I. Commentaire historique
Cette maison a probablement été construite entre la seconde moitié du 16e siècle et le début du 17 siècle, considérant ses caractéristiques architecturales (encadrements de la porte du logis et présence de croisées à différents niveaux).
Elle a été bâtie au moins en deux temps, du sud vers le nord, mais doit cependant être envisagée comme un ensemble au vu de son homogénéité (maçonnerie et chaînages d’angle de même facture) et de sa distribution intérieure qui relie les deux bâtiments par un escalier dans le bloc sud. Cette demeure, visiblement d’importance eu égard à son emplacement, a probablement été construite pour accueillir une famille (bloc sud), puis rapidement étendue au nord par une deuxième unité d’habitation, l’ensemble réuni derrière une large façade donnant sur la rue principale du village et entourée de maisons de notables. Cette hypothèse peut être renforcée par la présence, dans le vestibule du premier étage du bloc sud, d’un encadrement en pierre de taille avec un linteau sculpté imitant d’autres linteaux datés de 1511 et 1516 observés dans le village. Il marque l’entrée d’un appartement privatif situé dans la partie nord de la maison à l’étage noble.
De nombreux remaniements sont lisibles sur les trois façades, notamment en ce qui concerne les baies. Seule une croisée demeure intacte, mais des restes d’éléments lapidaires indiquent qu’il en existait d’autres. Un certain nombre d’encadrements ont été refaits en brique (boutique, fenêtres du deuxième et du troisième niveaux), peut-être au 18e ou au 19e siècle.
En 1833, la maison semble avoir perdu son importance sociale et elle est figurée séparée en deux petites parcelles sur le cadastre dit napoléonien. La parcelle 241, au sud, appartient alors à Joseph Berrard, cultivateur. Sa superficie au sol est de 65 m2 et elle compte cinq ouvertures imposables. La parcelle 242, au nord, est divisée en deux lots : Jean-Baptiste Layet, percepteur à Cagnes, est propriétaire du sol de 74 m2, ainsi que d’une partie de la maison comprenant deux ouvertures imposables, possiblement le premier étage de l’habitation ; Jean Consa, maçon, possède une autre partie de la maison dotée de trois ouvertures imposables, ce qui correspond très probablement au deuxième étage. Les deux parcelles et les trois lots sont rassemblés en une seule propriété en 1876 par Jean Issert, fils de Paul. L'ensemble se transmet ensuite entre les différents membres de la famille Issert à compter de 1888.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section B, parcelles 241 et 242).
Une photo prise dans la première moitié du 20 siècle montre que la façade principale était enduite et que les fenêtres étaient équipées de contrevents. Aujourd’hui, la maison est sur une seule et grande parcelle cadastrale, mais elle est divisée en plusieurs lots : deux boutiques distinctes occupent le rez-de-chaussée, deux appartements se trouvent au deuxième niveau et un seul au troisième et quatrième niveaux.
Deux terrasses ont été récemment aménagées à l'extrémité ouest de la toiture.
II. Analyse architecturale
La maison se situe dans la partie sud du bourg intra-muros. Mitoyenne à l’est, sa façade principale est longée à l’ouest par la rue Grande, tandis que ses murs pignons sont bordés au sud par la rue du Pontis, au nord par une impasse en partie abritée par un passage couvert relié à la maison.
II.1. Organisation générale et mise en œuvre
Le bâtiment se compose de quatre niveaux avec un rez-de-chaussée, deux étages carrés et un étage de comble. Les deux derniers niveaux incluent le passage couvert construit parallèlement à la façade nord.
Vue d'ensemble prise du nord-ouest.
La maison est construite en maçonnerie de moellons calcaires ponctuellement assisés, notamment en partie basse. Les chaînes d’angle sont en pierre de taille calcaire, y compris celle au centre de la façade ouest, témoignant du collage du bloc nord. L’enduit est à pierres vues à l’exception des murs pignons nord qui ont récemment été couverts d’un enduit lisse. L’avant-toit est bordé de deux rangs de génoises, chacun souligné d’un filet de carreaux de terre cuite, l’ensemble peint en blanc. Les saillies de rive sont constituées d’un débord de tuiles. La toiture, à un pan, est couverte de tuiles creuses.
II.2. Organisation de la façade principale à l'ouest
La façade principale s’étend sur quatre travées irrégulières. La porte du logis se situe à l’extrémité sud de celle-ci. Elle a fait l'objet d'un traitement particulièrement soigné, signalant l'importance de son commanditaire. Elle possède un encadrement en pierre de taille calcaire avec un arc délardé en anse-de-panier. Celui-ci est mouluré d’un tore et d’un cavet séparés par un filet qui pénètrent les montants des piédroits. Un larmier retourné couvre l’ensemble avec des moulurations similaires mais sans pénétration. Les bases de la porte sont également moulurées, mais la modénature n’est plus lisible. Cet exemple, unique dans le village, peut être rapproché d'un modèle similaire observé à Puget-Théniers sur une maison de notable1.
