les terres des traverses sont aujourd’hui assez mal conservés, au-delà de la construction et de la démolition des cuves de la DCA de 1933, en sorte que les emplacements de tirs des sections d’artillerie sont devenus difficiles à reconnaître et identifier.

Ceux, présumés, de la branche est, particulièrement, ont disparu pour laisser place entre autre à la plate-forme des radars, en haut de la rampe d’accès de la batterie.

La batterie basse, très exiguë, est encombrée par une grosse banquette à parapet d’artillerie fortement taluté contournée par un étroit chemin de ronde desservant les tours 4 et 5. Cette banquette, aujourd’hui un peu déformée, masque la poterne qui lui donne accès, et comportait deux positions de tir, orientées vers l’est / sud-est.

L’ancien retranchement hors enceinte du fort

Ancien retranchement bas : revêtement en pierre sèche de la terrasse polygonale de tête.Ancien retranchement bas : revêtement en pierre sèche de la terrasse polygonale de tête.En contrebas de la batterie basse est du fort, subsistent les ruines bien conservées de l’ancien retranchement bas correspondant aux ouvrages en pierres sèches exécutés à la suite du projet général de Milet de Monville, vers 1768. Il s’agit d’une position ouverte sommairement terrassée établie sur la pente est, à la faveur sans doute d’un petit replat aménagé. Son plan est grossièrement triangulaire, ouvert à la gorge (base du triangle), c'est-à-dire vers le point haut de l’éperon de La Croix-Faron, occupé par le fort. Le mur formant le côté nord du triangle se raccroche au pied de l’escarpement rocheux nord, à proximité de la tour 5 du fort. Le mur du côté sud-est du triangle suit à peu près une courbe de niveau du terrain naturel. Ces deux murs rectilignes, mais comportant au moins un décrochement, convergent pour former à la pointe du triangle (est/nord-est), une plate-forme terrassée de plan hexagonal centré presque régulier, ouverte à la gorge, large d’une vingtaine de mètres. Les murs en pierre sèche montés avec soin n’ont qu’une assez faible élévation, ne dépassant pas 3,50m dans l’état actuel, auquel manque seulement une partie du parapet.

Structure et mise en œuvre

L’ensemble des maçonneries et parements du fort, revêtements d’enceinte et façades des bâtiments, est mis en œuvre en pierre calcaire dure blanche prélevée sur place. La tour de 1844 se caractérise par une mise en œuvre des parements extérieurs en blocage assez négligé de moellons irréguliers peu ou pas assisés.

Les parements intérieurs sont entièrement revêtus d’un enduit couvrant à la chaux hydraulique, peint ou badigeonné, ce qui masque l’encadrement des portes de communication d’origine, réalisé en briques et pierres, comme le révèle un piquage récent.

Les parements des ouvrages du fort de 1872-1875 sont nettement plus soignés. Le parement courant est invariablement mis en œuvre en moellons équarris d’assez petit gabarit, disposés en lits horizontaux à joints gras, avec une assez faible variation de hauteur d’assises. L’apparence est celle d’un appareil rustique moyen à petit, la face vue des moellons étant plutôt dégrossie au pic que dressée. Exceptionnellement, il se rapproche du bossage (parties de courtines et du bastion 3, au front sud). Ce parement courant est systématisé, et concerne donc les revêtements de l’enceinte, les façades des bâtiments (caserne, corps de garde, façades de l’abri du garde de batterie, façades des casemates sous rampe, etc.), les revêtements des coupures dans les banquettes de la batterie haute, notamment aux issues des communications casematées. Il s’étend aussi aux parois de ces communications, notamment dans le passage d’entrée du fort et dans les couloirs et salle de la communication vers la batterie basse. Ce parement ordinaire de moellons équarris se retrouve aussi à l’intérieur de la plupart des casemates non enduites, notamment dans les casemates passives de l’abri du gardien de batterie, dans les casemates actives des tours et tourelles (4-5-6) du front Est, et dans la galerie d’escape crénelée du bastion sud-ouest (2).

