I. Commentaire historique
Cette maison, située au cœur du village, a probablement été construite à la fin du Moyen Âge. Le passage couvert, lui ayant valu l’appellation du « pontail », a été ajouté postérieurement à la première construction pour créer une extension de celle-ci sans gêner la circulation dans la rue principale du bourg, tout en abritant l’entrée de la demeure. Cette dernière a été avancée d’environ 60 centimètres sur la rue, peut-être lors de ce nouveau chantier, puisque sa maçonnerie en pierre de taille diffère de celle du mur en retrait en moellons calcaires, qui comporte notamment un reste d’arc en plein-cintre en pierres de taille calcaire, en partie dissimulé derrière le porche d’entrée. Ce passage couvert est à rattacher au 15e siècle, voire au 16e siècle, considérant des éléments architecturaux caractéristiques de cette époque (arcade, porte du logis à linteau délardé en accolade, croisée chanfreinée).
[Vue du Pontail prise du nord, première moitié du 20e siècle.] [Vue du Pontail prise du sud, première moitié du 20e siècle.]
Au 18e siècle, la maison fait partie des possessions du chapitre de la collégiale de Saint-Paul. Elle est ensuite vendue comme bien national le 13 vendémiaire An VI (octobre 1797) à Hyacinthe Mougins, propriétaire à Saint-Paul et ancien chanoine de la collégiale.
En 1833, elle apparait sur le plan cadastral napoléonien dans les mêmes dispositions qu’aujourd’hui. La maison appartient alors à Joseph Lambert, ménager. D’une superficie de 88 mètres carré au sol, elle possède 6 ouvertures imposables. Son élévation orientale fait face à un jardin d’une superficie de 94 mètres carrés. A cette époque, c’est Pierre Joseph Layet qui en est propriétaire.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section B, parcelles 278 et 279).
Des remaniements ont été opérés sur la maison, notamment sur la façade ouest au cours du 20e siècle. Le rez-de-chaussée, dédié à des parties agricoles, a été aménagé en boutique, les ouvertures ont été refaites et l’ensemble de la façade a été enduite.
Le passage couvert est inscrit au titre des Monuments historique le 21 octobre 1932.
II. Analyse architecturale
Le bâtiment se situe dans la partie sud du bourg intra-muros. Il est bordé au nord par la rue du Pontis, à l’ouest par la rue Grande, axe principal et traversant du village.
II.1. Organisation générale et mise en œuvre
La maison, de plan rectangulaire, a été étendue à l’ouest par un second volume qui enjambe la rue Grande, grâce à la construction d’un passage couvert de deux niveaux perpendiculaire au bâtiment principal.
Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
A l’est, la maison s’ouvre sur un jardin clos, cerné par deux ruelles : celle du Pontis au nord et à l’est et celle du Plus-Bas-Four au sud. La maison, érigée sur une légère pente, présente trois niveaux : un rez-de-chaussée et deux étages carrés. Elle est construite en maçonnerie de moellons calcaires, y compris les chaînes d’angle, avec un enduit à pierres vues ponctué de gypse à l’est et récent pour les autres façades. Ce dernier n’est pas totalement couvrant, ce qui permet de distinguer la maçonnerie du porche d’entrée, en avant de la façade ouest, construite en pierres de taille calcaires. L’avant-toit de la façade ouest de la maison est bordé de deux rangs de génoise, tandis que ceux du Pontail et de la façade est n’en présentent qu’un. Les saillies de rive des murs pignons sont constituées d’un débord de tuile. La toiture, à longs pans pour les deux volumes, est couverte de tuiles creuses.
Vue d'ensemble prise du nord-est.
II.2. Organisation des différentes façades
La façade principale, à l’ouest, présente trois entrées : la première au nord, sous le passage couvert, dessert le logis et présente un encadrement en pierres de taille calcaire couvert d’un arc délardé en accolade et mouluré de deux cavets séparés par un filet. La courbe supérieure de l’arc a généré deux écoinçons entre celui-ci et la plate-bande supérieure.
Passage couvert, premier niveau. Vue prise du nord.Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis.Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis, détail du linteau délardé en accolade.
Les deux entrées suivantes, vers le sud, desservent actuellement la boutique mais autrefois une étable et peut-être un cellier. Celle au centre était initialement couverte d’un linteau monoxyle, tandis que celle au sud présentait un encadrement en arc en plein cintre. Au nord, une porte en pierre de taille en plein cintre permet d’accéder au jardin.
Muret clôturant le jardin. Elévation nord, premier niveau. Porte d'accès au jardin.
Les deuxième et troisième niveaux de chaque façade sont percés de baies récemment harmonisées, façonnées au mortier, parfois avec feuillure, pouvant être occultées par des persiennes.
Elévation ouest, deuxième et troisième niveaux.
Seule une baie du deuxième niveau du mur pignon nord présente un encadrement beaucoup plus ancien : il s’agit d’une demi-croisée chanfreinée, remplaçant une précédente ouverture en arc en anse-de-panier en pierre de taille calcaire. Cette fenêtre doit être rapprochée de la construction du passage couvert qui présente sur sa façade nord une croisée chanfreinée avec les mêmes profils.
Elévation nord, deuxième niveau. Demi-croisée chanfreinée.Passage couvert, élévation nord.
II.3. Le passage couvert dit du Pontail
Il s’élève sur deux grandes arcades en anse-de-panier en pierres de taille calcaires dont les retombées sont réceptionnées sur la façade ouest par des impostes taillées en quart-de-rond (de même pour la façade est de la maison lui faisant face). Le passage est couvert d’un plancher à solives soutenu par des culots placés au-dessus des portes de chaque logis.
Passage couvert, premier niveau. Vue prise du sud.
Le deuxième niveau est ajouré de deux grandes baies de chaque côté, notamment celle à croisée au nord. Une petite niche, couverte d’un linteau monoxyle, abrite une statue de la Vierge, à l’ouest de la baie de la façade sud. Le troisième niveau est éclairé d’un petit jour au nord et au sud.
Passage couvert, élévation sud, deuxième et troisième niveaux.
II.4. Fonctions et aménagements intérieurs
La distribution intérieure n’est pas connue car il n’a pas été possible de visiter la maison lors de l’enquête, mais la disposition de la maison suppose l’existence d’un escalier dans-œuvre desservant les deux étages. Les fonctions de chaque niveau sont lisibles depuis l’extérieur : le rez-de-chaussée était partiellement dédié à un usage agricole au sud-ouest (étable ou remise), ainsi qu’à une partie de logis au nord depuis la porte d’entrée sous le passage couvert et probablement vers l’est avec des espaces ouverts sur le jardin d’agrément ; les deux étages carrés étaient visiblement réservés au logis.
Historienne de Saint-Paul-de-Vence. A ce titre, elle a participé, dans les années 1970, au pré-inventaire de la commune de Saint-Paule-de-Vence.