I. Commentaire historique
Cette maison, située le long de l'axe principal du village, matérialisé par la rue Grande, a pu être construite à la fin du Moyen Age, voire au 16e siècle, considérant les ouvertures du premier niveau de la façade est et le passage couvert.
19.- Cote d’Azur. – SAINT-PAUL (A.-M.) / Amorce de la rue Casse-Cou. [Vue de la rue du Casse-Cou prise de l’ouest, première moitié du 20e siècle].
Cette propriété de notables a notamment appartenu à Joseph Cadry, notaire à Saint-Paul entre 1683 et 1733. La cheminée monumentale située au premier étage carré est à rapprocher stylistiquement de cette époque. En 1833, la maison occupe deux parcelles sur le cadastre napoléonien et appartient alors à plusieurs propriétaires. Celle de la parcelle 302, à l’est, a été séparée en trois lots : Gaspard Aubour, militaire, possède le sol et une partie de la maison dotée d’une ouverture imposable ; Antoine Athanase Muraire, huissier au Bar-sur-Loup, possède une partie de la maison comprenant deux ouvertures imposables ; enfin Charles et Pierre Dechaillon, propriétaires à Cagnes, détiennent le dernier lot avec quatre ouvertures imposables. La parcelle 303, à l’ouest, est déclarée en tant qu’entrepôt agricole avec une écurie appartenant à Antoine-Athanase Muraire et une cave à Gaspard Aubour.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section B, parcelles 302 et 303).
Ces lots sont rassemblés en 1870 par Antoine Bourillon, à l’exception de la partie des Dechaillon (comprenant les quatre ouvertures imposables). Celle-ci pourrait correspondre au deux derniers niveaux de la façade ouest puisque l'élévation diffèrent du reste de la maison avec un enduit à la tyrolienne et quatre baies encadrées d’un enduit moulé. Ces travaux ont probablement eu lieu au début du 20e siècle, tandis que le reste de la construction conserve son apparence vernaculaire.
D’autres remaniements ont été effectués, notamment sur la façade est, comme l’atteste une carte postale du début du 20e siècle montrant la baie boutiquière murée et remplacée par une simple baie de logis. Dans les années 1970, une photo montre que celle-ci a été transformée en porte avant de retrouver son ampleur originelle sous l’arc en anse de panier en partie reconstitué par l’ajout de nouveau claveaux. Cet espace est aujourd'hui occupé par un commerce, tandis que le reste de la maison est dévolu à la fonction de logis. Une tropézienne a été aménagée dans la partie sud-ouest de la toiture au cours du 20e siècle.
Elévation est, premier niveau. Vers 1970.
II. Analyse architecturale
La maison se situe dans la partie sud-ouest du bourg intra-muros.
Vue aérienne de la partie sud du bourg. La maison (2022 AY 162) est au centre.
Elle est mitoyenne sur la totalité de son élévation sud, partiellement pour les élévations ouest (deux premier niveaux) et nord. Sa façade principale, sur le mur gouttereau à l’est, est bordée par la Placette et la rue Grande, tandis qu’au nord la maison s’élève sur un passage couvert abritant la rue du Casse-Cou. Adossée parallèlement au sens de la pente, la maison s'étend sur 64 mètres carrés au sol. Elle se compose de cinq niveaux avec un étage de soubassement accessible au nord sous le passage couvert, un rez-de-chaussée surélevé accessible à l’est, deux étages carrés et un étage de comble. Ces trois derniers niveaux sont traversant d'est en ouest et leur superficie comprend aussi le passage couvert construit parallèlement à la façade est.
La maison a été remaniée de nombreuses fois, comme l’attestent en premier lieu ses changements de mise en œuvre : les deux premiers niveaux de la façade nord, sous le passage couvert, sont construits en maçonnerie de petits moellons calcaire, relativement bien assisés ; une partie de la façade orientale est en pierre de taille calcaire de moyen appareil, comme la chaîne d’angle harpée au nord, ce qui témoigne de l'importance de son commanditaire ; le reste des élévations visibles est en moellons calcaires assemblés assez grossièrement. L’enduit est à pierres vues, à l’exception des deux derniers niveaux de la façade ouest recouverts d’un enduit à la tyrolienne de couleur rose.
Elévation est.Elévation ouest, quatrième et cinquième niveaux.