Dans les revêtements de l’enceinte, ce parement courant habille le socle rocheux naturel, dont certaines saillies irrégulières sont laissées apparentes, incorporées et serties dans le parement en plusieurs endroits, et ravalées au nu de l’escarpe lorsqu’elles affleurent dans l’élévation. Ce traitement concerne surtout les deux fronts bastionnés et fossoyés ouest et sud, car sur le front nord, jusqu’au nord-est, le revêtement est ancré beaucoup plus haut sur le socle rocheux naturel, son élévation se limitant par endroits à celle d’un simple parapet, et cet ancrage est beaucoup plus aléatoire sur les esquilles tourmentées du rocher. De ce fait, même dans les secteurs où le revêtement est haut, les saillies rocheuses s’intercalent dans le parement en étant au mieux escarpées, rarement ravalées, souvent laissées brutes, ce qui contribue à l’apparence très différente de ce front, malgré l’emploi du même parement courant.

Les arases du revêtement d’enceinte sont couvertes, sur le pourtour de l’enceinte, non d’une tablette plate, mais d’un chaperon appareillé sur deux assises, taillé au rustique profilé en talus seulement vers l’extérieur, avec larmier.

Les arases des revêtements des coupures dans les banquettes de la batterie, y compris la façade de l’abri du gardien de batterie, sont par contre couvertes d’une tablette classique bouchardée, qu’on trouve aussi sur le pan de mur crénelé en surélévation du revêtement de l’enceinte, au-dessus de la porte du fort.

La mise en œuvre ordinaire en moellons équarris sans finition s’étend à l’ensemble des voûtes des casemates, salles, magasins, généralement en berceau complet ou surbaissé, y compris à la voûte d’arêtes du porche monte-charge, où seules les arêtes sont soulignées en pierres de taille requérant un savoir-faire stéréotomique. A propos de la typologie des voûtes, on notera le parti original du couvrement de la galerie d’escarpe casematée rampante du bastion 2, non par une voûte en berceau rampante longitudinale, mais par trois segments de voute en berceau transversale très surbaissée, comme s’il s’agissait de voûter trois niches de tir juxtaposées et non une galerie ; ce parti qui occasionne moins de dégâts dans le cas ou l’escarpe serait battue en brèche par le canon, est lisible de l’extérieur par les arcs de décharge dans le parement au dessus des créneaux, formant jours au raz de l’intrados des voûtes.

Les pierres d’encoignure (angles saillants) et celles employées pour l’encadrement des baies ordinaires ou de certains arcs sont des pierres de taille finies à la boucharde, d’une hauteur d’assise plus importante que les moellons du parement courant. Elles sont assez rares dans les revêtements de l’enceinte, réservées surtout au front sud : angles saillants des bastions 2 et 3, (l’unique angle vif du bastion 1, angle d’épaule, ne se différencie pas du parement ordinaire), l’angle sud-est du revêtement de la batterie haute et l’angle du flanc de la batterie basse immédiatement en dessous. Il caractérise les arcs de décharge des créneaux et jours percés dans le revêtement du bastion 2, des courtines 2-3 et 3-4, et l’encadrement des poternes à allèges de la courtine 3-4, du front est de la batterie haute et du côté sud de la batterie basse. On retrouve ces pierres de tailles, moins finies, dans les arcs de décharge en pied de revêtement, sous la poterne sud (3-4) au pied des tours 5 et 6, et sur le flanc ouest du bastion 3.

Une bonne partie des encadrement de portes et de fenêtres des magasins et abris, donnant sur l’extérieur ou dans des communication voûtées, offrent un léger relief, type chambranle ou harpage, sur le parement courant des murs et parois. C’est le cas pour l’abri du gardien de batterie et pour les baies repercées dans la tour de 1844, par exemple. On notera que les arcs, dans l’ensemble du fort, arcs de décharge, arcs de couvrement d’arcades, de portes, de fenêtres, sont à peu près invariablement segmentaires, à l’exception notable des arcades d’entrée et de sortie de la porte du fort, dont celles du porche sur cour, sans oublier celles des trois façades du porche monte-charge, qui sont en plein-cintre. La plupart de ces arcs sont extradossés mais certains ont des claveaux saillants en escalier (poterne sud de la batterie basse, porte repercée dans le mur circulaire de la tour de 1844).

