I. Commentaire historique
La construction de cette ferme remonte probablement à l’Epoque Moderne. La carte des frontières Est de la France, levée par les ingénieurs militaires entre 1764 et 1778, indique l’existence d’une construction à l’emplacement approximatif de cette ferme, au nord du bourg de Saint-Paul. Le bâtiment se situe dans le lieu-dit « La Gardette » où sont représentés des terrains agricoles, à l'est d’un axe de circulation important pour l’époque, reliant Vence à Saint-Paul.
En 1833, ce chemin n'est plus figuré que de manière partielle sur le cadastre napoléonien, l’axe principal se trouvant désormais plus à l’ouest. La ferme est alors clairement identifiable et l’état des sections nous apprend qu’il s’agit d’un ensemble de plan rectangulaire, d’une superficie de 346 mètres carrés, doté de cinq ouvertures imposables. Son plan correspond à la construction aujourd'hui en ruine qui comprenait alors le logis avec sa dépendance agricole accolée au nord, sa resserre et son four à pain à l’est. La ferme appartient à cette époque à Louis Varage, propriétaire à Saint-Paul. Ses terrains alentours sont plantés d’oliviers (environ neuf hectares répartis sur les parcelles 400, 476, 507, 511 et 540), mais une large part reste boisée (environ 10 hectares répartis sur les parcelles 508 et 539). L'ensemble s'élève à environ 28 hectares pour un revenu annuel estimé de 690,87 francs.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section A, parcelle 506).
À partir de 1879, la ferme est divisée entre deux propriétaires à parts égales (170 mètres carrés chacun). La partie habitable avec les cinq ouvertures va à l’un, tandis qu’aucune ouverture n’est déclarée sur celle appartenant à l’autre, ce qui suppose que ce dernier obtint peut-être un espace agricole en guise de compensation. Cette partie appartint notamment par la suite à un fermier lors d’une courte période entre 1880 et 1888, ce qui sous-entend le maintien d'un usage agricole.
À compter de 1888, ladite partie de la propriété entre en possession de la famille Fouques. C’est Honoré Léandre, géomètre de première classe qui l’acquiert et la transmet ensuite en 1892 à son héritier, Aimé Fouques, docteur en médecine à Cannes. En 1897, l'autre partie de la ferme, celle comprenant le logis, lui revient également. En 1903, Elisée Fouques en hérite. Outre ses propriétés foncières non bâties – 82 hectares pour un revenu annuel estimé de 1 748,48 francs (un montant qui le situe dans la frange riche de la population locale) – il possède cinq fermes, une maison dans le cœur du village et des bâtiments agricoles d’une valeur de 266 francs.
En 1913, l’ensemble des terres entourant la propriété étudiée ne sont plus que des terrains en friche ou boisés. Aucune culture n’est signalée, la ferme n'est probablement plus en activité. Il est même possible que les lieux soient abandonnés et cela pour de nombreuses années encore, puisqu’en 1926, la maison est indiquée dans les matrices cadastrales comme démolie. Elle reste imposée au sol en tant que propriété non bâtie d’une superficie de 320 mètres carrés.
L’ensemble de la ferme n’a pas été entièrement détruit : l’entrepôt agricole au nord, une partie de la pièce voutée au sud et le four à pain au sud-est semblent constituer les restes des constructions primitives démolies entre 1913 et 1924.
Le domaine connut un nouvel élan avec le réaménagement d’une maison sur l’angle sud-ouest des ruines de la ferme, puis par une extension de logis au sud entièrement créée sur une portion de la parcelle 507 signalée en friche en 1913. Il s’agit de l’actuel bloc sud-est. L'ensemble bâti, en incluant les ruines, forme alors un plan en L. Des photos prises peu avant la Deuxième Guerre mondiale montrent la ferme dans cette configuration. À cette époque les parties ruinées ont été couvertes d'une toiture constituée de tôles ondulées. Des serres ont ensuite été installées sur les anciennes terrasses de cultures pour la production de fleurs, participant au renouveau agricole du domaine (source orale).
En 1997, la propriété en mauvais état est une première fois rénovée par la famille Fournier, héritière des Fouques. Elle est depuis utilisée comme résidence secondaire. Un projet de rénovation du site est actuellement en cours d'élaboration.
Vue d'ensemble prise du sud-est. À gauche, la maison reconstruite après 1926 ; à droite la ferme en ruine avec le four à pain au premier plan et la maison-bloc dans le prolongement.
II. Analyse architecturale
II.1. Situation et composition d'ensemble
Cette ferme se situe à deux kilomètres au nord du village de Saint-Paul, en milieu isolé. Elle est entourée de bois et de terrasses de cultures dissimulées sous un couvert boisé.
