Contexte topographique et historique
Cette borne fait partie d'un ensemble d’artefacts qui matérialisaient la limite entre les territoires des actuelles communes de Rosans (Hautes-Alpes) et de Verclause (Drôme) – et donc aujourd'hui entre les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes. Cette matérialisation a été rendue nécessaire là où la limite entre les deux territoires ne suit pas de ligne topographique évidente (crête ou cours d'eau).
Cette limite communale partage le petit plateau de Saint-Jaume, site probable d'un ancien oppidum sur lequel était érigée une chapelle. Attestée dans le cadastre de 1699 (f° 226) comme une « vieille masure où était la chapelle Saint Jaume, patron du lieu », elle est encore dessinée comme chapelle ruinée sur la carte de Cassini à la fin du 18e siècle. Ce découpage pourrait illustrer un phénomène de morcellement d'un vaste territoire dont le point central était le site de Saint-Jaume (Antiquité tardive – premier Moyen Age ?) et être le résultat d'un remodelage territorial qui aboutit à l’émergence, au cours du 13e siècle, de la seigneurie de Verclause à partir notamment du partage d’anciens fiefs : celui de Saint-Jaume, dont on ignore le nom, entre Rosans et Verclause et celui de Miraval, entre Verclause et Lemps. La transformation d'un site perché, ancien pôle local, en borne de limite est un phénomène classiquement associé au morcellement médiéval du territoire, bien attesté dans d'autres communes des Baronnies et de haute Provence en général. En outre, le toponyme « La Gardette » ou « Serre de la Gardette » situé un peu en amont du plateau de Saint-Jaume laisse penser qu’il pouvait y avoir là un axe de circulation nord-sud, défendu et contrôlé par une petite fortification disparue.
Seules trois bornes ont été repérées, les autres, disparues ou non retrouvées, étant indiquées sur les documents cadastraux des années 1830. Outre ces bornes, d'autres éléments complètent ou complétaient cette limite territoriale : « gros rocher », pierriers et cairn, piquets, poteau indicateur récent.
La limite communale, vue prise du sud. Localisation du tracé et des bornes étudiées.
Localisation sur la carte IGN de la limite communale, de ses principaux repères et des bornes étudiées. Echelle d'origine 1/25 000e.
Epoque moderne
L'érection de la borne de Roche Pourrie au 16e siècle semble envisageable.
Elle porte des armoiries identiques à celles de la borne du Serre de la Gardette (voir dossier IA05001630), dirigées vers l'extérieur du territoire rosannais de manière à être vues par ceux qui y arrivent. Le motif, qui peut être interprété comme quatre roses posées deux et deux et séparées verticalement, pourrait correspondre à un dédoublement des armes de la famille d'Alauson, décrites comme « coupé d'argent et de gueule, à deux roses de l'un en l'autre » dans l'Armorial de Dauphiné (G. de Rivoire la Bâtie, 1867 (2006)). La famille d'Alauson était co-seigneur de Rosans entre le début du 15e siècle et les années 1570.
Borne de Roche Pourrie. Face ouest, écusson armorié.
Cadastre de Rosans (1839) et de Verclause (1831)
Les documents cadastraux anciens ne fournissent aucune indication au sujet de cette borne.
Description
Cette borne, située sur la crête de Roche Pourrie à une altitude d'environ 1060 mètres, n'est pas figurée sur la carte IGN au 1/25 000e. Placée à un point de changement d'orientation de la limite communale, elle domine au sud le vallon de Combe Cristol et au nord celui de Raton ; à proximité immédiate se trouve un panneau d'itinéraire de randonnée indiquant le toponyme « la Médecine ».
Il s'agit d'un monolithe de grès, fiché verticalement dans un substrat calcaire. Les faces larges regardent vers l'ouest et l'est, les faces étroites étant orientées au nord et au sud. La face occidental est sculptée en réserve d'un écusson portant quatre roses séparées deux et deux verticalement. Les autres faces restent brutes mais, sur la face orientale, les lettres « H-A » (pour Hautes-Alpes) sont peintes en rouge.
Borne de Roche Pourrie. Vue de situation prise de l'ouest.
Borne de Roche Pourrie. Vue d'ensemble prise de l'ouest.
Borne de Roche Pourrie. Vue d'ensemble prise de l'est.
Borne de Roche Pourrie. Vue d'ensemble prise du dessus.
Borne de Roche Pourrie. Vue d'ensemble prise du sud.
Remontant la ligne de la crête vers l'ouest jusqu'à l'extrémité occidentale de l'échine dominant le Col de Staton, la limite communale oblique ensuite à 90° vers le nord et plonge en direction de vallon de Michelonne (appelé « béal de l'Adrech » sur le plan cadastral de Rosans de 1839). Aujourd'hui, aucun repère n'est visible au niveau de ce changement de direction, mais on observe plusieurs fragments de grès épars en contrebas sur le versant. La présence de ces blocs dans un contexte géologique calcaire laisse supposer qu'une autre borne a pu exister.
Atteignant le fond du vallon, la limite remonte droit dans la pente – bien visible sur le versant, en formant une ligne sans végétation – jusqu'au Pas de Pousterle (appelé « Pas de Poustelle » dans le cadastre de Verclause de 1831) situé sur la crête de la Montagne des Gravières, à une altitude de 1341 m. Là, elle est matérialisée par un piquet en bois.
La limite communale traversant le versant sous le Pas de Pousterle.