Les créneaux de fusillade prennent à l’extérieur l’aspect d’une simple fente encadrée de quatre moellons allongés bien équarris, dont deux posés de chant ; à l’intérieur, leur encadrement varie du simple ébrasement couvert de linteaux sans finition : galerie d’escarpe du bastion 2, tourelle 4 à une embrasure plus large couverte d’une voute en briques formée d’arceaux échelonnés en archivolte : tours 5 et 6. Enceinte : intérieur de la tour casematée nord-est (6), deux créneaux.Enceinte : intérieur de la tour casematée nord-est (6), deux créneaux.

La porte et la cour intérieure du fort font l’objet d’un traitement particulier, plus soigné dans l’exécution des éléments structurants.

Classiquement, l’encadrement de façade de la porte du fort, qui affiche au frontispice « 1873 » « Fort de La Croix-Faron » est un morceau d’architecture en belle pierre de taille dure bouchardée, qui réinterprète des formules usuelles dans la fortification classique, sans référence à un ordre pourtant, sinon à la rigueur à un ordre rustique. L’arcade d’entrée en plein-cintre,moulurée (cavet et chanfrein), est inscrite en retrait dans le cadre rectangulaire dans lequel s’encastrait le tablier du pont-levis en position levée. De chaque côté de ce tableau, en partie supérieure, sont percés les logements verticaux des roues en fer sur lesquelles jouaient les chaînes de levage du tablier. Ce tableau en creux et son contour immédiat sont encadrés de part et d’autre par un pilastre à bossage tabulaire lisse. L’ensemble fait progressivement saillie sur le revêtement (la façade est verticale, le revêtement a un fruit), partant d’une sorte de cul-de-lampe carré taillé à la rustique. Les deux pilastres sont couronnés non d’un chapiteau, mais d’un fort modillon régnant sur deux assises, orné de deux tables saillantes, qui supporte les extrémités d’un entablement formé pour l’essentiel d’une lourde corniche saillante et moulurée, délestée par quatre autres modillons intermédiaires plus petits (une assise).

Le parement qui règne sur les parois du passage d’entrée, notamment dans le secteur ou il forme les deux hautes niches hémicylindriques dans lesquelles jouaient les contrepoids verticaux du pont-levis, sont plus finement réalisés que le parement ordinaire des façades et revêtements, formant un véritable appareillage.

Cette qualité supérieure de parement se retrouve dans les voûtes du passage proprement dit, dans celles des deux arcades de la façade sur cour de la porte, et dans celles, surbaissées, des casemates sous la rampe, y compris la voûte tournant en arc de cercle vers la caserne, bel exemple de stéréotomie. Il est employé aussi pour l’arc doubleau du passage, les arcades latérales de communication, et les parties de mur de façade de la caserne formant la tranche des murs de refend entre les façades des treize travées de casemates.

Les encadrements ou les arcs des arcades constitutives des façades sur cour, tant de la caserne, y compris le porche sur la cinquième travée (arcs seulement) que le porche à l’issue de la porte du fort, sont traités en bossage tabulaire, avec claveaux extradossés (rustique pour les grands arcs de la caserne et du porche haut, plus lisse ailleurs). On retrouve ce traitement pour les arcades sur cour des casemates sous la rampe, et pour l’arcade d’entrée du tunnel de communication de l’Est.

La partie supérieure de toutes ces façades, de l’extrados des arcs jusqu’aux tablettes ou corniches, emploie par contre le parement ordinaire en moellons équarris, d’où une impression de variété dans la mise en œuvre. Les tablettes qui couronnent l’arase de ces façades sont traitées comme des corniches, simples, celle de la caserne gagnant en relief à la faveur d’une série de modillons. La tablette corniche qui couronne le porche et faisait transition avec les terres qui le recouvraient, en prolongement d’une des traverses de la batterie se distingue par sa disposition en arc en « chapeau de gendarme » au-dessus de chacune des trois façades de ce porche, ce qui en accuse le caractère original.