Vue d'ensemble de la ferme prise dans son environnement depuis le sud-est. La ferme est cernée par les bois à l'exception du champ au sud. Vue d'ensemble prise du nord-ouest.
Abords au nord de la ferme. Anciennes terrasses de culture dissimulées sous les bois. Abords au nord-est de la ferme. Chemin traversant les bois. Vue prise du sud.
Elle se composait initialement d’une maison-bloc en hauteur de plan rectangulaire, construite sur un terrain plat, d’un entrepôt agricole accolé sur toute sa largeur au nord et muni d’une petite resserre à l’est, d’un four à pain au sud-est, enfin d’une cour au sud ayant pu servir d’aire à battre. La ferme était entourée de champs d’oliviers de toutes parts.
Relevé avec plan de distribution des différents niveaux de la ferme.
II.2. Bâtiment du logis
II.2.a. Organisation générale et mise en œuvre
La maison-bloc présente au moins deux niveaux d’élévation avec un rez-de-chaussée et un étage carré. Elle est construite en maçonnerie de moellons calcaires, avec un enduit à pierres vues. Elle présente certains encadrements en pierres de taille calcaire, d’autres en briques ou en moellons calcaires. La toiture, à un pan, était probablement couverte de tuiles creuses. Les avant-toits et les saillies de rive n’existent plus.
La façade ouest de la maison bloc correspond à la partie reconstruite après 1926, qui a pu conserver son allure ancienne. Le premier niveau était peut-être dévolu à des fonctions agricoles considérant le jour étroit au milieu du mur. Les deux baies de cette façade ont été refaites.
L’élévation sud a en grande partie disparue. Il ne reste que la moitié est du mur, sur deux niveaux, sans toiture.
Bâtiment du logis. Elévation sud et intérieur de la maison en ruine. Vue prise du sud-ouest.Bâtiment du logis. Elévation sud, partie est.
La façade orientale est la mieux conservée mais ne concerne que des parties agricoles. Un escalier extérieur droit maçonné, perpendiculaire (situé entre le four à pain au sud et la resserre au nord), permet d’accéder au deuxième niveau de l'élévation. Une porte encadrée de briques se trouve dans l’alignement de l’escalier mais son arc a disparu.
Batiment du logis, élévation est. Escalier extérieur.
La façade nord de la maison-bloc est plus haute que l’entrepôt agricole s'y accolant. Deux accès se trouvent au premier niveau de cette façade (actuellement visible depuis le sud) : celui à l’ouest est plus large que le suivant à l’est, mais les encadrement sont tous les deux construits en moellons calcaires et couverts d’un arc segmentaire. La maison-bloc et la remise-étable communiquaient donc au premier niveau de l'élévation.
II.2.b. Fonctions et aménagement intérieurs
Le rez-de-chaussée de la maison-bloc était sans doutes dédié à des parties agricoles, avec probablement des étables ou des bergeries sur les deux-tiers de la partie ouest, tandis qu’à l’est se trouve une pièce voûtée en berceau avec un reste de citerne dans la partie nord, le reste de la pièce ayant pu servir de cellier. L'étage carré était dévolu au logis, à l’exception de la pièce située au-dessus de la salle voûtée. Cette hypothèse tient à l’observation de la maçonnerie et des ouvertures anciennes conservées. De plus, cette partie est séparée de la précédente par les restes d’une paroi perpendiculaire enduite seulement au deuxième niveau sur sa face ouest. Les autres parties ne sont pas enduites et présentent des accès avec des encadrements caractéristiques de parties agricoles. En outre, l'accès indépendant par un escalier de distribution extérieur dédié laisse également supposer une autre fonction. L'hypothèse moins probable d'un logis indépendant peut aussi être envisagée.
Bâtiment du logis, rez-de-chaussée. Vue de l'ancienne pièce voûtée prise de l'ouest.Bâtiment du logis, rez-de-chaussée. Ancienne pièce voûtée, mur nord.
c. Reconstruction après 1926
Les travaux de reconstruction de la ferme intervenus entre 1926 et la Seconde Guerre mondiale ont modifié la configuration initiale des lieux avec l'adjonction d'un nouveau bâtiment au sud-ouest de la maison-bloc initiale, formant un plan d'ensemble en L. L'angle sud-ouest de la maison-bloc a été rénové. Cette partie s'élève sur deux niveaux avec une entrée à l'est au centre de la façade et des baies au premier et au deuxième niveaux de la façade ouest. L'enduit est lisse à l'est et à pierres vues à l'ouest. La nouvelle construction accolée au sud présente un plan rectangulaire et s'élève sur deux niveaux avec un rez-de-chaussée et un étage carré. Ce bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires à l'exception des chaînes d'angles qui sont en pierre de taille calcaire. Les ouvertures sont couvertes de briques ou de linteau en bois. Cette partie est entièrement dédiée au logis.
