La construction d'une nouvelle église à Saint-Raphaël en 1883 s'inscrit totalement dans le cadre de la constitution de la station de villégiature, qu'il s'agit de doter d'un édifice de culte à sa mesure. Construite à l'initiative du nouveau curé de la paroisse, l'abbé Bernard, elle est entièrement financée par les nouveaux résidents fortunés. L'architecte est un des leurs, Pierre Aublé, qui a déjà à son actif deux hôtels, deux établissement d'enseignement et de très nombreuses villas. Ce lien est souligné par l'abbé Bernard lui-même dans son discours d'inauguration, le 14 avril 1887 : Celle-ci, spacieuse et belle, dont la tête s'élève noblement sur le sol comme une reine au milieu des villas ses vassales et à laquelle la population nouvelle veut confier la garde de son avenir ! Le transfert du culte de l'ancienne église paroissiale et sa désaffectation entérine définitivement la fin du Village en temps que centre de la vie communale au profit de la station balnéaire.
Le style de Pierre Aublé est éclectique, faisant souvent référence à l'architecture de Palladio dans ses villas. A Notre-Dame-de-la-Victoire, il use d'un style que l'on qualifie en général de romano-byzantin (polychromie des appareils, dômes, décor de mosaïques ou de peintures sur fond or). Il est ici totalement dans l'air du temps où l'on voit se construire à Marseille, la cathédrale de la Major (Vaudoyer, 1852) et Notre-Dame-de-la Garde (Esperandieu, 1864), à Paris, le Sacré-cœur (Abadie, 1875) et à Lyon, Notre-Dame-de-Fourvière (Bossan, 1872). On retrouve ainsi à Saint-Raphaël, l'ordonnance générale de la façade de la Major, cantonnée par ses deux clochetons, et de Notre-Dame-de-Fourvière couronnée par un fronton triangulaire et où de faux mâchicoulis soulignent les deux tours. Mais Aublé tire en fait ses sources de l'art roman tout court en particulier de l'art roman du Poitou ou d'Auvergne. Nous y retrouvons les petits dômes à écailles de Notre-Dame-la-Grande et les arcatures aveugles, qui courent ici autour du chevet, des églises auvergnates. Dans les archives paroissiales, un petit carnet confectionné par Aublé lui-même avec des cartes de visites périmées renferme des croquis au crayon de détails des arcatures de la nef et du transept de Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand (fin 11e siècle-début 12e siècle). Plus près de lui, Aublé reprend sur le chevet les contreforts de faible saillie de l'église Saint-Pierre.
La famille de l'architecte Pierre Aublé est originaire du Lyonnais. Son père, employé des Messageries Maritimes de Rhodes avait épousé une Grecque, Marie Clidion. Pierre nait à Rhodes en 1842. Après des études à l’École Polytechnique de Lyon, il travaille comme ingénieur en Turquie à partir de 1869, puis à Saint-Raphaël à partir de 1879, appelé par Félix Martin. Aublé et Martin s’étaient connus lors de leurs études communes à l’École Polytechnique. Ils s’étaient aussi retrouvés en Turquie, lors d’un voyage d’étude de Félix Martin. En 1879, l’architecte de la ville est déjà un Lyonnais, Laurent Vianay. La première grande réalisation de Pierre Aublé est Le Grand Hôtel, à Notre-Dame, premier « palace » de Saint-Raphaël. En 1882, ce sera l’Hôtel Beau-Rivage (détruit), puis en 1882 et 1883, deux édifices d’enseignement, le pensionnat de jeunes filles de Valescure et le collège de garçons de Boulouris. Le grand chantier d’Aublé, c’est la nouvelle église paroissiale Notre-Dame-de-la-Victoire, de 1883 à 1887. Son agence compte alors 20 employés. Il construit dans le même temps une soixantaine de villas à Notre-Dame, Valescure, ou Les Cazeaux.