I. Commentaire historique
Cette ferme a été construite à l’Epoque Moderne. Elle apparaît sur la carte des frontières Est de la France, levée entre 1764 et 1778 par les ingénieurs militaires, le long d’un chemin reliant Saint-Paul-de-Vence à Vence, en passant par le vallon du Malvan.
L’analyse du bâti révèle une construction en deux étapes avec l’agrandissement du premier bâtiment par le collage au sud d'un entrepôt agricole, dont les traces du collage sont visibles sur l'élévation est, augmentant l'espace initial de la ferme d’environ un tiers. De dimensions très modeste, le bâtiment apparaît sur le cadastre napoléonien levé en 1833 avec une superficie de 38 mètres carrés au sol, comme aujourd’hui. L’extension avait donc déjà été effectuée à cette date. À cette époque, elle appartenait à Antoine-Paul Gazagnaire, colonel à la retraite. Il était également propriétaire des terrains alentours plantés d’oliviers (1833 C 104 bis), de vignes (1833 C 104 ; 1833 C 107 bis ; 1833 C 111) et d’orangers (1833 C 112), de l’aire à battre jouxtant la ferme au nord-est (1833 C 108) et de terrains labourables (1833 103 bis ; 1833 C 110). Il possédait aussi, plus bas dans le vallon, une ferme de maître (1833 C 48-49) avec ses terrains environnants (parcelles 41 à 54). Les deux exploitations devaient donc très certainement fonctionner ensemble. Il est probable qu’Antoine-Paul Gazagnaire résidait dans sa demeure au cœur du village de Saint-Paul (1833 B 253 à 257), tandis que ses fermes étaient exploitées par des métayers logeant sur place.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section C, parcelle 109).
La ferme étudiée comprend en effet deux ouvertures imposables, ce qui indique donc qu’une partie de la maison était dévolue au logis (pièce nord au deuxième niveau). À partir de 1847, toutes ces propriétés sont transmises à Honoré-Léandre Fouques, géomètre. Le nombre d’ouvertures imposables de la ferme passe à trois, mais la superficie du bâtiment n’augmente pas. Cette nouvelle ouverture correspond sans doute à une baie de logis créé à l'occasion de l'aménagement d'une pièce d'habitation supplémentaire (pièce sud au deuxième niveau). Cela se confirme notamment par l'exhaussement du plancher pour être au même niveau que la pièce nord, par la création d’un placard-niche et par l'application d'un enduit intérieur isolant.
En 1903, c’est Elisée Fouques qui hérite de la ferme. Il est propriétaire de 82 hectares de terrains (d’une valeur annuelle estimée à 1 748,48 francs), de cinq fermes (dont 1833 C 48-49 et A 506 [référence du dossier : IA06004310]), d'une maison au cœur du village (1833 B 222 à 224) et de plusieurs entrepôts agricoles (notamment 1833 A 527 [référence du dossier : IA06004296]) d’une valeur de 266 francs.
Le bâtiment étudié fut occupé jusque dans les années 1990, il est abandonné depuis et tombe en ruine. Ses environs immédiats sont envahis par la végétation et le site est difficilement accessible. L’ancien chemin reliant la ferme au vallon du Malvan est cependant toujours identifiable, mais il ne s’agit plus que d’un étroit sentier en terre battue.
Vue de situation prise de l'est.
II. Analyse architecturale
Cette ferme se situe au lieu-dit Saint-Pierre, à moins d’un kilomètre du bourg de Saint-Paul, le long d’un ancien chemin muletier reliant Saint-Paul à Vence en passant par plusieurs exploitations agricoles.
Elle comprend un unique bâtiment construit en deux phases comme l’atteste la trace du collage de la partie sud sur l’élévation est. De plan rectangulaire, la maison-bloc s’élève sur deux niveaux construits perpendiculairement à une pente abrupte, avec un étage de soubassement et un rez-de-chaussée surélevé. Ses murs sont couverts d’un enduit rustique abimé laissant apparaître sa maçonnerie en moellons calcaires, parfois avec des reprises en briques (notamment sur la partie sud au deuxième niveau de l’élévation est). La toiture, à long pans, est couverte de tuiles creuses. Les avant-toits sont marqués par un rang de génoises et les saillies de rive par un débord de tuiles.
L’accès à l’étage de soubassement se fait par une porte charretière partiellement murée sur la façade nord, construite en pierre de taille calcaire, sauf pour son arc de couvrement de forme segmentaire qui a été refait en briques. Plusieurs jours en moellons calcaires éclairent ce niveau et jouent également un rôle d'évents pour aérer l'espace intérieur.
Elévation nord, premier niveau. Porte charretière.
Le rez-de-chaussée surélevé est desservi par une porte au deuxième niveau de la façade occidentale accessible de plain-pied grâce à la déclivité du terrain. La porte est dotée d’un encadrement en brique en arc surbaissé. Deux baies éclairent l’étage, une pour chaque pièce, elles aussi couvertes d’un arc surbaissé en briques.
Elévation ouest, deuxième niveau.Elévation ouest, deuxième niveau. Porte du logis.
À l’intérieur, chaque niveau est divisé en deux pièces. L’étage de soubassement est occupé au nord par une ancienne étable couverte d’une voûte coffrée en berceau plein-cintre. Une banquette maçonnée a été installée le long du mur ouest.
Etage de soubassement, étable nord. Vue de volume prise du sud.Etage de soubassement, étable nord. Vue de volume prise du nord.
La seconde pièce, dans le prolongement de la première, est accessible par une ouverture couverte d’un linteau monoxyle, percée probablement lors de l’extension de la ferme vers le sud pour agrandir l’étable (pas de traces de gonds pour l’installation d’une porte). Elle est couverte d’un plancher qui était à l’origine plus bas et prenait naissance à la hauteur du linteau de la porte. Quatre jours ébrasés et disposés à un niveau relativement bas permettaient de ventiler la pièce. Ils sont caractéristiques d’une étable ou d’une bergerie. Le sol des deux pièces est en terre battue.
Etage de soubassement, étable sud. Vue de volume prise du nord.Etage de soubassement, étable sud. Vue du plancher de couvrement et du rez-de-chaussée surélevé.Etage de soubassement, étable sud. Mur est, jour central ébrasé.
Le rez-de-chaussée surélevé comprend deux pièces consacrées au logis. La première au nord était éclairée par deux baies, une au nord qui a été obstruée, la seconde à l’est. Le mur sud est percé d’une porte permettant d’accéder à la deuxième pièce.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce de logis nord. Angle sud-ouest.Rez-de-chaussée surélevé. Pièce de logis nord. Angle nord-ouest.
Celle-ci, probablement à usage agricole à l’origine (fenil), a été transformée pour étendre le logis sur l’ensemble de l’étage, comme l’attestent plusieurs remaniements : le plancher a été rehaussé pour être aligné avec la pièce nord (les traces de son niveau initial sont visibles à l’étage de soubassement ; de plus, les ouvertures de cet étage sont très basses par rapport au plancher actuel) ; un placard-niche a été aménagé dans l’angle nord-est ; une ancienne baie fenière a été partiellement comblée sur le mur sud ; les murs ont été enduits et peints en blanc et des carreaux de terre cuite recouvrent le sol comme pour la pièce précédente. Cet étage est couvert d’une charpente à panne faîtière et chevrons.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce de logis sud. Placard-niche dans l'angle nord-est.Rez-de-chaussée surélevé, pièce de logis sud. Charpente.
À l’extérieur un enclos délimitant une cour devant l’entrée nord existe encore. L’aire à battre n’est plus visible au nord-ouest.