II.3. Dépendances
II.3.a. Entrepôt agricole
La maison-bloc a été rapidement voire peut-être même simultanément dotée d’un entrepôt agricole de superficie équivalente qui s’étend sur toute sa longueur au nord. Il comprend deux niveaux avec un rez-de-chaussée et un étage de comble. Comme le bâtiment du logis, il est construit en maçonnerie de moellons calcaires avec un enduit à pierres vues. Il est couvert d’un toit à un pan, initialement composé de tuiles creuses, aujourd’hui de tôles ondulées. Son niveau était légèrement plus haut à l’origine, comme l’atteste le départ de toiture avec des tuiles creuses accolées au bâtiment du logis à l’ouest.
Bâtiment agricole. Vue d'ensemble prise du nord-est.
La façade occidentale comporte un accès en partie basse. Il s’agit d’un porte piétonne couverte d’un linteau monoxyle.
Bâtiment agricole. Elévation ouest, premier niveau. Porte piétonne.
La façade nord est aveugle. Celle à l’ouest comprend une porte charretière au premier niveau avec un encadrement en pierre de taille calcaire en arc en anse de panier. Elle est fermée par une porte à deux vantaux en menuiserie constitués de planches horizontales cloutées. Une large porte fenière construite en moellons calcaire et couverte d’un arc segmentaire se trouve au second niveau de l’élévation. Elle est accessible par le même escalier que celui desservant la maison-bloc, puis par l’intermédiaire d’un repos aménagé sur la resserre à l’est de l’entrepôt.
Bâtiment agricole, élévation est.
À l’intérieur, il ne demeure aujourd’hui qu’un volume unique servant de remise. Initialement, un plancher devait séparer cet espace en deux niveaux avec une remise ou une étable au rez-de-chaussée et un fenil à l’étage de comble. Il est également probable que le premier niveau était divisé en deux espaces puisqu'il existe deux accès vers la maison-bloc.
Batiment agricole. Etage carré, vue de volume prise de l'est.
Une resserre a été ajoutée à l’est de l’entrepôt, à gauche de la porte charretière. Elle a probablement été construite en même temps que l’entrepôt agricole car elle fonctionne avec celui-ci. De plan rectangulaire et de dimensions très modestes, elle présente la même mise en œuvre que le reste de la ferme. Elle ne possède pas de toiture car sa couverture sert de repos pour accéder au fenil. Elle est éclairée par un jour sur sa face nord. Son accès se fait depuis l’intérieur de l’entrepôt agricole, par une porte ouverte dans le mur est. Elle est couverte d’une voûte maçonnée.
II.3.b. Four à pain
Un four à pain a été construit à l'angle sud-est de la maison-bloc.
Au nord, il s'appuie sur l’escalier extérieur, à l'ouest, sur la maison-bloc comme l'atteste le collage bien visible. De plan rectangulaire, il est construit en moellons calcaires avec un toit en appentis couvert de tuiles creuses. L’avant-toit est constitué d’un rang de génoises et la saillie de rive d’un débord de tuiles. La porte du four se situe sur l’élévation sud. Elle présente une entrée englobante avec l’avaloir aménagé devant la bouche pour l’évacuation de la fumée. Cette entrée sert également d’appui pour l’enfournement et le défournement avec des blocs de pierre calcaire équarris. La bouche, étroite et cintrée, se ferme par une porte en fer avec un loquet et un jour amovible pour voir l’intérieur du four sans ouvrir la porte.
Four à pain, élévation sud. Bouche du four, porte du four et avaloir.
Sur l’élévation est, un potager a été aménagé avec un trou-creuset et un cendrier en-dessous. Aujourd’hui il est doublé d’un barbecue en avant de cette installation.
Four à pain. Elévation est, ancien potager.
II.3.c. Hypothèse de l’existence d’un moulin à huile
La présence d’une meule dans le jardin, aujourd’hui utilisée en tant que table de jardin, mais autrefois entreposée dans la remise, interroge sur l’existence éventuelle d’un moulin à traction animale dans le bâtiment (localement appelé moulin à sang). Aucun canal d'amenée d'eau n'a été repéré. La prédominance de la culture de l’olive aux alentours immédiats de la ferme, au moins tout au long du 19e siècle, mais probablement bien avant, abonde en ce sens.
Jardin à l'est de la ferme. Ancienne meule issue d'un moulin à huile convertie en table .