La brique n’est employée que de façon limitée et assez discrète dans les maçonneries et parements du fort ; outre les voûtes des ébrasement des créneaux des deux tours nord-est (5-6) déjà signalées, les éléments en briques les plus manifestes sont les murs de remplage qui forment les façades des treize casemates de la caserne, façades à deux niveaux percés de portes et de fenêtres. La mise en œuvre est remarquable, par l’insertion d’appuis de fenêtre en pierre, et par le traitement en relief des arcs de couvrement en briques des portes et fenêtres, et non de leur encadrement complet, selon le principe adopté pour les grandes arcades de pierre qui encadrent ces façades de briques. L’emploi de la brique accuse encore, par un effet de polychromie, l’apparence animée et variée de cette façade monumentale de la caserne.

On retrouve la brique employée, plus discrètement, pour les six arceaux formant encorbellement sur les fenêtres des façades du bâtiment d’étage de la porte du fort (b). Cette façade se distingue aussi par le soin apporté aux éléments en pierre, dont une corniche et les corbeaux d’appui des arceaux en brique.

Les casemates dégressives sous la rampe ouest de la cour emploient aussi la brique pour leurs cloisonnements, et ce matériau se retrouve pour les voûtes de décharge de l’escalier hélicoïdal de descente dans le puits d’accès de la galerie en caverne et, construit par ailleurs en blocage grossier enduit.

La plupart des marches d’escalier sont monolithes, de taille plus ou moins soignée.

Les éléments de gros oeuvre en ossature de bois ou de métal se concentrent dans la caserne, pour les deux escaliers des casemates d’extrémité, pour les planchers de l’étage et pour la coursive métallique qui distribue l’étage en façade. Si les planchers ont été remaniés, les menuiseries de portes et de fenêtre changées, les escaliers à limons en ossature de fer profilés en H, portant des marches monolithe de section triangulaire sont remarquables.

De même, la coursive de la façade reste représentative de l’état ancien du fort, avec ses gros IPN de soutien groupés par deux, les voûtains sur IPN plus petits en sous-face, portant le plancher, et son garde corps de ferronnerie à motif de croix de Saint-André.

Les autres éléments de second œuvre, menuiseries bois ou métallique, ouvrages de ferronnerie, grilles fixes ou ouvrantes, garde-corps, ont pratiquement tous été enlevés ou remplacés, en sorte qu’aucun échantillon vraiment remarquable n’est à signaler, à l’exception peut-être de la grille de protection de l’accès au puits de la galerie en caverne est, et de la rambarde de son escalier, éléments de facture assez ordinaire. Quand au pont roulant de ce puits, il a disparu, tout comme le pont-levis de la porte du fort.

Les banquettes et parapets d’artillerie de la batterie haute et de la petite batterie basse se caractérisent par leur glacis ou talus pendant sur les chemins de ronde, qui est revêtu d’un blocage de pierre sèche. Ce blocage, bien conservé et assez stable par endroits, emploie aussi des déchets de maçonnerie de briques qui doit provenir des étages supérieurs démolis de la tour de 1844.

En beaucoup de points, il souffre de désordres et d’éboulements partiels, faute d’entretien, et en divers points (fronts est et ouest), il a été chapé en ciment. La plate-forme des dessus de la caserne est revêtue d’origine d’une chape de mortier hydrofuge résistant au roulage comme une chaussée, qui a été plusieurs fois renouvelée. Les dessus de l’ancienne tour dérasée de 1844 sont déblayés des terres de la batterie qui les couvrait, et revêtus d’une chape de ciment, comme plusieurs autres éléments de la batterie d’où les terres ont été en partie déblayées. C’est le cas notamment des dessus du porche monte-charge, qui avait été aménagé en 1933 pour recevoir la plate-forme octogonale en ciment du calculateur de tir de la batterie anti-aérienne 23.