Le premier niveau de la façade principale possède deux entrées : une dédiée au logis au sud et une baie commerciale au nord. Celle du logis présente un encadrement en pierre de taille calcaire couvert d'un arc en plein cintre avec arêtes chanfreinées. Celle de la boutique est encadrée d’un arc segmentaire en pierre de taille calcaire avec arêtes vives. Une corniche moulurée d’un tore et d’un cavet décore la partie supérieure de la porte du logis, mais on peut supposer qu'elle se prolongeait initialement sur toute la largeur du mur pour marquer le passage entre deux niveaux, telle qu'on en observe sur plusieurs façades de maisons bourgeoises du village.
Elévation est, premier niveau. Porte du logis.Elévation est, premier niveau. Baie commerciale.
Au-dessus, quatre trous de boulin régulièrement espacés et alignés scandent la travée du deuxième niveau. Celui-ci est ajouré d’une baie centrale façonnée au mortier et couverte d’un linteau monoxyle, qui remplace probablement une ancienne baie en pierres de taille considérant les blocs calcaire l’entourant. Une seconde baie, légèrement plus haute se situe dans l’axe de la porte du logis et permet d’éclairer l’escalier dans-œuvre. La même disposition s’observe pour le niveau supérieur. Le dernier niveau est percé d’une petite baie de séchoir au centre de la façade.
Au nord de cette élévation, un passage couvert a été inclus dans la construction au-dessus de la rue du Casse-Cou.
Vue d'ensemble prise du nord. Au premier niveau, le passage couvert permet d'emprunter la rue du Casse-Cou vers la droite. Elévation est, premier niveau. Passage couvert.
Il se compose de deux travées très différentes : la première, à l'est, est couverte d’une voûte d’arêtes qui repose sur des culots. Elle est ouverte au nord et à l’est sur la rue Grande par deux grandes arcades en arc en anse de panier en pierre de taille calcaire, dont les retombées sont réceptionnées par des impostes taillées en quart-de-rond.
Passage couvert, travée orientale. Voûte d'arêtes.Passage couvert, travée orientale. Arcade nord.
La seconde, à l'ouest, est couverte d'un plancher à pannes et solives. Elle beaucoup plus longue que la première travée et se termine par une arcade de même facture que les deux précédentes.
Passage couvert sur la rue du Casse-Cou. Vue prise de l'est.Passage couvert sur la rue du Casse-Cou. Vue prise de l'ouest.
La façade nord de la maison comprend deux niveaux sous le passage couvert, avec deux accès encadrés de pierres de taille calcaire et couverts d’un arc en plein cintre extradossé qui correspondent probablement aux deux entrées de l’ancien entrepôt agricole. Deux baies se situent au-dessus de chacune d’elles. Les ouvertures plus à l’est ont été récemment modifiées.
Elévation nord, sous le passage couvert. Premier niveau, portes agricoles (cellier ou remise).
La façade ouest est éclairée par une fenêtre couverte d’un linteau en bois au troisième niveau au-dessus du passage couvert, tandis que les deux derniers niveaux en possèdent deux. Celles-ci sont encadrées d’un enduit moulé blanc.
Elévation ouest, troisième, quatrième et cinquième niveaux.
L’avant-toit de la façade est de la maison est bordé de deux rangs de génoise, tandis que celui de la façade ouest n’en présente qu’un. Les saillies de rives des murs pignons sont constituées d’un débord de tuiles. La toiture, à longs pans, est couverte de tuiles creuses, à l'exception de la partie sud-ouest où une tropézienne a été aménagée.
L’étage de soubassement est réservé aux parties agricoles avec une ancienne étable et une cave qui pouvait servir de cellier ou de remise. Le rez-de-chaussée surélevé est dévolu au commerce. La porte du logis, accessible à ce niveau sur la façade est, dessert les trois étages par un escalier droit maçonné situé en front de parcelle. Les deux étages carrés sont dédiés au logis, de même pour l’étage de comble, avec un espace accueillant un séchoir. Une cheminée monumentale a été repérée Jeanne Faure dans les années 1970. Située dans une pièce du premier étage carré, elle présente un manteau en stuc avec les chambranles décorés de gypseries représentants chacun une tête d'enfant soutenant la tablette de la cheminée. Le décor se prolonge sur les jouées par des volutes et des éléments végétaux. La hotte est ornée d'un médaillon feuillagé.
Premier étage carré. Cheminée. Premier étage carré. Cheminée. Détail de la jouée gauche du manteau de la cheminée.
Historienne de Saint-Paul-de-Vence. A ce titre, elle a participé, dans les années 1970, au pré-inventaire de la commune de Saint-Paule-de-Vence.