Angle sud-ouest, premier niveau. Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis.
Une deuxième ouverture encadrée de briques et couverte d’un arc segmentaire marque l’entrée de la boutique au nord de la façade.
Elévation ouest, premier niveau. Porte de la boutique.
Le deuxième niveau est ajouré de trois grandes baies en briques et d’une petite baie éclairant la cage d’escalier dans-œuvre, encadrée d’éléments lapidaires provenant d’une croisée en remploi, peut-être située autrefois à un autre emplacement sur la façade.
Elévation ouest, partie sud, deuxième et troisième niveaux.Elévation ouest, partie sud, deuxième niveau. Baie avec un encadrement utilisant des éléments lapidaires en remploi provenant d'une croisée. Elévation ouest, partie nord, deuxième niveau. Détail de la chaîne d'angle au centre.Elévation ouest, partie nord, deuxième et troisième niveaux.Elévation ouest, partie nord, troisième niveau. Passage couvert.
Le troisième niveau reprend la même configuration. A l’extrémité sud, dans l’alignement de la porte du logis, une croisée chanfreinée a été installée. Le passage couvert, au nord, est éclairé d'une baie qui remplace peut-être une ancienne demi-croisée.
Elévation ouest, partie sud, troisième niveau. Croisée chanfreinée.Elévation ouest, partie nord, troisième niveau. Baie.
II.3. Organisation des façades latérales au nord et au sud
La façade nord était auparavant ouverte au premier niveau par une baie en moellons en arc segmentaire.
Elévation nord, premier niveau.
Celle au sud présente plusieurs ouvertures récentes, à l’exception d’une porte au premier niveau, en pierre de taille couverte d’un arc en anse de panier menant à la boutique. L’étage de comble, visible uniquement sur cette façade, a été percé de deux baies.
Elévation sud, premier niveau.Elévation sud, premier niveau. Porte. Elévation sud, deuxième, troisième et quatrième niveaux.
II.4. Aménagements intérieurs et distribution
A l’intérieur, la maison est occupée au premier niveau par deux boutiques indépendantes.
Relevé avec plan de distribution des trois premiers niveaux de la maison.
Celle du bloc nord occupe toute la superficie de l’ancienne parcelle 242. Elle est divisée en deux espaces par un arc doubleau segmentaire en pierre de taille. Quatre culots en pierre de taille soutiennent un plancher à pannes.
Rez-de-chaussée, partie nord, boutique. Vue de volume prise de l'ouest.
La boutique du bloc sud se développe sur deux pièces, également couvertes d’un plancher. Un vestibule succédant à la porte du logis permet d’y accéder. Celui-ci dessert également les étages supérieurs par un escalier tournant disposé en front de parcelle dans l’angle nord-ouest de l’ancienne parcelle 241. Il est maçonné, cependant, à partir de la volée à quartier tournant, les marches ont été couvertes de tomettes et les nez-de-marches sont en bois. A compter de ce niveau, il adopte une configuration en rampe-sur-rampe.
Rez-de-chaussée, partie sud, vestibule. Vue de volume de l'escalier prise du sud. Premier étage carré, partie sud, palier. Vue de l'escalier prise de l'est menant au rez-de-chaussée.
Cet escalier mène à un palier au premier étage carré qui dessert deux logis, le premier dans le bloc sud, le second dans celui au nord. La porte du logis nord présente un encadrement en pierre de taille élaboré à linteau sur coussinets moulurés. Le linteau, relativement haut, est orné de motifs géométriques et végétaux autour d’un blason qui a été martelé. Il imite deux linteaux du début du 16e siècle observés rue Grande, ornant l'entrée de demeures bourgeoises. Le style de ce linteau, simple et élégant, signale des appartements de notables, déjà annoncés par la porte d'entrée donnant sur la rue et évoquée précédemment. Les piédroits sont chanfreinés. La partie est de l’encadrement est prise dans la maçonnerie de la cloison est.
Premier étage carré, partie sud, palier. Porte de l'appartement privatif dans la partie nord. Premier étage carré, partie sud, palier. Encadrement de l'entrée de l'appartement privatif de la partie nord. Détail du linteau sculpté.
Maison (2022 AY 163). Porte du logis. Détail du linteau sculpté monolithe sur coussinets avec l'inscription : 1511 DIE 5 MSMI.Maison (2022 AY 251). Porte du logis. Détail du linteau sculpté monolithe sur coussinets avec l'inscription :1516 DIE 18 DEIUN.
L’escalier se poursuit par un retour et est cloisonné par la porte de l’appartement supérieur qui occupe le troisième et le quatrième niveaux.