Les contrescarpes des fossés du fort sont revêtues, mais à l’économie, en blocage grossier de moellons maçonnés, avec de nombreux arcs de décharge, surtout pour le fossé ouest.

La mise en œuvre des murs en pierre sèches de l’ancien retranchement bas de 1768 est de très bonne qualité, ce qui lui a valu de subsister assez complètement jusqu’à nos jours sans entretien. Dans les cinq pans de murs profilés en glacis de la plate-forme hexagonale, le parement courant est constitué de blocs de dimensions très diverses présentant une face plate, savamment assemblés en opus incertum auto-bloqué. Outre les avantages statiques procurés par le fruit du mur calé contre le terrassement intérieur, la stabilité de cet assemblage est assurée par le soin apporté à la construction des angles, soigneusement chaînés avec des pierres longues présentant toutes une assise plane à l’horizontale, dégrossies et équarries au marteau et disposées en besace. Ancien retranchement bas : détail d'un angle du revêtement de la terrasse polygonale de tête.Ancien retranchement bas : détail d'un angle du revêtement de la terrasse polygonale de tête.

1Vincennes SHD, Artillerie W. 1052, état d’armement des places 1845-1848, renseignement Bernard Cros. 2Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 18..) 3Appellation en vigueur au XIXe siècle. 4Et pour trois autres tours projetées sur le Faron en 1842-1843 et jamais réalisées. 5Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 1858) n° 1 Cahier d’apostilles sur les travaux que l’on propose pour 1840 6Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 1858) n° 1 apostilles directeur. 7Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 1858), 2, projets pour 1841, feuille n° 14 8Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 1858), 2, projets pour 1841. 9Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 1862), Mémoire sur les projets de 1845 10Vincennes SHD, 4VT 255 (1-2) 11Vincennes SHD, Artillerie W. 1052, état d’armement des places 1845-1848, renseignement Bernard Cros. 12Vincennes SHD, Art. 8 (1 VH 1878), n° 23 13B. Cros, Citadelles d’Azur, Aix en Provence, 1998, p. 120-121 14C. Corvisier, « reprises et citations des formes de l’architecture militaire médiévale dans la fortification de Vauban », in C. Corvisier et I. Warmoës, « L’art de fortifier de Vauban (…) » ; Actes du colloque international « Vauban, architecte de la modernité ? » tenu à Besançon les 11-13 octobre 2007,( Th. Martin et M. Virol dir. ) Cahiers de la MSHE Ledoux, n° 11, Presses Universitaires de Franche Comté, Besançon, 2008. 15La Batterie de Carqueiranne, vaste batterie de côte de la génération Séré de Rivières, construite en 1878, incorpore la tour-réduit crénelée n°3 de type 1846 de la batterie antérieure, mais celle-ci, de plan rectangulaire, recouverte par un épaulement de terre, n’est plus reconnaissable dans le plan définitif, à la différence de la tour 1844 dans le fort 1875 à La Croix-Faron. 16Vincennes SHD, Art. 8, (1 VH 1880), Mémoire sur les projets pour 1874-1875. 17Le curieux changement de qualificatif s’explique sans doute parce que cette cour est basse par rapport au terre plein de la batterie du fort, et haute par rapport au grand puits et à la communication voûtée qui y mène depuis cette cour. 18Vincennes SHD, génie, STG 193 ; renseignement Bernard Cros. 19C’est le schéma type des fronts bastionnés symétriques, comme l’illustre par exemple le « Fort Napoléon » à La Seyne. 20Cette numérotation des angles progresse autour de l’enceinte de gauche à droite, soit en sens inverse des aiguilles d’une montre, alors que l’usage le plus fréquent pour les forts est inverse (ex : fort Faron, fort du Grand Saint-Antoine) 21On a signalé plus haut, à propos de la galerie en caverne de l’Est, une autre poterne murée de conception analogue, mais plus petite, débouchant dans le revêtement du même côté sud et une quinzaine de mètres plus à l’Est. 22Légende d’un plan du fort daté de 1880, Vincennes SHD, 4V T 251 (1-4) 23Cette plate-forme a été détruite, mais son équivalent existe encore dans le fort du Grand Saint-Antoine.

Dans le cadre du projet général pour la défense de Toulon du directeur des fortifications de Provence Milet de Monville, en 1763-1766, est prévu un programme de fortification du Mont Faron. Un premier retranchement en pierre sèche est alors édifié à la Croix-Faron, bientôt remanié et complété en 1793 par les troupes anglaises occupant Toulon. Un nouveau programme d'’ensemble de fortification du Mont Faron, lancé en 1836, comporte la construction d'’une tour sur le point haut de la Croix-Faron, dans le retranchement existant. La forme originale de cette tour casematée est arrêtée en février 1840 par le chef du génie A. Louis, sur un dessin du capitaine Faissolle. Elle servira immédiatement de modèle à d’'autres projets de tours sur le Mont Faron, dont la tour Beaumont, seule réalisée. Le chantier s’'achève en 1844. En 1868, parallèlement à la réalisation de la «Crémaillère du Faron » qui relie le fort Faron à la Croix-Faron, est proposée la construction d'’une redoute maçonnée s'’appuyant sur la tour de 1844. Le plan en est fixé en 1870, et deux ans plus tard commence la réalisation de ce qui est désormais un véritable fort. Devenu pièce maîtresse du nouveau système défensif du Mont-Faron redéfini en 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, ce fort anticipe par certains aspects (sa caserne casematée) la normalisation des forts et batteries détachées promue la même année à l’'échelle nationale par le général Séré de Rivières. Cette montée en puissance du projet architectural s’'accommode mal de la tour de 1844, qui est dérasée d'’un étage. Encore tributaire du système bastionné, l'’enceinte du fort comporte aussi des tourelles d’'aspect néo-médiéval, ouvrages mieux adaptés à l’'escarpement rocheux. Nouveauté au sein des fortifications du Faron, deux vastes souterrains en caverne (taillés dans le roc) sous le fort, sont prévus pour doubler les positions de tirs de batterie par un niveau souterrain. Achevé non en 1873 (date gravée au frontispice de la porte), mais en 1875, le fort est alors armé de 38 pièces d’'artillerie à longue portée. Faute de mise en service de la batterie souterraine, cet armement est réduit à 15 pièces en 1891. En 1933, la batterie haute est adaptée par la DCA pour recevoir quatre canons anti-aériens.

Le fort de la Croix-Faron occupe le point culminant sud-est de la montagne, couronnant directement l’'escarpement vertical nord. Sa batterie principale, à la cote d’'altitude 563m, surplombe le site du fort Faron de 170m, à 600m de distance vers le sud/sud-ouest. Les deux forts sont reliés directement de fossé à fossé par l'’ouvrage de retranchement défensif dit Crémaillère du Faron, gravissant la pente du versant.

L'’enceinte du fort adopte un plan irrégulier et asymétrique. Long d’environ 180m d’est en ouest, d’'escarpe à escarpe, le fort est étranglé en largeur dans sa partie médiane, du fait du contour de l’'escarpement rocheux nord, largement échancré entre deux avancées rocheuses. Le long front sud, surplombant la ville et la Rade de Toulon, et le côté de l’'entrée ouest, sont traités comme des fronts bastionnés classiques bordés d'’un fossé. Large de 110m, le front d’'entrée est encadré d’'un bastion casematé à l’'angle sud-ouest (2) et d’'un demi-bastion plein au nord-ouest (1) presque symétriques en plan. Le bastion 3, vers le milieu du front sud, se distingue par l'’absence d'’un véritable angle de capitale, les deux faces n'en formant qu'’une, bombée. Le front Est, très court (20m) est doublé par une batterie basse flanquée de deux tourelles semi-circulaires casematées (4,5) ; son côté sud fait saille sur le front sud à la manière d'’un demi-bastion. Le revêtement haut du front Est comporte aussi une petite tour casematée (6) à l'’angle nord-est. Le front nord irrégulier comporte une avancée angulaire (7) avec pseudo-tourelle arrondie. Cette avancée correspond au secteur élargi de l’'enceinte qu'’occupait la tour de 1844, de plan demi-circulaire (diamètre 26m) dont l'’infrastructure (ancien étage de soubassement à casemates rayonnantes) est toujours en place.

La batterie haute occupe les 4/5e nord de la surface intérieure du fort. Un point bas au sud (rupture de pente du terrain naturel) a déterminé l'’implantation encaissée de la cour intérieure, étirée en longueur le long du front sud pour desservir à gauche la caserne casematée rectiligne (100m de long, 11 travées de casernement, deux travées d’'escalier) bâtie au pied de la batterie haute, et défilée par elle. La porte du fort, dans le grand axe de la cour, est de ce fait immédiatement accotée au flanc du bastion sud-ouest (2). Le fort comporte deux monte-charges d'’artillerie liés aux batteries haute, basse, et souterraine. L'’un, au centre de la façade de la caserne, surmonté d’'un porche haut voûté d'’arêtes, relie l’'entrée du couloir d'’accès au premier souterrain en caverne (nord) à la batterie haute et à ses magasins. L’'autre forme un large puits profond de 20m (avec escalier tournant en partie en fer), descendant au second souterrain en caverne (nord-est) depuis une salle voûtée qui termine la communication casematée entre la cour et la batterie basse est.

Les casemates et citernes casematées sont voûtées en berceau ou berceau surbaissé. Les casemates de la grande caserne sont voûtés en berceau segmentaire sur deux niveaux reliés par 2 escaliers à rampes droites. Le logement du commandant, occupant le bâtiment d'étage de la porte du fort est couvert de voûtes plates portant terrasses.

L’ensemble des maçonneries et parements du fort, revêtements d’enceinte et façades des bâtiments, est mis en œuvre en pierre calcaire dure blanche. Les parements intérieurs sont entièrement revêtus d’un enduit couvrant à la chaux hydraulique, peint ou badigeonné. Les parements des ouvrages du fort de 1872-1875 sont en moellons équarris. La brique est employée principalement dans les façades des casemates de la caserne, dans la façade du bâtiment d’étage de la porte du fort.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • brique
  • Étages
    1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte d'arêtes
    • voûte en berceau
    • voûte plate
    • voûte en berceau segmentaire
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant en maçonnerie
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours sans jour en maçonnerie
  • Autres organes de circulation
    monte-charge, rampe d'accès
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Protections

Documents d'archives

  • Archives du Génie de Toulon. Service Historique de la Défense, Vincennes : Série 1 V, Art. 8, section 1.

    1677-1875.
  • Archives du Génie. Service Historique de la Défense, Vincennes : série 4V.

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    P. 88-89, 120-121.
  • FRIJNS, M., MALCHAIR, L., MOULINS, J.-J., PUELINCKX, J. Index de la fortification française, Métropole et Outre-mer, 1874-1914. Welkenraedt : 2008.

    P. 124-125.
  • Le fort de la Croix-Faron. Dépliant 3 volets, Direction des Travaux Maritimes de Toulon : ca 1998.

Documents figurés

  • [Projet du fort de la Croix Faron] / Dessin, plume et lavis, 1843. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 V.

  • Fort de la Croix Faron, projets pour 1870-1871. Fortifications. Compléter la route du Faron. / Tirage de plan, 1870. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 V.

  • Atlas des bâtiments militaires. Ouvrages du fort de la Croix Faron. / Dessin, lavis, 1880. Service Historique de la Défense, Vincennes : 4 V.

  • Fort de la Croix Faron. / Tirage de calque, vers 1900, échelle 1/500. Service Historique de la Défense, Toulon.

Date(s) d'enquête : 2009; Date(s) de rédaction : 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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